Essais sur la Guîtâ

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Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book.

Sri Aurobindo Birth Centenary Library (SABCL) Essays On The Gita Vol. 13 576 pages 1970 Edition
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Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book. A translation, by Pavitra, of the first seven chapters appeared in 1947. The present edition includes this translation and that, carried out by Archaka, of the forty-one other chapters.

French Translations of books by Sri Aurobindo Essais sur la Guîtâ 675 pages 2008 Edition
French Translation
Translators:
  Archaka
  Pavitra
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XXIII

 

LA SIGNIFICATION ESSENTIELLE DE LA GUÎTÂ

 

Quel est alors le message de la Guîtâ et quelle est sa valeur pratique, son utilité spirituelle pour le mental humain d'aujourd'hui après les longues périodes écoulées depuis qu'elle fut écrite et depuis les grandes transformations de la pensée et de l'expérience qui en dérivèrent? Le mental humain va toujours  de l'avant, modifie son point de vue, élargit la substance de sa  pensée, et ces changements ont pour résultat de faire tomber en  désuétude les anciens systèmes de pensée, ou, lorsqu'ils sont épargnés, d'en étendre la valeur, de la modifier et, subtilement  ou visiblement, de la transformer. Une ancienne doctrine a d'autant plus de vitalité qu'elle se prête plus naturellement à un  traitement de ce genre; cela signifie, en effet, que quelles que puissent être les limitations et le caractère périmé que revêt sa  pensée, la vérité de la substance, la vérité de la vision et de l'expérience vivantes sur lesquelles fut bâti son système, sont toujours saines et valables et ont toujours un sens. La Guîtâ est  un livre qui a extraordinairement bien vieilli, et elle est presque  aussi jeune et, dans sa substance réelle, encore aussi nouvelle  car l'expérience peut toujours la renouveler qu'au moment  où elle fut insérée pour la première fois dans le cadre du Mahâbhârata, ou qu'au moment où elle fut écrite dans ce cadres précis. On la reçoit encore en Inde comme l'un des grands  corpus de doctrine qui, en matière de pensée religieuse, font le  plus autorité; et si elles ne l'acceptent pas toujours entièrement, presque toutes les nuances de la foi et de l'opinion religieuses lui  reconnaissent cependant la plus haute valeur. Son influence  n'est pas seulement philosophique ou académique, mais directe et vivante, elle vaut tant pour la pensée que pour l'action, et ses  idées actuellement à l'oeuvre sont un puissant facteur créatif  dans la renaissance et le renouveau d'une nation et d'une culture. Une grande voix a même dit récemment que toute la vérité  spirituelle dont nous avons besoin pour la vie spirituelle se

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trouve a coup sur dans la Guîtâ. Ce serait encourager la superstition du livre que de prendre trop littéralement cette déclaration. La vérité de l'esprit est infinie et ne peut être circonscrite de cette manière. On peut dire, toutefois, que la plupart des grands fils conducteurs se trouvent dans la Guîtâ et qu'après tous les récents développements de l'expérience et de la découverte spirituelles nous y pouvons encore revenir pour en recevoir inspiration et conseils. Hors de l'Inde aussi, on reconnaît partout en elle l'une des grandes Écritures du monde, bien que l'Europe en comprenne mieux la pensée que le secret de pratique spirituelle. Qu'est-ce, alors, qui donne cette vitalité à la pensée et a la vérité de la Guîtâ?

L'intérêt central de la philosophie et du Yoga de la Guîtâ se trouve dans sa tentative, dans l'idée sur laquelle elle s'ouvre, se poursuit et s'achève, pour concilier et même effectuer une sorte d'unité entre la vérité spirituelle intérieure en sa réalisation la plus absolue et la plus intégrale et les réalités extérieures de la vie et de l'action humaines. Un compromis entre les deux est chose assez commune, mais ce ne peut jamais être une solution satisfaisante et définitive. Une adaptation éthique de la spiritualité est également commune et a sa valeur comme loi de conduite; mais c'est la une solution mentale, elle n'a pas le prix d'une complète réconciliation pratique de toute la vérité de l'esprit avec toute la vérité de la vie et soulève autant de problèmes qu'elle en résout. L'un de ces problèmes est en fait le point de départ de la Guîtâ, qui commence avec une question éthique posée par un conflit ou nous avons d'une part le dharma de l'homme d'action, prince, guerrier, chef, protagoniste d'une grande crise, d'un combat sur le plan physique, le plan de la vie réelle, entre les pouvoirs de la justice et du bien et les pouvoirs de l'injustice et du mal, l'exigence que lui impose la destinée de la race de résister, de livrer combat et d'établir, fut-ce au prix d'un terrible combat physique et d'un gigantesque carnage, une nouvelle ère, un nouveau règne de la vérité, du bien et de la justice, et d'autre part nous avons le sens éthique qui condamne le moye et l'action comme péchés, recule devant le prix de la souffrance individuelle et de la lutte sociale, de l'agitation et des troubles

 

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sociaux et considère que la seule attitude morale juste consiste a s'abstenir de la violence et de la bataille, et qu'il n'est pas d'autre chemin. Une éthique spiritualisée insiste sur l'ahinsâ, qui, comme loi la plus haute de conduite spirituelle, veut que l'on ne blesse ni ne tue. S'il faut tant soit peu la livrer, la bataille doit être sur le plan spirituel et en recourant d'une façon ou d'une autre a la non-résistance, ou au refus de participer, ou en recourant seulement a la résistance de l'âme; si cela échoue sur le plan extérieur, si la force de l'injustice l'emporte, l'individu aura néanmoins préserve sa vertu et, par son exemple, été le champion du plus haut idéal. En revanche, une position extrême, et plus insistante, de la direction spirituelle intérieure, dépassent cette lutte entre le devoir social et un idéal éthique absolutiste, a facilement tendance a prendre le chemin de l'ascétisme et, rejetant la vie, ses buts et ses normes d'action, a designer un autre état, céleste ou supracosmique, en lequel seulement par-delà la confuse vanité, la confuse illusion de la naissance, de la vie et de la mort de l'homme il peut y avoir une existence spirituelle pure. La Guîtâ ne rejette aucune de ces choses quand elles se présentent car elle insiste sur l'accomplissement du devoir social, elle veut que l'homme qui doit prendre part a l'action commune suive le Dharma, elle accepte ahinsâ comme partie de idéal éthico-spirituel le plus élevé et reconnaît que le renoncement ascétique est un chemin de salut spirituel. Et pourtant, elle dépasse hardiment toutes ces positions contradictoires; avec beaucoup d'audace, elle justifie pour l'esprit toute la vie comme une manifestation de l'unique Être divin et affirme que sont compatibles une complète action humaine et une vie spirituelle complète vécue en union avec l'Infini, en harmonie avec le Moi suprême, exprimant le Divin parfait.

Tous les problèmes de la vie humaine naissent de la complexité de notre existence, de l'obscurité de son principe essentiel et du cote secret de son pouvoir le plus profond qui marque ses déterminations et gouverne son but et ses méthodes. Si notre existence était d'une seule pièce, seulement matérielle-vitale ou seulement mentale ou seulement spirituelle, ou même si les

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autres étaient entièrement ou principalement involuées dans l'une de ces parties, ou qu'elles fussent tout a fait latentes dans nos parties subconscientes ou supraconscientes, il n'y aurait rien pour nous dérouter; la loi matérielle et vitale serait impérative, ou la loi mentale serait claire pour son propre principe pur et sans obstacle, ou la loi spirituelle existerait en soi et se suffirait à elle-même pour l'esprit. Les animaux n'ont conscience d'aucun problème; un dieu mental dans un monde de pure mentalité n'en admettrait aucun ou les résoudrait tous par la pureté d'une règle mentale ou en satisfaisant une harmonie rationnelle; un pur esprit serait au-dessus et dans l'infini savourerait sa joie d'être. Mais l'existence de l'homme est un triple tissu; c'est un ensemble mystérieusement physique-vital, mental et spirituel, et l'homme ne sait point ce que. sont les vrais rapports de ces choses, quelle est la réelle réalité de sa vie et de sa nature, où l'entraîne sa destinée et ou se trouve la sphère de sa perfection.

La matière et la vie sont sa base réelle, ce dont il part, ce sur quoi il se tient et dont il doit satisfaire les exigences et la loi s'il veut si peu que ce soit exister sur la terre et dans un corps. La loi matérielle et vitale est une règle de survie, de lutte, de désir et de possession, d'affirmation de soi et de satisfaction du corps, de la vie et de l'ego. Tout le raisonnement intellectuel du monde, tout l'idéalisme éthique et tout l'absolutisme spirituel dont sont capables les facultés supérieures de l'homme ne peuvent abolir la réalité et les droits de notre base vitale et matérielle, ni empêcher la race, impérativement contrainte par la Nature, de suivre ses buts et d'assouvir ses nécessités ou de faire de ses problèmes majeurs une grande et légitime part de la destinée humaine et de l'intérêt et de l'effort humains. Et même, ne pouvant trouver aucun aliment dans les solutions spirituelles ou idéales qui résolvent tout sauf les pressants problèmes de notre vie humaine actuelle, l'intelligence de l'homme s'en détourne souvent pour accepter exclusivement l'existence vitale et matérielle et en poursuivre le plus loin possible, de façon raisonnée ou instinctive, l'efficacité, le bien-être et la satisfaction organisée. Un évangile de la volonté de vivre ou de la volonté de puissance d'une perfection vitale et matérielle rationalisée

 

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devient le dharma reconnu de la race humaine, et tout le reste passe pour une prétentieuse fausseté ou pour quelque chose de bien subsidiaire, une question annexe de conséquence mineure et subordonnée.

Toutefois, la matière et la vie, en dépit de leur insistance et de leur grande importance, ne sont pas tout l'homme; et l'homme ne peut entièrement accepter le mental comme simple serviteur de la vie et du corps auquel on concéderait quelques purs plaisirs qui lui soient propres pour le récompenser, en quelque sorte, de ses services; impossible aussi de le considérer tout a fait comme un simple prolongement et une efflorescence de l'élan vital, un luxe idéal dépendant de la satisfaction de la vie matérielle Beaucoup plus intimement que le corps et la vie, le mental est l'homme; et a mesure qu'il se développe, le mental insiste de plus en plus pour faire du corps et de la vie des instruments des instruments indispensables, mais qui dressent un obstacle énorme, autrement il n'y aurait pas de problème pour les plaisirs qui le caractérisent et pour se réaliser. Le mental de l'homme n'est pas seulement une intelligence vitale et physique, mais aussi une intelligence intellectuelle, esthétique, éthique, psychique, émotionnelle et dynamique; et dans la sphère de chacune de ses tendances, sa plus haute et plus forte nature est de s'efforcer vers un certain absolu, que le cadre de la vie ne lui permettra pas de capturer totalement, ni d'incarner et de rendre ici-bas entièrement réel. L'absolu mental de notre aspiration demeure comme un brillant ou un ardent idéal partiellement saisi, que le mental peut intérieurement se rendre très présent, qui peut intérieurement gouverner son effort, qu'il peut même réaliser en partie, mais sans pouvoir forcer tous les faits de la vie a lui ressembler. Il y a ainsi un absolu, un haut impératif de la vérité et de la raison intellectuelles, que recherche notre être intellectuel; il y a un absolu, un impératif du droit et de la conduite, a quoi tend la conscience éthique; il y a un absolu, un impératif d'amour, de sympathie, de compassion, d'unité, après quoi soupire notre nature émotive et psychique; il y a un absolu, un impératif de joie et de beauté qui fait frémir l'âme esthétique; il y a un absolu, un impératif d'intérieure

 

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maîtrise de soi et de contrôle de la vie pour lequel s'escrime la volonté dynamique; tous ces absolus sont présents a la fois et se heurtent a l'absolu, a impératif de possession, de plaisir et d'existence incarnée sans risques que réclament le mental vital et le mental physique. Et incapable de réaliser entièrement une de ces choses, et encore plus de les réaliser toutes en même temps, l'intelligence humaine érige en chaque sphère nombre de normes et de dharmas : de vérité et de raison, de justice et de conduite, de joie et de beauté, d'amour, de sympathie et unité de maîtrise de soi et de contrôle, de préservation de soi et de possession, efficacité vitale et de plaisir, et tente de les imposer a la vie. Les brillants idéaux absolus sont très au-dessus et très au-delà de notre capacité, et les individus sont rares qui s'en approchent du mieux qu'ils peuvent; la masse suit ou prétend suivre quelque règle moins magnifique, quelque norme établie possible et relative. La vie humaine dans son ensemble subit l'attirance, mais rejette idéal La vie résiste de par la force de quelque obscur infini qui lui est propre et use ou brise tout ordre mental et moral établi. Et il ne peut qu'en être ainsi parce que les deux principes différent entièrement et que, tout en se rejoignant et en s'influençant mutuellement, ils sont inégaux, ou bien parce que le mental ne possède pas l'indice qui le mènerait a l'entière réalité de la vie. Il faut chercher cet indice dans quelque chose de plus grand et d'inconnu, au-dessus de la mentalité et de la moralité de la créature humaine.

Le mental lui-même a vaguement le sens d'un certain facteur incomparable de ce genre et, a poursuivre ses absolus, s'y heurte fréquemment. Il perçoit un état, un pouvoir, une présence proches et intérieures et qui lui sont très intimes tout en étant immesurablement plus grands, singulièrement éloignes et au-dessus de lui; il a une vision de quelque chose de plus essentiel, de plus absolu que ses propres absolus, d'intime, d'infini et un, et c'est ce que nous appelons Dieu, Moi, ou Esprit. Cela, le mental essaie alors de le connaître, d'y pénétrer, de le toucher, de le saisir tout entier, de l'approcher ou de le devenir, d'arriver a un certain genre unité ou de se perdre en une complète identité avec ce mystère, âshtcharyam. La difficulté tient à ce

 

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qu'en sa pureté cet esprit semble être quelque chose d'encore plus loin des réalités de la vie que les absolus mentaux, quelque chose que le mental ne peut traduire en ses propres termes, et beaucoup moins dans ceux de la vie et de l'action. Nous avons des lors les absolutistes intransigeants de l'esprit qui rejettent être mental, condamnent être matériel et soupirent après une pure existence spirituelle heureusement acquise au prix de la dissolution de tout ce que nous sommes dans la vie et le mental: un nirvana. Pour ces fanatiques de l'Absolu, le reste de l'effort spirituel est une préparation mentale ou un compromis, une spiritualisation, dans la mesure du possible, de la vie et du mental. Et parce que la difficulté qui pèse le plus régulièrement sur la mentalité de l'homme est, dans la pratique, celle que créent les prétentions de son être vital, la vie, la conduite et l'action, il s'ensuit que cet effort préparatoire tend surtout a spiritualiser le mental éthique a l'aide du mental psychique ou plutôt il introduit le pouvoir spirituel et la pureté spirituelle pour les aider a imposer leur droit absolu et pour donner a idéal éthique de justice et de vérité de la conduite, ou a idéal psychique d'amour, de sympathie et unité une plus grande autorité que ne le fait la vie. Un consentement de la raison et de la volonté a la vérité sous-jacente de unité absolue de l'esprit et, par conséquent, de unité essentielle de toutes les créatures vivantes, aide ces choses a trouver quelque très haute expression, leur donne leur plus large base de lumière. Reliée d'une certaine façon aux exigences du mental de l'homme normal, persuadée d'accepter le devoir social utile et la loi courante du comportement social, popularisée par le culte, la cérémonie et l'image, une spiritualité de ce genre est la substance extérieure des principales religions du monde. Ces religions ont leurs victoires individuelles, recourent a quelque rayon d'une lumière supérieure, imposent l'ombre d'une règle spirituelle ou a demi spirituelle plus grande, mais ne peuvent remporter une victoire complète; elles finissent platement par un compromis et, du fait de ce compromis, sont vaincues par la vie. Les problèmes demeurent et reviennent même sous leurs formes les plus féroces — comme cet inexorable problème du Kourou

 

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kshétra. L'intellect idéalisateur et le mental éthique espèrent toujours les éliminer, découvrir un heureux subterfuge ne d leur aspiration, rendu efficace par leur insistance impérieuse et qui annihilera ce malencontreux aspect inférieur de la vie; mais il dure et ne disparate pas. D'autre part, l'intelligence spiritualisée offre bien, par la voix de la religion, la promesse de quelque millenium victorieux dans l'autre monde; mais en attendant à demi convaincue de l'impuissance terrestre, persuadée que âme est une étrangère et une intruse sur la terre, elle déclare qu'au fond ce n'est pas ici-bas, dans la vie du corps, ni dans la vie collective de l'homme mortel, mais dans quelque immortel Au-delà que se trouve le ciel ou le nirvana, seul lieu ou l'on doive chercher la véritable existence spirituelle.

C'est ici qu'intervient la Guîtâ en réexposant la vérité de l'Esprit, du Moi, de Dieu et du monde et de la Nature. Elle prolonge et refaçonne la vérité développe par une pensée ultérieure a partir des anciennes Oupanishads et se risque avec assurance a en appliquer le pouvoir d'élucidation au problème de la vie et de l'action. La solution proposée par la Guîtâ ne débrouille pas tout le problème tel qu'il se présente a l'humanité moderne; exposée comme ici a une mentalité plus ancienne, elle ne satisfait pas a l'insistance avec laquelle l'esprit humain recherche aujourd'hui un progrès collectif, ni ne répond a sa voix qui réclame une vie collective incarnant enfin un plus grand idéal rationnel et éthique et même, si possible, un idéal spirituel dynamique. Elle s'adresse a l'individu qui est devenu capable d'une existence spirituelle complète; mais pour le reste des hommes, elle ne présent qu'un progrès graduel a effectuer avec sagesse en suivant fidèlement la loi de leur nature avec de plus en plus d'intelligence et des visées de plus en plus morales et finalement en se tournant vers la spiritualité Son message effleure les autres solutions plus limitées -, mais, même quand elle les accepte en partie, c'est pour leur indiquer, au-delà, un secret plus élevé et plus intégral en lequel, jusqu'a présent, seuls quelques 'individus se sont montres capables d'entrer.

Le message de la Guîtâ au mental qui se conforme a la vie matérielle et vitale est que toute vie est au fond une manifestation 

 

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du Pouvoir universel en l'individu, un dérive du Moi, un rayon issu du Divin, mais qu'en fait elle présente le Moi, le Divin sous le voile d'une Mâyâ qui Le déguise, et que poursuivre la vie inférieure pour elle-même c'est persister dans une voie hasardeuse, introniser l'obscure ignorance de notre nature et non point du tout trouver la vraie vérité et la loi complète de l'existence. Un évangile de la volonté de vivre, de la volonté de puissance, de la satisfaction du désir, de la glorification simplement de la puissance et de la force, du culte de l'ego, de sa véhémente opiniâtreté a possède, de son infatigable suffisance intellectuelle, est évangile de l'asoura, et il ne peut conduire qu'a une mine, qu'a une perte gigantesque. L'homme vital et matériel doit accepter que le gouverne un dharma religieux, social et idéal grâce auquel, tout en satisfaisant le désir et intérêt dans de justes limites, il puisse dresser et conquérir sa personnalité inférieure et la mettre scrupuleusement a l'unisson d'une loi supérieure de vie personnelle autant que communale.

Le message de la Guîtâ au mental soucieux de poursuivre ses normes intellectuelles, éthiques et sociales, au mental qui insiste sur le salut par l'observance des dharmas établis, la loi morale, le devoir et la fonction sociale, ou sur les solutions de l'intelligence libérée, est qu'en fait c'est la une étape très nécessaire et qu'il faut certes observer le dharma, que, justement observé, il peut élevé la stature de l'esprit, préparer et servir la vie spirituelle, mais que ce n'est pas encore la vérité complète et ultime de l'existence. âme humaine doit aller au-delà, tendre a un dharma plus absolu de la nature spirituelle et immortelle de l'homme. Et cela ne peut se faire que si nous réprimons les formulations ignorantes des éléments inférieurs du mental et le mensonge de la personnalité égoïste, que si nous nous en débarrassons, si nous dépersonnalisons l'action de l'intelligence et de la volonté, vivons dans identité du moi unique en tous, nous évadons de tous les moules de l'ego et débouchons dans l'esprit impersonnel. Le mental se meut sous la férule limitative de la triple nature inférieure; il érige ses normes en obéissent aux qualités tamasiques et radjasiques ou, au mieux, a la qualité sattwique; mais âme a pour destinée une perfection et une

 

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libération divines; la base ne peut en être que dans la liberté de notre moi suprême; il faut passer, pour y atteindre, par sa vaste impersonnalité, son universalité, aller au-delà du mental dans la lumière intégrale du Divin immesurable, du suprême Infini qui se tient par-delà tous les dharmas.

À ceux-la qui, chercheurs absolutistes de l'Infini, portent impersonnalité a une exclusive extrémité, entretiennent une passion intolérante pour l'extinction de la vie et de l'action et voudraient avoir pour but et idéal uniques et ultimes de s'évertuer a passer de toute existence individuelle dans le pur silence de l'Esprit ineffable, le message de la Guîtâ est que, si cela est bien un sentier ou l'on peut accomplir le voyage et un moyen de pénétrer dans l'Infini, c'est aussi le plus difficile; que idéal de l'inaction est chose dangereuse a soutenir devant le monde par le précepte ou l'exemple, que cette voie, si grande qu'elle soit, n'est cependant pas la meilleure pour l'homme; que cette connaissance, si vraie soit-elle, n'est pas toutefois la connaissance intégrale Le Suprême, le Moi omniconscient, le Divin, l'Infini n'est pas seulement une existence spirituelle éloignée et ineffable, Il est ici dans l'univers a la fois cache et exprime par l'intermédiaire de l'homme et des dieux et par intermédiaire de tous les êtres et en tout ce qui est. Et c'est en Le trouvant non seulement dans quelque silence immuable mais dans le monde et ses êtres, en tout moi et dans toute la Nature, c'est en élevant a une union intégrale autant que suprême avec Lui toutes les activités de l'intelligence, du coeur, de la volonté, de la vie, que l'homme peut résoudre a la fois son énigme intérieure du Moi et de Dieu et le problème extérieur de son existence humaine active. Rendu tel que Dieu, devenant Dieu, il peut jouir de l'infinie vastitude d'une suprême conscience spirituelle qui ne s'atteint pas moins par les oeuvres que par l'amour et la connaissance. Immortel et libre, il peut depuis ce niveau le plus élevé poursuivre son action humaine et la transmuer en une suprême et divine activité qui embrasse tout tel est en fait l'ultime couronnement et le sens ici-bas de toute oeuvre, de toute vie, de tout sacrifice et de tout l'effort du monde.

Ce suprême message s'adresse d'abord a ceux qui ont la

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force de le suivre, les maîtres-hommes, les grands esprits, les connaissants de Dieu, les ouvriers de Dieu, les amants de Dieu qui peuvent vivre en Dieu et pour Dieu et faire joyeusement leur travail pour Lui dans le monde, un travail divin élevé au-dessus de l'obscurité sans repos de l'esprit humain et des limitations mensongères de l'ego. En même temps, et la nous percevons la lueur d'une promesse plus grande que nous pouvons même étendre a l'espoir d'une orientation collective vers la perfection car s'il y a de l'espoir pour un homme, pourquoi n'y en aurait-il pas pour humanité? la Guîtâ déclare que, s'ils le veulent et fussent-ils les plus bas d'entre les hommes et les plus grands pécheurs, tous peuvent prendre le chemin de ce Yoga. S'il y a une vraie soumission de âme et une foi absolue et sans ego en la Divinité immanente, le succès est certain sur ce sentier. Cette orientation décisive est nécessaire; il faut une ferme croyance en l'Esprit, une volonté sincère et résolue de vivre en le Divin, être dans le moi un avec Lui et dans la Nature ou nous sommes aussi une éternelle portion de Son être -, un avec Sa Nature spirituelle plus grande, possèdes de Dieu en tous nos membres et pareils a Lui.

Tout en développant son idée, la Guîtâ soulève maintes questions, comme le déterminisme de la Nature, le sens de la manifestation universelle et état ultime de âme libérée, questions qui ont toutes fourni matière a des débats sans fin ni conclusion. Dans cet essai, dont le propos est d'examiner et d'établir clairement la substance de la Guîtâ, de voir en quoi elle contribue a la durable pensée spirituelle de humanité, et de dégager son noyau de pratique vivante, il n'est pas nécessaire d'entrer trop avant dans ces discussions, ni de considérer ou nous pouvons avoir un point de vue, ou bien des conclusions qui différent, ni d'apporter des réserves a notre adhésion, ni même, forts d'une expérience plus récente, d'aller au-delà de son enseignement métaphysique ou de son Yoga. Il suffira de terminer en formulant le vivant message qu'elle offre encore a l'homme, éternel chercheur et découvreur, pour le guider a travers les circuits actuels et dans la possible ascension plus escarpée de sa vie jusqu'aux lumineuses cimes de son esprit.

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