Essais sur la Guîtâ

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Sri Aurobindo

Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book.

Sri Aurobindo Birth Centenary Library (SABCL) Essays On The Gita Vol. 13 576 pages 1970 Edition
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Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book. A translation, by Pavitra, of the first seven chapters appeared in 1947. The present edition includes this translation and that, carried out by Archaka, of the forty-one other chapters.

French Translations of books by Sri Aurobindo Essais sur la Guîtâ 675 pages 2008 Edition
French Translation
Translators:
  Archaka
  Pavitra
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XXII

 

LE SUPRÊME SECRET*

 

L'essence de l'enseignement et du Yoga a donc été donnée au disciple sur le champ de son travail et de son combat et l'Instructeur divin passe maintenant à sa mise en pratique dans l'action du disciple, mais de telle manière que cela vaille pour toute action. Liés à un exemple décisif, adressés au protagoniste de Kouroukshétra, les mots ont un sens beaucoup plus large et constituent une règle universelle pour tous ceux qui sont prêts à s'élever au-dessus de la mentalité ordinaire, à vivre et à agir dans la conscience spirituelle la plus haute. S'évader de l'ego et du mental personnel et tout voir en la vastitude du moi et de l'esprit, connaître Dieu et L'adorer en sa vérité intégrale, sous tous ses aspects, soumettre tout ce que l'on est à l'Âme transcendante de la nature et de l'existence, posséder la conscience divine et en être possédé, être un avec l'Un dans l'universalité de l'amour et de la joie, de la volonté et de la connaissance, un en lui avec tous les êtres, accomplir les œuvres en un acte d'adoration et en sacrifice sur la divine fondation d'un monde où tout est Dieu et en l'état divin d'un esprit libéré, tel est le sens du Yoga de la Guîtâ. C'est une transition, un passage de la vérité apparente de notre être à Sa suprême vérité spirituelle et réelle, et l'on y pénètre en rejetant les nombreuses limitations de la conscience séparatrice et l'attachement du mental à la passion, à l'agitation et à l'ignorance, à la lumière et à la connaissance inférieures, au péché et à la vertu, à la loi et à la norme duelles de la nature inférieure. Par conséquent, dit l'Instructeur, "Me consacrant tout ton être, Me remettant toutes tes actions en ton esprit conscient, recourant au Yoga de la volonté et de l'intelligence, sois toujours un avec Moi en ton cœur et ta conscience. Si tu es ainsi en toute occasion, alors par Ma grâce, tu traverseras sans risque toutes les passes difficiles et dangereuses. Mais si,

 

*Guîtâ, XVIII. 57-66, 73.

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du fait de l'ego, tu n'entends pas, alors tu iras à ta perte. Vaine est cette tienne résolution où, en ton égoïsme, tu penses : Je ne combattrai point. Ta nature t'assignera cette tâche. Ce que, leurré, tu désires ne point exécuter, cela tu y seras forcé sans remède, de par l'œuvre de ton swabhâva. Le Seigneur réside au cœur de toutes les existences, ô Ardjouna, et par sa Mâyâ les fait tourner encore et encore, montées sur une machine. En lui, prends refuge selon toutes les voies de ton être et, par sa Grâce, tu parviendras à la paix suprême et à l'état éternel."

Ce sont là des lignes qui portent en elles le cœur le plus profond de ce Yoga et qui mènent à son expérience culminante; nous devons les comprendre dans leur esprit le plus profond et dans toute la vastitude de cette haute cime d'expérience. Les mots expriment la relation la plus complète, la plus intime et la plus vivante qui soit entre Dieu et l'homme; ils sont animés de la force concentrée du sentiment religieux qui jaillit de l'adoration absolue de l'être humain, de l'ascendante soumission de toute son existence, de son don de soi sans réserve et parfait à la Divinité transcendante et universelle dont il vient et en laquelle il vit. Cette importance accordée au sentiment est tout à fait en accord avec la haute et durable place que la Guîtâ réserve à la bhakti, à l'amour de Dieu, à l'adoration du Très-Haut comme esprit et motif les plus profonds de l'action suprême, comme couronne et cœur de la suprême connaissance. Les expressions employées et l'émotion spirituelle dont elles vibrent semblent donner la plus intense primauté possible et une extrême importance à la vérité et à la présence personnelles du Divin. Ce n'est pas à l'Absolu abstrait du philosophe, pas à l'indifférente Présence impersonnelle ni à l'ineffable Silence qui ne tolère aucunes relations, que l'on peut faire cette complète soumission de nos œuvres; et l'on ne peut imposer dans toutes les parties de notre existence consciente cette proximité, cette intime unité avec lui comme condition et comme loi de notre perfection, et ce n est pas de lui que cette intervention, cette protection, cette délivrance divines sont la promesse. C'est seulement un Maître de nos œuvres, un Ami et un Amant de notre âme, un intime Esprit de notre vie, un Seigneur de tout notre moi et de toute

 

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notre nature personnels et impersonnels, demeurant au-dedans et au-dessus, qui peut nous faire ce proche, cet émouvant message. Et pourtant, il ne s'agit pas des habituelles relations qu'établissent les religions entre l'homme qui vit dans son mental sattwique, ou dans toute autre mentalité égoïste, et telle forme, tel aspect personnels de la Déité, ishta-déva, que construit ce mental ou qui lui sont offerts pour satisfaire son idéal, son aspiration ou son désir limités. Tel est le sens habituel et le réel caractère de la dévotion religieuse de l'être mental ordinaire; mais il y a ici quelque chose de plus vaste qui dépasse le mental, ses limites et ses dharmas. C'est quelque chose de plus profond que le mental qui offre la soumission et quelque chose de plus grand que l'ishta-déva qui la reçoit.

Ce qui se soumet ici, c'est le djîva, l'âme essentielle, l'être central et spirituel originel de l'homme, le Pourousha individuel. C'est le djîva délivré du sens de l'ego limitatif et ignorant et qui connaît qu'il est non pas une personnalité séparée, mais éternellement une portion, un pouvoir et un devenir spirituel du Divin, ansha sanâtana, c'est le djîva libéré et soulevé par la mort de l'ignorance et établi dans la lumière et la liberté de sa nature véritable et suprême qui est une avec celle de l'Éternel. C'est cet être spirituel central en nous qui accède ainsi à des relations parfaites et intimement réelles de délice et d'union avec l'origine, le réceptacle, le Moi souverain, le Pouvoir de notre existence. Et celui qui reçoit notre soumission n'est pas une déité limitée mais le Pouroushôttama, l'unique Divin éternel, l'Âme suprême unique de tout ce qui est et de toute la Nature, l'Esprit transcendant originel de l'existence. Une existence en soi immuable et impersonnelle est la première évidence spirituelle de lui-même qu'il offre à l'expérience de notre connaissance libérée, le premier signe de sa présence, le premier toucher, la première impression de sa substance. Une Personne, un Pourousha infini universel et transcendant est le mystérieux secret caché de son être même, impensable sous une forme mentale, atchintya-roûpa, mais très proche et présent pour les pouvoirs de notre conscience, l'émotion, la volonté et la connaissance, lorsqu'ils sont exhaussés hors d'eux-mêmes, de leurs maigres formes

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aveugles, jusqu'en un Ânanda, une gnose et un pouvoir lumineux et spirituels, immesurables et supramentaux. C'est Lui, l'ineffable Absolu, mais aussi l'Ami, le Seigneur, l'Illuminateur et l'Amant, qui fait l'objet de cette dévotion et de cette approche très complètes, de ce devenir intérieur et de cette soumission très intimes. Cette union, cette relation est une chose élevée par-delà les formes et les lois du mental limitatif, elle est trop haute pour tous ces dharmas inférieurs; c'est une vérité de notre moi, de notre esprit. Et néanmoins, ou plutôt par conséquent car c'est la vérité de notre moi et esprit, la vérité de son unité avec cet Esprit dont tout vient, et c'est en étant ses dérivés et ses suggestions que par lui tout existe et peine -, ce n'est pas une négation mais un accomplissement de tout ce qu'évoquent le mental et la vie, et qu'ils portent en eux, tel leur sens secret et inaccompli. Ainsi donc, ce n'est pas par un nirvana, par une exclusion et une extinction annihilante de tout ce que nous sommes ici-bas, mais par un nirvana, une exclusion et une extinction annihilante de l'ignorance et de l'ego et par l'ineffable réalisation qui s'ensuit de notre connaissance, de notre volonté et de l'aspiration de notre cœur; c'est en vivant ceux-ci plus haut et sans limite dans le Divin, dans l'Éternel, nivasishyasi mayyéva, en transfigurant toute notre conscience et en la transférant en un état intérieur plus grand que vient cette suprême perfection, cette suprême libération dans l'esprit.

Le point épineux du problème spirituel, le caractère de ce passage qu'il est si difficile au mental humain ordinaire de saisir réellement, tourne tout entier autour de la distinction capitale entre la vie ignorante de l'ego dans la nature inférieure et la vaste et lumineuse existence du djîva libéré dans sa vraie nature spirituelle. Le renoncement à la première doit être complet, et absolu le passage à la seconde. Telle est la distinction sur laquelle la Guîtâ insiste ici avec toute la vigueur possible. D'un côté, cette pauvre, cette trépidante, cette fanfaronne petite condition égoïste de la conscience, ahankrita bhâva, la paralysante étroitesse de cette personnalité impuissante et séparatrice selon les vues de laquelle nous avons coutume de penser et d'agir, d'éprouver les contacts de l'existence et d'y répondre.

 

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De l'autre, les vastes étendues spirituelles de la plénitude de la béatitude et de la connaissance immortelles où nous sommes admis par l'union avec l'Être divin, dont nous sommes alors une manifestation et une expression dans la lumière éternelle et non plus un déguisement dans l'obscurité de la nature égoïste. C'est l'intégralité de cette union qu'indique le satatam mat-tchittah de la Guîtâ. La vie de l'ego est fondée sur une construction de l'apparente vérité mentale, vitale et physique de l'existence sur un réseau de relations pragmatiques entre l'âme individuelle et la Nature, sur une interprétation, par l'intellect, les émotions et les sensations, de choses qu'utilise le petit je limité en nous pour maintenir et satisfaire les idées et les désirs de sa personnalité bornée et séparée au milieu de la vaste action de l'univers. Tous nos dharmas, toutes les normes ordinaires selon lesquelles nous réglons notre vision des choses, notre connaissance et notre action, se fondent sur cette étroite base limitative; les suivre, même dans les plus larges tours qui prennent notre ego pour centre, ne nous fait point sortir de ce cercle mesquin. C'est un cercle où l'âme est une prisonnière satisfaite ou qui se débat, pour toujours assujettie aux ordres mêlés de la Nature.

Car le Pourousha se voile dans cette ronde, voile dans l'ignorance son divin être immortel et est soumis à la loi d'une tenace Prakriti limitative. Cette loi est la règle astreignante des trois gounas. C'est un escalier triple qui monte en trébuchant vers la lumière divine, mais n'y peut parvenir. À la base, la loi, le dharma de l'inertie : l'homme tamasique obéit inertement, dans une action coutumière et mécanique, aux suggestions et aux impulsions, à la ronde de la volonté de sa nature matérielle et de sa nature vitale et sensorielle à demi intellectualisée. Au milieu, intervient la loi, le dharma cinétique : vital, dynamique, actif, l'homme radjasique essaie de s'imposer à son monde et à son milieu, mais ne fait qu'accroître le poids meurtrissant et le joug tyrannique de ses passions, de ses désirs et de ses égoïsmes turbulents, le fardeau de son opiniâtreté sans repos, le joug de sa nature radjasique égoïste. Au sommet, la loi, le dharma régulateur et harmonique presse sur la vie : l'homme sattwique tente d'ériger et de suivre ses normes personnelles limitées de

 

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connaissance raisonnante, d'utilité éclairée ou de vertu mécanisée, ses religions et ses philosophies et ses formules éthiques, les systèmes et les constructions de son mental, ses fixes canaux de l'idée et de la conduite toutes choses qui ne sont pas en accord avec la totalité du sens de la vie et sont sans cesse brisées dans le mouvement d'un dessein plus vaste et universel. Le dharma de l'homme sattwique est le plus haut dans le cercle des gounas; mais c'est encore une vision limitée et une norme de nain. Ses indications imparfaites conduisent à une mince et relative perfection; provisoirement satisfaisant pour l'ego personnel éclairé, il n'est fondé ni sur l'entière vérité du moi, ni sur l'entière vérité de la Nature.

Et en fait, la vie que vit l'homme n'est à aucun moment l'une de ces choses exclusivement : ni une exécution mécanique et routinière de la première et grossière loi de la Nature, ni la lutte d'une âme cinétique d'action, ni une victorieuse émergence de lumière consciente, de raison, de bien et de connaissance. Il y a un mélange de tous ces dharmas à partir duquel notre volonté et notre intelligence font une construction plus ou moins arbitraire, à réaliser aussi bien que possible, mais qui à vrai dire n'est jamais réalisée que par un compromis avec d'autres astreintes de la Prakriti universelle. Les idéaux sattwiques de notre volonté et de notre raison éclairées sont eux-mêmes des compromis, au mieux des compromis progressifs, soumis constamment à l'imperfection et au flux des métamorphoses; ou bien, s'ils sont d'un caractère absolu, on ne peut les suivre que comme des conseils de perfection dont la pratique dédaigne la majeure partie ou qui ne réussissent qu'à titre d'influence partielle. Et si, parfois, nous nous figurons les avoir complètement réalisés, c'est parce que nous refusons de voir le mélange subconscient ou à demi conscient d'autres pouvoirs et d'autres motifs qui d'habitude constituent en nous autant ou davantage que nos idéaux la véritable force de notre action. En cet aveuglement consistent toute la vanité de la raison humaine et toute tartufferie; c'est le sombre secret qui ourle par derrière les blancs dehors immaculés de la sainteté humaine et qui, seul, rend possibles les spécieux égoïsmes de la connaissance et de

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la vertu. La meilleure connaissance humaine est une demi-connaissance, et la plus haute vertu humaine une chose mêlée qui, même lorsqu'elle est le plus sincèrement absolue comme norme, est suffisamment relative en pratique. Comme lois générales de vie, les idéaux sattwiques absolus ne peuvent prévaloir dans la conduite; indispensables comme moyen d'améliorer et d'élever l'aspiration et la conduite personnelles, leur insistance modifie la vie, mais ne peut la changer tout à fait, et leur parfait accomplissement ne se projette que dans un rêve de monde céleste à venir, libre du métissage de notre existence terrestre. Il ne peut en être autrement, car la nature de ce monde, pas plus que la nature de l'homme, n'est ni ne peut être d'une seule pièce faite de la pure substance du sattwa.

La première porte que nous voyons pour nous échapper hors de cette limitation de nos possibilités, hors de ce mélange confus de dharmas est une certaine haute tendance à l'impersonnalité, un mouvement vers le dedans, vers quelque chose de vaste et universel, de calme et libre et droit et pur, que cache maintenant le mental limitatif de l'ego. La difficulté tient à ce que, si nous pouvons sentir une réelle libération en cette impersonnalité dans les moments où notre être est tranquille et silencieux, en revanche une activité impersonnelle n'est en aucun cas si facile à réaliser. La poursuite d'une vérité ou d'une volonté impersonnelles dans notre conduite est corrompue tant que nous vivons, si peu que ce soit, dans notre mental ordinaire d'après ce qui est naturel et inévitable pour ce mental, la loi de notre personnalité, l'élan subtil de notre nature vitale, la couleur de l'ego. Ces influences transforment la poursuite de la vérité impersonnelle en un manteau insoupçonné dont revêtir un système de préférences intellectuelles que soutient notre mental avec une limitante insistance; la poursuite d'une action impersonnelle et désintéressée se trouve changée en une plus grande autorité et en une haute sanction apparente pour ratifier les choix intéressés et les aveugles persistances arbitraires de notre volonté personnelle. D'autre part, une impersonnalité absolue semblerait imposer un quiétisme tout aussi absolu, ce qui voudrait  

 

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dire que toute action relève du mécanisme de l'ego et des trois gounas et que le seul moyen de sortir du cercle est de se retirer de la vie et de ses œuvres. Toutefois, ce silence impersonnel n'est point en l'occurrence le dernier mot de la sagesse, car ce n'est pas la seule voie et le seul couronnement, ni toute la voie et l'ultime couronnement de la réalisation de soi qui s'offrent à nos efforts. Il y a une expérience spirituelle plus puissante, plus pleine et plus positive, où le cercle de notre personnalité égoïste et la ronde des limitations du mental s'évanouissent dans l'infini sans bornes d'un très grand moi et esprit où toutefois la vie et ses œuvres non seulement demeurent acceptables et possibles mais s'élèvent, s'étendent jusqu'à leur plus vaste plénitude spirituelle et revêtent une grandiose signification ascendante.

Il y a eu différentes étapes dans ce mouvement pour combler le gouffre entre une impersonnalité absolue et les possibilités dynamiques de notre nature. La pensée et la pratique du Mahâyâna ont abordé cette difficile réconciliation par l'expérience d'une profonde absence de désir et d'une ample liberté dissolvante vis-à-vis de l'attachement mental et vital et des sanskâras et, sur le plan positif, par un altruisme universel, une insondable compassion pour le monde et ses créatures altruisme et compassion devenus, en quelque sorte, le flot et le torrent du haut état nirvânique déversés sur la vie et l'action. Cette réconciliation a également orienté une autre expérience spirituelle plus consciente d'une signification universelle, plus profonde, plus stimulante, d'une riche intégralité sur le plan de l'action, et qui se rapproche d'un pas encore de la pensée de la mêlée; cette expérience, nous la trouvons ou du moins pouvons la lire entre les lignes chez les penseurs taoïstes. Là, il semble y avoir un Éternel ineffable et impersonnel qui, esprit, est en même temps l'unique vie de l'univers; impartial, il soutient toutes choses et s'y écoule, samam brahma, c'est un Un qui n'est rien, Asat, car il est différent de tout ce que nous percevons et, néanmoins, il est la totalité de toutes ces existences. L'aveugle personnalité qui se forme comme l'écume sur cet Infini, l'ego mobile avec ses attachements et ses répulsions, ses sympathies et ses antipathies,

 

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ses distinctions mentales fixes, est une image effective qui voile et déforme à nos yeux l'unique réalité, Tao, le suprême Tout et Rien. On ne peut toucher cela qu'en perdant la personnalité et ses petites formes structurales dans l'insaisissable Présence universelle et éternelle; après quoi nous vivons en cela une vie réelle et possédons une autre conscience qui, plus grande, nous fait pénétrer en toutes choses et fait que peuvent nous pénétrer toutes les influences éternelles. Ici, comme dans la Guîtâ, la plus haute voie semblerait être une complète ouverture et une complète soumission à l'Éternel. "Ton corps n'est pas à toi, dit le penseur taoïste, il est l'image déléguée de Dieu; ta vie n'est pas à toi, elle est l'harmonie déléguée de Dieu; ton individualité n'est pas à toi, elle est l'adaptabilité déléguée de Dieu." Et ici aussi une vaste perfection et une action libérée sont le résultat dynamique de la soumission de l'âme. Les œuvres de la personnalité égoïste constituent une action séparatrice contraire à la tendance de la nature universelle. Ce mouvement faux doit être remplacé par une sage et tranquille passivité entre les mains du Pouvoir universel et éternel, une passivité qui nous rende forts de nous adapter à l'action infinie, nous mette en harmonie avec sa vérité, fasse que nous nous montrions plastiques au souffle de l'Esprit qui façonne. L'homme qui possède cette harmonie peut être immobile au-dedans et absorbé dans le silence, mais son Moi apparaîtra libre de déguisements, l'Influence divine sera à l'œuvre en lui et, tout en ayant sa demeure en la tranquillité et en une inaction intérieure, naïshkarmya, il agira avec une irrésistible puissance, et des myriades de choses et d'êtres se mouvront et s'assembleront sous son influence. La force impersonnelle du Moi se charge de ses œuvres, de ses mouvements que ne déforme plus l'ego, et agit souverainement par son intermédiaire pour la cohésion et la maîtrise du monde et de ses peuples, lôka-sangrahârthâya.

Il y a peu de différence entre ces expériences et la première activité impersonnelle qu'inculque la Guîtâ. La Guîtâ aussi exige de nous le renoncement au désir, à l'attachement et à l'ego, la transcendance de la nature inférieure et la rupture de notre personnalité et de ses petites formations. La Guîtâ aussi

 

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exige que nous vivions dans le Moi et Esprit, que nous voyions le Moi et Esprit en tout et tout dans le Moi et Esprit, et que nous voyions aussi que tout est le Moi et Esprit. Comme le penseur taoïste, elle exige que, dans le Moi, l'Esprit, l'Éternel, le Brahman, nous renoncions à notre personnalité naturelle et à ses œuvres, âtmani sannyasya, brahmani. Et si cette coïncidence existe, c'est parce que c'est toujours l'expérience la plus haute et la plus libre qu'un homme puisse avoir de la vastitude et du silence quiétistes intérieurs, conciliés avec une vie extérieure active et dynamique, les deux coexistant ou étant fondus dans l'infinie réalité impersonnelle et l'illimitable action du Pouvoir immortel unique et de l'unique et éternelle Existence. Mais la Guîtâ ajoute une expression d'une immense portée, et qui change tout, âtmani atho mayi. Il faut voir toutes choses dans le moi, puis en "Moi", l' Îshwara, renoncer, en le Moi, l'Esprit, le Brahman, à toute action, et dès lors y renoncer en la suprême Personne, ou Pouroushôttama. Il y a ici un complexe encore plus grand et plus profond d'expérience spirituelle, une plus ample transmutation du sens de la vie humaine, un mouvement plus mystique, et que ressent le cœur, du fleuve s'en retournant à l'océan, la restitution des œuvres personnelles et de l'action cosmique à l'Ouvrier éternel. L'accent mis sur l'impersonnalité pure présente à nos yeux une difficulté et manque de caractère intégral : il réduit la personne intérieure, l'individu spirituel, ce persistant miracle de notre être le plus profond, à une formation temporaire, illusoire et mutable dans l'Infini. L'Infini seul existe et, sauf dans un jeu passager, ne s'occupe nullement de l'âme de la créature vivante. Il ne peut y avoir de relations réelles et permanentes entre l'âme qui est dans l'homme et l'Éternel, si cette âme, comme le corps toujours renouvelable, n'est pas plus qu'un phénomène transitoire dans l'Infini.

Il est vrai que l'ego et sa personnalité limitée sont simplement cette formation temporaire et mutable de la Nature, qu'il faut donc les briser et que nous devons nous sentir un avec tout, et infinis. Simplement l'ego n'est pas la personne réelle; une fois qu'il a été dissous, l'individu spirituel demeure, il y a encore le djîva éternel. La limitation de l'ego disparaît, et l'âme vit en une

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profonde unité avec l'Un et sent son unité universelle avec toutes choses. Et pourtant, elle est encore notre âme qui jouit de cette étendue et de cette unité. L'action universelle, même ressentie comme l'action d'une seule et même énergie en tout, même perçue comme la mise en branle et le mouvement de l' Îshwara, prend néanmoins des formes différentes dans les différentes âmes humaines, anshah sanâtanah, et une tournure différente dans leur nature. La lumière de la connaissance spirituelle, la multiple Shakti universelle, l'éternelle joie d'être coulent en nous et autour de nous, se concentrent dans l'âme et sur le monde environnant, s'écoulent de chacun comme d'un centre de vivante conscience spirituelle dont la circonférence se perd dans l'infini. Plus encore, l'individu spirituel demeure en tant que petit univers d'existence divine à la fois indépendant et inséparable de tout l'univers infini de la divine manifestation du Moi dont nous voyons une maigre portion autour de nous. Portion du Transcendant, créateur, il crée son propre monde autour de lui lors même qu'il conserve cette conscience cosmique où sont tous les autres. Si l'on objecte que c'est là une illusion qui doit disparaître lorsqu'il se retire dans l'Absolu transcendant, il n'y a, après tout, aucune certitude certaine en la matière. Car c'est encore l'âme en l'homme qui jouit de cette libération, puisqu'elle était le vivant centre spirituel de l'action et de la manifestation divines; il y a quelque chose de plus que le simple éclatement dans l'Infini d'une illusoire coquille d'individualité. Ce mystère de notre existence signifie que ce que nous sommes n'est pas seulement un nom et une forme temporaires de l'Un, mais, pouvons-nous dire, une âme et un esprit de la divine Unité. Notre individualité spirituelle, dont l'ego n'est qu'une ombre et une projection fourvoyantes dans l'ignorance, a ou est une vérité qui persiste par-delà l'ignorance; il y a quel que chose en nous qui demeure à jamais dans la nature suprême du Pouroushôttama, nivasishyasi mayi. C'est la profonde globalité de l'enseignement de la Guîtâ : tandis qu'elle reconnaît la vérité de l'impersonnalité universalisée en laquelle nous  pénétrons grâce à l'extinction de l'ego, brahma-nirvâna car en réalité il ne peut sans cela y avoir de libération, ou en tout

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cas d'affranchissement absolu -, elle reconnaît aussi la persistante vérité spirituelle de notre personnalité comme facteur de la plus haute expérience. C'est non pas cet être naturel, mais cet être divin et central en nous qui est le djîva éternel. L' Îshwara, Vâsoudéva qui est toutes choses, c'est lui qui revêt notre mental, notre vie et notre corps pour le plaisir qu'il goûte en la Prakriti inférieure; et c'est la suprême Prakriti, la nature spirituelle originelle du suprême Pourousha qui maintient la cohésion de l'univers et y apparaît comme djîva. Ce djîva est donc une portion de l'être spirituel divin originel du Pouroushôttama, un vivant pouvoir de Éternel vivant. Il n'est pas seulement une forme temporaire de la Nature inférieure, mais une portion éternelle du Très-Haut en sa suprême Prakriti, un éternel rayon conscient de la divine existence, et aussi perdurable que cette Prakriti céleste. Un aspect de la perfection et de la condition les plus hautes de notre conscience libérée doit donc être d'assumer la vraie place du djîva en une suprême Nature spirituelle, d'y vivre dans la gloire du suprême Pourousha et d'y avoir la joie de l'éternelle unité spirituelle.

Ce mystère de notre être implique nécessairement un semblable mystère suprême de l'être du Pouroushôttama, rahasyam outtamam. Le suprême secret n'est pas une exclusive impersonnalité de l'Absolu. C'est le miracle d'une suprême Personne et d'un vaste Impersonnel apparent qui sont un, d'un Moi immuable et transcendant de toutes les choses et d'un Esprit qui se manifeste ici-bas, à la racine même du cosmos, comme personnalité infinie et multiple agissant partout un Moi, un Esprit révélé à noire expérience dernière la plus intime et la plus profonde comme Être illimitable qui nous accepte et nous conduit à lui, non en un vide d'existence sans traits, mais tout à fait positivement, profondément, merveilleusement dans tout Lui-même et de toutes les façons propres à Son existence consciente et à la nôtre. Cette suprême expérience, cette très vaste façon de voir offrent un sens profond, émouvant et sans fin à ce qui, en nous, appartient à la nature, à notre connaissance, à notre volonté, à l'amour et à l'adoration de notre cœur, et ce sens se perd ou s'amoindrit si nous insistons de manière exclusive  

 

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sur l'impersonnel, car cette insistance réprime, minimise ou interdit l'accomplissement le plus intense des mouvements et des pouvoirs qui sont une part de notre nature la plus profonde, des intensités et des luminosités qui se rattachent aux fibres essentielles les plus intimes de l'expérience que nous avons de nous-mêmes. Ce n'est pas seulement l'austérité de la connaissance qui peut nous aider; il y a place, et une place infinie, pour l'amour et l'aspiration du cœur, qu'illumine et soulève la connaissance, une connaissance plus mystiquement claire, plus grande et calmement passionnée. C'est par la perpétuelle intimité unifiée de la conscience de notre cœur, de notre mental de tout notre être, satatam mat-tchittah, que nous acquérons l'expérience la plus ample, la plus profonde, la plus intégrale de notre unité avec Éternel Une très proche unité dans tout l'être, profondément individuelle dans une divine passion même au milieu de l'universalité, même au sommet de la transcendance, c'est cela que l'on prescrit ici à l'âme humaine pour atteindre le Très-Haut et pour posséder la perfection et la conscience divine auxquelles sa nature invite l'esprit qu'est l'homme. L'intelligence et la volonté doivent tourner toute l'existence dans toutes ses parties vers l' Îshwara, vers le Moi divin, le divin Maître de toute cette existence, bouddhi-yôgam oupâshritya. Le cœur doit couler toute émotion dans le délice de l'unité avec lui et l'amour de lui en toutes les créatures. Les sens spiritualisés doivent le voir, l'entendre et le sentir partout. La vie doit être complètement sa vie dans le djîva. Toutes les actions doivent découler de son seul pouvoir, de son seul mouvement dans la volonté, la connaissance, les organes de l'action, les sens, les parties vitales, le corps. Cette voie est profondément impersonnelle, le caractère séparé de l'ego se trouvant aboli pour l'Âme universalisée et rendue à la transcendance. Et pourtant, elle est intimement personnelle, car elle s'envole vers une passion et une puissance transcendantes de séjour intérieur et d'unité. Une extinction sans traits peut être la rigoureuse exigence de la logique du mental qui cherche à s'annuler, ce n'est pas le dernier mot du suprême mystère, rahasyam outtamam.  

Le refus que manifestait Ardjouna de persévérer dans l'œuvre

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qui lui avait été confiée par le Divin venait du sens de l'ego en lui, ahankâra. Il y avait derrière un mélange, une confusion, une inextricable erreur d'idées et d'impulsions de l'ego sattwique, radjasique, tamasique, la peur qu'éprouve la nature vitale devant le péché et ses conséquences personnelles, le recul du cœur devant la souffrance et le chagrin individuels, l'obscurcissement de la raison couvrant des impulsions égoïstes sous le prétexte fallacieux, et qui la trompait elle-même, de justice et de vertu, l'ignorante dérobade de notre nature devant les voies de Dieu parce qu'elles semblent autres que les voies de l'homme et Qu'elles imposent des choses terribles et déplaisantes aux parties nerveuses et émotives de son être et à son intelligence. Les conséquences spirituelles seront infiniment pires à présent qu'autrefois à présent qu'une vérité supérieure, qu'une voie plus grande et un plus grand esprit d'action lui ont été révélés -, si s'entêtant encore dans son égoïsme il persévère dans son vain et impossible refus. Car c'est une vaine résolution, c'est un recul inutile, puisqu'ils ne jaillissent que d'un échec provisoire de la force; c'est une puissante mais passagère dérogation au principe de l'énergie de son caractère le plus profond, et ce n'est pas la vraie volonté ni la vraie voie de sa nature. Si maintenant il jette ses armes, il n'en sera pas moins tenu par cette nature de les reprendre lorsqu'il verra la bataille et le carnage se poursuivre sans lui, et que son abstention marque la défaite de tout ce pour quoi il a vécu, que la cause pour le service de laquelle il est né a perdu de sa force, est devenue une chose confuse du fait de l'absence ou de l'inactivité de son protagoniste, qu'elle est vaincue et mise à la peine par la force cynique et sans scrupule des champions de la déloyauté et de l'injustice de l'ego. Et dans ce revirement, il n'y aura point de vertu spirituelle. C'était un désordre des idées et des sentiments du mental égoïste qui lui dictait son refus; ce sera sa nature qui, en réinstituant les idées et les sentiments caractéristiques du mental égoïste, le forcera d'annuler son refus. Mais quelle que soit la direction, cette soumission continue à l'ego signifiera un refus spirituel pire et plus funeste, une perdition, vinashti; car ce sera bel et bien une chute depuis une vérité de son être plus grande que celle qu'il a

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suivie dans l'ignorance de la nature inférieure. Il a été admis à une conscience supérieure, à une nouvelle réalisation de soi, on lui a montré la possibilité d'une action divine au lieu qu'elle soit égoïste; les portes ont été ouvertes devant lui d'une vie divine et spirituelle, à la place d'une vie simplement intellectuelle, émotive, sensuelle et vitale. On fait appel à lui pour qu'il ne soit plus un grand instrument aveugle, mais une âme consciente un pouvoir et un vaisseau éclairés du Divin.

Car il y a cette possibilité en nous : déjà cet accomplissement et cette transcendance sont accessibles à ce que nous avons humainement de plus haut. Ce mental et cette vie ordinaire de l'homme sont un développement à demi éclairé et le plus souvent ignorant et une manifestation partielle et inachevée de quelque chose qui est caché en lui. Il y a là une divinité qui lui est cachée, subliminale pour sa conscience, immobilisée derrière le voile obscur d'un fonctionnement qui n'est pas tout à fait le sien et dont il ne possède pas encore le secret. Il se trouve dans le monde à penser, vouloir, sentir et agir, et il se prend instinctivement pour un être séparé, existant en soi; ou il se conçoit intellectuellement comme tel, ou du moins mène sa vie comme un tel être qui aurait la liberté de sa pensée, de sa volonté, de ses sensations et de ses actions. Il porte le faix de son péché, de son erreur et de sa souffrance et s'attribue la responsabilité et le mérite de son savoir et de sa vertu; il prétend satisfaire son ego sattwique, radjasique ou tamasique et s'arroge le pouvoir de façonner sa destinée et de mettre le monde à son service. C'est par cette idée de lui-même que la Nature œuvre en lui, et si elle le traite selon les conceptions qu'il a, néanmoins elle accompli tout le temps la volonté de l'Esprit plus grand qui est en elle. L'erreur que commet l'homme en ayant cette vision de lui-même est, comme la plupart de ses erreurs, la distorsion d'une vérité, distorsion qui entraîne tout un système de valeurs erronées et pourtant efficaces. Ce qui est vrai et vient de son esprit, il l'attribue à sa personnalité égoïste et y donne une fausse application, une forme fausse et nombre de conséquences ignorantes. L'ignorance réside en cette déficience fondamentale de sa conscience superficielle : il ne s'identifie qu'avec la partie

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mécanique extérieure de lui-même cette partie qui est une commodité de la Nature et avec l'âme que dans la mesure où elle reflète ces opérations et s'y réfléchit. L'esprit intérieur plus grand lui échappe, qui donne à tout son mental, toute sa vie, toute sa création, toute son action une promesse inaccomplie et une signification cachée. Une Nature universelle obéit ici-bas au pouvoir de l'Esprit qui est le maître de l'univers, façonne chaque créature et en détermine l'action suivant la loi de sa nature, swabhâva, façonne l'homme également et détermine son action suivant la loi générale de la nature de son espèce, cette loi d'un être mental ignorant pris aux rets de la vie et du corps, façonne également chaque homme et détermine son action individuelle suivant la loi du type précis auquel il appartient et les variations de son swabhâva originel. C'est cette Nature universelle qui forme et dirige les opérations mécaniques du corps et les opérations instinctives de nos parts vitales et nerveuses; et là, il est très évident que nous sommes ses sujets. Elle a également formé et elle dirige l'action à peine moins mécanique, comme les choses se présentent pour le moment, de notre mental sensoriel, de notre volonté et de notre intelligence. Simplement, alors que chez l'animal les opérations mentales obéissent tout à fait mécaniquement à la Prakriti, l'homme se distingue, qui incarne un développement conscient où l'âme participe de façon plus active; cela donne à sa mentalité extérieure le sens qui lui est utile, indispensable, mais le fourvoie pour une grande part d'une certaine liberté et d'une croissante maîtrise de sa nature instrumentale. Ce sens le fourvoie d'autant plus qu'il le rend aveugle à la dure réalité de son esclavage, et sa fausse idée de liberté l'empêche de trouver une vraie liberté, une vraie souveraineté. Car la liberté et la maîtrise qu'a l'homme vis-à-vis de sa nature ne sont guère réelles et ne peuvent être complètes s'il ne prend conscience de la Divinité en lui et n'entre en possession de son moi réel, de son esprit, qui est autre que l'ego, âtmavân. C'est cela que la Nature œuvre à exprimer dans le mental, la vie et le corps; c'est cela qui lui impose telle ou telle loi d'être et d'action, swabhâva; c'est cela qui façonne la destinée extérieure et l'évolution de l'âme en

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nous. Ce n'est donc que quand l'homme est en possession de son moi réel, de son esprit que sa nature peut devenir un instrument conscient et un pouvoir éclairé du divin.

Lorsque nous pénétrons en ce moi le plus profond de notre existence, alors nous savons en effet qu'en nous et en tout est l'unique Esprit, l'unique Divin que sert et manifeste toute la Nature et que nous-mêmes sommes les âmes de cette Âme les esprits de cet Esprit, que notre corps est Son image déléguée notre vie un mouvement du rythme de Sa vie, notre mental un fourreau de Sa conscience, nos sens Ses instruments, nos émotions et nos sensations les recherches de Sa joie d'être, nos actions un moyen d'accomplir Son dessein, notre liberté seulement une ombre, une suggestion ou un aperçu tant que nous sommes ignorants, mais, lorsque nous Le connaissons et que nous nous connaissons, un prolongement et un chenal effectif de Sa liberté immortelle. Nos maîtrises sont un reflet de Son pouvoir à l'ouvrage, notre connaissance la meilleure une lumière partielle de Sa connaissance, la volonté la plus haute et la plus puissante de notre esprit une projection et une délégation de la volonté de cet Esprit qui est en toutes choses et qui est le Maître et l'Âme de l'univers. C'est le Seigneur installé dans le cœur de chaque créature qui, aussi longtemps qu'a duré l'ignorance, nous a fait tourner dans toute notre action intérieure et extérieure comme juchés sur une machine sur la roue de cette Mâyâ de la Nature inférieure. Et obscurs dans l'ignorance ou lumineux dans la connaissance, c'est pour Lui en nous et pour Lui dans le monde que nous existons. Vivre consciemment et intégralement dans cette connaissance et cette vérité, c'est échapper à l'ego et s'évader de la Mâyâ. Tous les autres dharmas les plus élevés ne font que préparer à celui-ci, et tout Yoga n'est qu'un moyen par lequel nous pouvons parvenir d'abord à une certaine union et finalement, si nous avons la pleine lumière, à une union intégrale avec le Maître et l'Âme suprême, le Moi suprême de notre existence. Le plus grand Yoga consiste à nous séparer de toutes les perplexités et de toutes les difficultés de notre nature et à prendre refuge en ce Seigneur immanent de toute la Nature, à nous tourner vers Lui de tout notre être, avec la vie, le corps,

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les sens, le mental, le cœur et la compréhension, avec toute notre connaissance, notre volonté et notre action consacrées, sarva-bhâvéna, par toutes les façons d'être de notre moi conscient et de notre nature instrumentale. Et lorsque nous pouvons en tout temps et entièrement le faire, alors la Lumière, l'Amour et le Pouvoir divins s'emparent de nous, remplissent à la fois le moi et les instruments et nous mènent en toute sécurité à travers tous les doutes, toutes les difficultés, les perplexités et les périls qui assiègent notre âme et notre vie et ils nous guident jusqu'à une paix suprême et jusqu'à la liberté spirituelle de notre condition immortelle et éternelle, parâm shântim, sthânam shâshwatam.

Car après avoir formulé toutes les lois, les dharmas et l'essence la plus profonde de son Yoga, après avoir dit que, par-delà tous les secrets d'abord révélés au mental de l'homme par la lumière transformatrice de la connaissance spirituelle, gouhyât, il existe une vérité encore plus secrète, gouhya-taram, la Guîtâ déclare tout à coup qu'elle a une parole suprême à énoncer, paramam vatchah, et une vérité qui est la plus secrète de toutes, sarva-gouhya-tamam. Ce secret des secrets, l'Instructeur va le confier à Ardjouna comme son bien suprême, parce qu'il est l'âme élue et bien-aimée, ishta. Ainsi que l'a déjà déclaré l'Oupanishad, en effet, ce n'est évidemment que l'âme rare choisie par l'Esprit pour lui révéler son corps même, tanoum swâm, qui peut avoir accès à ce mystère, car lui seul, en son cœur, son mental et sa vie, est assez proche du Divin pour y répondre vraiment dans tout son être et le vivre durablement. L'ultime parole, suprême et finale de la Guîtâ, celle qui exprime le mystère le plus haut, est formulée en deux brefs shlôkas simples et directs, qui, sans aucun commentaire ni aucun élargissement, doivent d'eux-mêmes pénétrer le mental et révéler leur entière signification dans l'expérience de l'âme. Car seule cette expérience intérieure qui s'étend sans cesse peut rendre évidente l'infinie richesse de sens dont à jamais sont lourdes ces paroles apparemment si légères et simples en soi. Et alors qu'elles sont prononcées, nous sentons que c'était à cela qu'était tout le temps préparée l'âme du disciple, et que le reste n'était

 

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que discipline et doctrine pour éclairer et fortifier. Voici ce secret des secrets, le message le plus direct et le plus élevé de l' Îshwara : "Deviens celui qui pense à Moi, deviens Mon amant et Mon adorateur, Mon sacrificateur, incline-toi devant Moi, tu viendras à Moi, Je m'y engage et te le promets, car tu M'es cher. Abandonne tous les dharmas et prends refuge en Moi seul. Je te délivrerai de tout péché et de tout mal, ne t'afflige point."

La Guîtâ a, tout du long, insisté sur une grande et harmonieuse discipline de Yoga, sur un système philosophique vaste et clairement tracé, sur le swabhâva et le swadharma, sur la loi sattwique de vie qui, se dépassant, conduit par une élévation transcendante à un libre dharma spirituel pour une existence immortelle d'une extrême ampleur en ses espaces et exhaussée par-delà la limitation même de ce gouna le plus haut; la Guîtâ a également insisté sur nombre de règles, de moyens, d'injonctions et de conditions de perfection; et voici que, semblant tout à coup s'échapper de sa propre structure, elle dit à l'âme humaine : "Abandonne tous les dharmas, donne-toi au Divin seul, à la suprême Divinité au-dessus, autour et au-dedans de toi; c'est tout ce dont tu as besoin, c'est la voie la plus vraie et la plus grande, c'est la réelle délivrance." Le Maître des mondes sous la forme du divin Aurige, du divin Instructeur de les perplexités a révélé à l'homme les magnifiques réalités de Dieu, du Moi, de l'Esprit, la nature du monde complexe, la relation qui existe entre l'Esprit et le mental, la vie, le cœur et les sens de l'homme, le moyen victorieux par lequel celui-ci, grâce à sa discipline et à son effort spirituel, peut s'élever hors de l'état mortel jusqu'en l'immortalité et hors de son existence mentale limitée jusqu'en son existence spirituelle infinie. Et maintenant, parlant en qualité d'Esprit et de Divin dans l'homme et en toutes choses, Il lui dit : "Tout cet effort personnel et toute cette discipline personnelle seront finalement sans utilité, toute application, toute limitation d'une règle et d'un dharma peuvent être au bout du compte rejetées comme entraves et fardeaux si tu peux entièrement te soumettre à Moi, ne dépendre que de l'Esprit, du Divin en toi et en toutes choses, ne te fier qu'à sa seule direction. Tourne vers Moi tout ton esprit et emplis-le de

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Ma pensée et de l'Idée de Ma présence. Tourne vers Moi ton cœur, fais de chacune de tes actions, quelle qu'elle soit, un sacrifice qui Me soit offert. Puis, laisse-Moi exécuter Ma volonté avec ta vie, ton âme et ton action; ne sois point affligé ni déconcerté par la façon dont Je traite ton esprit, ton cœur, ta vie et tes œuvres, ni troublé parce que cette façon ne semble point suivre les lois et les dharmas que l'homme s'impose pour guider sa volonté et son intelligence limitées. Mes voies sont les voies d'une parfaite sagesse, d'un pouvoir et d'un amour qui savent toutes choses et combinent tous leurs mouvements en vue d'un résultat final parfait, car elles affinent et tressent les nombreux fils d'une perfection intégrale. Je suis ici avec toi, dans ton char de combat, révélé comme le Maître de l'existence en toi et hors de toi, et Je réitère l'assurance absolue, l'infaillible promesse que Je te conduirai à Moi à travers et par-delà tout chagrin et tout mal. Quelles que soient les difficultés et les perplexités qui se lèvent, sois sûr que Je te conduis à une vie divine complète en l'Esprit universel et à une existence immortelle en l'Esprit transcendant."

La chose secrète, gouhyam, que nous révèle toute profonde connaissance spirituelle, que réfléchissent divers enseignements et qui est justifiée dans l'expérience de l'âme, est pour la Guîtâ le secret du moi spirituel caché en nous et dont le mental et la Nature extérieure ne sont que des manifestations ou des représentations. C'est le secret des constantes relations entre l'âme et la Nature, Pourousha et Prakriti, le secret d'une Divinité immanente qui est le seigneur de toute existence, voilé à nos yeux dans ses formes et ses mouvements. Telles sont les vérités enseignées de maintes façons par le Védânta, le Sânkhya et le Yoga et synthétisées dans les chapitres précédents de la Guîtâ. Et au milieu de toutes leurs distinctions apparentes, elles sont une seule vérité; et toutes les différentes voies yoguiques sont divers moyens de discipline spirituelle de soi par lesquels notre mental agité et notre vie aveuglée sont calmés et tournés vers cet Un aux multiples aspects, tandis que la vérité secrète du moi et de Dieu nous est rendue si réelle et intime que nous pouvons ou bien y vivre et y demeurer consciemment ou bien perdre notre

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moi séparé en Éternel et ne plus être du tout assujettis à l'Ignorance mentale.

La chose plus secrète, gouhya-taram, que développe la Guîtâ est la profonde vérité conciliatrice du divin Pouroushôttama à la fois moi et Pourousha, suprême Brahman et Divin unique intime, mystérieux et ineffable. Ce qui donne à la pensée une base plus vaste et dont la compréhension va plus en profondeur pour une connaissance ultime; ce qui donne aussi à l'expérience spirituelle un Yoga plus grand, qui englobe davantage et dont l'entendement est plus complet. Ce mystère plus profond repose sur le secret de la suprême Prakriti spirituelle et du djîva éternelle portion du Divin là dans la Nature éternelle et ici dans la Nature manifestée, et un en esprit et en essence avec le Divin dans Son immuable existence en soi. Cette connaissance plus profonde échappe à la distinction élémentaire de l'expérience 'spirituelle entre l'Au-delà et ce qui est ici-bas. Car le Transcendant au-delà des mondes est en même temps Vâsoudéva qui est toutes choses en tous les mondes; Il est le Seigneur qui se tient dans le cœur de toutes les créatures, le moi de toutes les existences, l'origine et la signification surnaturelle de tout ce qu'il a émis dans Sa Prakriti. Il est manifesté dans Ses vibhoûtis et Il est l'Esprit du Temps qui impose l'action du monde, le Soleil de toute connaissance, l'Amant et le Bien-Aimé de l'âme et le Maître de toute œuvre et de tout sacrifice. Le résultat d'une ouverture très intérieure à ce mystère plus profond, plus vrai, plus secret est le Yoga de la Guîtâ, Yoga de la connaissance intégrale, des œuvres intégrales et de la bhakti intégrale. C'est l'expérience simultanée de l'universalité spirituelle et d'une individualité spirituelle libre et rendue parfaite, d'une entière union avec Dieu, où l'on demeure entièrement en Lui qui est tout ensemble le cadre de l'immortalité de l'âme, le soutien et le pouvoir de notre action libérée en le inonde et le corps.

Et voici à présent la parole suprême, la chose la plus secrète de toutes, gouhya-tamam : l'Esprit, le Divin est un Infini libre de tout dharma et, bien qu'il régisse le monde selon des lois fixes et qu'il conduise l'homme au moyen de ses dharmas d'ignorance et de connaissance, de péché et de vertu, de justice et d'injustice,

 

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de sympathie, d'antipathie et d'indifférence, de plaisir et de peine, de joie et de chagrin, et du rejet de ces contraires, au moyen, aussi, de ses formes, de ses règles et de ses normes physiques, vitales, intellectuelles, émotives, éthiques et spirituelles, cependant l'Esprit, le Divin transcende toutes ces choses, et si nous aussi pouvons rejeter toute dépendance par rapport aux dharmas, nous soumettre à cet Esprit éternel et libre, si, ne nous souciant que de Lui être absolument ouverts, à Lui et à Lui seul, nous pouvons nous confier à la lumière, au pouvoir et à la joie du Divin en nous et, sans peur ni chagrin, n'accepter que Sa direction, alors c'est la libération la plus véritable et la plus grande, et qui entraîne la perfection absolue et inévitable de notre moi et de notre nature. Telle est la Voie proposée aux élus de l'Esprit à ceux-là seuls en qui il se réjouit le plus, car ils sont les plus proches de lui et les plus capables d'unité et d'identité avec lui, ceux qui consentent librement et sont en accord avec la Nature en son pouvoir et son mouvement les plus élevés, universels en la conscience de l'âme, transcendants en l'esprit.

Car il vient un moment dans le développement spirituel où nous nous rendons compte que tout notre effort et toute notre action ne sont que nos réactions mentales et vitales aux conjurations silencieuses et secrètes d'une plus grande Présence en nous et autour de nous. Nous arrivons à la conviction que tout notre Yoga, notre aspiration et notre effort sont des formes imparfaites ou étroites, étant défigurées ou du moins limitées par les associations, les exigences, les préjugés, les prédilections du mental et par ses mésinterprétations et ses demi-traductions d'une vérité plus vaste. Nos idées, nos expériences, nos efforts ne sont que des images mentales des choses les plus grandes que ce Pouvoir lui-même, qui est en nous, ferait plus parfaitement, plus directement, plus librement, plus largement, plus en harmonie avec la volonté universelle et éternelle, si seulement nous pouvions nous placer passivement comme instruments dans les mains d'une force et d'une sagesse suprêmes et absolues. Ce Pouvoir n'est pas séparé de nous; c'est notre moi qui est un avec le moi de tous les autres et, en même temps, c'est un Être transcendant et une Personne immanente. Assumées dans cette

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Existence suprême, notre existence et notre action ne seraient plus individuellement les nôtres dans une séparation mentale comme elles semblent maintenant l'être à nos yeux. Elles seraient le vaste mouvement d'un Infini et d'une Présence intime et ineffable; elles seraient, en une constante spontanéité, la formation et l'expression en nous de ce profond moi universel et de cet Esprit transcendant. Afin que cela soit tout à fait possible, la soumission doit être inconditionnelle, la Guîtâ l'indique; notre Yoga, notre vie, l'état de notre être intérieur, c'est cet Infini vivant qui doit les déterminer librement, au lieu que les prédétermine la préférence marquée de notre mental pour tel ou tel dharma ou pour un dharma quelconque. Le divin Maître du Yoga, yôgueshwarah krishnah, se chargera lui-même alors de notre Yoga et nous hissera jusqu'à notre plus extrême perfection possible, non point la perfection d'une norme extérieure ou mentale ou d'une règle limitative, mais une perfection vaste et englobante et que ne peut calculer le mental. Ce sera une perfection développée par une Sagesse qui voit tout selon l'entière vérité, tout -d'abord, en fait, de notre swabhâva humain, mais ensuite d'une chose plus grande en laquelle il s'ouvrira, d'un esprit, d'un pouvoir illimitables, immortels, libres et qui transmuent tout : la lumière et la splendeur d'une nature divine et infinie.

Tout doit être donné comme matériau de cette transmutation. Une conscience omnisciente reprendra notre connaissance et notre ignorance, notre vérité et notre erreur, rejettera leurs formes insuffisantes, sarva-dharmân parityadjya, et les transformera toutes en son délice infini. Un Pouvoir tout-puissant reprendra notre vertu et notre péché, notre justice et notre injustice, notre force et notre faiblesse, en rejettera les images embrouillées, sarva-dharmân parityadjya, et les transformera tous en sa pureté transcendante, son bien universel et sa force infaillible. Un Ânanda ineffable reprendra notre petite joie et notre petit chagrin, notre plaisir et notre peine aux prise l'un avec l'autre, rejettera leurs discordances et leurs rythme imparfaits, sarva-dharmân parityadjya, et les transformera tous en son inimaginable délice transcendant et universel. Tout ce

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que les Yogas peuvent faire sera fait, et davantage, mais suivant une plus grande vision, avec une sagesse et selon une vérité plus grandes que celles qu'aucun instructeur, aucun saint, aucun gage humains peuvent nous donner. L'état spirituel intérieur auquel nous conduira ce Yoga suprême, sera au-dessus de tout ce qui est ici-bas et embrassera pourtant tout ce qui est en ce monde et les autres, mais tout y connaîtra une transformation spirituelle, et il n'y aura ni limitation ni esclavage, sarva-dharmân parityadjya. L'existence, la conscience et la joie infinies du Divin en Son calme silence et Sa brillante activité sans bornes seront là, seront la substance, le moule et le caractère essentiels, fondamentaux, universels de cet état. Et dans ce moule d'infinité, le Divin rendu manifeste résidera de façon évidente; Il ne sera plus caché par Sa Yoga-Mâyâ; quand Il le voudra, et à Sa guise, Il construira en nous des images de l'Infini, des formes translucides de connaissance, de pensée, d'amour, de joie spirituelle, de puissance et d'action suivant Sa volonté qui s'accomplit spontanément et Son plaisir immortel. Et il n'y aura rien pour lier l'âme libre et la nature inaffectée, nulle cristallisation inévitable en cette formule inférieure ou cette autre. Car toute l'action sera exécutée par le pouvoir de l'Esprit dans une divine liberté, sarva-dharmân parityadjya. Une stable demeure en l'Esprit transcendant, param dhâma, sera la fondation et l'assurance de cet état spirituel. Libérée du mal et de la souffrance du mental séparateur, mais sagement respectueuse des vraies distinctions, une intime unité pleine de compréhension avec l'être universel et toutes les créatures sera le pouvoir conditionnant. Une joie, une unité, une harmonie constantes de l'individu éternel ici-bas avec le Divin et tout ce qu'il est sera le résultat de cette libération intégrale. Les problèmes déroutants de notre existence humaine, dont la difficulté d'Ardjouna donne un exemple poignant, sont créés par notre personnalité séparatrice dans l'ignorance. Ce Yoga est le moyen de les faire totalement disparaître, parce qu'il établit les justes relations de l'âme humaine avec Dieu et l'existence universelle et qu'il fait de notre action celle de Dieu, de la connaissance et de la volonté qui la façonnent et la meurent la connaissance et la volonté de Dieu, et

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de notre vie l'harmonie d'une divine expression de soi.

Tout le Yoga est révélé, la grande parole de l'enseignement est donnée, et Ardjouna, l'âme humaine choisie, est une fois de plus invité non plus en son mental égoïste, mais en cette suprême connaissance de soi à l'action divine. La vibhoûti est prête pour la vie divine dans la vie humaine, son esprit conscient prêt pour les œuvres de l'âme libérée, mouktasya karma. L'illusion du mental est détruite; la mémoire qu'a l'âme de son moi et de sa vérité si longtemps cachés par les images et les formes trompeuses de notre vie est revenue est devenue sa conscience normale : tous les doutes, toutes les perplexités disparus, l'âme peut passer à l'exécution du commandement et fidèlement exécuter pour Dieu ou pour le monde tous les travaux qui peuvent lui être assignés, donnés en partage par le Maître de notre être, par l'Esprit, par le Divin qui s'accomplit dans le Temps et l'univers.

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