Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita.
Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book.
Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book. A translation, by Pavitra, of the first seven chapters appeared in 1947. The present edition includes this translation and that, carried out by Archaka, of the forty-one other chapters.
La Guîtâ a fait une distinction entre l'action qui suit la licence du désir personnel et celle que l'on accomplit selon le Shâstra. . Par cette dernière, nous devons entendre la science et l'art de vivre que l'on reconnaît et qui sont le résultat de la vie collective de l'humanité, de sa culture, de sa religion, de sa science, de sa découverte progressive de la meilleure règle de vie mais l'humanité avance encore dans l'ignorance, et c'est dans un clair-obscur qu'elle se meut vers la connaissance. L'action du désir personnel appartient à l'état non régénéré de notre nature; elle est dictée par l'ignorance ou la fausse connaissance, ou bien par un égoïsme cinétique ou radjasique déréglé ou mal réglé. L'action gouvernée par le Shâstra est le fruit d'une culture intellectuelle, éthique, esthétique, sociale et religieuse; elle donne corps à une tentative visant une certaine vie de justice, une harmonie et un ordre juste; de toute évidence, elle représente un effort, plus ou moins avancé suivant les circonstances, de l'élément sattwique en l'homme pour dépasser, régler et maîtriser ou guider, là où l'on doit l'admettre, son ego radjasique et tamasique. C'est le moyen d'avancer d'un pas; l'humanité doit donc d'abord s'en servir pour progresser, elle doit faire de ce Shâstra sa loi d'action plutôt que d'obéir à l'impulsion de ses désirs personnels. Loi générale que l'humanité a toujours reconnue partout où elle était arrivée à un type quelconque de société établie et développée; elle possède une idée d'ordre, de loi, de norme pour sa perfection, quelque chose d'autre que le commandement de son désir ou que la grossière tendance de ses impulsions primaires. Cette règle plus grande, l'individu la trouve habituellement hors de lui, dans tel produit plus ou moins fixe de l'expérience et de la sagesse de la race humaine, qu'il accepte, auquel consentent son mental et les parties dominantes
*Guîtâ, XVII.
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de son être, ou bien que ceux-ci sanctionnent et que lui essaie de faire sien en le vivant dans son mental, sa volonté et son action. Et ce consentement de l'être, cette consciente acceptation, cette volonté de croire et de réaliser, cela peut porter le nom donné par la Guîtâ, être sa foi, shraddhâ. La religion, la philosophie, la loi éthique, l'idée sociale, l'idée culturelle en lesquelles je mets ma foi, me donnent une loi pour ma nature et ses œuvres, une idée de droit relatif ou une idée de perfection relative ou absolue, et dans la mesure où ma foi en cette idée est sincère et complète, et intense ma volonté de vivre suivant cette foi, je puis devenir ce qu'elle me propose, je puis me façonner à l'image de ce droit ou faire de moi un exemple de cette perfection.
Mais nous voyons aussi qu'il existe en l'homme une tendance plus libre et autre que le gouvernement de ses désirs, autre, aussi, que sa volonté d'accepter la Loi, l'idée établie, la sûre direction du Shâstra. On voit assez fréquemment l'individu et la communauté à n'importe quel moment de sa vie — se détourner du Shâstra, le prendre en aversion, perdre cette forme de leur volonté ou de leur foi et partir à la recherche d'une autre loi qu'ils sont à présent plus disposés à admettre comme la juste règle de vie et à considérer comme une vérité plus vitale ou plus haute pour l'existence. Cela peut se produire lorsque le Shâstra établi cesse d'être une chose vivante et dégénère ou se sclérose, devenant une masse de coutumes et de conventions. Ou cela peut résulter de ce que l'on trouve le Shâstra imparfait ou désormais inutile au progrès exigé; une nouvelle vérité, une plus parfaite loi de vie sont devenues d'impératives nécessités. Si elles n'existent pas, l'effort de la race humaine doit les découvrir, ou bien un grand esprit individuel illuminé qui personnifie le désir et la quête de la race le fera. La loi védique devient une convention, et paraît le Bouddha avec sa règle nouvelle de l'octuple voie et, pour but, le nirvana; et l'on peut noter que cela il ne le propose pas comme une invention personnelle, mais comme la vraie règle de vie aryenne que redécouvre sans cesse le Bouddha, le mental illuminé, l'esprit éveillé. Mais pratiquement, cela revient à dire qu'il existe un
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idéal, un Dharma éternel que la religion, la philosophie; la morale et tous les autres pouvoirs qui, en l'homme, s'efforcent vers la vérité et la perfection cherchent sans trêve à incarner dans de nouvelles affirmations de la science et de l'art de la vie intérieure et extérieure dans un nouveau Shâstra. Convaincue d'étroitesse et d'imperfection, la loi mosaïque de la rectitude religieuse, morale et sociale est en outre à présent une convention; la loi du Christ vient la remplacer et prétend à la fois abroger et accomplir, abroger la forme imparfaite et accomplir en une lumière et un pouvoir plus profonds et plus vastes l'esprit de la chose visée, la divine règle de vie. Et la quête humaine ne s'arrête pas ici, elle laisse ces formulations aussi, retourne à quelque vérité passée qu'elle a rejetée ou se fraie un chemin en avant vers quelque nouvelle vérité, quelque nouveau pouvoir, mais tend toujours vers la même chose, la loi de sa perfection, sa règle de vie juste, son moi et sa nature complets, suprêmes, essentiels.
Ce mouvement commence avec l'individu, que ne satisfait plus la loi parce qu'il considère qu'elle ne correspond plus à son idée et à son expérience la plus vaste ou la plus intense de lui-même et de l'existence et qu'il ne peut dès lors plus y consacrer la volonté de croire et de pratiquer. Elle ne correspond pas à son mode intérieur d'être; pour lui, elle n'est pas sat, la chose qui est vraiment, celle qui est juste, le bien réel ou le plus haut ou le meilleur; ce n'est pas la vérité et la loi de son être ni de tous les êtres. Le Shâstra est quelque chose d'impersonnel par rapport à l'individu, et cela lui confère son autorité sur l'étroite loi personnelle de ses membres; mais le Shâstra est en même temps personnel par rapport à la collectivité, il est le résultat de son expérience, de sa culture ou de sa nature. Ce n'est pas dans toute sa forme et tout son esprit la règle idéale d'accomplissement du Moi, ni la loi éternelle du Maître de notre nature, bien qu'en soi il puisse contenir, dans une mesure plus ou moins importante, des indices, des avant-goûts, des aperçus illuminateurs de cette chose bien plus grande. Et l'individu peut avoir dépassé la collectivité, et être prêt pour une plus vaste vérité, une plus ample voie, une plus profonde intention de l'Esprit de
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Vie. Le mouvement directeur en lui qui se sépare du Shâstra peut en fait ne pas toujours être un mouvement supérieur; il peut prendre la forme d'une révolte de la nature égoïste ou radjasique cherchant à s'affranchir du joug de quelque chose qu'elle sent restreindre sa liberté de s'accomplir et de se trouver. Mais même alors, il est souvent justifié par quelque étroitesse ou quelque imperfection du Shâstra, ou bien parce que la règle de vie ordinaire se dégrade et devient une convention simplement limitative ou sans vie. Et dans ce sens, il est légitime, il fait appel à une vérité, il a une bonne et juste raison d'exister; quoiqu'elle n'emprunte pas le bon chemin, la libre action de l'ego radjasique, en effet, possédant davantage de liberté et de vie, est néanmoins meilleure que la morne adhésion tamasique et bigote à une convention. La nature radjasique est toujours plus puissante et plus fortement inspirée, elle a en elle plus de possibilités que la nature tamasique. Mais aussi, ce commandement peut être sattwique en son essence; il peut nous tourner vers un idéal plus ample et plus grand, qui nous rapprochera plus que jamais d'une vérité complète et vaste de notre moi et de l'existence universelle, d'une vérité telle que nous ne l'avons encore jamais vue, et nous serons donc plus près de cette loi suprême qui est une avec la liberté divine. Et en effet, ce mouvement est d'habitude une tentative pour saisir quelque vérité oubliée ou pour marcher vers une vérité non encore découverte ni vécue de notre être. Ce n'est pas qu'un mouvement licencieux de la nature anarchique; il a sa justification spirituelle, il est une nécessité de notre progrès spirituel. Et même si le Shâstra est encore chose vivante, même s'il est la meilleure règle pour l'humanité moyenne, l'homme exceptionnel, lui, l'homme spirituel, intérieurement développé, n'est pas lié par cette norme. Il lui est demandé de dépasser la ligne établie du Shâstra. Car c'est une règle pour le gouvernement, la maîtrise, la perfection relative de l'homme normal imparfait, et lui doit poursuivre une perfection plus absolue; c'est un système de dharmas fixes, et lui doit apprendre à vivre en la liberté de l'Esprit.
Mais alors, quelle base solide aura une action qui se sépare et de la tutelle du désir et de la loi normale? Car la règle du désir
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possède une autorité à elle, qui, sans plus être sûre ou satisfaisante pour nous comme elle l'est pour l'animal, ou comme elle a pu l'être pour une humanité primitive, est néanmoins, dans ses limites, fondée sur une très vivante partie de notre naturel et fortifiée par ses puissantes indications; et la loi, le Shâstra, a derrière soi toute l'autorité d'une règle depuis longtemps établie, d'anciennes sanctions qui ont fait leurs preuves et d'une solide expérience passée. Mais ce nouveau mouvement est, de par sa nature, une puissante aventure en l'inconnu ou en le partiellement connu, un audacieux développement et une nouvelle conquête. Qu'est, alors, le fil conducteur qu'il faut suivre, la lumière directrice dont peut dépendre ce développement, cette conquête? Quelle en est en notre être la robuste assise? La réponse est celle-ci : fil conducteur et support se doivent trouver dans la shraddhâ de l'homme, dans sa foi, sa volonté de croire, de vivre ce qu'il voit ou pense être la vérité de son être et de l'existence. En d'autres termes, ce mouvement est l'appel que l'homme se lance à lui-même, ou à quelque chose de puissant et d'irrésistible en lui-même ou dans l'existence universelle, pour découvrir sa vérité, sa loi de vie, le chemin de sa plénitude et de sa perfection. Et tout dépend de la nature de sa foi, de la chose en lui ou dans l'âme universelle dont il est une portion ou une manifestation vers laquelle il tourne sa foi; tout dépend aussi de la distance dont elle le rapproche de son moi réel et du Moi ou être vrai de l'univers. S'il est tamasique, obscur, obnubilé, s'il a une foi ignorante et une volonté incapable, il n'atteindra rien de vrai et retombera dans sa nature inférieure. S'il est séduit par de fausses lumières radjasiques, son entêtement risque de l'entraîner surs des chemins écartés qui peuvent le conduire dans des marécages ou vers un précipice, Dans un cas comme dans l'autre, sa seule chance de salut est que le sattwa lui revienne pour imposer à ses membres un nouvel ordre et une nouvelle règle éclairés qui le délivreront de la violente erreur de son entêtement ou de la morne erreur de son ignorance obscure. En revanche, s'il est d'une nature sattwique, s'il possède une foi sattwique et que le sattwa dirige ses pas, il arrivera en vue d'une règle supérieure idéale encore
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inatteinte qui, en des cas exceptionnels, peut même le mener par-delà la lumière sattwique, du moins le rapprocher un peu d'une suprême illumination divine et d'une divine manière d'être et de vivre. Si, en effet, la lumière sattwique est en lui si forte qu'elle le conduise au point où elle culmine, alors, en partant de ce point, il pourra se frayer une entrée dans un premier rayon de ce qui est divin, transcendant et absolu. Ces possibilités se trouvent dans tout effort tenté afin de se découvrir; elles sont les conditions de cette aventure spirituelle.
Il nous faut maintenant voir comment la Guîtâ traite cette question sur sa ligne d'enseignement spirituel et de discipline de soi. Ardjouna, en effet, pose immédiatement une question suggestive dont naît le problème, ou un aspect du problème. Lorsque les hommes, dit-il, sacrifient à Dieu ou aux dieux avec foi, shraddhâ, mais qu'ils abandonnent la règle du Shâstra, quelle est en eux cette volonté concentrée de dévotion, nishthâ, qui leur donne cette foi et les incite à ce genre d'action? Est-ce le sattwa, le radjas ou le tamas? À quel toron de la corde de notre nature appartient-elle? La réponse de la Guîtâ pose d'abord comme principe que la foi en nous est triple comme toutes choses dans la Nature et qu'elle varie selon la qualité qui domine dans notre nature. La foi de chaque homme prend la forme, la teinte, la qualité que lui donnent la substance de son être, son tempérament constitutif, son pouvoir inné d'existence, sattwânouroûpâ sarvasya shraddhâ. Et alors, vient un vers remarquable où la Guîtâ nous dit que ce Pourousha, cette âme en l'homme est en quelque sorte faite de Shraddhâ foi, volonté d'être, croyance en soi et en l'existence -, et quelles que soient cette foi, cette volonté ou cette croyance constitutive en lui, il est cela et cela est lui, shraddhâ-mayô'yam pourousho yo yatchraddhah sa éva sah. Si nous regardons d'un peu près ce riche apophtegme, nous verrons que, sous-entendue dans ses quelques puissantes paroles, il contient en une ligne presque toute la théorie du moderne évangile du pragmatisme. Car si un homme, ou l'âme en un homme consiste en la foi qui est en lui, prise dans ce sens plus profond, alors il s'ensuit que la vérité qu'il voit et veut vivre est pour lui la vérité de son être, sa vérité à lui qu'il
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a créée, ou qu'il crée, et il ne peut y avoir pour lui d'autre vérité réelle. Cette vérité est chose de son action intérieure et extérieure, chose de son devenir, de la dynamique de l'âme, et non de ce qui ne change jamais en lui. Il est ce qu'il est aujourd'hui du fait de quelque volonté passée de sa nature soutenue et prolongée par une volonté présente de connaître, de croire et d'être en son intelligence et sa force vitale, et quelque nouvelle tournure que prennent cette volonté et cette foi active en sa substance même, c'est cela qu'à l'avenir il tendra à devenir. Nous créons notre propre vérité d'existence dans notre action mentale et vitale, ce qui est une autre façon de dire que nous créons notre être, que nous sommes les créateurs de nous-mêmes.
Mais ce n'est là, de toute évidence, qu'un aspect de la vérité, et tout exposé unilatéral est suspect pour le penseur. La vérité n'est pas simplement tout ce qu'est ou crée notre personnalité et qui n'est que la vérité de notre devenir, un point ou une ligne de force dans un mouvement de très ample volume. Par-delà notre personnalité, il y a d'abord un être universel autant qu'un universel devenir dont les nôtres ne sont qu'un petit mouvement; et au-delà encore, il y a l'Être éternel dont dérivent tous les devenirs et auquel ils doivent toutes leurs potentialités, leurs éléments, leurs motifs originels et finaux. Nous pouvons dire en fait que tout devenir n'est qu'un acte de la conscience universelle, est Mâyâ, est une création de la volonté de devenir, et que la seule autre réalité, s'il y en a une, est une pure existence éternelle au-delà de la conscience, sans traits, inexprimée et inexprimable. C'est pratiquement le point de vue adopté par l'Adwaïta du mâyâvâdi et le sens de la distinction qu'il fait entre la vérité pragmatique que son mental tient pour illusoire ou du moins pour seulement temporaire et partiellement réelle, tandis que, pour le pragmatisme moderne, elle est la vraie vérité, ou du moins la seule réalité reconnaissable, étant la seule réalité que nous puissions incarner et connaître entre cette illusion pragmatique et, de l'autre côté de la Mâyâ créatrice, l'Absolu solitaire, sans traits et inexprimable. Mais pour la Guîtâ, le Brahman absolu est aussi le suprême Pourousha, et le Pourousha
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est toujours l'Âme consciente, bien que sa conscience la plus haute, sa supraconscience, si nous voulons de même, peut-on ajouter, que sa conscience la plus basse, que nous appelons Inconscient -, soit quelque chose de bien différent de notre conscience mentale, la seule à laquelle nous ayons accoutumé de donner ce nom. Il y a en cette suprême supraconscience une vérité et un dharma suprêmes : l'immortalité, une très grande et divine façon d'être, une façon d'être de l'éternel et infini. Cette éternelle façon d'exister, cette divine manière d'être existent déjà dans l'éternité du Pouroushôttama, mais nous essayons maintenant de les créer ici-bas également dans notre devenir au moyen du Yoga : nous nous efforçons de devenir le Divin, d'être comme Lui, mad-bhâva. Cela aussi dépend de la shraddhâ. C'est par un acte de notre substance consciente et en croyant en leur vérité, c'est en voulant intérieurement les vivre ou les être que nous les obtenons; mais cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas déjà au-delà de nous. Bien qu'elles puissent ne pas exister pour notre mental extérieur tant que nous ne nous y voyons pas et ne nous y recréons pas, elles sont néanmoins là, dans l'Éternel, et nous pouvons même dire qu'elles sont déjà là dans notre moi secret; car en nous aussi, dans nos profondeurs, est toujours le Pouroushôttama. Si nous devenons cela, si nous le créons, c'est de Son fait, et c'est Sa manifestation en nous. En réalité, toute création, procédant de la substance consciente de Éternel, est une manifestation de Éternel et découle d'une foi, d'une acceptation, d'une volonté d'être en la conscience originatrice, Tchit-Shakti.
Toutefois, ce qui nous occupe à présent, c'est non pas l'aspect métaphysique de la question, mais la relation entre cette volonté ou cette foi dans notre être et notre possibilité de croître en la perfection de la nature divine. Dans tous les cas, cette puissance, cette foi est notre base. Lorsque nous vivons, que nous sommes et agissons selon nos désirs, c'est un acte persistant de shraddhâ relevant surtout de notre nature vitale et physique, de notre nature tamasique et radjasique. Et lorsque nous essayons d'être, de vivre et d'agir selon le Shâstra, nous le faisons par un acte persistant de shraddhâ qui, à supposer que ce
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ne soit pas une foi routinière, relève d'une tendance sattwique œuvrant sans relâche à s'imposer à nos parties radjasiques et tamasiques. Lorsque nous laissons de côté ces deux choses et que nous essayons d'être, de vivre et d'agir conformément à quelque conception idéale ou nouvelle de la vérité que nous avons trouvée ou individuellement acceptée, c'est aussi un acte persistant de shraddhâ que peut dominer l'une quelconque de ces trois qualités qui, constamment, gouvernent toute notre pensée, toute notre volonté, tous nos sentiments et toute notre action. Et d'autre part, lorsque nous essayons d'être, de vivre et d'agir suivant la nature divine, il nous faut là aussi le faite par un acte persistant de shraddhâ qui, d'après la Guîtâ, doit être la foi de la nature sattwique quand elle culmine et s'apprête à dépasser ses strictes limites. Mais toutes ces choses — et chacune en particulier impliquent un mouvement ou un déplacement de la nature, toutes supposent une action intérieure ou extérieure, ou bien le plus souvent une action à la fois intérieure et extérieure. Quel sera alors le caractère de cette action? La satisfaisante définit trois éléments principaux de l'œuvre que nous devons accomplir, kartavyam karma; ce sont le sacrifice, le don et l'ascèse. Lorsque Guîtâ, XVII, en effet, l'interroge sur la différence qu'il y a entre le renoncement extérieur et le renoncement intérieur, sannyâsa et tyâga, Krishna souligne que l'on ne doit aucunement renoncer à ces trois choses, mais les accomplir jusqu'au bout, car elles sont l'œuvre à nous proposée, kartavyam karma, et elles purifient le sage. En d'autres termes, ces actes constituent le moyen de notre perfection. Mais en même temps, l'insensé peut les accomplir sans sagesse ou avec moins de sagesse. Toute action dynamique peut être réduite, en ses parties essentielles, à ces trois éléments. Car toute action dynamique, toute cinétique de la nature implique une tapasyâ, une ascèse volontaire ou involontaire, un énergisme et une concentration de nos forces ou de nos capacités, ou de quelque capacité qui nous aide à accomplir, à acquérir ou bien à devenir quelque chose : tapas. Toute action implique un don de ce que nous sommes, ou de ce que nous avons, une dépense représentant le prix de cet accomplissement, de cette acquisition, ou de
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ce devenir : dâna. Toute action implique également un sacrifice à des pouvoirs élémentaux ou universels, ou au Maître suprême de nos œuvres. La question est de savoir si nous faisons ces choses inconsciemment, passivement ou au mieux avec une volonté inintelligente, ignorante et à demi consciente, ou avec un énergisme imprudemment ou perversement conscient, ou avec une volonté sage et consciente, enracinée dans la connaissance en d'autres termes, si notre sacrifice, notre don, notre ascèse sont de nature tamasique, radjasique, ou sattwique.
Car ici-bas, tout, y compris les choses physiques, reçoit ce triple caractère en partage. Notre nourriture, par exemple, nous dit la Guîtâ, est sattwique, radjasique, ou tamasique, selon son caractère et son effet sur le corps. Le tempérament sattwique dans le corps mental et physique se tourne tout naturellement vers les choses qui augmentent la vie, augmentent la force intérieure et extérieure, nourrissent à la fois la force mentale, vitale et physique et augmentent le plaisir, la satisfaction et l'heureuse condition du mental, de la vie et du corps vers tout ce qui est succulent, doux et ferme et qui rassasie. Le tempérament radjasique préfère tout naturellement la nourriture violemment aigre, piquante, forte, acre, âpre, corsée, brûlante, les aliments qui augmentent la mauvaise santé et les troubles de l'esprit et du corps. Le tempérament tamasique prend un plaisir pervers à consommer une nourriture froide, impure, rassise, pourrie ou sans goût et, comme les animaux, accepte même les restes de ce que les autres ont mangé à moitié. Le principe des trois gounas est universel. A l'autre bout, les gounas s'appliquent de la même façon aux choses du mental et de l'esprit, au sacrifice, au don et à l'ascèse; et sous chacun de ces trois titres, la Guîtâ distingue entre les trois genres, selon la terminologie courante de ces choses telles que les formulait le symbolisme de l'ancienne culture indienne. Mais en nous rappelant le très large sens que la plus elle-même donne à l'idée de sacrifice, nous pouvons bien élargir la signification superficielle de ces suggestions et les ouvrir à un sens plus libre. Et il sera bon de les prendre dans l'ordre inverse, du tamas au sattwa, puisque nous regardons comment nous nous élevons hors de
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notre nature inférieure grâce à une certaine culmination sattwique et un dépassement de soi pour nous diriger vers une nature et une action divine par-delà les trois gounas.
Le sacrifice tamasique est l'œuvre accomplie sans foi, c'est-à-dire sans aucune idée, aucune acceptation, aucune volonté entières et conscientes tournées dans le sens de ce que, pourtant, la Nature nous impose d'exécuter. Il est accompli mécaniquement, parce que le fait de vivre l'exige, parce qu'il se présente sur notre chemin, parce que les autres l'accomplissent, afin d'éviter une autre difficulté plus grande qui peut venir de ce qu'on ne le fait pas, ou de tout autre motif tamasique. Et si nous avons pleinement ce genre de caractère, il tendra à être accompli sans soin, pour la forme et de la mauvaise façon. Il ne sera pas exécuté selon la vidhi ou juste règle du Shâstra, ne sera pas d'étape en étape mené conformément à la juste méthode établie par l'art et la science de la vie et la vraie science de la chose à faire. On ne donnera point de nourriture au cours de ce sacrifice — et cet acte du rituel indien symbolise l'élément de don secourable inhérent à toute action qui est un sacrifice réel, l'indispensable don aux autres, l'aide féconde aux autres, au monde, sans lesquels notre action devient une chose tout à fait égocentrique et viole la véritable loi universelle de la solidarité et de l'échange. L'œuvre sera faite sans la dakshinâ, sans la très nécessaire offrande ou le don de soi aux guides de l'action sacrificielle : au guide extérieur qui nous aide dans notre travail, ou bien à la déité voilée ou manifestée en nous. L'œuvre sera faite sans le mantra, sans la pensée dédicatoire qui est le corps sacré de notre volonté et de notre connaissance élevées vers les divinités que nous servons par notre sacrifice. L'homme tamasique n'offre pas son sacrifice aux dieux, mais aux pouvoirs élémentaux inférieurs ou à ces esprits plus grossiers qui, de derrière le voile, se nourrissent de ses œuvres et dominent sa vie de leur obscurité.
L'homme radjasique offre son sacrifice aux divinités inférieures ou à des puissances perverses, les yakshas, les gardiens des richesses, ou aux forces asouriques et râkshasiques. Son sacrifice peut s'exécuter extérieurement selon le Shâstra, mais le
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motif en est l'ostentation, l'orgueil ou la convoitise pour le fruit de son action, une véhémente insistance à demander le prix de ses œuvres. Dès lors, toute œuvre qui procède d'un désir personnel violent ou égoïste ou d'une volonté arrogante tendant à s'imposer au monde pour des objets personnels, est de nature radjasique, même si elle se masque derrière les insignes de la lumière, même si elle est extérieurement accomplie comme un sacrifice. Bien qu'elle soit ostensiblement offerte à Dieu ou aux dieux, elle demeure essentiellement une action asourique. C'est l'état intérieur, le mobile et la direction intérieurs qui donnent leur valeur à nos œuvres et non pas seulement l'apparente direction extérieure, les noms divins dont nous pouvons nous servir pour les sanctionner ni même la sincère croyance intellectuelle qui semble nous justifier dans leur exécution. Là où l'égoïsme domine nos actes, là notre œuvre devient un sacrifice radjasique. En revanche, le vrai sacrifice sattwique se distingue à trois signes, qui sont le calme sceau de son caractère. Tout d'abord, il est dicté par la vérité effective, exécuté selon la vidhi, le juste principe, l'exacte méthode et la règle exacte, le rythme et la loi justes de nos œuvres, leur vrai fonctionnement, leur dharma; cela revient à dire que la raison et la volonté éclairées sont les guides et les déterminants de leurs étapes et de leur but. En second lieu, il est exécuté avec un mental concentré et fixé sur l'idée de la chose à faire comme vrai sacrifice que nous impose la loi divine qui gouverne notre vie, et dès lors accompli au nom d'une haute obligation intérieure ou d'une vérité impérative et sans désir pour le fruit personnel — plus le motif de l'action et le caractère de la force qui y est mise sont impersonnels, plus la nature en est sattwique. Et finalement, il est offert aux dieux sans nulle réserve; les puissances divines peuvent l'accepter, par lesquelles le Maître de l'existence gouverne l'univers car elles sont Ses masques et Ses personnalités.
Ce sacrifice sattwique se rapproche donc de l'idéal et conduit directement au genre d'action qu'exige la Guîtâ; mais ce n'est pas le dernier idéal, ni le plus haut; ce n'est pas encore l'action de l'homme devenu parfait qui vit dans la nature divine. Car il est exécuté comme un dharma fixe, et offert comme un
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sacrifice ou un service aux dieux, à un pouvoir ou à un aspect partiel du Divin manifesté en nous-mêmes ou dans l'univers. L'œuvre accomplie avec une foi religieuse désintéressée ou sans égoïsme pour l'humanité ou impersonnellement par consécration à la Justice ou à la Vérité est de cette nature, et ce genre d'action est nécessaire à notre perfection, car elle purifie notre pensée, notre volonté et notre substance naturelle. Le summum de l'action sattwique auquel nous devons parvenir est d'un genre encore plus vaste et libre; c'est le haut sacrifice ultime que nous offrons au Divin suprême en Son être intégral en recherchant le Pouroushôttama ou en voyant Vâsoudéva dans tout ce qui est; c'est l'action accomplie impersonnellement, universellement, pour le bien du monde, pour que se fasse la volonté divine dans l'univers. Cette culmination conduit à sa propre transcendance, à l'immortel Dharma. Car alors, une liberté point où il n'est pas du tout d'action personnelle, pas de règle sattwique de dharma, pas de limitation de Shâstra; la raison et la volonté inférieures sont elles-mêmes dépassées; et c'est non pas elles, mais une sagesse supérieure qui dicte et guide l'œuvre et en commande l'objectif. Il n'est pas question de fruit personnel; car la volonté qui œuvre -n'est point la nôtre, mais une suprême Volonté dont l'âme est l'instrument. Point d'égocentrisme ni de désintéressement; car le djîva, l'éternelle portion du Divin, est uni au Moi suprême de son existence, et lui et tous sont un en ce Moi, en cet Esprit. Point d'action personnelle, car toutes les actions sont abandonnées au Maître de nos œuvres, et c'est lui qui accomplit l'action par l'intermédiaire de la Prakriti divinisée. Point de sacrifice à moins que nous ne puissions dire que le Maître du sacrifice s'offre à lui-même sous sa forme cosmique les œuvres de son énergie dans le djîva. Tel est le suprême état de dépassement de soi auquel on atteint par l'action qui est un sacrifice, et telle la perfection de l'âme parvenue à sa pleine conscience dans la nature divine.
La tapasyâ tamasique est celle que l'on poursuit dans un esprit obscurci qui, jouet d'une illusion, s'enferre obstinément dans son illusion; maintenue par une foi ignorante dans quelque fausseté chérie, cette tapasyâ s'exécute avec un effort et une
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souffrance que l'on s'impose à poursuivre tel objet égoïste étroit et vulgaire, sans lien aucun avec un vrai ou un grand but, ou bien en concentrant l'énergie dans la volonté de blesser autrui. Ce qui rend tamasique un tel énergisme, ce n'est pas un principe quelconque d'inertie car l'inertie est étrangère à la tapasyâ -, mais une étroitesse, une laideur vulgaires dans la façon d'agir, une obscurité dans le mental et la nature, ou bien un instinct ou un désir hébétés dans le but ou dans le sentiment moteur. Les ascèses à l'énergisme radjasique sont celles que l'on entreprend pour obtenir honneurs et adoration des hommes, pour la distinction personnelle, la gloire et la grandeur extérieures, ou pour tout autre des nombreux motifs de la volonté égoïste et de l'orgueil. Ce genre d'ascèse se voue à certains objets évanescents qui n'ajoutent rien à la croissance de l'âme vers le ciel et à sa perfection; c'est une chose qui n'a point de principe fixe et utile, une énergie liée à l'occasion qui change et qui passe et elle est elle-même de cette nature. Ou quand il y aurait manifestement un objet plus intérieur et plus noble, quand la foi et la volonté seraient d'un genre supérieur, s'il entre néanmoins dans l'ascèse un genre ou un autre d'arrogance ou d'orgueil, ou bien qu'avec une grande force s'y manifeste la véhémence d'une volonté égoïste ou du désir, ou si cette ascèse commande une action violente, déréglée ou terrible et contraire au Shâstra, opposée à la juste loi de la vie et des œuvres et qu'elle soit un sujet d'affliction pour soi-même et autrui, ou si elle est du genre où l'on se torture, si elle blesse les éléments du mental, du vital et du physique ou violente le Dieu qui siège en nous, dans le corps subtil intérieur, c'est alors une tapasyâ insensée, asourique, radjasique ou radjaso-tamasique.
La tapasyâ sattwique est celle que l'on fait avec une très haute foi éclairée, comme un devoir profondément accepté ou pour quelque raison éthique ou spirituelle, ou pour toute autre raison supérieure, et sans désir d'aucun fruit extérieur ni étroitement personnel dans l'action. Elle relève de la discipline de soi et exige la maîtrise de soi et l'harmonisation de la nature. La Guîtâ décrit trois sortes d'ascèse sattwique. Vient d'abord l'ascèse physique, l'ascèse de l'acte extérieur; dans cette rubrique,
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il est surtout fait mention du culte et du respect de ceux qui méritent respect, de la propreté de la personne, de l'action et de la vie, des rapports sincères et de la pureté sexuelle; on doit également s'abstenir de tuer ou de blesser autrui. Puis, c'est l'ascèse de la parole, qui consiste en l'étude de l'Écriture, en un parler aimable, véridique et bienfaisant; ici, on doit soigneusement s'abstenir d'employer des mots susceptibles de provoquer la crainte, le chagrin et le trouble chez autrui. Enfin, l'ascèse de la perfection mentale et morale implique la purification de tout le caractère, la douceur et un clair et calme bonheur mental, la maîtrise de soi et le silence. Entre ici tout ce qui apaise ou discipline la nature radjasique et égoïste, tout ce qui la remplace par l'heureux et tranquille principe du bien et de la vertu. C'est l'ascèse du dharma sattwique si hautement prisée dans le système de l'ancienne culture indienne. Elle s'élèvera davantage, atteignant une haute pureté de la raison et de la volonté, une âme égale, une paix et un calme profonds, une vaste sympathie ouvrant sur l'unité, un reflet dans le mental, la vie et le corps du divin bonheur de l'âme intérieure. Là, parvenu à cette éminence, le type, le caractère éthique se fond déjà en le spirituel. Et l'on peut également pousser cette culmination à sa propre transcendance, on peut l'exhausser en une lumière supérieure et plus libre, et elle peut disparaître en la ferme énergie divine de la nature suprême. Ce qui alors demeurera, c'est le tapas immaculé de l'esprit, une très haute volonté et une force lumineuse dans tous les membres, agissant dans un calme solide et vaste, dans un profond et pur délice spirituel, Ânanda. Il n'y aura pas d'autre besoin d'ascèse, alors, pas de tapasyâ, tout étant naturellement, aisément divin, tout étant ce tapas. Il n'y aura pas de labeur séparé de l'énergisme inférieur, car l'énergie de la Prakriti aura trouvé sa source et sa base véritables en la volonté transcendante du Pouroushôttama. Alors, du fait de cette haute origine, les actes de cette énergie sur les plans inférieurs découleront à leur tour, naturellement et spontanément, d'une parfaite volonté innée et seront parfaitement guidés de l'intérieur. Aucun des dharmas actuels n'y mettra de limite; car il y aura une action libre bien au-dessus de la nature radjasique et tamasique,
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mais aussi bien au-delà des trop précautionneuses et trop étroites limites de la règle d'action sattwique.
De même que la tapasyâ, tout don est d'un caractère ignorant et tamasique, ou ostentatoire et radjasique, ou désintéressé, éclairé et sattwique. Le don tamasique est offert dans l'ignorance, sans souci des justes conditions de temps, de lieu ni d'objet; c'est un mouvement déraisonnable, inconsidéré et à vrai dire égocentrique, une générosité non généreuse et ignoble, le don offert sans sympathie ni libéralité réelle, sans respect pour les sentiments de celui qui reçoit et que celui-ci méprise même en l'acceptant. Le genre radjasique de don est celui que l'on fait à regret, de mauvaise grâce ou en se faisant violence, ou bien en ayant en vue un objet personnel et égoïste, ou dans l'espoir de recevoir d'un point ou d'un autre quelque chose en retour, ou un bienfait correspondant ou plus grand de celui qui reçoit. La façon sattwique de faire un don est de l'octroyer à bon escient, avec bonne volonté et sympathie, dans les justes conditions de temps et de lieu, et à la bonne personne, à celle qui en est digne ou que le don peut réellement aider. Le don se fait pour le plaisir de donner, par bienfaisance, sans envisager un profit déjà venu ou qui doive encore venir de celui à qui échoit le bienfait, et sans qu'intervienne aucun objectif personnel. A son paroxysme, le mode sattwique du dâna fera intervenir un croissant élément de ce vaste don de soi aux autres, au monde et à Dieu, âtma-dâna, âtma-samarpana, qui est la haute consécration du sacrifice des œuvres que prescrit la Guîtâ. Et la transcendance dans la nature divine sera une très grande plénitude de l'offrande de soi fondée sur la plus vaste signification de l'existence. Tout ce multiple univers naît et est constamment maintenu du fait que Dieu se donne lui-même, ainsi que ses pouvoirs, et que son moi et son esprit s'écoulent à profusion dans toutes ces existences; l'être universel, dit le Véda, est le sacrifice du Pourousha. Tout ce que fait l'âme parvenue à sa perfection sera de même un constant et divin don de soi et de ses pouvoirs, une coulée de la connaissance, de la lumière, de la force, de l'amour, de la joie, de la Shakti secourable qu'elle possède en le Divin et, par l'influence de celui-ci et Son
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irradiation, se répandra sur toutes choses autour d'elle selon leur capacité de réception, ou sur tout ce monde et ses créatures. Tel sera le résultat complet du complet don de soi de l'âme au Maître de notre existence.
La Guîtâ clôt ce chapitre sur ce qui semble à première vue des propos obscurs. La formule ÔM, Tat, Sat, dit-elle, est la triple définition du Brahman, par qui les Brâhmanas, les Védas et les sacrifices furent jadis créés, et toute leur signification s'y trouve. Tat, Cela, indique l'Absolu. Sat indique l'existence suprême et universelle en son principe. ÔM est le symbole du triple Brahman, le Pourousha tourné vers l'extérieur, celui qui est tourné vers l'intérieur, ou subtil, et le Pourousha causal et supraconscient. Chaque lettre, A, U, M en désigne un dans l'ordre ascendant, et la syllabe entière exprime le quatrième état, tourîya, qui s'élève à l'Absolu. ÔM est la syllabe inaugurale prononcée au commencement, en prélude de bénédiction pour sanctionner tous les actes du sacrifice, tous les actes du don et tous les actes de l'ascèse; ÔM rappelle que de notre œuvre nous devons faire une expression du triple Divin dans notre être intérieur, que nous devons la tourner vers Lui en l'idée et le mobile. Ceux qui poursuivent la libération accomplissent ces actions sans en désirer le fruit, mais seulement avec l'idée, le sentiment, l'Ânanda du Divin absolu derrière leur nature. C'est cela qu'ils recherchent par cette pureté et cette impersonnalité dans leurs œuvres, cette haute absence de désir, cette vaste absence d'ego et cette vaste plénitude de l'Esprit. Sat signifie le bien et signifie l'existence. Ces deux choses, le principe du bien et le principe de la réalité doivent être présents derrière les trois genres d'action. Toutes les bonnes œuvres sont Sat, car elles préparent l'âme à la réalité supérieure de notre être; toute ferme persévérance dans le sacrifice, le don et l'ascèse et toutes les œuvres accomplies avec cette vue centrale, comme sacrifice, comme don, comme ascèse, sont Sat, car elles construisent la base pour la plus haute vérité de notre esprit. Et parce que shraddhâ est le principe central de notre existence, n'importe laquelle de ces choses accomplie sans shraddhâ est une fausseté, elle n'a ni vraie signification ni vraie substance sur la terre ou
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au-delà, est sans réalité, sans pouvoir de durer ou de créer dans la vie ici-bas ou après la vie mortelle dans les régions plus grandes de notre esprit conscient. La foi de l'âme non une simple croyance intellectuelle mais l'harmonieuse volonté de connaître, de voir, de croire, d'agir et d'être selon sa vision et sa connaissance — est ce qui, par son pouvoir, détermine la mesure des possibilités de notre devenir, et c'est cette foi et cette volonté tournées dans tout notre moi, toute notre nature et notre action intérieurs et extérieurs, vers ce qui est le plus haut, le plus divin, le plus réel et éternel, qui nous permettront d'atteindre à la suprême perfection.
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