Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita.
Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book.
Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book. A translation, by Pavitra, of the first seven chapters appeared in 1947. The present edition includes this translation and that, carried out by Archaka, of the forty-one other chapters.
II
Ce qui distingue la Guîtâ des autres grands livres religieux du monde, c'est qu'elle n'est pas une œuvre isolée qui se suffit à elle-même, fruit de la vie spirituelle d'une personnalité créatrice telle que le Christ, Mahomet ou le Bouddha, ou d une époque de pure recherche spirituelle, comme le sont les Védas et les Oupanishads. Elle est donnée comme un épisode de l'histoire épique des nations et des hommes, de leurs guerres et de leurs exploits, et elle naît d'une crise momentanée de l'âme d'un de ses principaux personnages en lace de l'action suprême de sa vie, action terrible, violente et sanguinaire, au moment où il doit, soit reculer définitivement devant e!le. soit la perpétrer jusqu'à son inexorable accomplissement. Il importe peu de savoir si oui ou non, comme la critique moderne le suppose, la Guîtâ est un ouvrage postérieur inséré par son auteur dans le corps du Mahâbhàrata, dans le but de revêtir son enseignement de l'autorité et de la popularité de cette grande épopée nationale. Il me semble qu'il y a de fortes raisons contre cette hypothèse, en faveur de laquelle les preuves, tant intrinsèques qu'extrinsèques, sont d'ailleurs pauvres et insuffisantes au dernier point. Mais, même si elles étaient valables, le fait n'en resterait pas moins que l'auteur a non seulement pris la peine d'entrelacer inextricablement son ouvrage dans le tissu du grand poème, mais qu'il prend encore soin à plusieurs reprises de nous rappeler la situation de fait d'où son enseignement est né: il y revient d'une façon marquée, non seulement a la fin, mais encore au milieu de ses plus profonds exposés philosophiques. Il faut nous rendre à l'insistance de l'auteur et reconnaître l'importance de cette préoccupation répétée du Maître et du disciple. C'est pourquoi l'enseignement de la Guîtâ doit être regardé, non simplement sous le jour d'une philosophie spiritualiste ou une doctrine éthique générales, mais comme ayant rapport à une crise réelle dans l'application à la vie humaine de
Page 11
l'éthique et de la spiritualité. Ce que représente cette crise, la signification de la bataille de Kouroukshétra et son effet sur l'être intérieur d'Ardjouna, voilà ce qu'il nous faut d'abord déterminer, si nous voulons saisir l'intention centrale des idées de la Guîtâ.
Il est bien évident que le corps du plus profond enseignement ne peut être construit autour d'un événement ordinaire qui, derrière son aspect extérieur et superficiel, ne recèlerait pas un abîme de profondes suggestions et de périlleuses difficultés, et pour lequel suffirait aisément l'application des règles ordinaires et courantes de la pensée et de l'action. Il y a en fait trois points de la Guîtâ qui ont une signification spirituelle, presque symbolique et typique des rapports et des problèmes les plus profonds de la vie spirituelle et de l'existence humaine en sa racine; ce sont la divine personnalité de l'Instructeur, ses relations caractéristiques avec son disciple et l'occasion de son enseignement. L'Instructeur est Dieu Lui-même fait homme; le disciple est, pour user du langage moderne, l'homme le plus représentatif de son temps, ami très cher de l'Avatâr et son instrument choisi, son protagoniste dans une œuvre et un combat immenses, dont le secret dessein, ignoré des acteurs, est connu seulement du Dieu incarne qui dirige toute chose de derrière le voile de son insondable esprit de sagesse; l'occasion est la crise violent de cette œuvre et de cette lutte, au moment où l'angoisse, la difficulté morale et l'aveugle violence de leurs mouvements apparents, s'imposent, avec le choc d'une visible révélation, à l'esprit de leur homme représentatif, et soulèvent la question entière de la signification de Dieu dans le monde et celle du but, de l'objet et du sens de la vie et de la conduite de l'homme.
Depuis les temps anciens, l'Inde a conservé avec force la foi dans la réalité de l'Avatâr, descente dans la forme, révélation de la Divinité dans l'homme. En Occident cette foi n'a jamais marqué vraiment l'esprit de son sceau, parce qu'elle lui a été présentée par le christianisme exotérique comme un dogme théologique sans fondement dans la raison, dans la conscience générale et dans l'attitude adoptée à l'égard de la vie. Aux
Page 12
Indes, en revanche, elle a grandi, s'est maintenue comme un résultat logique des vues védântiques sur la vie et a pris définitivement racine dans la conscience de la race. Toute existence est une manifestation de Dieu parce qu'Il est la seule existence et que rien n'existe qui ne soit ou une figure réelle ou une image de cette unique réalité. C'est pourquoi tout être conscient est, en partie ou d'une certaine manière, une descente de l'Infini dans le fini apparent du nom et de la forme. Mais c'est là une manifestation voilée et il y a bien des degrés entre l'être suprême¹ du Divin et, dans le fini, la conscience obscurcie partiellement ou totalement par l'ignorance du moi. L'âme consciente incarnée² est une étincelle du feu divin et cette âme dans l'homme s'ouvre à la connaissance d'elle-même, à mesure que, sortant de l'ignorance de soi, elle se développe en un être conscient. De même le Divin, qui se répand dans les formes de l'existence cosmique, se révèle ordinairement par la floraison de Ses puissances, par les énergies et les grandeurs de Sa connaissance, de Son amour, de Sa joie, de Sa force d'être développée³, par les degrés et les aspects de Sa divinité. Mais lorsque le Divin, dans Sa conscience et Son pouvoir, assume la forme humaine avec le mode d'action humain, et ne possède pas seulement cette forme par Ses puissances et Ses grandeurs, par certains degrés et par certains aspects de Lui-même mais par Son éternelle connaissance de soi, quand "Ce qui ne naît point" se connaît et agit selon la structure de l'être mental et sous les apparences de la naissance, alors est atteint le summum de la manifestation conditionnée; et c'est la pleine et consciente descente de la Divinité, c'est l'Avatâr.
La forme énergies du védântisme, celle qui a mis le plus fort accent sur cette notion, exprime cette relation du Dieu dans l'homme à l'homme en Dieu par la double image de Nara-Nârâyana qui est associée historiquement à l'origine d'une école religieuse très semblable en ses doctrines à l'enseignement de la
¹para bhâva
²déhî.
³vibhoûti.
Page 13
Guîtâ. Nara est l'âme humaine qui, éternelle compagne du Divin, ne se trouve elle-même que lorsqu'elle s'éveille à cette relation et lorsqu'elle commence, comme dirait la Guîtâ, à vivre en Dieu. Nârâyana est l'Âme divine toujours présente dans notre humanité, le guide, l'ami et le soutien secrets de l'être humain, le "Seigneur qui habite le cœur des créatures" de la Guîtâ. Quand en nous le rideau de ce sanctuaire intime est ouvert et que l'homme parle à Dieu face à face, qu'il entend la voix divine, qu'il reçoit la divine lumière, qu'il agit par la puissance divine, alors devient possible la montée suprême, hors de la naissance, dans l'Éternel, de l'être conscient humain incarné. Il devient capable de demeurer en Dieu et d'abandonner en Lui sa conscience propre totale, ce que la Guîtâ proclame être le meilleur et le plus profond secret des choses, uuttamam rahasyam. Lorsque cette éternelle Conscience divine, toujours présente dans tout être humain, ce Dieu dans l'homme, prend, partiellement¹ ou totalement, possession de la conscience humaine et devient, sous une forme humaine visible, le guide, l'instructeur et Se conducteur du monde, non comme dans le cas de ceux qui, vivant très humainement, perçoivent pourtant quelque chose du pouvoir, de la lumière ou de l'amour de la divine Gnose qui les anime et les conduit, mais agissant du sein même de cette divine Gnose, directement de sa force et de sa plénitude centrales, alors nous sommes évidemment en présence de l'Avatâr. La Divinité intérieure est l'éternel Avatâr dans l'homme; la manifestation humaine en est le signe et le développement dans le monde extérieur.
Quand nous comprenons de cette manière la notion d'Avatâr, nous nous rendons compte de l'importance secondaire qu'a l'apparence des choses en ce qui concerne tant l'enseignement de la Guîtâ, noire présent objet, que la vie spirituelle en général. Une controverse comme celle qui a passionné les esprits en Europe sur l'historicité du Christ paraîtrait tout à fait oiseuse à un Hindou à tendance spirituelle; il accorderait à cette question
¹Tchaïtanya, l'Avatâr de Nadîyâ est dit avoir de ainsi, partiellement et de temps à autre, habité par la Conscience et la Puissance divines.
Page 14
une importance historique considérable, mais à peine la moindre importance religieuse, car somme toute, qu'importe qu'un certain Jésus, fils du charpentier Joseph, soit réellement né à Nazareth ou Bethléem, qu'il ait vécu, enseigné et ait été mis à mon sous une accusation, fondée ou inventée, de sédition, du moment que nous pouvons connaître par l'expérience spirituelle le Christ intérieur, vivre éclairé par la lumière de son enseignement et échapper au joug de la Loi naturelle par cette réconciliation de l'homme avec Dieu que symbolise la crucifixion! Si le Christ, Dieu fait homme, vit dans notre cire spirituel, il semble de peu d'importance qu'un fils de Marie ait vécu physiquement, ait souffert et soit mort en Judée. Ainsi de même le Krishna qui importe pour nous, est l'incarnation éternelle du Divin et non l'homme historique qui enseigna et conduisit les hommes.
Puisque c'est le noyau de la pensée de la Guîtâ que nous cherchons, nous n'avons donc qu'à nous occuper de la signification spirituelle de l'homme-dieu Krishna du Mahâbhârata, qui nous est présenté comme l'instructeur d'Ardjouna sur le champ de bataille de Kouroukshétra Le Krishna historique, sans aucun doute, a existé. Nous rencontrons son nom pour la première fois dans la Tchândôgya Oupanishad, Tout ce que nous en pouvons conclure à son sujet est qu'il était très connu dans la tradition spirituelle comme un de ceux qui connaissaient le Brahman; il était même si célèbre dans sa personnalité et dans les cicconstances de sa vie, qu'il suffisait de mentionner Krishna, fils de Dévakî, sa mère, pour que chacun sût de qui l'on parlait. Dans la même Kouroukshétra Le il est fait mention du roi Dhritarâshtra, fils de Vitchitravîrya, et puisque la tradition associait ces deux noms de si près qu'ils sont ceux de deux des personnages principaux du Mahâbhârata, nous pouvons en conclure avec juste raison qu'ils furent réellement contemporains et que l'épopée traite, dans une grande mesure, de personnages historiques et aussi d'un événement historique, la guerre de Kouroukshétra, fortement imprimé dans la mémoire de la race. Nous savons aussi que Krishna et Ardjouna furent l'objet d'un culte religieux dans les siècles pré-chrétiens, et il y a quelques
Page 15
raisons de supposer qu'ils furent ainsi en rapport avec une tradition religieuse et philosophique, dont la Guîtâ pourrait avoir pris nombre de ses éléments et où elle pourrait même avoir trouvé le principe de sa synthèse de la connaissance, de la dévotion et de l'action; et peut-être le Krishna humain fut-il le fondateur, le restaurateur, ou au moins l'un des premiers maîtres de cette école. La Guîtâ peut bien représenter, malgré sa rédaction plus tardive, le prolongement de l'enseignement de Krishna dans la pensée hindoue, et il est très possible que le lien de cet enseignement avec le Krishna historique, avec Ardjouna et avec la guerre de Kouroukshétra soit quelque chose de plus qu'une fiction littéraire. Dans le Mahâbhârata, Krishna est représenté à la fois comme personnage historique et comme Avatâr; le culte qu'on lui rendait et sa nature d'Avatâr devaient pour cette raison être solidement établis dès l'époque, apparemment entre le Ve et le 1er siècles avant J.-C.. où l'antique histoire et poème, la tradition épique des Bhâratas prit sa forme actuelle. Nous trouvons aussi dans ce poème une allusion à l'histoire ou la légende de la jeunesse de l'Avatâr à Vrindâvan, histoire ou légende qui fut développée par les Pourânas en un intense et puissant symbole spirituel, et qui sous cette forme exerça une si profonde influence sur la pensée religieuse de l'Inde. Nous possédons aussi dans le Harivansha un récit de la vie de Krishna, évidemment très légendaire, qui a peut-être été à l'origine des récits des Pourânas.
Mais tout cela, quoique d'une grande importance historique, n'en a aucune pour notre but actuel. Nous ne nous occupons que de la figure de l'Instructeur divin telle que nous la propose la Guîtâ, et du Pouvoir qu'il y représente dans l'illumination spirituelle de l'être humain. La Guîtâ accepte la notion de l'Avatâr humain, car le Seigneur affirme la manifestation répétée, voire même constante¹ du Divin dans l'humanité, chaque fois que Lui, l'Éternel sans naissance, par les voies de Sa Maya, par le pouvoir de Son infinie Conscience de revêtir en apparence des formes finies, assume les conditions du devenir,
¹bahoûni mé vyatîtâni janmâni (...) sambhavâmi yougué yougué.
Page 16
que nous appelons naissance. Toutefois ce n'est pas sur cette incarnation que la Guîtâ insiste, mais sur le Divin transcendant, cosmique et intérieur, sur le Principe de toutes choses, le Maître de l'univers, et sur la Divinité secrète dans l'homme. C'est de cette Divinité intime qu'entend parler la Guîtâ, quand elle dit de ceux qui, au cours de leur ascèse, se livrent à d'excessives austérités asouriques, qu'ils offensent le Dieu intérieur, ou quand elle mentionne le péché de ceux qui méprisent le Divin logé dans le corps humain, ou encore quand elle dit que cette Divinité détruit notre ignorance par la lampe flamboyante de la connaissance. C'est donc l'éternel Avatâr, le Dieu dans l'homme, la divine Conscience toujours présente dans l'être humain, qui, manifesté sous une forme visible, parle dans la Guîtâ à l'âme humaine, illumine la signification de la vie et le secret de l'action divine, et donne à l'âme, à l'heure où elle est mise face à face avec le douloureux mystère du monde, la lumière de la connaissance et de la direction divines, en même temps que le mot rassurant et fortifiant du Maître de l'existence. C'est cela que la conscience religieuse indienne cherche à rendre intime, sous une forme quelconque, que ce soit par une image humaine symbolique, élevée sur les autels de ses temples, ou par le culte de ses Avatârs, ou encore par la dévotion à l'égard du gourou humain, par qui se fait entendre la voix de l'unique Instructeur universel. Par toutes ces formes, elle s'efforce d'éveiller à cette voix intérieure, de dévoiler cette forme du Sans-Forme, et de mettre face à face avec le Divin manifeste en Sa puissance, Son amour et Sa connaissance.
En second lieu, nous trouvons dans la Guîtâ la signification typique, presque symbolique du Krishna humain qui commande la grande action du Mahabhârata, non comme son héros, mais comme son centre secret et son guide caché. L'action de ce drame est l'action de tout un monde d'hommes et de nations; certains sont venus pour se joindre à un effort dont le succès ne leur sera personnellement d'aucun profit, et pour ceux-là il est un chef; d'autres sont venus pour s'y opposer, et pour ceux-ci il est un adversaire, celui qui déjoue leurs desseins, et qui les met à mort, et a quelques-uns d'entre eux il semble même être l'instigateur
Page 17
de tout mal. le destructeur de l'ordre ancien, de leur monde familial, des valeurs admises et sûres de vertu et de bien moral; certains sont représentatifs de ce qui doit être accompli et pour eux il est le conseiller, l'aide, l'ami. Lorsque l'action poursuit son cours naturel ou lorsque les ouvriers de l'œuvre ont à souffrir des mains de ses ennemis ou à endurer les épreuves qui les préparent à !a maîtrise. l'Avatâr est invisible ou n'apparaît qu'occasionnellement pour porter aide et réconfort; mais à chaque moment critique sa main se fait sentir, de telle manière cependant que chacun s'imagine être le protagoniste et que même Ardjouna, son meilleur ami, son principal instrument, ne se rend pas compte qu'il n'est qu'un instrument, et qu'il confesse enfin que jusqu'alors il ne connaissait pas réellement, son divin Ami. Il a reçu le conseil de sa sagesse et l'aide de sa puissance, il l'a aimé, il l'a même adoré, sans comprendre sa divine nature; mais il a été dirigé comme tous les autres par l'intermédiaire de son propre égoïsme; et conseil, aide et direction lui furent donnés dans le langage de l'Ignorance et furent reçus par lui avec les pensées de l'Ignorance. Jusqu'au moment où toutes choses ont été poussées jusqu'à cette terrible issue qu'est le combat sur le champ de Kouroukshétra, où enfin l'Avatâr se tient, non encore comme un combattant mais comme le conducteur du char de guerre qui porte le destin de la lune jusqu'à ce moment-là il ne s'est pas encore révèle même à ceux qu'il a choisis.
Ainsi la figure de Krishna devient, pour ainsi dire, le symbole de la manière dont le Divin agit avec l'humanité. Par notre égoïsme et notre ignorance nous sommes mus, tout en gardant l'illusion que nous sommes, nous-mêmes, les auteurs de notre œuvre et en nous vantant d'être la vraie cause du résultat obtenu. Ce qui nous meut, nous ne faisons que l'entrevoir accidentellement comme une source vague et parfois humaine et terrestre de connaissance, d'aspiration, de force, comme quelque principe de lumière et de puissance, que nous reconnaissons et adorons sans savoir ce qu'il est, jusqu'au moment où naît l'occasion qui nous force à nous arrêter devant le voile. Et l'action où se meut la figure divine, c'est toute la vaste action de
Page 18
l'homme dans la vie, non seulement la vie intérieure, mais tout le cours obscur du monde que nous ne pouvons juger que par le demi-jour de la raison humaine projetant sa lumière indistincte devant chacun de nos pas incertains. C'est le trait caractéristique de la Guîtâ, que ce soit le point culminant d'une telle action qui donne lieu à l'enseignement et confère cette importance et ce hardi relief à l'évangile de l'action, qu'elle énonce avec une insistance et une force que nous ne trouvons pas dans les autres Écritures hindoues. Non seulement dans la Guîtâ, mais encore dans d'autres passages du Guîtâ, Krishna insiste sur la nécessité de l'action; mais c'est ici qu'il en dévoile le secret et qu'il révèle la divinité qui commande à nos œuvres.
Le lien symbolique de compagnon qui unit Ardjouna à Krishna, l'âme humaine à l'âme divine, est exprime ailleurs dans la pensée hindoue : par le voyage au ciel d'Indra et de Koutsa, assis dans le même char, par l'image des deux oiseaux sur le même arbre dans les Oupanishads, par les figures jumelles de Nara et de Nârâyana. les voyants qui pratiquent ensemble la tapasyâ pour atteindre la connaissance. Mais ces trois paraboles ont pour but de rendre sensible l'idée que c'est dans la connaissance divine que toute action atteint son point le plus haut, tandis qu'ici au contraire, c'est l'action qui conduit à cette connaissance et c'est au cours de l'action que Dieu se présente comme Celui qui sait. Ardjouna et Krishna, cet humain et ce divin, sont ensemble non point comme deux voyants dans un paisible ermitage de méditation, mais sur le char de guerre, l'un comme combattant et l'autre comme conducteur, au milieu des clameurs de la bataille et du fracas des armes. C'est pourquoi l'Instructeur de la Guîtâ n'est pas seulement le Dieu incarné qui se révèle par les paroles de sagesse, mais aussi le Dieu incarné qui meut tout notre monde d'action, par lequel et pour lequel toute notre humanité existe et lutte et travaille et vers lequel toute vie humaine marche et progresse. Il est le Maître secret des œuvres et du sacrifice; il est l'Ami du genre humain.
Page 19
Home
Sri Aurobindo
Books
SABCL
French
Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.