Essais sur la Guîtâ

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Sri Aurobindo

Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book.

Sri Aurobindo Birth Centenary Library (SABCL) Essays On The Gita Vol. 13 576 pages 1970 Edition
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Sri Aurobindo

Essays on the philosophy and method of self-discipline presented in the Bhagavad Gita. These essays were first published in the monthly review Arya between 1916 and 1920 and revised in the 1920s by Sri Aurobindo for publication as a book. A translation, by Pavitra, of the first seven chapters appeared in 1947. The present edition includes this translation and that, carried out by Archaka, of the forty-one other chapters.

French Translations of books by Sri Aurobindo Essais sur la Guîtâ 675 pages 2008 Edition
French Translation
Translators:
  Archaka
  Pavitra
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VI

 

ŒUVRES, DÉVOTION ET CONNAISSANCE

 

Telle est donc la vérité intégrale, la connaissance la plus haute et la plus vaste. Le Divin est supracosmique, Il est l'éternel Parabrahman qui, au moyen de son existence intemporelle et aspatiale, supporte toute cette manifestation cosmique de son être et de sa nature dans l'Espace et le Temps. Il est l'esprit suprême, âme des formes et des mouvements de l'univers, Paramâtman. Il est la Personne céleste dont tout moi et toute nature, tout être et tout devenir en cet univers ou un autre sont la conception et la dynamisation spontanées : le Pouroushôttama. Il est l'ineffable Seigneur de toute existence qui, en contrôlant spirituellement dans la Nature son Pouvoir manifesté, déploie les cycles du monde et l'évolution naturelle des créatures dans les cycles, Parameshwara. Issu de lui, le djîva, esprit individuel, âme en la Nature, existant de par Son être, conscient de par la lumière de Sa conscience, doté du pouvoir de connaissance, de volonté et d'action de par Sa volonté et Son pouvoir, jouissant de l'existence de par Sa divine jouissance du cosmos, est venu ici-bas dans les rondes cosmiques.

L'âme intérieure en l'homme est ici une auto-manifestation partielle du Divin, spontanément limitée pour les œuvres de Sa Nature dans l'univers, prakritir djîva-bhoûtâ. En son essence spirituelle, l'individu est un avec le Divin. Dans les œuvres de la divine Prakriti, il est un avec Lui, et pourtant il y a une différence pratique et maintes relations profondes avec Dieu dans la Nature et Dieu au-dessus de la Nature cosmique. Dans les œuvres de l'apparence inférieure de la Prakriti, il semble, par une ignorance et une séparation égoïste, différer totalement de  l'Un et penser, vouloir, agir, se délecter en cette conscience  séparatrice pour le plaisir et le dessein égoïstes de son existence  personnelle dans l'univers et pour ses relations superficielles avec d'autres mentaux et d'autres vies incarnés. Mais en tait, tout son être, toute sa façon de penser, tout son vouloir, toute

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son action et tout son plaisir ne sont qu'un reflet égoïste et perverti tant qu'il est dans l'ignorance de l'être du Divin, de la pensée, de la volonté, de l'action du Divin et du plaisir que le Divin puise dans la Nature. Revenir à cette vérité de son être est, pour l'homme, le moyen direct de salut, la porte la plus grande et la plus proche pour échapper à la sujétion à l'Ignorance. Puisqu'il est un esprit, une âme qui, par nature, possède un mental et une raison, une volonté et une action dynamique, des émotions et des sensations, et une vie qui recherche la joie de l'existence, c'est en tournant vers Dieu tous ces pouvoirs que le retour à la plus haute vérité de son être peut devenir entièrement possible. Il doit connaître avec la connaissance du Moi et du Brahman suprêmes; il doit tourner son amour et son adoration vers la Personne suprême; il doit soumettre sa volonté et ses œuvres au Seigneur suprême du cosmos. Il passe alors de la Nature inférieure à la Nature divine; il rejette loin de lui la pensée, la volonté et les œuvres de l'Ignorance et pense, veut et œuvre en sa divine identité comme âme de cette Âme, pouvoir et lumière de cet Esprit; il jouit de tout l'infini intérieur du Divin, et non plus seulement de ces touchers, masques et apparences extérieurs. Vivant ainsi de façon divine, dirigeant ainsi tout son être, toute son âme et toute sa nature vers Dieu, il est absorbé en la vérité la plus vraie du Brahman suprême.

Connaître que Vâsoudéva est tout et vivre dans cette connaissance, est le secret. L'individu sait qu'il est le Moi, immuable, contenant tout et immanent en toute chose aussi bien. Il se retire du tourbillon confus et agité de la nature inférieure afin de demeurer dans le calme et la lumière immobiles et inaliénables de l'esprit existant en soi. Là, il réalise une unité constante avec ce moi du Divin qui est présent dans toutes les existences et qui soutient tout le mouvement, toute l'action et tout le phénomène cosmiques. De cette hypostase spirituelle éternelle et invariable de l'univers mutable, il regarde vers le haut, vers l'Éternel plus grand, le supracosmique, le Réel. Il sait qu'il est l'Habitant divin en toutes les choses qui sont, le Seigneur dans le cœur de l'homme, l'Ishwara secret, et enlève le voile tendu entre son être naturel et ce Maître spirituel intérieur

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de son être. Il unifie en connaissance sa volonté, sa pensée et ses œuvres avec celles de l'Ishwara, harmonisées qu'elles sont, par une constante réalisation, avec le sens de la Divinité qui vit en lui; il voit l'îshwara et l'adore en tout et change toute l'action humaine en la plus haute signification de la nature divine. Il sait qu'il est la source et la substance de tout ce qui l'entoure dans l'univers. Toutes les choses qui sont, il les voit à la fois dans leur apparence comme les voiles et dans leur orientation secrète comme les moyens et les signes de l'auto-manifestation de cette unique et impensable Réalité et partout découvre cette unité, le Brahman, le Pourousha, L'Âtman, Vâsoudéva, l'Être qui est devenu toutes ces créatures. Dès lors également, toute son existence intérieure se met à l'unisson et est en harmonie avec l'Infini qui s'est maintenant révélé en tout ce qui vit, ou qui est en lui et autour de lui, et toute son existence extérieure se change en une exacte instrumentation du dessein cosmique. Par l'entremise du Moi, il regarde vers le haut, vers le Parabrahman qui, là et ici-bas, est la seule et unique existence. Par l'entremise de l'Habitant divin en tous, il regarde vers le haut, vers cette Personne céleste qui, en son suprême statut, est par-delà foute demeure. Par l'entremise du Seigneur manifesté dans l'univers, il regarde vers le haut, vers le Suprême qui dépasse et régit toute sa manifestation. Ainsi, grâce à un déploiement illimité de connaissance et à une vision et une aspiration ascendantes, s'élève-t-il jusqu'à ce vers quoi il s'est tourné avec une irrésistible intégralité, sarva-bhâvéna.

Cette orientation intégrale de l'âme vers Dieu est une base royale pour la synthèse de la connaissance, des œuvres et de la dévotion qu'offre la Guîtâ. Connaître ainsi Dieu intégralement, c'est connaître qu'il est Un dans le moi et dans toute la manifestation et par-delà toute la manifestation et tout cela uniment et simultanément. Et pourtant, même le connaître ainsi ne suffit pas, à moins que cette connaissance ne s'accompagne d'une intense élévation du cœur et de l'âme vers Dieu et n'allume un amour, une adoration, une aspiration qui à la fois soient concentrés sur un point et embrassent tout. En fait, la connaissance que n'accompagne point une aspiration et qu'une

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élévation ne vivifie point, n'est point vraie connaissance, car elle ne peut être qu'une façon intellectuelle de voir et qu'un stérile effort vers la connaissance. La vision de Dieu entraîne infailliblement l'adoration et la recherche passionnée du Divin une passion pour le Divin en Son être existant en soi, mais aussi pour le Divin en nous-mêmes et pour le Divin en tout ce qui est. Savoir avec l'intellect est simplement comprendre, et ce peut être un efficace point de départ ou ce peut tout autant ne pas en être un, et ce n'en sera pas un s'il n'y a pas de sincérité dans la connaissance, pas d'élan vers la réalisation intérieure dans la volonté, pas de pouvoir d'action sur l'âme, pas d'appel dans l'esprit; car cela signifierait que le cerveau a compris extérieurement, mais qu'intérieurement l'âme n'a rien vu. La vraie connaissance consiste à savoir avec l'être intérieur; et lorsqu'il est touché par la lumière, alors l'être intérieur se lève pour embrasser ce qui est vu, il brûle de posséder, il lutte pour donner forme à cela en lui-même et à lui-même suivant cela, il travaille à devenir un avec la gloire de sa vision. En ce sens, la connaissance est un éveil à l'identité et, l'être intérieur se réalisant par la conscience et la joie, par l'amour, par la possession et par l'unité avec tout ce qu'il a vu de lui-même, la connaissance une fois éveillée doit entraîner une irrépressible impulsion vers cette réalisation vraie et seule parfaite. Ici, ce qui est connu n'est point un objet extériorisé, mais le divin Pourousha, moi et seigneur de tout ce que nous sommes. En lui, une joie qui embrasse tout; pour lui, un amour ému et profond, une adoration émue et profonde — tel doit être le résultat inévitable de cette connaissance, et telle en est l'âme même. Et cette adoration n'est point recherche isolée du cœur, mais offrande de toute l'existence. Dès lors, elle doit prendre également la forme d'un sacrifice; il y a don de toutes nos œuvres à l'Ishwara; au Divin de notre adoration, il y a soumission de toute notre nature active intérieure et extérieure en tous ses mouvements subjectifs et tous ses mouvements objectifs. Toutes nos opérations subjectives ont en Lui leur mouvement et cherchent en Lui, le Seigneur et le Moi, la source et le but de leur puissance et de leur effort. Toutes nos opérations objectives

 

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s'élancent vers Lui dans le monde et font de Lui leur objet, inaugurent un service de Dieu dans le monde dont le pouvoir de contrôle est la Divinité en nous, Divinité en laquelle nous sommes un seul être avec l'univers et ses créatures. Car le monde et le moi, la Nature et l'âme en elle sont ensemble éclairés par la conscience de l'Un, sont des corps intérieurs et extérieurs du Pouroushôttama transcendant. Il se crée ainsi une synthèse du mental, du cœur et de la volonté en l'unique moi et esprit, et elle s'accompagne de la synthèse de la connaissance, de l'amour et des œuvres en cette union intégrale, cette globale

réalisation de Dieu, ce Yoga divin.

Mais la nature que limite l'ego a du mal à parvenir si peu que ce soit à ce mouvement. Et même quand nous avons enfin et pour toujours mis le pied sur le chemin, il n'est pas facile de parvenir à sa victorieuse, à son harmonieuse intégralité. Le mental mortel est égaré par sa confiance ignorante en les voiles et les apparences; il ne voit que le corps humain extérieur, le mental humain extérieur, l'humaine façon de vivre et ne capte aucun aperçu libérateur de la Divinité logée dans la créature. Il ignore la divinité qui est en lui et ne peut la voir en les autres hommes, et même si le Divin se manifeste dans l'humanité comme Avatar et vibhoûti, il demeure aveugle et ignore ou méprise la Déité voilée, avadjânanti mâm moûdhâ mânoushîm tanoum âshritam. Et s'il l'ignore dans la créature vivante, il peut encore moins la voir dans le monde objectif qu'il regarde depuis la prison de son ego séparateur, à travers les barreaux des fenêtres du mental fini. Il ne voit pas Dieu dans l'univers; il ne sait rien de la suprême Divinité, maîtresse et habitante de ces plans qu'emplissent des existences variées; il est aveugle à la vision par laquelle tout, dans le monde, devient divin et par laquelle l'âme elle-même s'éveille à sa divinité inhérente et devient chose du Divin : divine. Ce qu'il voit aisément et à cela, il s'attache avec passion -, c'est uniquement la vie de l'ego pourchassant les choses finies pour elles-mêmes et pour 'satisfaire le terrestre appétit de l'intellect, du corps et des sens. Ceux qui se sont trop entièrement abandonnés à cette poussée extérieure de la mentalité, tombent aux mains de la nature

 

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inférieure, s'y accrochent et en font leur assise. Ils deviennent la proie de la nature du râkshasa dans l'homme qui sacrifie tout à une satisfaction violente et immodérée de son ego vital séparé, dont il fait la sombre divinité de sa volonté, de sa pensée, de son action et de son plaisir. Ou bien ils sont précipités dans un cycle infécond du fait de l'arrogante opiniâtreté, de la pensée outrecuidante, de l'action égocentrique, de la faim de jouir cette faim intellectualisée, satisfaite de soi et cependant toujours insatisfaite toutes choses qui sont le propre de la nature asourique. Mais persister à vivre dans cette conscience séparatrice de l'ego et en faire le centre de toutes nos activités, c'est manquer tout à fait la vraie conscience de soi. Le charme qu'elle jette sur les instruments fourvoyés de l'esprit est un enchantement qui enchaîne la vie à un circuit stérile. Tout son espoir, toute son action, toute sa connaissance sont choses vaines lorsqu'on les juge selon la norme divine et éternelle, car elle proscrit la grande espérance, exclut l'action libératrice, bannit la connaissance qui illumine. C'est une connaissance fausse qui voit le phénomène, mais manque la vérité du phénomène, un espoir aveugle qui poursuit l'éphémère, mais manque l'éternel, une action vaine dont chaque profit est annulé par une perte et qui équivaut à un sempiternel travail de Sisyphe¹.

Les grandes âmes qui s'ouvrent à la lumière et à l'amplitude de la nature plus divine dont l'homme est capable, sont seules sur le sentier qui, étroit en son début, inexprimablement large à la fin, conduit à la libération et à la perfection. La croissance du dieu en l'homme est la propre affaire de l'homme; la transformation constante de cette nature inférieure asourique et râkshasique en la nature divine est le sens soigneusement caché de la vie humaine. À mesure qu'augmente cette croissance, le voile tombe, et l'âme commence à voir le sens plus grand de l'action et la vérité réelle de l'existence. L'œil s'ouvre au Divin en l'homme, au Divin dans le monde; il voit intérieurement et finit par connaître extérieurement l'Esprit infini, l'Impérissable dont toutes les existences tirent leur origine et qui existe en

 

¹Guîtâ, IX. 11-12.

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toutes, par qui et en qui toutes existent toujours. Par conséquent, lorsque cette vision, lorsque cette connaissance se saisit de l'âme, toute l'aspiration de la vie de celle-ci devient amour insurpassable et insondable adoration du Divin et Infini. Le mental ne s'attache plus qu'à l'éternel, au spirituel, au vivant, è l'universel, au Réel; il n'accorde plus de valeur aux choses que pour ce Réel, ne se réjouit plus que dans le tout béatifique Pourousha. Tout le langage et toute la pensée deviennent un hymne à l'universelle grandeur, à la Lumière, à la Beauté, à la Puissance et à la Vérité qui, en leur gloire, se sont révélées à l'esprit humain, et une adoration de l'Âme suprême unique et de la Personne infinie. Toute la longue tension du moi intérieur pour venir au jour devient maintenant une forme d'effort spirituel et d'aspiration à posséder le Divin dans l'âme et à réaliser le Divin dans la nature. Toute la vie devient un Yoga constant et une constante unification de ce Divin et de cet esprit humain. Telle est la manière de la dévotion intégrale; elle crée une unique élévation de tout notre être et de toute notre nature par le sacrifice que le cœur consacré offre à l'éternel Pouroushôttama¹.

Ceux qui insistent avant tout sur la connaissance parviennent au même point par un pouvoir toujours croissant, absorbant, imposant de la vision du Divin sur l'âme et la nature. Leur; sacrifice est celui de la connaissance et, par une ineffable extase de connaissance, ils arrivent à l'adoration du Pouroushôttama, djñâna-yadjñéna yadjanto mâm oupâsaté. C'est là une compréhension emplie de bhakti, parce qu'elle est intégrale en ses instruments, intégrale en son objectif. Ce n'est pas une poursuite du Suprême en tant qu'unité abstraite seulement ou qu'Absolu indéterminable. Profond besoin du cœur, c'est une recherche et une capture du Suprême et de l'Universel; c'est une poursuite de l'Infini en son infinité et de l'Infini en tout ce qui est fini; une vision et un embrassement de l'Un en son unité et de l'Un en tous ses principes divers, ses visages, ses forces, ses formes innombrables, ici, là, partout, hors du temps et dans le

 

¹IX. 13-14.

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temps, multiplement et dans la multitude, dans les aspects sans fin de sa Divinité, dans les êtres sans nombre, tous ses millions de visages universels qui nous font face dans le monde et ses créatures, ékatwéna prithaktwéna bahoudhâ vishwatô-moukham. Cette connaissance se mue aisément en adoration, en ample dévotion, en vaste don de soi, en intégrale offrande de soi, car elle est la connaissance d'un Esprit, le contact d'un Être, l'étreinte d'une Âme suprême et universelle qui exige tout ce que nous sommes et, de même, répand à profusion sur nous, lorsque nous l'approchons, tous les trésors de son infinie joie d'être¹.

Étant un complet sacrifice de toute notre volonté et de ses activités à l'unique Pouroushôttama, la voie des œuvres elle aussi se change en une adoration et une dévotion où se donne l'être. Le rite védique extérieur est un puissant symbole qui a son efficacité pour un propos moins important, mais encore tourné vers le ciel; le sacrifice réel, cependant, est cette oblation intérieure où le divin Tout devient lui-même l'action rituelle, le sacrifice et chacune des circonstances du sacrifice. Tout le déroulement et toutes les formes de ce rite intérieur sont l'ordonnance et l'expression spontanées de son pouvoir en nous qui, par notre aspiration, s'élève vers la source de ses énergies. L'Habitant divin devient lui-même la flamme et l'offrande, car la flamme est la volonté tournée vers Dieu, et cette volonté est Dieu lui-même en nous. Et l'offrande aussi est la forme et la force du Divin constitutif en notre nature et notre être; tout ce qui a été reçu de Lui est abandonné au service et au culte de Sa Réalité, de Sa Vérité suprême et de Sa suprême Origine. Le Penseur divin devient lui-même le mantra sacré; c'est la Lumière de son être qui s'exprime en la pensée dirigée vers Dieu et qui agit dans la parole révélatrice de splendeur où s'enchâsse le secret de la pensée et dans le rythme où, pour l'homme, se répètent les rythmes de Éternel Le Divin illuminateur est Luimême le Véda et ce que fait connaître le Véda. Il est à la fois la connaissance et l'objet de la connaissance. Le Rik, le Yadjour, le

 

¹IX. 15.

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Sâma, le verbe de l'illumination qui éclaire le mental avec les rayons de la connaissance, le verbe du pouvoir pour la juste ordonnance de l'action, le verbe de l'accomplissement calme et harmonieux pour susciter le désir divin de l'esprit, sont eux-mêmes le Brahman, le Divin. Le mantra de la Conscience divine apporte sa lumière de révélation, le mantra du Pouvoir divin sa volonté de réalisation, le mantra de l'Ânanda divin son égal accomplissement de la joie spirituelle de l'existence. Tout mot et toute pensée sont une efflorescence du grand ÔM ÔM, le Verbe, l'Éternel. Manifesté dans les formes des objets sensibles, manifesté dans ce jeu conscient de la conception de soi qui crée  et dont les formes et les objets sont les effigies, manifesté derrière, en ce recueillement du pouvoir supraconscient de l'Infini, OM est la source souveraine, la semence, la matrice de la chose et de l'idée, de la forme et du nom lui-même est, intégralement, le suprême Intangible, l'Unité originelle, le Mystère intemporel existant en soi au-dessus de toute manifestation, dans l'être céleste¹. Ce sacrifice est donc tout ensemble œuvres, adoration et connaissance².

Pour l'âme qui, de la sorte, connaît, adore, offre toutes ses œuvres en une grande soumission de son être à Éternel, Dieu est tout et tout est le Divin. Elle connaît Dieu comme le Père de ce monde qui nourrit et chérit ses enfants et qui veille sur eux. Elle connaît Dieu comme la divine Mère qui nous garde en son sein, répand sur nous à profusion la douceur de son amour et remplit l'univers de ses formes de beauté. Elle le connaît comme le Créateur premier dont est issu tout ce qui engendre et crée dans l'espace, le temps et la relation. Elle le connaît comme le Maître et ordonnateur de tous les décrets universels et de chaque décret individuel. Le monde et le destin et l'incertitude de l'avenir ne peuvent terrifier l'homme qui s'est soumis à Éternel, ni l'aspect de souffrance et de mal le dérouter. Pour l'âme

 

¹AUM : A, l'esprit de ce qui est grossier, extérieur, Virât; U, l'esprit de ce qui est subtil, intérieur, Taïdjasa; M, l'esprit de la secrète omnipotence supraconsciente, Pradjñâ; ÔM, l'Absolu, Tourîya. Mândoûkya Oupanishad.

²IX. 16.17.

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qui voit, Dieu est le sentier et Dieu est le but de son voyage : un sentier où l'on ne se perd pas et un but vers lequel les pas guidés avec sagesse se dirigent à chaque instant en toute sûreté. L'homme connaît le Divin comme le maître de son être et de tout être, le soutien de sa nature, le témoin intérieur de toutes ses pensées et de toutes ses actions, l'époux de l'âme de la nature et son amant qui la chérit. Dieu est sa maison et son pays, le refuge de ses recherches et de ses désirs, l'ami sage, intime et bienveillant de tous les êtres. Toute naissance, tout état d'être et toute destruction des existences apparentes sont pour sa vision et son expérience l'Un qui amène en avant, maintient et retire son auto-manifestation temporelle dans son système de perpétuelles récurrences. Lui seul est la semence et l'origine impérissable de tout ce qui semble naître et périr, et l'éternel lieu de repos quand rien n'est manifesté. C'est lui qui brûle en la chaleur du soleil et de la flamme; c'est lui qui est l'abondance de la pluie et son absence; il est toute cette Nature physique et ses opérations. La mort est son masque, et l'immortalité la révélation de son être. Tout ce que nous pouvons nommer existant est lui et tout ce à quoi nous pouvons donner le nom de non-existant est néanmoins là, secrètement, dans l'Infini, et fait partie de l'être mystérieux de l'Ineffable¹.

Rien hormis la connaissance et l'adoration les plus hautes, nul autre moyen qu'un entier don de nous-mêmes et qu'une soumission entière à ce Très-Haut qui est tout, ne nous mènera au Suprême. Une autre religion, un autre culte, une autre connaissance, une autre recherche portent toujours leurs fruits, mais ils sont éphémères et limités au plaisir tiré d'apparences et de symboles divins. Toujours ouvertes pour que nous les suivions selon l'équilibre de notre mentalité, il y a une connaissance extérieure et une connaissance du tréfonds, une recherche extérieure et une recherche du tréfonds. La religion extérieure est le culte d'une déité extérieure et la poursuite d'une béatitude extérieure; ses adeptes purifient leur conduite du péché et atteignent à une active rectitude éthique afin de satisfaire la loi

 

¹IX. 17-19.

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établie, le Shâstra, la règle extérieure; ils exécutent la cérémonie symbolique de leur communion extérieure. Mais leur objectif est de s'assurer, après le plaisir et la douleur des mortels pendant la vie terrestre, la félicité des mondes célestes, un plus grand bonheur que celui que la terre peut donner, tout en étant quand même une jouissance personnelle et mondaine bien que dans un monde plus vaste que le domaine de cette nature terrestre douloureuse et limitée. Et ce à quoi ils aspirent, ils y atteignent par la foi et par l'effort juste; car l'existence matérielle et les activités terrestres ne sont pas tout le champ de notre. devenir personnel ni toute la formule du cosmos. Il existe d'autres mondes où la félicité est plus grande, swarga-lôkam vishâlam. Ainsi le ritualiste védique du temps jadis apprenait-il le sens exotérique du triple Véda, se purifiait-il du péché, buvait-il le vin de la communion avec les dieux et recherchait-il, par le sacrifice et les bonnes actions, les récompenses du ciel. Cette ferme croyance en un Au-delà et cette recherche d'un monde plus divin assurent à l'âme qui s'en va la force d'atteindre aux joies célestes sur lesquelles sa foi et sa recherche étaient centrées; mais le retour à l'existence mortelle s'impose parce que le vrai but de cette existence n'a été ni trouvé ni réalisé. C'est ici, et non ailleurs, que l'on doit trouver le Divin suprême, développer la nature divine de l'âme à partir de l'imparfaite nature physique humaine, et découvrir, vivre et rendre visiblement merveilleuse toute l'ample vérité de l'être grâce à l'unité avec le Divin, l'homme et l'univers. Ainsi se trouve bouclé le long cycle de notre devenir et sommes-nous admis à un résultat suprême; c'est l'occasion que la naissance humaine donne à l'âme et, tant que ce n'est pas fait, cela ne peut cesser. L'amant de Dieu avance constamment vers cette ultime nécessité de notre naissance dans le cosmos au moyen d'un amour et d'une adoration concentrés par lesquels il fait du Divin suprême et universel et non de la satisfaction terrestre égoïste ni des mondes célestes tout l'objet de sa vie et tout l'objet de ce qu'il pense et voit. Ne voir que le Divin, être à chaque instant en union avec Lui, L'aimer en toutes les créatures, goûter le délice du Divin en toutes choses, telle est toute

 

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la condition de son existence spirituelle. Sa vision de Dieu ne le sépare pas de la vie, et il ne manque rien de la plénitude de la vie; car Dieu Lui-même devient pour lui celui qui, spontanément, lui apporte tout ce qui est bon et tout ce qu'intérieurement ou extérieurement il acquiert et possède, yôga-kshémam vahâmyaham. La joie du ciel et la joie de la terre ne sont qu'une petite ombre de ses possessions; car à mesure qu'il grandit en le Divin, le Divin se déverse également sur lui avec toute la lumière, la puissance et la joie d'une existence infinie¹.

D'ordinaire, la religion est un sacrifice à des divinités partielles autres que la Divinité intégrale. La Guîtâ prend ses exemples directs dans l'ancienne religion védique en son aspect exotérique tel qu'il s'était alors développé; elle décrit ce culte extérieur comme un sacrifice aux autres divinités, anya-dévatâh, aux dieux, ou aux Ancêtres divinisés, ou aux pouvoirs et aux esprits élémentaux, dévân, pitrîn, bhoûtâni. Les hommes consacrent d'habitude leur vie et leurs œuvres aux pouvoirs ou aux aspects partiels de l'Existence divine, tels qu'ils les voient ou les conçoivent le plus souvent des pouvoirs et des aspects qui, pour eux, donnent une âme à des choses remarquables dans la Nature ou dans l'homme ou bien qui reflètent à leurs yeux leur propre humanité en un symbole divin qui la dépasse. S'ils le font avec foi, alors leur foi est justifiée; car le Divin accepte tout symbole, toute forme ou conception de Lui qui se présente au mental de l'adorant, yâm yâm tanoum shraddhayâ artchati, comme il est dit ailleurs — et Il l'accueille selon la foi qui est en lui. Toute croyance et toute pratique religieuses sincères sont en réalité une recherche du Divin suprême et universel unique; car le Divin est le seul maître du sacrifice et de l'ascèse de l'homme et celui qui, infini, savoure son effort et son aspiration. Si petite ou si basse que soit la forme de l'adoration, si limitée que soit l'idée de la divinité, si restreints le don, la foi, l'effort pour passer derrière le voile du culte de l'ego et de la limitation qu'impose la Nature matérielle, cela forme un fil qui raccorde l'âme de l'homme à la Toute-Âme", et il y a réponse. Néanmoins,

 

¹IX. 20-22.

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la réponse, le fruit de l'adoration et de l'offrande est fonction de la connaissance, de la foi et de l'œuvre et ne peut dépasser les limitations; et dès lors, du point de vue de la connaissance de Dieu plus grande, qui, seule, donne l'entière vérité de l'être et du devenir, cette offrande inférieure n'est point donnée selon la loi véritable et la plus haute du sacrifice. Elle n'est point fondée sur une connaissance du Divin suprême en Son existence intégrale et en les vrais principes de Son auto-manifestation, mais s'attache aux apparences extérieures et partielles na mâm abhidjânanti tattwéna. Par conséquent, son sacrifice aussi est limité en son objet, grandement égoïste en son motif, partiel et erroné en son action et en son don, yadjanti avidhipoûrvakam. Une entière vision du Divin est la condition d'une entière soumission de l'âme; le reste atteint aux choses incomplètes et: partielles et doit en retomber, doit retourner s'élargir en une plus grande recherche et une plus vaste expérience de Dieu. En revanche, poursuivre seulement et complètement le Divin suprême et universel, c'est atteindre à toute la connaissance et à tout le résultat que remportent d'autres chemins; mais là, on n'est limité par aucun aspect et l'on trouve pourtant la  vérité du Divin dans tous les aspects. Ce mouvement embrasse toutes les formes d'être divin sur sa route vers le suprême Pouroushôttama¹.

Cet absolu don de soi, cette soumission concentrée sur un seul point est la dévotion dont la Guîtâ couronne sa synthèse, Par cette dévotion, toute action et tout effort sont changés en une offrande au Divin suprême et universel. "Quoi que tu fasses, de quoi que tu jouisses, quoi que tu sacrifies, quoi que tu donnes, quelque énergie de tapasyâ, de la volonté ou de l'effort de l'âme que tu émettes, fais M'en l'offrande." Ici, la plus petite, la plus légère circonstance de la vie, le don le plus insignifiant de ce que l'on est ou de ce que l'on possède, la moindre action revêtent un sens divin et deviennent une offrande acceptable au Divin qui en fait pour Lui-même un moyen de posséder l'âme et la vie de l'amant de Dieu. Les distinctions faites par le désirer et

 

¹IX. 23-25.

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l'ego disparaissent alors. Comme il n'y a pas de tension pour obtenir le bon résultat de l'action, comme on ne fuit pas le résultat malheureux, comme au contraire l'action et le résultat sont abandonnés au Suprême à qui toute œuvre et tout fruit dans le monde appartiennent à jamais, il n'y a plus d'esclavage. Par un absolu don de soi, en effet, tout désir égoïste disparaît du cœur, et il y a parfaite union entre le Divin et l'âme individuelle grâce à un renoncement intérieur à l'existence séparée. Toute volonté, toute action, tout résultat deviennent ceux du Divin, œuvrent divinement par l'entremise de la nature purifiée et illuminée, et n'appartiennent plus à l'ego personnel limité. Ainsi soumise, la nature finie devient un libre chenal de l'Infini; l'âme en son être spirituel, soulevée hors de l'ignorance et de la limitation, retourne à son unité avec Éternel Éternel divin est l'habitant de toutes les existences; Il est égal en tout, et l'ami égal, le père égal, la mère égale, le créateur égal, l'amant égal, le soutien égal de toutes les créatures. Il n'est l'ennemi de personne ni l'amant partial d'aucun; Il n'a rejeté personne, ni personne condamné pour l'éternité, ni favorisé personne par le despotisme d'un caprice arbitraire : tous également finissent par venir à Lui en accomplissant leurs circuits dans l'ignorance. Mais c'est cette parfaite adoration qui, seule, peut faire de cette immanence de Dieu en l'homme et de l'homme en Dieu une chose consciente et une union absorbante et parfaite. L'amour du Suprême et une soumission totale sont le chemin droit et rapide de cette divine unité¹.

La divine Présence égale en nous tous ne pose aucune autre condition préliminaire, dès lors que cet intégral don de l'être a été fait avec foi et sincérité et dans une plénitude fondamentale. Tous ont accès à cette porte, tous peuvent pénétrer dans ce temple : nos mondaines distinctions s'évanouissent dans la demeure du Tout-Aimant. Là, l'homme vertueux n'est point préféré, ni le pécheur exclu de la Présence; par cette route, le brahmane à la vie pure et qui observe scrupuleusement la loi et le hors-caste né d'entrailles pécheresses et malheureuses et

 

¹IX. 26-29.

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rejeté par les hommes peuvent ensemble voyager et trouver une entrée ouverte qui leur donne également accès à la suprême libération et à la plus haute demeure en Éternel L'homme et la femme ont des droits égaux devant Dieu, car l'Esprit divin ne tient nul compte des personnes ou des distinctions et des restrictions sociales : tous peuvent aller directement à Lui sans intermédiaire ni condition aliénante. "Même un homme dont la conduite est très mauvaise, dit l'Instructeur divin, s'il se tourne vers Moi avec un amour unique et entier, il faut le regarder comme un saint, car sa ferme volonté dans l'effort en lui est une volonté juste et complète. Il devient rapidement une âme de rectitude et obtient la paix éternelle." En d'autres termes, une volonté de complet don de soi ouvre grandes toutes les portes de l'esprit et, en réponse, amène une descente complète et un complet don de soi de la Divinité à l'être humain, ce qui, aussitôt, façonne autrement et assimile tout en nous à la loi de l'existence divine grâce à une rapide transformation de la nature inférieure en la nature spirituelle. Par sa force, la volonté de se donner arrache le voile qu'il y a entre Dieu et l'homme; elle annule toutes les erreurs, annihile tous les obstacles. Ceux qui, en leur puissance humaine, aspirent par l'effort de la connaissance ou l'effort de la vertu ou l'effort d'une laborieuse discipline de soi, ceux-là, au prix de beaucoup d'inquiètes difficultés, grandissent vers Éternel; mais lorsque l'âme abandonne au Divin son ego et son travail, Dieu lui-même vient à nous et se charge de notre fardeau. A l'ignorant, il apporte la lumière de la connaissance divine, au faible la puissance de la divine volonté, au pécheur la libération de la pureté divine, à celui qui souffre la joie spirituelle et l'Ânanda infinis. Leur faiblesse et les trébuchements de leur force humaine ne font point de différence. "Ainsi s'exprime Ma promesse, crie la voix du Divin à Éternel, celui qui M'aime ne périra point." L'effort et la préparation antérieurs, la pureté et la sainteté du brahmane, la force illuminée du sage royal grand par les œuvres et la connaissance ont leur prix, car il est, grâce à eux, plus facile à l'humaine créature imparfaite d'accéder à cette vaste vision et à cette soumission; mais même sans cette préparation, tous ceux qui prennent

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refuge en l'Amant divin de l'homme, le vaïshya jadis étroitement soucieux d'amasser des biens et de travailler pour produire, le shoûdra empêché par mille dures restrictions, la femme enfermée et arrêtée dans sa croissance par le cercle étroit que la société a tracé autour de son développement, et ceux-là aussi, pâpa-yônayah, à qui leur karma passé a même imposé la pire des naissances, le hors-caste, le paria, le tchândâla, voient tout de suite les portes de Dieu s'ouvrir devant eux. Dans la vie spirituelle, toutes les distinctions extérieures dont les hommes font si grand cas parce que, avec une force oppressive, elles séduisent le mental extérieur, cessent devant l'égalité de la Lumière divine et la vaste omnipotence d'un Pouvoir impartial¹.

Le monde terrestre, absorbé dans les dualités, enchaîné aux relations immédiates et transitoires de l'heure et du moment, est pour l'homme — tant que celui-ci y demeure, qu'il est attaché à ces choses et accepte la loi qu'elles lui imposent comme loi de sa vie un monde de lutte, de souffrance et de chagrin. La voie de la libération consiste à passer de l'extérieur à l'intérieur, de l'apparence créée par la vie matérielle qui impose son fardeau au mental et l'emprisonne en les ornières de la vie et du corps, à la Réalité divine qui attend de se manifester grâce à la liberté de l'esprit. L'amour du monde, le masque, doit se muer en l'amour de Dieu, la Vérité. Une fois connu et embrassé ce Divin secret intérieur, tout l'être et toute la vie seront souverainement exhaussés et subiront une merveilleuse transmutation. À la place de l'ignorance de la nature inférieure absorbée dans ses œuvres et ses apparences extérieures, l'œil s'ouvrira à la vision de Dieu partout, à l'unité et l'universalité de l'esprit. La peine et le chagrin du monde disparaîtront dans la béatitude du Tout-Extatique, notre faiblesse et notre erreur et notre péché seront changés en la force, la vérité et la pureté, qui embrassent et transforment tout, de l'Éternel. Faire que le mental soit un avec la conscience divine, faire de toute notre nature émotive un seul amour de Dieu partout, faire de toutes nos œuvres un sacrifice au Seigneur des mondes, et de notre culte, de notre aspiration

 

¹IX. 30-32.

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une seule adoration du Seigneur et une seule soumission, diriger tout le moi vers Dieu en une union entière, tel est le moyen de nous élever hors de l'existence mondaine jusqu'en une existence divine. C'est là ce qu'enseigne la Guîtâ sur l'amour divin et la dévotion, enseignement où la connaissance, les œuvres et l'ardente soif du cœur deviennent une chose unique en une suprême unification, en une dissolution de toutes leurs divergences, en un entrelacement de tous leurs fils, en une haute fusion, en un vaste mouvement d'identification¹.

 

¹IX. 33-34.

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