Dans ces conversations, la Mère confie à un disciple ses expériences sur le chemin du « yoga du corps », au cours des années 1961-1973.
Tu as entendu parler des drogues10 ?... Tu as vu des images?... Moi, j’ai vu des images. Les gens sont précipités, tout à fait sans défense, dans le vital le plus bas et suivant leur nature, c’est ou épouvantable, ou cela leur paraît merveilleux. Par exemple, l’étoffe sur un coussin ou sur un siège, tout d’un coup se remplit d’une beauté merveilleuse. Puis ça leur dure deux heures, trois heures comme cela. Naturellement, ils sont tout à fait fous pendant ce temps. Et le malheur, c’est que les gens disent : « Des expériences spirituelles »; et il n’y a personne pour leur dire que cela n’a rien à voir avec les expériences spirituelles.
Il n’y a pas longtemps, j’ai reçu une lettre de quelqu’un qui me disait avoir pris de ces drogues, et il racontait qu’il avait eu des visions terribles, que les murs de sa chambre s’étaient animés de milliers de visages méchants et désespérés qui l’ont persécuté jusqu’à la nuit. Voilà.
Mais enfin, cela m’a donné encore une preuve de plus... J’ai vu des images dans Life (il y avait des photos), on a l’air d’être entré dans une maison d’aliénés. N’est-ce pas, ce sont les images enregistrées dans le subconscient — les images des pensées, les images des sensations, les images des sentiments, enregistrées dans le subconscient — qui deviennent objectives, qui remontent à la surface et deviennent objectives. Alors cela donne le tableau exact de ce qui est dedans.
Par exemple, si l’on a la sensation ou la pensée que quelqu’un est méchant ou ridicule, ou ne vous aime pas, enfin des opinions de ce genre, généralement cela remonte en rêve, mais là, on n’est pas endormi et on a le rêve! Ils viennent jouer le jeu que vous avez pensé d’eux ; ce que vous avez pensé d’eux vient sur vous avec leur forme. Alors c’est une indication : ceux qui voient des images souriantes, aimables, belles, cela veut dire que dedans, ça se comporte assez bien (vitalement), mais ceux qui voient des choses terrifiantes ou méchantes, ou comme celles-là, cela veut dire que le vital n’est pas joli.
Oui, mais est-ce qu’il n’y a pas un vital objectif, où ces visions n’ont rien à voir avec notre propre subconscient?
Oui, il y a cela, mais ça n’a pas le même caractère.
Pas le même caractère?
On ne peut le connaître que si l’on va dans le vital pleinement conscient — conscient de son propre vital et conscient dans le monde vital comme l’on est conscient dans le monde physique. On y va consciemment. Ce n’est pas un rêve, cela n’a pas le caractère d’un rêve; cela a le caractère d’une activité, d’une expérience, et c’est très différent.
Mais il existe aussi de ces mondes du vital où l’on persécute, des mondes terribles, des mondes de torture et de persécution, non ?
Quatre-vingt-dix pour cent subjectif. Pendant plus d’un an régulièrement, toutes les nuits, à la même heure et de la même façon, je suis entrée dans le vital pour y faire un travail spécial. Ce n’était pas le résultat de ma propre volonté : j’étais destinée à le faire. C’était quelque chose que j’avais à faire. Alors, par exemple, on décrit beaucoup cette entrée dans le vital ; il y a un passage où des êtres sont postés pour vous empêcher d’entrer (on parle beaucoup de ces choses dans tous les livres occultes), eh bien, je sais par une expérience (pas en passant) répétée et apprise, que cette opposition ou cette malveillance est pour quatre-vingt-dix pour cent psychologique, dans le sens que si vous ne vous y attendez pas ou vous ne la craignez pas, ou qu’il n’y a pas en vous quelque chose qui a peur de l’inconnu ni tous ces mouvements d’appréhension et autres, c’est comme une ombre sur un tableau ou la projection d’une image, cela n’a pas de réalité concrète.
J’ai eu une ou deux batailles vitales vraies, ça oui, en allant rescaper quelqu’un qui s’était fourvoyé. Et deux fois j’ai reçu des coups, et le matin, quand je me suis réveillée, il y avait la marque (Mère montre son œil droit). Eh bien, dans les deux cas, je sais que c’était en moi, non pas une peur, je n’ai jamais eu peur là, mais parce que je m’y attendais. L’idée que « ça peut bien arriver » et que je m’y attendais, a fait que le coup est venu. Je l’ai su d’une façon certaine. Et si j’avais été dans ce que l’on peut appeler mon « état normal » de certitude intérieure, cela n’aurait pas pu me toucher, ça n’aurait pas pu. Et j’avais eu cette appréhension parce qu’une occultiste que je connaissais, avait perdu un œil dans une bataille vitale et qu’elle me l’avait dit, et alors (riant) cela m’a donné l’idée que c’était possible, puisque cela lui était arrivé! Mais quand je suis dans mon état... je ne peux même pas dire cela, ce n’est pas « personnel », c’est une manière d’être... quand on a la vraie manière d’être, quand on est un être conscient et que l’on a la vraie manière d’être, ça ne peut pas vous toucher.
C’est comme l’expérience de rencontrer un ennemi et de vouloir le frapper, et puis les coups ne portent pas et tout ce que vous faites n’a pas d’effet, c’est toujours subjectif. J’ai eu toutes les preuves, toutes les preuves.
Mais alors, qu’est-ce qui est objectif?
Il y a des mondes, il y a des êtres, il y a des pouvoirs, ils ont leur existence propre, mais ce que je veux dire, c’est que les relations avec la conscience humaine dépendent de cette conscience humaine pour la forme qu’elles prennent.
C’est comme avec les dieux, mon petit, c’est la même chose. Tous ces êtres du Surmental, tous ces dieux, la relation avec eux, la forme de ces relations, dépend de la conscience humaine. Vous pouvez être... On a écrit : « L’homme est un bétail pour les dieux », mais si l’homme accepte d’être un bétail. Il y a dans l’essence de la nature humaine une souveraineté sur toutes ces choses, qui est spontanée et naturelle, quand elle n’est pas faussée par un certain nombre d’idées et de soi-disant connaissances.
On pourrait dire que l’homme est le maître tout-puissant de tous les états d’être de sa nature, mais qu’il a oublié de l’être.
Son état naturel, c’est d’être tout-puissant — il a oublié de l’être.
Dans cet état d’oubli, toutes les choses deviennent concrètes, oui, dans le sens que l’on peut avoir une marque sur l’œil, ça peut se traduire comme cela, mais c’est parce que... parce que l’on a permis que ce soit.
C’est la même chose pour les dieux, ils peuvent régir votre vie et vous tourmenter beaucoup (ils peuvent vous aider beaucoup aussi), mais leur puissance, par rapport à vous, à l’être humain, c’est la puissance que vous leur donnez.
C’est une chose que j’ai apprise petit à petit depuis plusieurs années. Mais maintenant, j’en suis sûre.
Naturellement, dans la courbe de l’évolution, il était nécessaire que l’homme oublie sa toute-puissance, parce qu’elle l’avait tout simplement gonflé d’orgueil et de vanité et qu’alors c’était complètement déformé, et il fallait lui donner le sens de beaucoup de choses qui étaient plus fortes et plus puissantes que lui. Mais essentiellement, ce n’est pas vrai. C’est une nécessité de la courbe du progrès, c’est tout.
L’homme est un dieu en puissance. Il a cru qu’il était un dieu réalisé. Il avait besoin d’apprendre qu’il n’était rien du tout qu’un pauvre petit ver qui grouillait sur la terre, et alors la vie l’a raboté, raboté, raboté de toutes les façons, jusqu’à ce qu’il ait... pas compris, mais enfin un peu senti. Mais dès qu’il prend la position véritable, il sait qu’il est un dieu en puissance. Seulement, il faut le devenir, c’est-à-dire surmonter tout ce qui ne l’est pas.
Cette relation avec les dieux est extrêmement intéressante... Tant que l’homme est ébloui, en admiration devant la puissance, la beauté, les réalisations de ces êtres divins, il est leur esclave. Mais quand, pour lui, ce sont des manières d’être du Suprême, et rien de plus, et que lui-même est une autre manière d’être du Suprême, qu’il doit devenir, alors la relation est différente et il n’est plus leur esclave — il n’est pas leur esclave.
Au fond, la seule objectivité, c’est le Suprême.
Voilà, tu l’as dit, mon petit. C’est cela. C’est exactement cela.
Si l’on prend le mot objectivité au sens « d’existence indépendante réelle » — l’existence en soi indépendante réelle —, il n’y a que le Suprême.
Cela a quand même quelque chose d’inquiétant, cette subjectivité presque totale.
Ah, pourquoi?
On se demande ce qui est vrai, ce que l’on rencontre vraiment? Est-ce que tout n’est pas un tissu d’imagination? C’est un peu inquiétant.
Mais quand on a l’expérience positive de l’unique exclusive existence du Suprême et que tout n’est que le jeu du Suprême à Lui-même, au lieu d’être une chose inquiétante ou déplaisante, ou gênante, c’est au contraire une sorte de sécurité totale.
L’unique réalité, c’est le Suprême. Et tout cela, c’est un jeu qu’Il se joue à Lui-même. Je trouve cela beaucoup plus consolant que le contraire.
Et d’abord, c’est la seule certitude que cela peut devenir quelque chose de merveilleux, autrement...
Ça aussi, cela dépend absolument de la position que l’on prend. Une identification complète avec le jeu en tant que jeu, comme une chose existante en soi et indépendante, est probablement nécessaire, tout d’abord, pour jouer le jeu comme il convient. Mais il y a un moment où l’on arriverait, justement, à ce détachement, ce dégoût si total de toute la fausseté de l’existence, qu’elle n’est plus tolérable que quand on la voit comme le jeu intérieur du Seigneur en Lui-même, pour Lui-même.
Et alors, on a le sentiment de cette liberté absolue et parfaite qui fait que les possibilités les plus merveilleuses deviennent réelles, que tout ce que l’on peut imaginer de plus sublime est réalisable.
(Mère entre en contemplation)
Tu verras, il y a un moment où l’on ne peut se tolérer soimême et la vie que si l’on prend l’attitude où c’est le Seigneur qui est tout. Tu vois, ce Seigneur, combien de choses Il possède! Il joue avec tout ça — Il joue, Il joue à changer les positions. Et alors, quand on voit ça, ce tout, on a le sentiment de la merveille illimitée, et que tout ce qui est l’objet de l’aspiration la plus merveilleuse, tout cela, c’est tout à fait possible, et ce sera même dépassé. Alors, on est consolé. Autrement l’existence... c’est inconsolable. Mais comme cela, ça devient charmant. Je te dirai cela un jour.
Quand on a l’impression de l’irréalité de la vie — l’irréalité de la vie par rapport à une réalité, qui est certainement pardelà, au-delà, mais en même temps à l’intérieur de la vie, alors, à ce moment-là... ah! oui, enfin, ça c’est vrai — enfin ça, c’est vrai et mérite d’être vrai. Ça, c’est la réalisation de toutes les splendeurs possibles, de toutes les merveilles possibles, de toutes les, oui, les félicités possibles, de toutes les beautés possibles, ça oui, autrement...
J’en suis là.
Et alors, j’ai l’impression d’avoir encore un pied ici, un pied là, ce qui n’est pas une situation très agréable, parce que... parce que l’on voudrait qu’il n’y ait plus que Ça.
La manière d’être actuelle, c’est un passé qui vraiment ne devrait plus exister. Tandis que l’autre : ah! enfin! enfin! c’est pour ça qu’il y a un monde.
Et tout reste tout aussi concret et tout aussi réel — ça ne devient pas fumeux ! c’est tout aussi concret, tout aussi réel, mais... mais ça devient divin, parce que... parce que c’est le Divin. C’est le Divin qui joue.
Home
The Mother
Books
CWM
French
Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.