Dans ces conversations, la Mère confie à un disciple ses expériences sur le chemin du « yoga du corps », au cours des années 1961-1973.
C’est la fête de la Lumière — Noël est la fête de la Lumière qui revient... C’est beaucoup plus vieux que le christianisme! Et samedi prochain, c’est le premier janvier.
J’espère que 1972 va être meilleur!
(Mère hoche la tête) De plus en plus je suis convaincue que nous avons une façon de recevoir les choses et de réagir qui crée les difficultés — j’en suis de plus en plus convaincue. Parce que j’ai des expériences peu plaisantes, physiquement, matériellement, et alors, tout change suivant que l’on y fait attention ou non, suivant une attitude comme cela (geste tourné sur soi) où l’on se regarde vivre, ou bien une attitude où l’on est (geste vaste) dans les choses, dans le mouvement, dans la vie, et une attitude où l’on ne donne d’importance qu’au Divin; si l’on arrive à être comme cela tout le temps, il n’y a pas de difficultés — et les choses sont les mêmes. C’est l’expérience : la chose en elle-même est d’une certaine manière, et c’est notre réaction vis-à-vis de la chose qui diffère. L’expérience est de plus en plus probante. N’est-ce pas, il y a trois catégories : notre attitude vis-à-vis des choses, les choses en elles-mêmes (ces deux-là donnent toujours des difficultés), et il y a une troisième catégorie où tout, tout est par rapport au Divin, dans la Conscience du Divin — tout va merveilleusement! Facile! Et je parle de choses matérielles, de la vie physique matérielle (les choses morales, on le sait depuis longtemps, c’est comme cela), mais les choses matérielles, c’est-à-dire les petits inconvénients du corps, les réactions, avoir des douleurs ou non, les circonstances vont mal, ne pas pouvoir avaler — les choses les plus banales, auxquelles on ne fait pas attention quand 312 on est jeune et fort et bien portant; on n’y fait pas attention, et c’est comme cela pour tout le monde. Mais quand on vit dans la conscience de son corps et de ce qui lui arrive et de sa façon de recevoir ce qui vient et tout cela, oh! c’est la misère! Quand on vit dans la conscience des autres, de ce qu’ils veulent, de ce qu’il faut, de leur rapport avec vous, c’est la misère! Mais si l’on vit dans la Présence divine et que c’est le Divin qui fait tout, qui voit tout, qui est tout, c’est la Paix — c’est la Paix, le temps n’a plus de durée, tout est facile et... Ce n’est pas que l’on sente une joie ni que l’on sente... ce n’est pas cela... c’est le Divin qui est là. Et c’est la seule solution. Et c’est vers cela que le monde va : la Conscience du Divin — le Divin qui fait, le Divin qui est, le Divin... Et alors, identiquement la même circonstance (je ne parle pas de circonstances différentes), identiquement la même circonstance... C’est mon expérience de ces jours-ci, tellement concrète! Avant-hier, j’étais malade comme tout et hier les circonstances étaient les mêmes, mon corps était dans le même état, tout était semblable, et... tout a été paisible.
Ça, je suis absolument convaincue.
Ça explique tout. Ça explique tout, tout, tout.
Le monde est le même — il est vu et senti d’une façon absolument opposée.
Tout est un phénomène de conscience — tout. Seulement, pas cette conscience, ni celle-ci ni celle-là, ce n’est pas cela, c’est notre façon, la façon humaine d’être conscient, ou la façon divine d’être conscient. Voilà. C’est toute l’affaire. Et je suis absolument convaincue.
(silence)
En somme, le monde est comme il doit être, à chaque instant.
Oui.
C’est nous qui le voyons mal, ou le sentons mal ou le recevons mal.
C’est comme la mort, n’est-ce pas. C’est un phénomène de transition, et il nous paraît que cela dure depuis toujours. Pour nous, c’est depuis toujours parce que notre conscience est comme cela (Mère découpe un petit carré dans l’espace), mais quand on a cette Conscience divine, oh!... Les choses deviennent presque instantanées, tu comprends. Je ne peux pas expliquer.
Il y a un mouvement, il y a une progression, il y a ce qui se traduit pour nous par le temps, ça existe, c’est quelque chose... c’est quelque chose dans la conscience... C’est difficile à dire... C’est comme une image et sa projection. C’est un peu comme cela. Toutes les choses sont, et, pour nous, c’est comme quand nous les voyons projetées sur l’écran, elles viennent l’une après l’autre. C’est un peu comme cela.
Oui, Sri Aurobindo disait que dans la conscience supramentale, le passé, le présent et l’avenir existaient côte à côte, comme sur une seule carte de connaissance 59
Oui, c’est cela. C’est cela. Mais pour moi, c’est une expérience. Ce n’est pas une chose que je « pense » (je ne pense pas), c’est une expérience. Et c’est difficile à expliquer.
Et l’effet que cela nous produit, la sensation que nous en avons, dépend exclusivement de l’attitude de notre conscience. Et alors, la conscience d’être en soi-même ou d’être dans le tout... être dans le tout est déjà un peu mieux que d’être égoïstement soi-même, mais cela a des avantages, des inconvénients, et ce n’est pas la vérité... La Vérité, c’est... le Divin en tant que totalité — totalité dans le temps et totalité dans l’espace. Et ça, c’est une conscience que le corps peut avoir, parce que ce corps-là l’a eue (momentanément, pour des moments), et pendant qu’il l’a, tout est tellement... n’est-ce pas, ce n’est pas la joie, ce n’est pas le plaisir, ce n’est pas le bonheur, ce n’est rien de tout cela... une sorte de paix béatifique... et lumineuse... et créatrice. C’est magnifique. Seulement, ça vient, ça va, ça vient, ça va... Et quand on en sort, on a l’impression de tomber dans un trou horrible — notre conscience ordinaire (la conscience humaine ordinaire, je veux dire), est un trou horrible. Mais on sait aussi pourquoi cela a été momentanément comme cela, c’est-à-dire que c’est nécessaire pour passer de ceci à cela — tout ce qui arrive est nécessaire au plein développement du but de la création. On pourrait dire : le but de la création est que la créature devienne consciente comme le Créateur. Voilà. C’est une phrase, mais c’est dans ce sens-là. Le but de cette création c’est cette Conscience de l’Infini, Éternel qui est tout-puissant — Infini, Éternel, ToutPuissant... que nos religions ont appelé Dieu (pour nous, par rapport à la vie, c’est le Divin), Infini et Éternel, Tout-Puissant... hors du temps : chaque parcelle individuelle possédant cette Conscience; chaque parcelle individuelle contenant cette même Conscience.
C’est la division qui a créé le monde, et c’est dans la division que l’Éternel se manifeste.
Notre langage est... (ou notre conscience) inadéquat. Plus tard, je pourrai dire.
Il se passe quelque chose. Voilà (Mère rit).
Bon Noël, mon petit — la fête de la Lumière...
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