Dans ces conversations, la Mère confie à un disciple ses expériences sur le chemin du « yoga du corps », au cours des années 1961-1973.
L’autre jour, tu as parlé de cette vision de ton corps, ce corps de transition...
Oui, mais j’étais comme cela. C’était moi. Je ne me suis pas vue dans une glace : je me suis vue comme cela (Mère penche la tête pour regarder son corps), j’étais... j’étais comme cela.
C’est la première fois. C’était vers quatre heures du matin, je crois. C’était tout à fait naturel — n’est-ce pas, je n’ai pas regardé dans un miroir, j’étais tout à fait naturelle. Je me souviens seulement de ce que j’ai vu (geste de la poitrine aux hanches). Je n’avais que des voiles sur moi, alors j’ai vu seulement... Ce qui était très différent, c’était le tronc, depuis la poitrine jusqu’à la taille : ni homme ni femme.
Et c’était joli, j’avais une forme très, très svelte, très mince — très mince mais pas maigre. Et la peau était très blanche; la peau était comme ma peau. Mais une très jolie forme. Mais pas de sexe, on ne pouvait pas dire... ni homme ni femme. Le sexe avait disparu.
Aussi là (Mère désigne la poitrine), tout cela : rien. Je ne sais pas comment dire. C’était comme un souvenir mais ça n’avait plus de formes (Mère touche sa poitrine), même pas autant que les hommes. Une peau très blanche, très unie. Pour ainsi dire pas de ventre. L’estomac — pas d’estomac. Tout cela était mince.
N’est-ce pas, je n’ai pas fait spécialement attention parce que c’était comme cela que j’étais, c’était tout à fait naturel. C’est la première fois, et c’était dans la nuit d’avant-hier à hier, et la nuit d’hier à aujourd’hui je n’ai rien vu — la première, la dernière fois jusqu’à présent.
Mais c’était comme cela dans le physique subtil?
Ce doit être comme cela dans le physique subtil.
Mais alors comment cela passera-t-il dans le physique?
Voilà, je ne sais pas... Je ne sais pas. Je ne sais pas.
Aussi, il était évident qu’il ne devait plus y avoir une digestion compliquée comme maintenant, ni l’élimination de maintenant. Ce n’était pas comme cela.
Mais comment?... Il est évident que la nourriture est déjà très différente et devient de plus en plus différente (comme le glucose, par exemple, des choses qui ne nécessitent pas une digestion compliquée). Mais comment le corps lui-même changera-t-il? Je ne sais pas.
Je ne sais pas. Je n’ai pas regardé pour savoir comment c’était parce que c’était tout à fait naturel, alors je ne peux pas faire une description détaillée. Simplement ce n’était ni le corps d’une femme ni le corps d’un homme — ça, c’est clair. Et the outline, la silhouette était à peu près la même, comme d’un être très, très jeune. Il y avait comme le souvenir des formes humaines (Mère dessine en l’air), il y avait une épaule, et une taille. Comme le souvenir d’une forme.
Je le vois mais... Je l’ai vu comme on se voit. Et il y avait une espèce de voile que je me suis mis, comme cela, pour me couvrir.
C’était une manière (ce n’était pas étonnant pour moi), c’était une manière d’être naturelle.
Non, ce qui paraît mystérieux, c’est le passage de l’un à l’autre.
Oui, comment?
Mais c’est le même mystère que le passage du chimpanzé à un homme.
Oh ! non, c’est plus formidable que cela, Douce Mère. C’est plus formidable parce que, après tout, entre le chimpanzé et l’homme il n’y a pas beaucoup de différence.
Mais il n’y avait pas beaucoup de différence en apparence (Mère dessine une silhouette en l’air) : il y avait des épaules, des bras, un corps, une taille comme cela, des jambes. Ça, c’était la même chose. C’était seulement...
Oui, mais je veux dire que le fonctionnement du chimpanzé et le fonctionnement de l’homme sont pareils.
Ils sont pareils.
Eh bien, oui, ils digèrent, ils respirent, ils... Tandis que là...
Non, mais il devait y avoir la respiration — au contraire, les épaules étaient larges (geste). Ça, c’était important. Seulement la poitrine n’était ni féminine ni même masculine. C’était comme un souvenir. Et puis tout cela — estomac, ventre, tout cela — il y avait juste un outline, une forme très svelte et très harmonieuse, mais qui n’avait certainement pas l’utilisation que nous faisons de notre corps.
Les deux choses très, très différentes, ce sont la procréation, qui n’avait plus aucune possibilité là, et puis la nourriture. Mais il est tout à fait évident que la nourriture maintenant n’est pas celle des chimpanzés ni des premiers hommes. Elle est très différente. Et maintenant, c’est comme s’il fallait trouver une nourriture qui n’ait pas besoin de toute une digestion... Ça, il semble que ce ne soit pas positivement liquide, mais pas solide. Et puis, il y a cette question de la bouche — je ne sais pas. Les dents? Évidemment il ne doit plus y avoir besoin de mâcher, et alors les dents n’ont plus de... Mais il faut quelque chose à la place... Ça, je ne sais pas du tout, du tout comment était la figure. Mais elle n’avait pas l’air très différente de ce qu’elle est.
Évidemment, ce qui changera beaucoup, ce qui était devenu très important, c’était la respiration. C’était de cela que dépendait beaucoup cet être.
Oui, probablement il absorbe directement les énergies.
Oui. Mais il y aura probablement des êtres intermédiaires qui ne dureront pas très longtemps, comme il y a eu des êtres intermédiaires entre le chimpanzé et l’homme.
Mais je ne sais pas, il faut qu’il se passe quelque chose qui ne s’est pas passé jusqu’à présent.
Oui.
(silence)
Quelquefois, j’ai comme une impression que le moment de la réalisation est proche.
Oui, mais comment?
Oui, comment, on ne sait pas.
Est-ce que ça (Mère désigne son corps), ça va changer? Il faut que ça change, ou que ça suive le vieux processus ordinaire de se défaire et de se refaire... Je ne sais pas... Évidemment, la vie peut se prolonger beaucoup, il y a eu des exemples, mais... Je ne sais pas.
Je ne sais pas.
Plusieurs fois, j’ai eu l’impression que plutôt qu’une transformation, ce sera une concrétisation de l’autre corps.
Aah!... Mais comment?
Ça non plus, le passage, on ne sait pas. Mais au lieu que celui-ci devienne l’autre, c’est l’autre qui va prendre la place de celui-ci.
Oui, comment, je ne sais pas.
(Après un silence) Oui, celui que j’étais la nuit d’avant-hier, évidemment s’il se matérialisait... Mais comment?
(Mère entre en contemplation)
On ne sait rien!
C’est curieux comme on ne sait rien...
Douce Mère, tu sais, dans son poème, « Transformation »,
Sri Aurobindo commence ainsi :
“My breath runs in a subtle rhythmic stream; It fills my members with a might divine63 ...”
La respiration, oui ça, c’est important.
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