CWM (Fre) Set of 18 volumes
Notes sur le Chemin Vol. 11 of CWM (Fre) 422 pages 2009 Edition
French

ABOUT

Dans ces conversations, la Mère confie à un disciple ses expériences sur le chemin du « yoga du corps », au cours des années 1961-1973.

Notes sur le Chemin

The Mother symbol
The Mother

Dans ces conversations, la Mère confie à un disciple ses expériences sur le chemin du « yoga du corps », au cours des années 1961-1973.

Collection des œuvres de La Mère Notes sur le Chemin Vol. 11 422 pages 2009 Edition
French
 PDF   

1965




Le 27 novembre 1965

Mère commence par commenter le message distribué pour le Darshan, le 24 novembre :

« C’est certainement une erreur de faire descendre de force la lumière, de la tirer. Le Supramental ne peut pas être pris d’assaut. Quand le temps sera venu, il s’ouvrira de lui-même. Mais d’abord, il y a beaucoup à faire et il faut que ce soit fait patiemment et sans hâte. »

Sri Aurobindo

C’est bon pour les gens raisonnables. On dira : « Voilà, il ne promet pas de miracles. »

Pourquoi? Beaucoup de gens ont-ils donc tendance à « tirer » ?

Les gens sont pressés, ils veulent voir les résultats tout de suite.

Et alors, ils croient tirer le Supramental — ils tirent quelque petite individualité vitale qui se moque d’eux et leur fait faire de vilaines blagues après. C’est ce qui arrive le plus souvent, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent.

Une petite individualité, une entité vitale qui joue le grand jeu et fait des effets, des jeux de lumière; alors le pauvre bougre qui a tiré est ébloui, il dit : « Voilà, c’est le Supramental » et il tombe dans un trou.

Ce n’est que lorsqu’on a touché, vu d’une façon quelconque et eu un contact avec la Lumière véritable, que l’on peut discerner le vital, et l’on s’aperçoit que c’est tout à fait comme des jeux de lumière sur un théâtre, une lumière artificielle. Mais autrement, les autres sont éblouis — c’est éblouissant, c’est « magnifique », et alors ils se trompent. Ce n’est que si l’on a vu et que l’on a eu le contact avec la Vérité, ah! alors on sourit.

C’est du cabotinage, mais il faut savoir la vérité pour discerner le cabotinage.

Au fond, c’est la même chose pour tout. Le vital est comme un super-théâtre qui donne des représentations — très attrayantes, éblouissantes, trompeuses — et ce n’est que quand on connaît la Vraie Chose, que, immédiatement, instinctivement, sans raisonnement, on discerne et on dit :

« Non, ça je n’en veux pas. »

Et pour tout, n’est-ce pas. Là où cela a pris une importance capitale dans la vie humaine, c’est pour l’amour. Les passions vitales, les attractions vitales ont pris presque partout la place du sentiment véritable, qui est tranquille, tandis que cela, ça vous met en effervescence, ça vous donne le sentiment de quelque chose de « vivant ». C’est très trompeur. Et on ne sait cela, on ne le sent, on ne le perçoit clairement que quand on connaît la Vraie Chose; si l’on a touché à l’amour véritable par le psychique et l’union divine, alors cela paraît creux, mince, vide — une apparence et une comédie, plus souvent tragique que comique.

Tout ce que l’on peut en dire, tout ce que l’on peut en expliquer ne sert à rien du tout, parce que celui ou celle qui est prise, dit tout de suite : « Oh! ce n’est pas comme pour les autres. » Ce qui vous arrive à vous-même, n’est jamais comme ce qui arrive aux autres! Il faut avoir la vraie expérience, alors tout le vital prend l’aspect d’une mascarade — pas attrayante.

Et quand on tire, c’est, oh! beaucoup plus de quatre-vingtdix-neuf fois sur cent, c’est un cas sur un million où il se trouve que l’on tire la Vraie Chose — cela prouve que l’on était prêt. Autrement, c’est toujours le vital que l’on tire, l’apparence, la représentation dramatique de la Chose, pas la Chose elle-même.

Tirer est toujours un mouvement égoïste. C’est une déformation de l’aspiration. L’aspiration vraie, cela comporte un don, un don de soi, tandis que tirer, c’est vouloir pour soi. Même si dans la pensée on a une ambition plus vaste — la terre, l’univers —, cela ne fait rien, ce sont des activités mentales.

(long silence)

Tu n’as rien senti de particulier le jour du Darshan?

Non.

Sri Aurobindo était là depuis le matin jusqu’au soir.

Pendant, oh ! pendant plus d’une heure il m’a fait vivre comme la vision concrète et vivante de la condition de l’humanité et des différentes couches d’humanité par rapport à la création nouvelle ou supramentale. Et c’était merveilleusement clair et concret et vivant... Il y avait toute l’humanité qui n’est plus tout à fait animale, qui a bénéficié du développement mental et qui a créé une certaine harmonie dans sa vie — une harmonie vitale et artistique, littéraire — et dont la grande majorité vit, satisfaite de vivre. Ils ont attrapé une sorte d’harmonie et ils vivent là-dedans la vie telle qu’elle existe dans un milieu civilisé, c’est-à-dire un peu cultivé, avec des raffinements de goût, des raffinements d’habitudes; et toute cette vie a une certaine beauté où ils se trouvent à l’aise, et à moins qu’il ne leur arrive quelque chose de catastrophique, ils sont heureux et contents, satisfaits de la vie. Ceux-là peuvent être attirés (parce qu’ils ont du goût, ils sont développés intellectuellement), ils peuvent être attirés par les forces nouvelles, les choses nouvelles, la vie future; par exemple, ils peuvent devenir des disciples de Sri Aurobindo mentalement, intellectuellement. Mais ils ne sentent pas du tout le besoin de changer matériellement, et si on les y forçait, ce serait d’abord prématuré, injuste, et cela créerait tout simplement un grand désordre et troublerait leur vie tout à fait inutilement.

C’était très clair.

Puis il y avait les quelques-uns — rares individus — qui étaient prêts à faire l’effort nécessaire pour la préparation de la transformation et pour attirer les forces nouvelles, essayer d’adapter la Matière, chercher les moyens d’expression, etc. Ceux-là sont prêts pour le yoga de Sri Aurobindo. Ils sont très peu nombreux. Il y a même ceux qui ont le sens du sacrifice et qui sont prêts à avoir une vie dure, pénible, pourvu que cela mène ou que cela aide à cette transformation future. Mais il ne faudrait pas, il ne faudrait d’aucune manière qu’ils essayent d’influencer les autres et de leur faire partager leur propre effort; ce serait tout à fait injuste — non seulement injuste, mais extrêmement maladroit, parce que cela changerait le rythme et le mouvement universels, ou tout au moins terrestres, et au lieu d’aider, cela produirait des conflits et aboutirait à un chaos.

Mais c’était si vivant, si réel, que toute mon attitude (comment dire... une attitude passive, qui n’est pas l’effet d’une volonté active), toute la position prise dans le travail a changé. Et cela a amené une paix — une paix et une tranquillité et une confiance tout à fait décisives. Un changement décisif. Et même, ce qui, dans la position précédente, paraissait être de l’obstination, de la maladresse, de l’inconscience, toutes sortes de choses déplorables, tout cela a disparu. C’était comme la vision d’un grand Rythme universel où chaque chose prend sa place et... tout est très bien. Et l’effort de transformation réduit à un petit nombre, devient une chose beaucoup plus précieuse et beaucoup plus puissante pour la réalisation. C’est comme un choix qui a été fait pour ceux qui seront les pionniers de la création nouvelle. Et toutes ces idées de « répandre », de « préparer » ou de baratter la Matière : des enfantillages. C’est de l’agitation humaine.

La vision était d’une beauté tellement majestueuse et calme et souriante, oh!... C’était plein, plein vraiment de l’Amour divin.

Et pas un Amour divin qui « pardonne » — il ne s’agit pas de cela du tout, du tout! — chaque chose à sa place et réalisant son rythme intérieur aussi parfaitement qu’elle le peut.

C’était un très beau cadeau.

N’est-ce pas, toutes ces choses, on les sait quelque part, intellectuellement, comme ça, dans l’idée, on sait tout cela, mais ça ne sert à rien du tout. Dans la pratique de chaque jour, on vit selon quelque chose d’autre, une compréhension plus vraie. Et là, c’était comme si l’on touchait les choses — on les voyait, on les touchait — dans leur ordonnance supérieure.

C’était venu après une vision des plantes et de la beauté spontanée des plantes (c’est quelque chose de si merveilleux), puis de l’animal avec une vie si harmonieuse (quand les hommes n’interviennent pas), et tout cela était bien à sa place. Puis l’humanité vraie en tant qu’humanité, c’est-à-dire le maximum de ce qu’un mental équilibré peut produire de beauté, d’harmonie, de charme, d’élégance de la vie et du goût de vivre — du goût de vivre en beauté — et naturellement en supprimant tout ce qui est laid et bas et vulgaire. C’était une jolie humanité. L’humanité à son maximum, mais jolie. Et qui est parfaitement satisfaite en tant qu’humanité, parce qu’elle vit harmonieusement. Et c’est peut-être aussi comme une promesse de ce que la presque totalité de l’humanité deviendra sous l’influence de la création nouvelle. Il me paraissait que c’était ce que la Conscience supramentale pouvait faire de l’humanité. Il y avait même une comparaison avec ce que l’humanité avait fait de l’espèce animale (c’est extrêmement mélangé, naturellement, mais il y a eu des perfectionnements, des améliorations, des utilisations plus complètes). L’animalité, sous l’influence mentale, est devenue quelque chose d’autre, qui était naturellement mélangé parce que le mental était incomplet; de même, il y a des exemples d’humanité harmonieuse parmi les gens bien équilibrés, et cela paraissait être ce que l’humanité pouvait devenir sous l’influence supramentale.

Seulement, c’est très loin en avant; il ne faut pas s’attendre à ce que ce soit tout de suite — c’est très en avant.

C’est clairement, encore maintenant, une période de transition, qui peut durer assez longtemps et qui est plutôt douloureuse. Seulement l’effort, quelquefois douloureux (souvent douloureux) est compensé par une vision claire du but à atteindre, du but qui sera atteint : une assurance, n’est-ce pas, une certitude. Mais ce serait quelque chose qui aurait le pouvoir d’éliminer toutes les erreurs, les déformations et les laideurs de la vie mentale, et alors une humanité très heureuse, très satisfaite d’être humaine, ne sentant nullement le besoin d’être autre chose qu’humaine, mais d’une beauté humaine, d’une harmonie humaine.

C’était très charmant, c’était comme si je vivais là-dedans. Les contradictions avaient disparu. Comme si je vivais dans cette perfection. Et c’était presque comme l’idéal conçu par la Conscience supramentale, d’une humanité devenue aussi parfaite qu’elle peut l’être. Et c’était très bien.

Et cela amène un grand repos. La tension, la friction, tout cela disparaît, et l’impatience. Tout cela avait complètement disparu.

C’est-à-dire que tu concentres le travail au lieu de le diffuser un peu partout?

Non, il peut être diffusé matériellement, parce que les individus ne sont pas nécessairement rassemblés. Mais ils sont peu nombreux.

Cette idée d’un besoin pressant de « préparer » l’humanité à la création nouvelle, cette impatience-là a disparu.

Il faut d’abord réaliser en quelques-uns.

C’est cela.

Je voyais, j’ai vu cela d’une façon si concrète. En dehors de ceux qui sont aptes à préparer la transformation et la réalisation supramentale, et dont le nombre est nécessairement très réduit, il faudrait que se développe de plus en plus, au milieu de la masse humaine ordinaire, une humanité supérieure qui ait vis-à-vis de l’être supramental futur ou en promesse la même attitude qu’a l’animalité, par exemple, vis-à-vis de l’homme. Il faut, en plus de ceux qui travaillent à la transformation et qui y sont prêts, une humanité supérieure, intermédiaire, qui ait trouvé en elle-même ou dans la vie cette harmonie avec la Vie — cette harmonie humaine — et qui ait le même sentiment d’adoration, de dévotion, de consécration fidèle à « quelque chose » qui lui paraît si supérieur qu’elle n’essaye même pas de le réaliser, mais qu’elle adore et dont elle sente le besoin de l’influence, de la protection, et de vivre sous cette influence, d’avoir la joie d’être sous cette protection. C’était si clair. Mais pas cette angoisse et ces tourments de vouloir quelque chose qui vous échappe parce que... parce que ce n’est pas votre destin encore de l’avoir, et que la somme de transformation nécessaire est prématurée pour votre existence, et qu’alors cela crée un désordre et une souffrance.

Par exemple, l’une des choses très concrètes qui montre bien le problème : l’humanité a l’impulsion sexuelle d’une façon tout à fait naturelle, spontanée, et je pourrais dire légitime. Cette impulsion, naturellement et spontanément disparaîtra avec l’animalité (bien d’autres choses disparaîtront, comme, par exemple, le besoin de manger, et peut-être aussi le besoin de dormir de la façon dont nous dormons), mais l’impulsion la plus consciente dans une humanité supérieure, et qui est restée comme une source de... béatitude est un grand mot, mais de joie, de délice, c’est certainement l’activité sexuelle, qui n’aura absolument plus de raison d’être dans les fonctions de la nature quand le besoin de créer de cette manière-là n’existera plus. Par conséquent, la capacité d’entrer en rapport avec la joie de la vie montera d’un

Le 27 novembre 1965

échelon ou s’orientera différemment. Mais ce que les anciens aspirants spirituels avaient essayé par principe — la négation sexuelle — est une chose absurde, parce que ce ne doit être que chez ceux qui ont dépassé ce stade et qui n’ont plus d’animalité en eux. Et elle doit tomber naturellement, sans effort et sans lutte, comme ça. En faire un centre de conflit, de lutte, est ridicule. C’est seulement quand la conscience cesse d’être humaine que cela tombe tout naturellement. Là, il y a une transition qui peut être un peu difficile, parce que les êtres de transition sont toujours en équilibre instable, mais il y a au-dedans de soi une espèce de flamme et de besoin qui fait que ce n’est pas douloureux — ce n’est pas un effort douloureux, c’est quelque chose que l’on peut faire en souriant. Mais vouloir imposer cela à ceux qui ne sont pas prêts à cette transition, c’est absurde.

C’est du bon sens. Ils sont humains, mais qu’ils ne prétendent pas ne pas l’être.

Ce n’est que quand, spontanément, l’impulsion vous devient impossible, quand vous sentez que c’est quelque chose de pénible et de contraire à votre besoin profond, alors cela devient facile; à ce moment-là, eh bien, extérieurement vous coupez des liens, et puis c’est fini.

C’est l’un des exemples les plus probants.

C’est la même chose pour la nourriture. Ce sera la même chose. Quand l’animalité tombera, le besoin absolu de nourriture tombera. Et il y aura probablement une transition où l’on aura une nourriture de moins en moins purement matérielle. Par exemple, quand on respire des fleurs, c’est nourrissant. J’ai vu cela, on se nourrit d’une façon plus subtile.

Seulement, le corps n’est pas prêt. Le corps n’est pas prêt et il se détériore, c’est-à-dire qu’il se mange lui-même. Alors cela prouve que le moment n’est pas venu et que c’est seulement une expérience — une expérience qui vous apprend quelque chose, qui vous apprend que ce ne sera pas un refus brutal d’entrer en rapport avec la matière correspondante et un isolement (on ne peut pas s’isoler, c’est impossible), mais une communion sur un plan plus élevé ou plus profond.

(silence)

Ceux qui ont atteint aux régions supérieures de l’intelligence, mais qui n’ont pas dominé les facultés mentales en eux, ont un besoin candide que tout le monde pense comme eux et soit capable de comprendre comme ils comprennent, et quand ils s’aperçoivent que les autres ne peuvent pas, ne comprennent pas, le premier réflexe est d’être horriblement choqué; on dit : « Quel imbécile! » Mais ce n’est pas du tout imbécile — ils sont différents, ils sont dans un autre domaine. On ne va pas dire à un animal : « Tu es un imbécile », on dit : « C’est un animal »; eh bien, on dit : « C’est un homme. » C’est un homme. Seulement, il y a ceux qui ne sont plus des hommes et ne sont pas encore des dieux, et ceux-là sont dans une position très... en anglais, on dit awkward8.

Mais c’était si apaisant, si doux, si merveilleux, cette vision — chaque chose exprimant son espèce, tout naturellement. Et il est tout à fait évident qu’avec l’ampleur et la totalité de la vision, vient quelque chose qui est une compassion qui comprend — pas cette pitié du supérieur à l’inférieur : la vraie Compassion divine, qui est la compréhension totale que chacun est ce qu’il doit être.









Let us co-create the website.

Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.

Image Description
Connect for updates