La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.
Ces Entretiens ont eu lieu entre le mois d'avril et le mois d'août 1929. La Mère s'adressait alors en anglais à un petit nombre de disciples, et particulièrement à une Anglaise qui posait toutes les questions que nous retrouvons ici. Ces textes furent traduits en français par la Mère, d'après les notes prises par un disciple, et publiés pour la première fois en 1933 sous le titre Entretiens avec la Mère.
Il y a des êtres humains qui sont comme des vampires. Que sont-ils et pourquoi sont-ils ainsi?
Ils ne sont pas humains; la forme, l’apparence seule est humaine. Ce sont des incarnations d’êtres qui proviennent d’un monde juste voisin du physique, d’êtres qui vivent sur un plan que nous appelons le monde vital. C’est le monde de tous les désirs, toutes les impulsions et toutes les passions, le monde de la violence, de l’avidité, de la ruse et de tous les genres d’ignorance; mais tous les dynamismes aussi sont là, toutes les énergies de vie et bien des pouvoirs. Les êtres de ce monde ont, de par leur nature, une étrange emprise sur le monde matériel et peuvent exercer sur lui une influence sinistre. Certains d’entre eux sont constitués de fragments d’êtres humains qui persistent après la mort, dans l’atmosphère vitale, près du plan terrestre. Les désirs et les appétits des hommes continuent à flotter là et conservent leur forme, même après la dissolution du corps; souvent ils cherchent encore à se manifester et à se satisfaire, et la naissance de ces créatures du monde vital en est la conséquence. Mais ceux-là sont des êtres de peu d’importance, et, quoiqu’ils puissent être très désagréables, il n’est pas impossible de se tirer d’affaire avec eux. Il y en a d’autres, beaucoup plus dangereux, qui n’ont jamais appartenu à une forme humaine; jamais ils ne naquirent dans un corps humain sur terre; car, le plus souvent, ils refusent ce mode de naissance qui rend esclave de la matière, et ils préfèrent rester dans leur propre monde, puissants et nuisibles, et, de là, garder leur emprise sur les êtres terrestres. Car, bien qu’ils n’acceptent pas de naître sur terre, ils veulent être en contact avec la nature physique, mais sans être liés par elle.
Leur méthode consiste à essayer d’abord de jeter leur influence sur un homme. Ensuite, ils entrent lentement dans son atmosphère, et, à la fin, ils peuvent prendre complètement possession de lui, chassant entièrement la vraie âme humaine et sa personnalité. Ces créatures, quand elles sont ainsi en possession d’un corps terrestre, peuvent avoir l’apparence humaine, mais elles n’ont certes pas la nature humaine. Elles ont l’habitude de tirer à elles la force de vie des êtres humains; elles attaquent et capturent le pouvoir vital partout où elles peuvent s’en nourrir. Si elles pénètrent dans votre atmosphère, vous vous sentez soudain déprimé et épuisé; si vous restez près d’elles quelque temps, vous tombez malade; si vous vivez avec l’une d’elles, cela peut vous tuer.
Mais comment peut-on débarrasser son entourage de telles créatures, une fois qu’elles y sont entrées?
Le pouvoir vital incarné dans de tels êtres est d’un genre tout à fait matériel et agit seulement à une très courte distance. D’ordinaire, si vous ne vivez pas dans la même maison qu’eux, ou que vous ne soyez pas en leur compagnie, vous ne risquez guère de tomber sous leur influence. Mais si vous établissez entre eux et vous un chemin de liaison ou de communication, par lettre, par exemple, alors vous rendez possible un échange de forces et vous vous exposez à être influencé par eux, même à grande distance. La méthode la plus sage avec ces êtres est de couper toute relation et de ne rien avoir à faire avec eux — à moins, en vérité, que vous n’ayez une grande connaissance et un fort pouvoir occultes et que vous sachiez comment vous couvrir et vous protéger; mais, même dans ce cas, il est toujours dangereux de les fréquenter. Espérer les convertir, comme le souhaitent certaines personnes, est une vaine illusion; car ils ne veulent pas être convertis. Ils n’ont aucune intention de permettre une transformation et tout effort dans ce sens est inutile.
Ces êtres, quand ils sont dans un corps humain, n’ont pas souvent conscience de ce qu’ils sont réellement. Quelquefois ils ont la vague sensation qu’ils ne sont pas tout à fait humains à la manière ordinaire. Cependant, il y a des cas où ils sont conscients, et très conscients; non seulement ils savent qu’ils n’appartiennent pas à l’humanité, mais ils savent aussi ce qu’ils sont, agissent selon cette connaissance et poursuivent délibérément leurs fins. Les êtres du monde vital sont puissants par leur nature même; quand à leur pouvoir ils ajoutent la connaissance, ils sont doublement dangereux. Il n’y a rien à faire avec ces créatures; on doit éviter soigneusement tout rapport avec elles, à moins qu’on n’ait le moyen de les écraser et de les détruire. Si vous êtes forcé par les circonstances d’entrer en contact avec l’une d’elles, prenez bien garde au charme qui se dégage d’elle. Les êtres du vital, quand ils se manifestent sur le plan physique, ont toujours un grand pouvoir hypnotique, car le centre de leur conscience est dans le monde vital et non dans le matériel, et ils ne sont pas voilés et rapetissés par la conscience matérielle comme le sont les êtres humains.
N’est-ce point un fait qu’une étrange fascination attire ces créatures vers la vie spirituelle?
Oui, parce qu’elles sentent qu’elles n’appartiennent pas à cette terre, mais viennent d’ailleurs; elles sentent aussi qu’elles possédaient des pouvoirs qu’elles ont à moitié perdus, et elles sont impatientes de les regagner. Ainsi, chaque fois qu’elles rencontrent quelqu’un qui peut leur donner une connaissance du monde invisible, elles courent à lui. Mais elles prennent le monde vital pour le spirituel, et leur recherche tend à des fins vitales et non spirituelles. Parfois aussi, elles s’efforcent délibérément de corrompre la spiritualité et d’en construire une imitation dans le monde de leur nature propre. Même dans ce cas, c’est un genre d’hommage qu’elles rendent, ou une sorte de dédommagement qu’elles payent à leur manière, à la vie spirituelle. Elles sont aussi contraintes par une sorte d’attraction ; elles se sont révoltées contre la loi divine, mais en dépit de leur révolte, ou peut-être même à cause d’elle, elles se sentent en quelque sorte liées et sont puissamment attirées par la présence du Divin.
C’est pourquoi on peut les voir parfois servir d’instruments pour mettre en rapport les uns avec les autres ceux qui doivent réaliser la vie spirituelle sur terre. Ce n’est pas volontairement qu’elles remplissent ce rôle, mais elles y sont contraintes. C’est une sorte de compensation qu’elles ont à payer. Car elles sentent la pression de la lumière qui descend, elles pressentent que le temps est venu ou viendra bientôt, où elles auront à choisir entre la conversion et la dissolution, choisir entre se soumettre à la volonté divine et prendre leur place dans la Grande Œuvre, ou sombrer dans l’inconscience et cesser d’être. Le contact avec un chercheur de la vérité donne à de telles créatures leur chance de changement. Tout dépend de comment elles utilisent cette chance. Prise de la bonne manière, elle peut leur ouvrir le chemin de la libération et les faire sortir du mensonge, de l’obscurité et de la misère, qui sont l’étoffe même dont sont faits les êtres du vital, et les mener à la régénération et à la vie.
Est-ce que ces êtres n’ont pas un grand pouvoir sur l’argent?
En effet, le pouvoir sur l’argent est maintenant sous l’influence ou entre les mains des forces et des êtres du monde vital. C’est à cause de cette influence que jamais on ne voit l’argent aller en sommes considérables à la cause de la vérité. Toujours il se fourvoie, car il est sous la griffe des forces hostiles et c’est un de leurs principaux moyens de garder leur emprise sur la terre. La mainmise des forces hostiles sur le pouvoir de l’argent est puissamment, complètement et soigneusement organisée, et c’est une tâche des plus difficiles que d’extraire quoi que ce soit de cette compacte organisation. Chaque fois que l’on essaye de retirer un peu d’argent à ses gardiens actuels, on doit livrer une bataille féroce.
Et pourtant, une seule victoire sérieuse remportée quelque part sur les forces adverses qui ont le contrôle de l’argent, rendrait la victoire possible, simultanément et automatiquement, à tous les autres points aussi. Si sur un point ces forces cédaient, tous ceux qui maintenant sentent qu’ils ne peuvent pas donner d’argent à la cause de la vérité, soudain éprouveraient un grand, un intense désir de donner. Ce n’est pas que ces hommes riches, qui sont plus ou moins des jouets et des instruments entre les mains des forces vitales, aient une répugnance à dépenser; leur avarice se montre seulement quand les impulsions vitales et les désirs ne sont pas éveillés en eux. Lorsqu’il s’agit de satisfaire quelque désir qu’ils appellent le leur, ils dépensent facilement; mais quand il leur est demandé de donner une part de leur confort et des bénéfices de leurs richesses à l’œuvre de vérité, alors ils trouvent bien dur de se séparer de leurs biens. Le pouvoir vital qui contrôle l’argent est comme un gardien qui conserverait son bien dans un grand coffre-fort toujours soigneusement fermé. Chaque fois qu’il est demandé aux gens qui sont sous son influence de se défaire de quelque argent, ils posent toutes sortes de questions méfiantes avant de consentir à ouvrir leur bourse, ne serait-ce qu’un tout petit peu; mais si l’impulsion vitale se lève en eux avec toutes ses exigences, le gardien est heureux d’ouvrir son coffre tout grand et l’argent coule à flots librement. En général, les désirs auxquels ces gens obéissent ont rapport aux impulsions sexuelles, mais très souvent aussi ils cèdent au désir de la renommée et de la considération, au désir de la bonne chère ou à tout autre qui se trouve sur le même niveau vital. Tout ce qui n’appartient pas à cette catégorie est questionné et scruté avec soin, accepté à contre-cœur, et, le plus souvent, repoussé à la fin. Chez ceux qui sont les esclaves des êtres du vital, le désir d’acquérir la vérité, la lumière et la réalisation spirituelle, même s’il les touche, ne peut en aucune façon contrebalancer le désir de l’argent. Gagner pour la cause divine l’argent qui est en leurs mains, équivaut à chasser d’eux le diable; il faut d’abord conquérir ou convertir l’être vital qu’ils servent, et ce n’est pas une tâche aisée. Plutôt que de mettre ce qu’ils possèdent au service du Divin, les hommes qui sont sous l’emprise des êtres du vital préfèrent parfois renoncer à leur vie de confort; mais ils peuvent rejeter loin d’eux toute jouissance et devenir intensément ascétiques sans pour cela rien perdre de leur perversité; il arrive même que ce changement les rende pires qu’ils n’étaient auparavant.
Pourquoi est-il permis à une personne d’exercer sa volonté sur une autre?
Ce n’est pas qu’il soit permis à telle personne d’exercer sa volonté sur telle autre; mais il y a une volonté universelle, et ceux qui sont capables dans une certaine mesure de la manifester, semblent avoir une plus grande force de volonté. Elle est comme la force vitale, la lumière ou l’électricité, ou tout autre pouvoir de la Nature. Certains sont de bons conducteurs pour manifester sa puissance; d’autres, de mauvais conducteurs. Il n’est pas question de moralité en ceci. C’est un fait de la Nature, une loi du grand jeu.
Peut-on rencontrer les êtres du vital dans leur propre domaine?
Les êtres du vital évoluent dans un monde supraphysique où les hommes, s’ils y entrent par hasard, se sentent perdus, impuissants, sans défense. L’être humain est chez lui, en sécurité, dans son corps matériel ; le corps est sa protection. Il y a des gens qui sont pleins de dédain pour leur corps et qui pensent que tout deviendra bien meilleur et plus facile après la mort, sans lui. Mais en fait, le corps est leur abri, leur forteresse; tant qu’ils y sont logés, les forces du monde vital trouvent difficile d’avoir une prise directe sur eux. Savez-vous ce que sont les cauchemars? Ce sont vos sorties dans le monde vital. Et quelle est la première chose que vous essayez de faire quand vous êtes en proie à un cauchemar? Vous revenez en grande hâte vers votre corps et vous vous secouez jusqu’à ce que vous ayez repris votre conscience physique normale. Tandis que dans le monde des forces vitales, vous êtes un étranger; c’est une mer inconnue sur laquelle vous n’avez ni boussole ni gouvernail. Vous ne savez pas comment avancer ni où vous devez aller; et à chaque pas, vous faites tout juste le contraire de ce qui devrait être fait.
Dès que vous entrez dans une région du monde vital, ses habitants se pressent autour de vous pour vous soustraire tout ce que vous avez, se saisir de ce qu’ils peuvent, comme d’une proie, pour s’en nourrir. Si vous n’avez pas une forte et puissante lumière qui puisse rayonner du dedans de votre être, vous vous trouvez là, sans votre corps, comme si vous n’aviez pas de manteau pour vous protéger contre le froid, ou de maison pour vous abriter, ou même de peau pour couvrir vos nerfs mis à nu et exposés à tous les contacts. Il y a des hommes qui osent dire : « Comme je suis malheureux dans ce corps! » et qui pensent à la mort comme à une délivrance. Mais après la mort vous avez le même entourage vital et vous courez les mêmes dangers provenant des mêmes forces qui sont causes de vos misères durant cette vie. La dissolution du corps vous projette dans les étendues du monde vital; et vous n’y avez plus rien pour vous défendre, plus de corps physique dans lequel vous puissiez trouver refuge.
C’est ici, sur terre, dans le corps lui-même, que vous devez acquérir une complète connaissance et apprendre à faire usage d’un plein pouvoir. C’est seulement après avoir acquis cette connaissance et ce pouvoir, que vous pouvez librement vous mouvoir dans tous les mondes, en toute sécurité. C’est seulement quand il vous est impossible de ressentir la moindre peur, quand vous restez impassible, même, par exemple, au milieu du pire cauchemar, que vous pouvez affirmer : « Maintenant je suis prêt à entrer dans le monde vital. » Mais ceci veut dire l’acquisition d’un pouvoir et d’une connaissance qui ne viennent que lorsque l’on est parfaitement maître des impulsions et des désirs de la nature vitale. Vous devez être absolument libéré de tout ce qui peut attirer les êtres d’obscurité et leur permettre de vous gouverner. Si vous n’êtes pas libre, prenez garde!
Pas d’attachements, pas de désirs, pas d’impulsions, pas de préférences; une égalité d’âme parfaite, une paix invariable, une foi absolue en la protection Divine; avec cela, vous êtes en sûreté, mais sans cela vous êtes en péril. Et tant que votre sécurité n’est pas certaine, il vaut mieux faire comme les petits poussins et trouver un abri sous les ailes maternelles.
Comment le corps physique peut-il servir de protection?
Le corps agit comme une protection par sa lourdeur : la chose même dont nous lui faisons un reproche. Il est inerte et insensible, épais, rigide et dur; il est semblable à une forteresse avec ses murs compacts et forts. Le monde vital, au contraire, est fluidique; là, toutes choses se meuvent, se mélangent et s’interpénètrent librement; ce sont comme les vagues de la mer qui coulent, sans cesse, l’une dans l’autre, changent et se mêlent. On est sans défense contre cette fluidité du monde vital, à moins qu’on ne puisse lui opposer du dedans une force et une lumière très puissantes; sans cela, elle vous pénètre et il n’y a rien qui puisse contrecarrer son influence envahissante. Mais le corps intervient; il isole du monde vital et agit comme une digue enrayant le flot débordant de ces forces.
Comment peut-il y avoir une individualité dans les formes du monde vital, si elles sont si fluides?
L’individualité est là, seulement les formes ne sont pas si fixes et dures que celles des êtres incarnés. L’individualité ne signifie pas une rigidité dépourvue de toute plasticité. Une pierre a une forme très rigide, peut-être la plus rigide que nous connaissions, et pourtant elle possède bien peu d’individualité. Prenez dix ou vingt pierres ensemble, et il vous faudra être très soigneux si vous voulez les distinguer l’une de l’autre. Mais les êtres du monde vital peuvent être reconnus et différenciés au premier coup d’œil ; on les distingue par quelque chose dans la structure de leur forme, par l’atmosphère que chacun apporte avec lui, par la manière dont chacun se meut, parle et agit. De même que l’expression des êtres humains change suivant qu’ils sont heureux ou mécontents, de même chez ces êtres, les changements d’humeur altèrent les apparences; mais les altérations sont plus considérables dans le monde vital ; là, ce n’est pas l’expression seule, mais la forme elle-même des traits qui change.
Home
The Mother
Books
CWM
French
Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.