CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 of CWM (Fre) 227 pages 2008 Edition
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La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Entretiens - 1929-1931

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The Mother

La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 227 pages 2008 Edition
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1929




Le 19 mai 1929

Quelle est la nature du pouvoir que la pensée possède? Comment et jusqu’à quel point suis-je le créateur de mon monde?

D’après l’enseignement bouddhique, tout homme vit et se meut dans un monde qui lui est particulier, tout à fait indépendant des mondes dans lesquels vivent les autres. C’est seulement quand une certaine harmonisation est établie entre ces différents mondes, qu’il leur est possible de s’interpénétrer; et alors les hommes peuvent se rencontrer vraiment et se comprendre l’un l’autre. Ceci est vrai pour le mental, car chacun se meut dans son propre monde mental, construit avec les pensées qu’il a faites siennes. Et c’est si vrai que, toujours, quand une chose est dite, chacun comprend d’une façon différente suivant sa formation mentale; en effet, ce que chacun saisit n’est pas ce qui a été dit, mais ce qu’il a déjà dans sa tête. Cependant, cette vérité n’appartient qu’aux mouvements du plan mental et ne s’applique que là.

Car le mental est un instrument d’action et de formation, non un instrument de connaissance; à chaque moment il crée des formes. Les pensées sont des formes et ont une vie individuelle, indépendante de leur auteur; envoyées par lui à travers le monde, elles y évoluent vers la réalisation de leur raison d’être. Quand vous pensez à quelqu’un, vos pensées prennent une forme et vont le trouver; et si vous avez associé votre pensée à une volonté qui la supporte, la forme-pensée qui est sortie de vous fait un effort pour se réaliser. Prenons un exemple : vous avez un grand désir qu’une certaine personne vienne vous voir, et, en même temps que l’impulsion vitale du désir, une forte imagination accompagne la forme mentale que vous avez faite; vous imaginez : « Si elle vient, il se passera ceci ou cela. » Après quelque temps, vous laissez complètement tomber la pensée et vous ne savez pas que, même après que vous l’avez oubliée, elle continue à exister et à agir. Car elle existe toujours et son action est indépendante de vous. En fait, il vous faudrait une grande puissance pour être capable de lui faire cesser son travail. Elle est à l’œuvre dans l’atmosphère de la personne à qui elle a été envoyée, pour créer en elle le désir de venir. Et en admettant qu’il y ait dans votre forme-pensée un pouvoir de volonté suffisant et que ce soit une formation bien faite, elle arrivera à ses fins. Mais entre la formation et sa réalisation, un certain temps se passe, et si, durant cet intervalle, votre pensée a été occupée par d’autres choses, quand se produit l’accomplissement de la pensée que vous avez oubliée, il se peut même que vous ne vous rappeliez plus que c’est vous qui lui aviez donné naissance; vous ne savez pas que vous avez été l’instigateur de son action et la cause de ce qui se passe. Il arrive aussi très souvent que quand le résultat se présente, vous avez cessé de le désirer ou même d’y attacher aucune importance.

Il y a des hommes qui ont un très fort pouvoir de formation de ce genre, et toujours ils voient leurs formations se réaliser; mais parce que leur être mental et vital n’est pas bien discipliné, parce que leur volonté n’est pas unique dans son orientation, ils veulent tantôt une chose, tantôt une autre, et ces formations différentes et parfois opposées produisent des résultats qui s’entrechoquent et se contredisent. Ces gens s’étonnent de vivre dans une si grande confusion et désharmonie! Ils ne comprennent pas que ce sont leurs propres pensées, issues de leurs désirs, qui ont construit autour d’eux les circonstances qui leur semblent incohérentes et contradictoires et qui rendent leur vie presque insupportable.

Cette connaissance est d’une grande importance, si elle est donnée en même temps que le secret d’en faire un bon usage. La discipline et la maîtrise de soi sont le secret; le secret est de trouver en soi-même la source de la Vérité et ce constant gouvernement de la Volonté Divine, qui seul peut donner à chaque formation son plein pouvoir et sa réalisation intégrale et harmonieuse.

En général, les hommes forment des pensées sans savoir comment ces formations se meuvent et agissent. Construites dans un état de confusion et d’ignorance, elles entrent en conflit l’une avec l’autre, créent une sensation de tension, d’effort et de fatigue, et donnent l’impression que l’on doit se percer un chemin à travers une multitude d’obstacles. Ces conditions d’ignorance et d’incohérence produisent une sorte de mêlée dans laquelle les formes les plus fortes et les plus durables remportent la victoire sur les autres.

Une chose est certaine au sujet du mental et de sa façon de travailler, c’est que l’on ne peut comprendre que ce que l’on sait déjà dans son être intérieur. Vous êtes frappé, dans un livre, par ce que vous avez déjà expérimenté profondément au-dedans de vous. Souvent, quand un homme trouve merveilleux un livre ou un enseignement, on l’entend dire : « Ceci est exactement ce que je sentais et savais, mais je ne pouvais pas l’exprimer aussi bien et clairement que c’est exprimé ici. » Quand un livre de vraie connaissance tombe entre les mains des hommes, chacun se découvre lui-même dans le livre, et à chaque nouvelle lecture, il fait de nouvelles trouvailles qu’il n’avait pas vues tout d’abord : chaque fois s’ouvre devant lui un nouveau champ de connaissance qui lui avait jusqu’alors échappé. C’est parce que, chaque fois, sont touchés de nouveaux plans de connaissance qui attendaient dans son subconscient le pouvoir de s’exprimer; maintenant, l’expression a été donnée par quelqu’un d’autre et bien mieux qu’il n’aurait pu le faire lui-même. Mais dès qu’il rencontre l’expression, il la reconnaît et sent que c’est la Vérité. La connaissance qui semble vous venir du dehors est seulement une occasion d’amener à la surface la connaissance qui était au-dedans de vous.

L’expérience de la déformation de ce qui a été dit est très fréquente et provient d’une source similaire. Par exemple, on dit une chose qui est parfaitement claire; mais la manière dont elle est comprise est stupéfiante! Chacun voit en elle quelque chose d’autre que ce que l’on voulait dire, et même parfois lui donne un sens contraire à celui qu’elle avait. Si vous voulez comprendre vraiment et éviter ce genre d’erreur, vous devez passer derrière le son et le mouvement des mots et apprendre à écouter en silence. Si vous écoutez en silence, vous entendrez et comprendrez correctement; mais tant qu’il y a quelque chose qui remue et fait du bruit dans votre cerveau, vous comprenez seulement ce qui est dans votre tête et non ce qui vous est dit.

Pourquoi est-on assailli par une armée de circonstances adverses dès qu’on entre en contact avec le yoga ? Il a été dit que lorsque l’on ouvre la porte au yoga, on a immédiatement à faire face à une multitude d’obstacles. Est-ce vrai?

Ce n’est pas une règle absolue; cela dépend surtout de la personne. Pour beaucoup, les circonstances adverses viennent mettre à l’épreuve les points faibles de leur nature. L’égalité d’âme est la base indispensable du yoga ; elle doit être bien établie avant que l’on puisse avancer librement sur le chemin. Il va de soi que, de ce point de vue, tous les ennuis sont des épreuves qu’il faut passer. Mais ils sont nécessaires aussi pour jeter bas les limites que vos constructions mentales ont dressées autour de vous et qui vous empêchent de vous ouvrir à la Lumière et à la Vérité. Le monde mental dans lequel vous vivez est limité, quoiqu’il se puisse que vous ne connaissiez ni ne sentiez ses limitations; quelque chose doit venir détruire cette construction dans laquelle votre mental s’est enfermé, et le libérer. Par exemple, la plupart ont des règles, des idées et des principes fixes, auxquels ils attribuent une importance capitale; le plus souvent ils adhèrent à certains préceptes moraux, tels que les commandements : « Tu honoreras ton père et ta mère », ou : « Tu ne tueras point », ou d’autres du même genre. Chaque homme a sa manie, son mot d’ordre préféré; chacun pense qu’il est libre de tel ou tel préjugé, dont les autres sont affublés, et il est prêt à condamner de telles notions comme tout à fait fausses; mais en même temps, il s’imagine que les siennes ne sont pas du tout du même genre; les siennes sont pour lui la vérité, la vraie vérité.

L’attachement à une règle mentale est l’indication d’un aveuglement qui se cache encore quelque part. Prenez, par exemple, cette superstition faisant loi dans le monde entier, que l’ascétisme et la spiritualité sont une seule et même chose. Si vous parlez de quelqu’un comme d’un homme spirituel, la plupart des gens se le représentent ne mangeant pas, assis toute la journée sans bouger, ou vivant très pauvrement dans une hutte, ayant donné tout ce qu’il possédait sans rien garder pour lui. Tel est le tableau qui vient immédiatement à l’esprit de quatrevingt-dix-neuf personnes sur cent quand vous leur parlez d’un homme spirituel ; pour elles, la seule preuve valable de spiritualité est la pauvreté et l’abstinence de tout ce qui peut être agréable ou confortable. C’est une construction mentale qui doit être détruite si l’on veut être libre de voir et de suivre la vérité spirituelle. Sinon, voici ce qui peut arriver : vous allez à la vie spirituelle avec une sincère aspiration et vous voulez rencontrer le Divin et Le réaliser dans votre conscience et votre vie; votre recherche vous amène à un endroit qui n’est pas du tout une cabane et vous vous trouvez en présence de l’Homme-Dieu vivant confortablement, mangeant librement, entouré de belles et luxueuses choses, ne distribuant pas ce qu’il a aux pauvres, mais acceptant et utilisant tout ce qui lui est donné. Immédiatement, à cause de votre idée préconçue, vous êtes déconcerté et vous vous écriez : « Comment? Je pensais rencontrer un homme spirituel ! » Cette fausse conception doit être brisée et disparaître. Dès que vous en êtes débarrassé, vous découvrez quelque chose de beaucoup plus haut et grand que votre étroite règle ascétique, vous trouvez une ouverture totale qui laisse l’être complètement libre. Si vous devez avoir quelque chose, vous l’acceptez; si cette même chose vous quitte, vous vous en séparez avec un égal bon vouloir. Les choses viennent à vous et vous les prenez, les choses s’en vont et vous ne les retenez pas, et vous conservez toujours la même sérénité souriante, que ce soit en prenant ou en laissant aller.

Ou bien, vous avez adopté pour règle d’or : « Tu ne tueras point », et vous êtes plein d’horreur pour la cruauté et les massacres. Ne soyez pas étonné si vous êtes mis immédiatement en présence du meurtre, non pas une fois seulement, mais de façon répétée, jusqu’à ce que vous ayez compris que votre idéal n’est rien de plus qu’un principe mental et que celui qui cherche la vérité spirituelle ne doit être lié ni attaché à aucune règle mentale; et dès que vous en serez libéré, vous vous apercevrez, probablement, que toutes les scènes qui vous troublaient cesseront comme par enchantement de se produire en votre présence; en effet, elles n’avaient d’autre but que de vous troubler et de secouer et faire s’écrouler votre édifice mental.

Quand on se tourne vers le Divin, il faut faire table rase de toutes les conceptions mentales; mais en général, au lieu de le faire, on jette toutes ses conceptions sur le Divin et l’on veut que le Divin leur obéisse. La seule vraie attitude pour un yogi est d’être plastique et prêt à exécuter l’ordre Divin, quel qu’il puisse être; rien ne doit lui être indispensable, rien ne doit non plus lui être à charge. Souvent, le premier mouvement de ceux qui décident de vivre la vie spirituelle est de rejeter loin d’eux tout ce qu’ils ont; mais ils le font parce qu’ils cherchent à se débarrasser d’un fardeau, non parce qu’ils veulent en faire une offrande au Divin. Lorsque les hommes qui ont du bien et sont entourés de choses qui donnent le luxe et des jouissances, se tournent vers le Divin, leur immédiate impulsion est de s’enfuir loin de ces choses; c’est ce qu’ils appellent « échapper à leur esclavage ». Mais c’est un mouvement ignorant et faux. Vous ne devez pas penser que les choses que vous avez vous appartiennent; toutes choses appartiennent au Divin. Si le Divin veut que vous ayez la jouissance de quoi que ce soit, jouissez-en; mais soyez prêt aussi à en faire l’abandon, d’aussi bonne grâce, la minute suivante, si telle est la Volonté Divine.

Que sont les maladies physiques? Sont-elles des attaques qui viennent des forces hostiles, de l’extérieur?

Deux facteurs sont à considérer en la matière. Il y a ce qui vient de l’extérieur, et aussi ce qui provient de la condition intérieure. L’état interne devient une cause de maladie quand s’y trouvent de la résistance ou de la révolte, ou quand quelque partie de l’être ne répond pas à la protection. Parfois même, il y a quelque chose qui appelle presque volontairement les forces adverses. Il suffit d’un très léger mouvement de ce genre; en un instant les puissances hostiles fondent sur vous et leur attaque se traduit le plus souvent par une maladie.

Mais les maladies ne sont-elles pas parfois le résultat de la présence de microbes, sans faire partie du mouvement du yoga ?

Où est-ce que le yoga commence et où est-ce qu’il finit? Votre vie tout entière n’est-elle pas un yoga ? Les possibilités de maladies sont toujours présentes dans votre corps et près de vous, tous les microbes et tous les germes de maladie pullulent autour de vous, et vous les portez au-dedans de vous. Comment se fait-il que, tout d’un coup, vous attrapiez une maladie, alors que pendant des années elle n’avait pu vous toucher? Vous direz que c’est dû à une « dépression de la force vitale ». Mais d’où vient cette dépression? Elle est le résultat d’une désharmonie dans l’être, d’un manque de réceptivité vis-à-vis des forces Divines. Quand vous coupez le rapport avec l’énergie et la force qui vous soutiennent, alors se produit la dépression, alors se crée ce que la science médicale appelle « un terrain favorable », et les ennemis invisibles en prennent avantage. Ce sont le doute, la mauvaise humeur, le manque de confiance, un retour égoïste sur soi, qui font cesser toute communication avec la lumière et l’énergie Divines et qui donnent à l’attaque sa chance. C’est aux mouvements de ce genre qu’il faut attribuer la cause des maladies et non aux microbes.

Cependant, n’a-t-il pas été prouvé que par une meilleure hygiène, la santé publique s’améliorait?

La médecine et l’hygiène sont indispensables dans la vie ordinaire, mais je ne parle pas en ce moment du public ; je parle de ceux qui font un yoga. Cependant, même pour tous il y a un désavantage à l’hygiène; c’est que, bien que vous diminuiez les chances de maladie, vous diminuez aussi votre pouvoir naturel de résistance. Le personnel des hôpitaux, qui doit toujours se laver les mains avec des désinfectants, trouve qu’elles s’infectent ensuite plus facilement et sont beaucoup plus sensibles que celles des autres. Il y a des gens, au contraire, qui ne connaissent rien de l’hygiène et font les choses les plus antihygiéniques, et cependant restent indemnes. Leur ignorance même les aide, en les protégeant contre les suggestions de la connaissance médicale. Il est vrai de dire aussi que votre croyance dans les précautions sanitaires que vous prenez, favorise leur œuvre; car vous pensez : « Maintenant je suis désinfecté et en sûreté », et dans la limite d’action de votre pensée, cela vous immunise.

Mais alors, pourquoi devons-nous prendre des précautions sanitaires et boire de l’eau filtrée?

Est-ce qu’il y en a un parmi vous qui soit assez pur et fort pour ne pas être affecté par une suggestion ? Si vous buvez de l’eau non filtrée et que vous pensiez : « Je suis en train de boire de l’eau impure », vous avez toutes les chances de tomber malade. Et même si vous ne permettez pas aux suggestions de pénétrer par la pensée consciente, tout votre subconscient est là, passivement ouvert à ces mêmes suggestions. Dans la vie ordinaire, c’est l’action du subconscient qui est la plus importante, il agit cent fois plus puissamment que les parties plus conscientes de l’être.

La condition humaine normale est un état plein d’appréhension et de peur. Si vous observez soigneusement votre mental physique pendant dix minutes, vous trouverez que durant neuf d’entre elles, il est plein de craintes. Il porte en lui-même la frayeur de beaucoup de choses, grandes et petites, proches et éloignées, visibles et invisibles; et quoique généralement vous ne la remarquiez pas consciemment, elle est là tout de même. Un effort et une discipline continus sont nécessaires pour se libérer de toute peur.

Même si, par la discipline et l’effort, vous avez libéré votre mental et votre vital de toute appréhension et de toute crainte, il est plus difficile de convaincre le corps. Mais cela aussi doit être fait. Quand vous entrez sur le sentier du yoga, vous devez vous débarrasser de toutes les peurs : peurs du mental, peurs du vital, peurs du corps qui sont logées dans les cellules mêmes. L’un des usages des chocs et des coups que vous recevez sur le chemin du yoga est de vous délivrer de toute crainte. Les causes de vos frayeurs fondent sur vous encore et encore, jusqu’à ce que vous puissiez vous tenir devant elles, libre et indifférent, impassible et pur. L’un a peur de la mer, l’autre du feu. Ce dernier aura, sans doute, à faire face à des incendies répétés jusqu’à ce qu’il soit si entraîné que pas une cellule de son corps ne tremble. La chose qui vous fait horreur revient obstinément jusqu’à ce que l’horreur soit guérie. Celui qui veut la transformation et marche sur le sentier, doit devenir irréductiblement intrépide; il ne doit permettre à rien de le troubler ni de l’ébranler, même dans la moindre partie de son être.









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