CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 of CWM (Fre) 227 pages 2008 Edition
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La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Entretiens - 1929-1931

The Mother symbol
The Mother

La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 227 pages 2008 Edition
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1929




Le 28 juillet 1929

Est-il possible à un yogi de devenir un artiste, et un artiste peut-il être un yogi? Quelle relation existe-t-il entre l’art et le yoga ?

Les deux ne sont pas si opposés que vous semblez le croire. Il n’y a rien qui empêche un yogi d’être un artiste ou un artiste de devenir un yogi. Mais quand on est dans le yoga, un grand changement se produit dans la valeur des choses, dans l’art aussi bien que dans le reste. On regarde l’art d’un point de vue tout à fait différent; ce n’est plus la chose suprême, contenant tout, qu’il est pour l’artiste. L’art ne se suffit plus à lui-même; il devient un moyen, non une fin. L’artiste lui-même cesse de croire que le monde tout entier tourne autour de ce qu’il fait, ou que son travail est la chose la plus importante qui ait jamais existé. Sa personnalité, si absorbante en général, ne compte plus; il est un agent, un canal. Son art est un moyen d’exprimer son rapport avec le Divin; il s’en sert à cet usage, comme il aurait pu se servir de tout autre pouvoir qui aurait fait partie de sa nature.

Mais quand un artiste a entrepris le yoga, éprouve-t-il encore l’impulsion de créer?

Pourquoi n’aurait-il pas cette impulsion? Il peut exprimer sa relation avec le Divin par le moyen de son art, exactement comme il le ferait par tout autre moyen. Si vous voulez que votre art soit le plus haut et le plus vrai, il doit exprimer un monde divin qu’il aura fait descendre dans le monde matériel. Tous les vrais artistes ont un sentiment de ce genre : l’impression qu’ils sont des intermédiaires entre un monde supérieur et l’existence physique.

Si vous le considérez sous ce jour, l’art n’est pas très différent du yoga. Il va de soi que, le plus souvent, l’artiste n’a qu’une sensation indéfinissable; il n’a pas la connaissance. Pourtant, j’en ai connu qui l’avaient; ils travaillaient consciemment à leur art, sachant ce qu’ils faisaient. Dans leur création, ils ne poussaient pas en avant leur personnalité comme le facteur le plus important; ils considéraient leur travail comme une offrande au Divin ; ils essayaient d’y exprimer leur relation avec le Divin.

C’était la fonction reconnue de l’art au Moyen Âge. Les peintres primitifs, les constructeurs de cathédrales dans l’Europe médiévale n’avaient pas d’autre conception de l’art. Dans l’Inde, toute l’architecture, la sculpture, la peinture vinrent de cette source et furent inspirées par cet idéal. Les chansons de Mîrâbaï et la musique de Tyâgarâj, la littérature poétique des inspirés, des saints et des rishis se rangent parmi les plus grandes possessions artistiques du monde.

Mais quand un artiste fait le yoga, est-ce que sa production y gagne?

La discipline de l’art, à son centre, possède le même principe que la discipline du yoga. Dans les deux, le but est de devenir de plus en plus conscient; dans les deux, on doit apprendre à voir et à sentir quelque chose qui est au-delà de la vision et de la sensation ordinaires, à se retirer au-dedans de soi pour faire surgir de là des choses plus profondes. Pour accroître la conscience de leurs yeux, les peintres ont à suivre une discipline qui, en ellemême, est presque un yoga. Les vrais artistes essayent de voir au-delà des apparences, afin d’utiliser leur art pour exprimer un monde interne; et, par cette concentration, ils développent une conscience qui est semblable à la conscience donnée par le yoga. Pourquoi donc la conscience yoguique ne serait-elle pas une aide pour la création artistique?

J’ai connu des personnes qui avaient peu d’entraînement et d’habileté, et qui cependant, par le yoga, acquirent une remarquable capacité pour écrire et pour peindre. Je peux vous donner deux exemples. L’un, est celui d’une jeune femme qui n’avait aucune instruction; elle était danseuse de profession et dansait bien. Après avoir pris le yoga, elle dansa seulement pour ses amis; et sa danse atteignit une profondeur d’expression et de beauté qu’elle n’avait jamais eue auparavant. De plus, cette jeune femme, en dépit de son manque d’instruction, se mit à écrire de façon excellente; elle avait des visions et les exprimait en un fort beau langage. Cependant, son yoga avait des hauts et des bas qui se traduisaient en elle de manière frappante; quand elle était en bonne condition, elle écrivait des choses tout à fait intéressantes; mais quand elle retombait dans sa conscience ordinaire, son mental, laissé à ses propres moyens, redevenait terne et stupide et n’avait aucune force créatrice.

Le second cas est celui d’un jeune homme qui avait fait des études d’art, mais très superficiellement. Fils d’un diplomate, il avait été préparé à la carrière diplomatique; mais il vivait dans le luxe et ses études n’étaient guère approfondies. Cependant, dès qu’il entreprit le yoga, il commença à faire des dessins inspirés qui avaient un caractère symbolique et transmettaient l’expression d’une connaissance interne. Finalement, il devint un grand artiste.

Pourquoi les artistes ont-ils généralement une conduite légère et un caractère peu sérieux ?

Quand ils sont ainsi, c’est qu’ils vivent presque constamment dans la conscience vitale. Leur être vital, extrêmement sensible, est influençable par les forces de ce plan, et en reçoit toutes sortes d’impressions et d’impulsions sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle. Souvent aussi, ils sont très libres mentalement et ne croient pas aux étroites conventions sociales et à la moralité qui gouvernent la vie des gens ordinaires. Ils ne se sentent pas liés par les règles coutumières de conduite et n’ont point encore trouvé au-dedans d’eux-mêmes la loi plus haute qui doit les remplacer. Comme ils n’ont rien pour tenir en échec les mouvements du désir en eux, ils mènent souvent une vie de libertinage et de licence.

Mais il n’en est pas toujours ainsi. J’ai vécu pendant dix ans parmi les artistes, et j’en ai rencontré beaucoup qui étaient bourgeois jusqu’à l’âme; ils étaient mariés et établis, bons pères, bons époux et vivaient en accord avec les idées morales les plus strictes sur ce qui peut et ne peut pas se faire.

Dans un certain cas, le yoga peut arrêter l’impulsion créatrice d’un artiste. Si l’origine de son art est dans le monde vital, lorsqu’il deviendra un yogi, il perdra son inspiration, ou plutôt la source d’où lui venait son inspiration ne l’inspirera plus; car le monde vital lui apparaîtra dans sa vraie lumière, il prendra sa valeur réelle, et cette valeur est très relative. La plupart de ceux qui se disent des artistes, tirent leur inspiration du monde vital ; et cette inspiration n’apporte avec elle rien de haut ni de grand.

Mais au contraire, si un vrai artiste, celui qui cherche son inspiration dans un monde plus élevé, se tourne vers le yoga, il s’apercevra que son inspiration devient plus directe et plus puissante, et son expression plus claire et plus profonde. Chez ceux qui ont une valeur véritable, le pouvoir du yoga augmentera leur valeur; mais chez ceux qui n’ont qu’une fausse apparence d’art, cette apparence elle-même disparaîtra, ou en tout cas, perdra tout son attrait pour eux.

La première et simple vérité qui frappe celui qui est sincère dans le yoga, est la relativité de ce qu’il fait en comparaison de la manifestation universelle, tandis qu’un artiste est généralement vaniteux et se considère comme un personnage de haute importance, une sorte de demi-dieu dans le genre humain. Beaucoup d’artistes disent que s’ils ne croyaient pas à l’importance capitale de ce qu’ils font, ils ne pourraient rien faire. Et pourtant, j’en ai connu dont l’inspiration venait d’un monde supérieur et qui ne pensaient tout de même pas que ce qu’ils faisaient était d’une si immense importance. Cette dernière attitude est plus proche du véritable esprit artistique. Si un homme est vraiment amené à s’exprimer par un art, c’est que le Divin a choisi ce moyen de se manifester à travers lui, et, dans ce cas, le yoga améliorera son art et ne lui fera rien perdre.

Mais toute la question est là : l’artiste a-t-il été décrété tel par le Divin, ou bien par lui-même?

Mais si quelqu’un fait un yoga, peut-il s’élever à des hauteurs semblables à celles de Shakespeare et de Shelley? Il n’y en a pas d’exemple!

Pourquoi pas? Le Mahâbhârata et le Râmâyana ne sont certainement pas inférieurs aux créations de Shakespeare ou de tout autre poète. Il est dit que ce sont les œuvres d’hommes qui furent des rishis et s’étaient soumis à une tapasyâ yoguique. La Gîtâ, qui se range, comme les Upanishads, parmi les plus grandes œuvres littéraires et spirituelles, ne fut pas écrite par quelqu’un qui n’avait aucune expérience du yoga ! Et en quoi sont inférieurs à votre Milton et à votre Shelley, les poèmes fameux écrits dans l’Inde, ou en Perse, ou ailleurs, par des mystiques et des soufis, des hommes réputés pour leur sainteté et leur dévotion?

Et encore, connaissez-vous tous les yogis et toutes leurs œuvres? Parmi les poètes et les créateurs, pouvez-vous dire qui était ou n’était pas en contact conscient avec le Divin? Il y a des gens qui ne sont pas officiellement des yogis; ils ne sont pas des gurus et n’ont pas de disciples; le monde ne sait pas ce qu’ils font; ils ne courent pas après la gloire et n’attirent pas sur eux l’attention des hommes; mais ils ont une très haute conscience, sont en contact avec un pouvoir divin, et, quand ils créent, leur production vient de là. Les meilleures peintures dans l’Inde, et beaucoup des meilleures sculptures et architectures furent produites par des moines bouddhistes qui passaient leur vie dans la contemplation et la pratique spirituelles; ils firent un travail suprêmement artistique, mais ne se soucièrent pas de laisser leur nom à la postérité.

La raison principale pour laquelle les yogis ne sont pas généralement connus pour leur art est qu’ils ne considèrent pas leur expression artistique comme la partie la plus importante de leur vie et qu’ils n’y consacrent pas autant de temps et d’énergie que le fait un simple artiste. De plus, ce qu’ils font n’arrive pas toujours jusqu’au public. Combien en est-il qui ont fait de grandes choses et qui ne les ont pas fait connaître au monde!

De plus beaux drames que ceux de Shakespeare ont-ils été composés par des yogis?

Le théâtre n’est certes pas l’art le plus élevé. Un écrivain m’a dit un jour que le théâtre est le plus grand des arts et que l’art est plus grand que la vie. C’est une opinion, mais elle est contestable...

L’erreur de la plupart des artistes est de croire que la production artistique a sa fin en elle-même, pour elle-même, indépendamment du reste du monde. L’art, tel qu’il est compris par ces artistes, est comme un champignon sur le vaste terrain de la vie, quelque chose de fortuit et d’extérieur, qui n’est pas intimement lié à la vie; il n’atteint ni ne touche les réalités profondes et durables; il ne fait pas partie de l’existence de façon essentielle et inséparable. L’art, il est vrai, a pour mission d’exprimer la beauté, mais dans un rapport étroit avec le mouvement universel. Les plus grandes nations et les races les plus cultivées ont toujours considéré l’art comme faisant partie de la vie et l’ont toujours mis à son service. Tel fut l’art du Japon à ses meilleurs moments; et il en fut de même partout, à tous les meilleurs moments de l’histoire de l’art. Mais la plupart des artistes sont comme des parasites vivant en marge de la vie; ils semblent ne pas savoir que l’art doit être l’expression du Divin dans la vie et par la vie. En toute chose, partout, dans tous les rapports, la vérité doit être manifestée en son rythme innombrable, et chaque mouvement de la vie doit être une expression de beauté et d’harmonie. L’habileté n’est pas de l’art, le talent n’est pas de l’art. L’art est une harmonie et une beauté vivantes que tous les mouvements de l’existence doivent révéler. Cette manifestation de l’art véritable fait partie de la divine réalisation ; peut-être en est-elle la plus grande partie.

Car, du point de vue supramental, la beauté et l’harmonie sont aussi importantes que toute autre expression du Divin. Mais elles ne doivent pas être isolées, mises à part de toutes les autres relations, retirées de l’ensemble; elles doivent s’unir à l’expression de la vie dans sa totalité.

Les gens sont dans l’habitude de s’écrier : « Oh, c’est un artiste! » Comme si un artiste n’était pas un homme parmi les autres, mais un être extraordinaire appartenant à une classe à part, et que son art aussi était quelque chose d’extraordinaire et de spécial, qu’il ne fallait pas confondre avec les autres choses du monde. La devise « l’art pour l’art » essaye, par son emphase, de faire passer cette faute d’appréciation pour une vérité. C’est une erreur semblable qui fait mettre au beau milieu d’un salon, un tableau encadré qui n’a rien à voir ni avec le mobilier ni avec les murs environnants, mais qui est placé là seulement parce que c’est un « objet d’art ».

L’art véritable est un tout et un ensemble; il est un et d’une seule tenue avec la vie. Vous pouvez constater quelque chose de ce tout intime et harmonieux dans l’ancienne Grèce et l’ancienne Égypte; car là, tableaux, statues, objets d’art, avaient leur place et leur raison d’être dans le plan architectural d’un monument; chaque détail n’était qu’une portion du tout et concourait à l’harmonie de l’ensemble. Il en est de même au Japon; tout au moins en était-il ainsi hier encore, avant l’invasion d’un modernisme utilitaire et pratique. Une maison purement japonaise est un tout merveilleusement artistique; chaque chose y est exactement à sa place; il n’y a rien de trop, mais rien ne manque non plus. On a l’impression, tant le tout se tient, que chaque chose est juste ce qu’elle devait être; et la maison elle-même est admirablement adaptée à la nature environnante. De même dans l’Inde, la peinture, la sculpture et l’architecture s’unissaient dans une beauté intégrale, dans un mouvement coordonné d’adoration pour le Divin.

À ce point de vue, une grande décadence est apparue assez récemment dans le monde. Dès l’époque de la reine Victoria, et en France depuis le second Empire, le goût artistique avait considérablement dégénéré. On avait pris l’habitude de pendre dans les chambres des tableaux qui n’avaient aucun sens par rapport aux objets à l’entour; n’importe quel tableau ou objet d’art pouvait être mis n’importe où sans que cela fasse grande différence. L’art n’avait plus pour mobile que l’étalage du talent, de l’habileté, de l’adresse; il s’était égaré bien loin de son but véritable, il avait oublié la nécessité d’être une expression intégrale et organisée de beauté et d’harmonie dans la demeure des hommes.

Mais tout dernièrement, une révolte s’est produite contre cet embourgeoisement du goût. La réaction fut si violente qu’elle ressembla à un complet égarement; et l’on put croire que l’art allait sombrer dans l’absurde. Mais lentement, hors de ce chaos, quelque chose a émergé, quelque chose de plus rationnel, de plus logique, de plus cohérent, à quoi il est possible de redonner le nom d’art, un art rajeuni et peut-être — espérons-le — régénéré.

Dans sa vérité fondamentale, l’art n’est rien de moins que l’aspect de beauté dans la manifestation divine. Peut-être, si on regarde de ce point de vue, ne pourra-t-on trouver que fort peu de vrais artistes; mais cependant il y en a, et ceux-ci peuvent très bien être appelés des yogis. Car, de même qu’un yogi, un artiste digne de ce nom entre en profonde contemplation pour atteindre et recevoir son inspiration. Pour créer une chose vraiment belle, il doit d’abord la voir avec les yeux intérieurs, composer son ensemble dans sa conscience profonde. C’est seulement après l’avoir ainsi trouvée, vue, possédée audedans de lui, qu’il peut l’exécuter extérieurement; sa création est l’épanouissement objectif de sa vision conceptive interne.

C’est aussi un genre de discipline yoguique; car ainsi l’artiste entre en communion intime avec les mondes intérieurs. Un homme comme Léonard de Vinci n’était rien autre qu’un yogi. Et il était, sinon le plus grand, du moins l’un des plus grands peintres, quoique sa production ne s’arrêtât pas à la peinture seule.

De même, la musique est essentiellement un art spirituel et elle a toujours été associée au sentiment religieux et à la vie intérieure. Mais elle aussi a été détournée de son sens véritable; elle est devenue indépendante, se suffisant à elle-même, un champignon d’art, comme la musique d’opéra, par exemple. La majeure partie des productions musicales sont de ce genre et intéressantes tout au plus du point de vue de la technique.

Je ne veux pas dire que même la musique d’opéra ne puisse servir de médium à l’expression d’un art supérieur; car quelle que soit la forme, elle peut être utilisée dans un but profond. Tout dépend de la chose elle-même, de ce qui est derrière elle et de l’usage qu’on en fait; il n’est rien qui ne puisse être mis au service des fins divines. De même que n’importe quoi peut prétendre venir du Divin et n’appartenir cependant qu’à l’espèce « champignon ».

Parmi les grands musiciens modernes, il y en a quelquesuns dont la conscience, quand ils créaient, entrait en rapport avec la conscience supérieure. César Franck était un inspiré lorsqu’il jouait de l’orgue; quelque chose en lui s’ouvrait à la vie psychique; il en était conscient, et, dans une grande mesure, il l’exprimait. Beethoven, quand il composa la Neuvième Symphonie, eut la vision d’une ouverture sur un monde supérieur et de la descente de ce monde sur le plan terrestre. Wagner a fait des allusions puissantes et perspicaces aux mondes occultes; il avait l’instinct et le sens de l’occultisme, et à travers eux, il reçut ses plus grandes inspirations. Mais il travailla principalement sur le plan vital, et de plus, son mental intervenait constamment et mécanisait l’inspiration. La majeure partie de son œuvre est très mélangée, trop souvent obscure et lourde, quoique puissante. Mais chaque fois qu’il put traverser les plans vital et mental et parvenir à un monde plus élevé, les aperçus qu’il en reçut furent d’une beauté exceptionnelle, comme dans Parsifal et dans plusieurs passages de Tristan et Yseult, spécialement dans la fin du dernier acte.

Voyez encore ce que les temps modernes ont fait de la danse; comparez-le à ce que fut la danse dans l’Antiquité. Il y eut un temps où la danse était une des plus hautes expressions de la vie intérieure; elle était associée à la religion et occupait une place importante dans les cérémonies sacrées, la célébration des fêtes et l’adoration du Divin. En certains pays, elle atteignit un très haut degré de beauté et une extraordinaire perfection. Au Japon, la danse fait traditionnellement partie de la vie religieuse; et parce que les Japonais possèdent naturellement un sens exact de la beauté et de l’art, ils ne permirent pas à la danse de dégénérer et de perdre sa signification et son but primitifs. L’Inde aussi a connu et cultivé les danses religieuses.

Il est vrai que de nos jours, on a essayé de ressusciter les danses anciennes, grecques et autres; mais tout sens religieux fait défaut à ces résurrections, et elles ressemblent plus à de la gymnastique rythmée qu’à de la danse.

Aujourd’hui, les danses russes sont célèbres; mais elles expriment le monde vital, et cela même, sous un de ses aspects les plus terribles. Comme tout ce qui nous vient de cette région, ces danses peuvent être très attractives ou très répulsives, mais toujours elles existent pour elles-mêmes et non pour la manifestation d’une vie plus haute. Même le mysticisme des Russes est d’ordre vital. Comme techniciens de la danse, ils sont merveilleux ; mais la technique n’est qu’un instrument. Si votre instrument est bon, tant mieux ; mais s’il n’est pas soumis au Divin, quelque remarquable qu’il puisse être, il est dépourvu de ce qui est supérieur et ne peut servir à des fins divines. Ainsi que je l’ai déjà dit, la difficulté vient de ce que la plupart de ceux qui deviennent des artistes croient qu’ils peuvent voler de leurs propres ailes et qu’ils n’ont pas besoin de se tourner vers le Divin. C’est très regrettable, car dans la manifestation divine, le talent est un élément aussi utile que tout autre. Le talent fait partie de la construction divine; seulement, il doit savoir se subordonner à ce qui est plus grand que lui.

Très loin au-dessus du mental, se trouve un domaine que nous pouvons appeler le monde de l’Harmonie. Si vous réussissez à aller jusque-là, vous y découvrirez la racine de toute harmonie qui s’est manifestée sur terre, sous quelque forme que ce soit. Pour vous donner un exemple, il y a un certain thème musical, composé de quelques notes suprêmes, qui se trouve derrière deux œuvres de deux artistes qui vécurent l’un après l’autre; l’une est un concerto de Bach, l’autre un concerto de Beethoven. Les deux ne sont pas semblables sur le papier et diffèrent pour l’oreille extérieure, mais leur origine est la même. Une seule et même vibration de conscience, une vague d’harmonie expressive toucha ces deux artistes. Beethoven en saisit davantage, mais chez lui, elle fut plus mélangée aux inventions et interpolations de son mental. Bach en reçut moins, mais ce qu’il transmit fut plus pur. La vibration était celle de l’éveil victorieux de la conscience, surgissant des profondeurs de l’inconscience dans une naissance triomphante. Cette vibration avait son origine dans le monde d’Harmonie dont je viens de vous parler.

Le yoga peut vous donner la capacité d’atteindre à la source de tout art; alors vous serez maître, si vous le voulez, de tous les arts. Bien souvent, ceux qui sont allés là ont dû trouver plus agréable et confortable de demeurer dans les délices de cette beauté et de cette félicité, sans les manifester ni leur donner un corps sur terre. Mais cette abstention n’est pas la vérité finale du yoga ; c’est plutôt une déformation, une diminution de la liberté dynamique du yoga, résultant de l’esprit négatif de l’ascétisme. La volonté du Divin est de se manifester, non de se retirer dans une complète inaction, un absolu silence. Si la conscience divine était réellement inaction et béatitude non manifestée, il n’y aurait jamais eu de création.









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