CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 of CWM (Fre) 227 pages 2008 Edition
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La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Entretiens - 1929-1931

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The Mother

La Mère répond ici aux questions sur le yoga et sur la vie posées par des disciples en 1929 et en 1930–31.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1929-1931 Vol. 3 227 pages 2008 Edition
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1929




Le 4 août 1929

La soumission n’est-elle pas la même chose que le sacrifice?

Dans notre yoga, il n’y a pas de place pour le sacrifice. Mais naturellement, tout dépend du sens que vous donnez au mot. Dans son sens pur, il veut dire sanctifier, consacrer par l’offrande au Divin. Mais par la signification qu’on lui donne à présent, le mot sacrifice est devenu synonyme de destruction; il apporte avec lui une atmosphère de négation. Ce genre de sacrifice ne peut être un accomplissement; c’est une diminution, une immolation de soi. Car ce sont vos possibilités que vous sacrifiez, les réalisations de votre personnalité, depuis le plan matériel jusqu’au plan spirituel le plus élevé. Le sacrifice diminue votre être. Si vous sacrifiez physiquement votre vie, votre corps, vous perdez toutes vos possibilités dans le monde matériel; vous renoncez à l’accomplissement de votre existence terrestre. De la même manière, vous pouvez moralement sacrifier votre vie; vous renoncez alors à l’amplitude et au libre épanouissement de votre vie intérieure. Il y a toujours, dans cette idée d’immolation de soi, un sens d’obligation, de compulsion, un déni de soi imposé. C’est un idéal qui ne laisse pas de place aux plus profondes et plus larges spontanéités de l’âme.

Par soumission, nous n’entendons rien de ce genre, mais un don de soi spontané, le don de votre moi au Divin, à une plus grande conscience dont vous faites partie. La soumission ne vous diminuera pas, mais vous augmentera ; elle ne réduira pas, ni n’affaiblira, ni ne détruira votre personnalité, mais au contraire la fortifiera et l’agrandira. Par soumission, nous voulons dire un don intégral, fait librement, avec toute la félicité que le mouvement comporte; il n’y a aucun sens de sacrifice en cela. Si vous avez la moindre sensation que vous faites un sacrifice, alors ce n’est plus la vraie soumission; car cela implique que vous vous réservez ou que vous essayez de vous donner, mais à contrecœur, avec douleur et effort — et ainsi vous n’avez pas la joie du don — ou peut-être même n’avez-vous pas le sentiment de vous donner, mais celui d’être pris de force. Quand vous faites quoi que ce soit avec le sentiment que votre être subit une contrainte, soyez sûr que vous le faites de la mauvaise manière.

La vraie soumission vous élargit, elle augmente votre capacité; elle vous donne, en qualité et en quantité, une plus grande mesure que celle que vous auriez jamais eue par vousmême. Cette plus grande mesure de qualité et de quantité est différente de tout ce que vous auriez pu atteindre autrement; vous entrez dans un autre monde, dans une ampleur où vous n’auriez jamais pu pénétrer si vous n’aviez fait votre soumission. C’est comparable à une goutte d’eau qui tombe dans la mer; si elle y gardait son identité séparée, elle ne serait qu’une petite goutte d’eau et rien de plus, une petite goutte écrasée par l’immensité qui l’entoure; mais en perdant sa forme propre, elle se fond dans la mer, s’unit à elle et participe de sa nature, de son pouvoir et de son immensité. Ainsi en est-il de la vraie soumission.

Il n’y a aucune ambiguïté, aucune imprécision dans le mouvement; il est clair, fort et défini. Si un petit mental humain se tient en face du mental universel, et persiste à rester séparé, il demeurera ce qu’il est, une toute petite chose limitée, incapable de connaître la nature de la plus haute réalité, ou même d’entrer en contact avec elle. Les deux, le petit et l’immense, continuent à se tenir à part, tout à fait différents l’un de l’autre, aussi bien qualitativement que quantitativement. Mais si le petit mental humain se soumet, il se fondra dans le mental universel; il sera un, en qualité et en quantité, avec lui, ne perdant rien que ses limitations et ses déformations pour recevoir en échange l’ampleur et une lumineuse clarté. La petite existence changera de nature; elle revêtira la nature de la plus grande vérité à laquelle elle se soumet. Si, au contraire, le mental humain résiste, s’il se bat et se révolte contre le mental universel, alors devient inévitable un conflit dans lequel ce qui est petit et faible est sûr d’être submergé par le pouvoir de l’immensité. S’il ne se soumet pas, le sort qui l’attend est l’absorption et l’extinction.

Un être humain qui entre en contact avec l’esprit divin et se soumet, découvrira que son mental commence immédiatement à être purifié de ses obscurités et à participer au pouvoir et à la connaissance du mental universel. S’il se tient en face de lui, mais séparé, sans aucun contact, il restera ce qu’il est, une petite goutte d’eau dans l’incommensurable immensité. S’il se révolte, il perdra l’esprit; sa faculté de penser diminuera jusqu’à disparaître.

Et ce qui est vrai du mental, est vrai aussi de toutes les autres parties de la nature. C’est comme si vous vouliez vous battre avec quelqu’un de bien plus fort que vous — une tête cassée serait tout ce que vous y gagneriez. Comment songer à lutter contre quelque chose des millions de fois plus fort que soi? À chaque révolte, on reçoit un choc en retour, et chaque nouveau coup enlève un peu plus de force. Cela ressemble à un pugilat avec un adversaire de beaucoup supérieur; on reçoit coup après coup, et chaque fois on devient plus faible, jusqu’à ce qu’on soit mis hors de combat. Il n’est pas nécessaire qu’une volonté intervienne pour obtenir ce résultat; l’action est automatique. Rien d’autre ne peut se produire si l’on se précipite en révolte contre l’immensité.

Tant que vous restez dans votre coin en suivant la vie ordinaire, il ne vous est fait aucun mal ; mais si vous entrez en contact avec le Divin, deux voies seulement sont ouvertes devant vous. Vous vous soumettez et vous vous unissez à lui, et par votre soumission vous êtes grandi et glorifié; ou vous vous révoltez, et toutes vos possibilités sont détruites, vos pouvoirs de réalisation s’éloignent de vous pour être finalement absorbés en cela que vous essayez de combattre.

Beaucoup d’idées fausses circulent au sujet de la soumission. Bien des gens considèrent la soumission comme une abdication de la personnalité; mais c’est une grave erreur. En effet, la raison d’être de chaque individu est de manifester un aspect de la conscience divine, et le caractère de cette manifestation, l’expression de sa nature spéciale constituent la personnalité de chacun. Par conséquent, en prenant l’attitude vraie vis-àvis du Divin, l’individu ne peut être que purifié de toutes les influences de la nature inférieure qui diminuent et déforment sa personnalité; celle-ci n’en devient que plus fortement personnelle, plus elle-même, plus complète. La vérité et la puissance de la personnalité ressortent avec d’autant plus de splendeur distinctive; son caractère est marqué avec beaucoup plus de précision que lorsqu’il était mélangé à toute l’obscurité, toute l’ignorance, toute la saleté et tout l’alliage de la nature inférieure. Le résultat final est l’élévation, la glorification, l’agrandissement des capacités de la personnalité, dont les possibilités se réalisent à leur maximum.

Mais pour obtenir cette sublimation, l’individu doit d’abord abandonner tout ce qui, en déformant, limitant et obscurcissant sa vraie nature, enchaîne, avilit et défigure sa vraie personnalité; il doit rejeter loin de lui tout ce qui appartient aux ignorants mouvements inférieurs de l’homme ordinaire et de sa vie aveugle et trébuchante. Et avant toute chose, il doit abandonner ses désirs, car, de tous les mouvements de la nature inférieure, le désir est le plus obscur, le plus obscurcissant. Les désirs proviennent de la faiblesse et de l’ignorance, et ils vous gardent enchaîné à votre faiblesse et à votre ignorance. Les hommes ont l’impression que leurs désirs naissent au-dedans d’eux ; ils les sentent émerger des profondeurs de leur être pour s’élancer au-dehors. Mais cette impression est fausse. Les désirs sont des vagues appartenant à la vaste mer de l’obscure nature inférieure et ils circulent d’une personne à l’autre. Les hommes n’engendrent pas les désirs en eux-mêmes, mais sont envahis par ces vagues; quiconque est ouvert et sans défense, est pris et ballotté par elles.

Quand l’homme est possédé par le désir, il perd tout discernement et croit que satisfaire ce désir est une nécessité de sa nature. En réalité, le désir n’a rien à voir avec la vraie nature de l’homme. Il en est de même de toutes les impulsions inférieures : jalousie, envie, haine, violence. Ce sont aussi des mouvements qui vous saisissent, des vagues qui vous submergent et vous roulent; elles déforment, elles n’appartiennent pas au vrai caractère de la vraie nature; elles ne font pas partie intrinsèque et inséparable de vous-même, mais sortent de la mer de l’obscurité environnante et sont mises en mouvement par les forces de la nature inférieure. Ces désirs, ces passions, n’ont aucune personnalité; il n’y a rien en eux, ou dans leur action, qui vous soit particulier; ils se manifestent de la même manière en tous.

Les mouvements obscurs du mental, les doutes, les erreurs et les difficultés qui voilent la personnalité et diminuent son expansion et son accomplissement, viennent eux aussi de la même source. Ce sont des vagues qui passent et qui se saisissent de tous ceux qui se laissent prendre et utiliser comme des instruments aveugles. Et pourtant, chacun continue à croire que ces mouvements font partie de lui-même et sont un précieux produit de sa propre personnalité libre. On rencontre même des gens qui s’accrochent à eux et à leur impuissance comme au signe et à l’essence même de ce qu’ils appellent leur liberté!

Si vous avez compris ce que je viens de dire, vous êtes prêt à comprendre la différence, la grande différence qui existe entre la spiritualité et la moralité, deux choses que l’on confond constamment. La vie spirituelle, la vie du yoga, a pour but une croissance aboutissant à l’union avec la conscience divine, et pour résultat, de purifier, intensifier, glorifier et perfectionner ce qui est en chacun de nous. Elle nous donne le pouvoir de manifester le Divin; elle exhausse le caractère de chaque personnalité jusqu’à sa pleine valeur et l’amène au maximum de son expression. Car ceci fait partie du plan divin.

La morale, au contraire, procède par construction mentale, et, avec un certain nombre de principes sur ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, érige un type idéal auquel chacun doit ressembler. Cet idéal moral diffère, en ses constituants et en son ensemble, suivant les temps et les lieux. Et cependant, il se proclame toujours unique en son genre, un absolu catégorique; il n’en admet aucun autre en dehors de lui; il ne tolère même pas de variation au-dedans de lui-même. Tous les hommes doivent être fondus dans le moule unique d’un seul idéal, tous doivent être faits semblables, uniformément et sans exception. C’est parce que la morale est de par sa nature même si rigide et irréelle, qu’elle est, dans son principe et son action, le contraire de la vie spirituelle.

Il est vrai que la vie spirituelle révèle l’essence unique en tous; mais elle en dévoile aussi la diversité infinie. Elle travaille à la diversité dans l’unité et à la perfection dans cette diversité. La morale érige un modèle artificiel, contraire à la variété de la vie et à la liberté de l’esprit. Faisant une création mentale fixe et limitée, elle demande à tous de s’y conformer. Tous doivent travailler à acquérir les mêmes qualités et la même nature idéale. La morale n’est pas divine et ne vient pas du Divin; elle est faite par l’homme et n’est qu’humaine. Elle établit à sa base une division rigide entre le bien et le mal ; mais c’est une notion arbitraire. Elle prend des choses relatives et veut les imposer comme des absolus; mais ce bien et ce mal diffèrent avec les climats, les époques, les pays.

Certaines notions morales vont jusqu’à affirmer qu’il y a de bons désirs et de mauvais désirs, et demandent que l’on rejette les uns et accepte les autres. Mais la vie spirituelle implique le rejet de tout désir. Sa loi est d’écarter de soi tous les mouvements susceptibles d’éloigner du Divin. On doit les repousser, non parce qu’ils sont mauvais en eux-mêmes — car ils peuvent être bons pour un autre homme et dans une autre sphère —, mais parce qu’ils font partie des impulsions, des forces ignorantes et non illuminées qui se tiennent en travers du chemin menant vers le Divin. Tous les désirs, bons ou mauvais, appartiennent à cette catégorie; car le désir, quel qu’il soit, provient d’un vital obscur et ignorant. D’autre part, on doit accepter tous les mouvements qui rapprochent du Divin. On les accepte, non parce qu’ils sont bons en eux-mêmes, mais parce qu’ils mènent vers le Divin.

Acceptez donc tout ce qui vous conduit au Divin, rejetez tout ce qui vous en éloigne. Mais ne dites pas : ceci est bien et cela est mal, et n’essayez pas d’imposer votre point de vue aux autres, car le chemin des autres peut être très différent du vôtre; et même, ce que vous appelez mauvais, est très souvent tout à fait excellent pour votre voisin qui ne s’efforce pas de réaliser la vie divine.

Prenons un exemple pour illustrer la différence entre la façon dont la morale et la spiritualité regardent les choses. Les notions morales ordinaires distinguent l’homme généreux de l’avare. Et dans une certaine société, l’avare est blâmé et méprisé, tandis que l’homme généreux est estimé pour son absence d’égoïsme et son utilité sociale, et il est loué pour sa vertu. Mais du point de vue spirituel, tous deux se trouvent au même niveau; la générosité de l’un et l’avarice de l’autre sont des déformations d’une vérité plus haute, d’un plus grand pouvoir divin. Il y a un pouvoir qui, dans son mouvement divin, répand, diffuse, projette librement les forces, les choses et tout ce qu’il possède sur tous les plans, depuis le plus matériel jusqu’au plus spirituel. Derrière l’homme généreux et sa générosité, se trouve une âme type qui exprime ce mouvement; elle est un pouvoir de diffusion, de large distribution. Il y a un autre pouvoir qui, dans son mouvement divin, collectionne, amasse, rassemble et accumule les forces, les choses et tout ce qui peut être possédé, depuis le plan le plus matériel jusqu’au plus haut. L’homme qui est accusé d’avarice avait été créé pour être un instrument de ce dernier mouvement. Les deux types sont importants; les deux sont nécessaires dans la réalisation d’ensemble; le mouvement qui attire et concentre n’est pas moins utile que celui qui répand et disperse. Ces deux types d’hommes, quand ils sont vraiment soumis au Divin, deviennent des instruments de son œuvre, au même degré et à valeur égale. Mais tant qu’ils n’ont pas fait leur soumission, les deux sont également mus par les impulsions de l’ignorance; l’un est poussé à gaspiller, l’autre à tirer à lui; les deux sont entraînés par des forces obscures pour leur propre conscience, et entre les deux on ne peut guère choisir. Du point de vue supérieur du yoga, on pourrait dire le plus souvent à l’homme généreux tant prisé : « Toutes vos impulsions de générosité n’ont aucune valeur spirituelle, car elles viennent de l’ego et d’un désir ignorant. » Et d’autre part, parmi ceux qui sont accusés d’avarice, vous pouvez parfois découvrir un homme amassant et accumulant, plein d’une détermination tranquille et concentrée dans le travail qui lui a été assigné par sa nature; et une fois éveillé, cet homme fera un très bon instrument du Divin. Mais généralement, l’ego et le désir sont les instigateurs de l’avare comme ils le sont de son opposé; c’est l’autre bout de la même ignorance. Tous deux auront à se purifier et à changer avant de pouvoir entrer en contact avec la chose supérieure qui est derrière eux et de l’exprimer selon le mode de leur vraie nature.

De la même manière, vous pouvez prendre beaucoup d’autres types et remonter à travers eux jusqu’à l’intention originelle de la force divine. Chacun est la diminution ou la caricature du type prévu par le Divin, une déformation mentale et vitale de choses qui ont une plus grande valeur spirituelle. C’est un mouvement faussé qui crée la distorsion et la caricature. Une fois qu’il est maîtrisé, que la vraie attitude est prise, que le mouvement correct est trouvé, tous ces types révèlent également leur valeur divine; tous sont justifiés par la vérité qui est au-dedans d’eux, également importants, également nécessaires, tous différents, mais tous indispensables à la divine manifestation.









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