CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 of CWM (Fre) 471 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Entretiens - 1950-1951

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The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 471 pages 2009 Edition
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1951




janvier




Le 13 janvier 1951

Commentaires sur un article de Mère intitulé « La Science de Vivre » (Bulletin de novembre 1950).

« Une vie sans but est une vie sans joie » Pourquoi?

Si l’on a un but, on peut suivre tranquillement la route qui mène au but.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un but pour suivre tranquillement la route. Tant de gens sans but suivent tout à fait tranquillement la route de leur routine sans faire aucun effort!

Un but donne de la joie.

Parfois, il faut toute une vie pour atteindre son but, on n’aurait donc la joie qu’à la fin de sa vie!

Un but est un idéal et un idéal est un enrichissement.

Oui, mais on peut avoir un idéal tout à fait matériel; ce n’est pas l’idéal qui donne de la joie.

Un but donne un sens, une raison d’être à la vie, et cette raison d’être implique un effort, et c’est dans l’effort que l’on trouve la joie.

Exactement. C’est l’effort qui donne la joie : un être humain qui ne sait pas faire d’efforts n’aura jamais de joie. Les gens essentiellement paresseux n’auront jamais la joie — ils n’ont pas la force d’être joyeux ! C’est l’effort qui donne la joie. L’effort fait vibrer l’être à un certain degré de tension qui vous rend capable de sentir la joie.

Mais l’effort qui donne la joie, est-ce un effort imposé par les circonstances ou un effort qui tend au progrès?

Vous confondez deux choses. L’une qui est physique et l’autre psychologique. Il est tout à fait évident qu’un acte accompli parce que l’on a décidé de l’accomplir et un acte imposé par des circonstances plus ou moins favorables, n’ont pas du tout les mêmes conséquences. Il est entendu, par exemple, que les gens qui suivent une discipline yoguique font souvent des jeûnes. Beaucoup de disciplines yoguiques comportent des jeûnes très longs, et les gens qui les font sont généralement très contents de les faire, car c’est leur propre choix. Mais prenez cette même personne et mettez-la dans certaines circonstances où la nourriture fait défaut, parce que l’on ne peut pas s’en procurer ou parce que cette personne n’a pas d’argent, et vous verrez cette personne dans un état lamentable, se plaindre que la vie est terrible, bien que les conditions soient identiquement les mêmes; mais dans un cas elle a décidé de ne pas manger, tandis que dans l’autre, elle ne mange pas parce qu’elle ne peut pas faire autrement. C’est entendu, mais ce n’est pas la seule raison.

C’est seulement l’effort, en quelque domaine que ce soit — l’effort matériel, l’effort moral, l’effort intellectuel —, qui crée en soi certaines vibrations qui vous permettent d’entrer en rapport avec les vibrations universelles, et c’est cela qui donne la joie. C’est l’effort qui vous sort de l’inertie; c’est l’effort qui vous rend réceptif aux forces universelles. Et la chose entre toutes qui donne spontanément la joie, même à ceux qui ne font pas de yoga, qui n’ont pas d’aspiration spirituelle, qui ont une vie tout à fait ordinaire, c’est l’échange de forces avec les forces universelles. Les gens ne le savent pas, ils seraient incapables de vous dire que c’est à cause de cela, mais c’est bien cela.

Il y a des êtres qui sont simplement comme de beaux animaux — tous leurs mouvements sont harmonieux, leurs énergies se dépensent harmonieusement, leurs efforts sans calcul appellent des énergies tout le temps et ils sont toujours joyeux ; mais parfois ils n’ont pas de pensées dans la tête, quelquefois ils n’ont pas de sentiments dans leur cœur, ils vivent une vie tout à fait animale. J’ai connu des personnes comme cela : de beaux animaux. Ils étaient beaux, leurs gestes étaient harmonieux, leurs forces tout à fait équilibrées et ils dépensaient sans calcul, ils recevaient sans calcul. Ils étaient en rapport avec les forces universelles matérielles et ils vivaient dans la joie. Ils ne pouvaient pas, peut-être, vous dire qu’ils étaient joyeux — la joie, chez eux, était si spontanée qu’elle était naturelle — et ils étaient encore moins capables de vous dire pourquoi, parce que l’intelligence n’était pas très développée. J’ai connu des gens ainsi, qui étaient capables de faire l’effort nécessaire (pas un effort prudent et calculé, mais spontané) dans n’importe quel domaine : matériel, vital, intellectuel, etc., et dans cet effort il y avait toujours de la joie. Par exemple, une personne s’assoit pour écrire un livre, elle fait l’effort qui fait vibrer quelque chose dans son cerveau pour attirer des idées — eh bien, tout de suite, cette personne éprouve de la joie. Il est tout à fait certain que, quoi que vous fassiez, même les travaux les plus matériels, comme de balayer une chambre ou de faire de la cuisine, si vous faites l’effort nécessaire pour que ce travail soit fait au maximum de votre capacité, vous aurez de la joie, même si la chose que vous faites est contraire à votre nature. Quand on veut réaliser quelque chose, on fait tout spontanément l’effort nécessaire; cela concentre vos énergies sur la chose à réaliser et cela donne une raison d’être à votre vie. Cela vous oblige à une sorte d’organisation de vous-même, une sorte de concentration de vos énergies, parce que c’est cela que vous voulez faire et pas cinquante autres choses qui la contredisent. Et c’est dans cette concentration, dans cette intensité de la volonté, que se trouve l’origine de la joie. Cela vous donne le pouvoir de recevoir les énergies en échange de celles que vous dépensez.

Mère poursuit la lecture du même article : « Le premier pas dans ce travail de perfectionnement de soi, est de devenir conscient de vous-même. »

« Se connaître et se contrôler », qu’est-ce que cela veut dire?

C’est être conscient de sa vérité intérieure, conscient des différentes parties de son être et de leur fonctionnement respectif. Il faut savoir pourquoi on fait ceci, pourquoi on fait cela : il faut connaître ses pensées, connaître ses sentiments, connaître toutes ses activités, tous ses mouvements, ce dont on est capable, etc. Et se connaître n’est pas suffisant : il faut que cette connaissance amène un contrôle conscient. Se connaître parfaitement, c’est se contrôler parfaitement.

Mais il faut une aspiration de tous les instants.

Il n’est jamais trop tôt pour commencer, jamais trop tard pour continuer. C’est-à-dire que même quand vous êtes tout petit, vous pouvez commencer à vous étudier vous-même et à vous connaître, et, peu à peu, à vous contrôler. Et même quand vous êtes ce que l’on appelle « vieux », quand vous avez un grand nombre d’années, il n’est pas trop tard pour faire l’effort de vous connaître de mieux en mieux et de vous contrôler de mieux en mieux. C’est cela la Science de vivre.

Pour se perfectionner, il faut d’abord devenir conscient de soi. Je suis sûre, par exemple, que la chose suivante vous est arrivée bien des fois dans votre vie; quelqu’un vous demande subitement : « Pourquoi avez-vous fait cela ? », eh bien, la réponse spontanée est : « Je ne sais pas. » Si quelqu’un vous demande : « À quoi pensez-vous? », vous répondez : « Je ne sais pas. » « Pourquoi êtes-vous fatigué? » — « Je ne sais pas. » « Pourquoi êtes-vous content? » — « Je ne sais pas », et ainsi de suite. Je peux prendre, n’est-ce pas, une cinquantaine de personnes et leur demander tout d’un coup, sans préparation : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » et si elles ne sont pas intérieurement « éveillées », elles répondront toutes : « Je ne sais pas » (naturellement, je ne parle pas ici de ceux qui ont fait une discipline pour se connaître et suivre leurs mouvements jusqu’à l’extrême limite; ceux-là peuvent, naturellement, se ressaisir, se concentrer et donner la réponse juste, mais seulement au bout de quelque temps). Vous verrez que c’est comme cela si vous regardez bien votre journée. Vous dites quelque chose et vous ne savez pas pourquoi vous le dites — c’est seulement quand les mots sont sortis de votre bouche, que vous vous apercevez que ce n’était pas tout à fait ce que vous vouliez dire. Par exemple, vous allez voir quelqu’un, vous préparez d’avance les paroles que vous allez dire, mais une fois devant la personne en question, vous ne dites rien, ou ce sont d’autres paroles qui sortent de votre bouche. Êtes-vous capable de dire jusqu’à quel point l’atmosphère de l’autre personne vous a influencé et vous a empêché de dire ce que vous aviez préparé? Combien de gens sont-ils capables de le dire? Ils ne perçoivent même pas que la personne était dans tel ou tel état et que c’est pour cela qu’ils n’ont pas pu lui dire ce qu’ils avaient préparé. Naturellement, il y a des cas très évidents où vous trouvez les gens de si méchante humeur, que vous ne pouvez rien leur demander. Je ne parle pas de cela. Je parle de la perception claire des influences réciproques : ce qui agit et réagit sur votre nature; c’est cela que l’on n’a pas. Par exemple, on est tout d’un coup mal à l’aise ou content, mais combien de gens peuvent dire : « C’est cela »? Et c’est difficile de savoir, ce n’est pas facile du tout. Il faut être très éveillé; il faut être constamment dans un état d’observation très attentif.

Il y a des gens qui dorment douze heures par jour et qui disent, le reste du temps : « Je suis éveillé »! Il y a des gens qui dorment vingt heures par jour, et le reste du temps sont à moitié éveillés!

Pour être dans cet état d’observation attentive, il faut avoir, pour ainsi dire, des antennes partout, qui sont en contact constant avec votre centre de conscience vrai. Vous enregistrez tout, vous organisez tout et, de cette façon, vous ne pouvez pas être pris à l’improviste, vous ne pouvez pas être déçu, trompé, et vous ne pouvez pas dire autre chose que ce que vous vouliez dire. Mais combien de gens vivent-ils dans cet état d’une façon normale? C’est cela que je veux dire, précisément, quand je parle de « devenir conscient ». Si vous voulez tirer le plus grand profit des conditions et des circonstances dans lesquelles vous vous trouvez, il faut être pleinement éveillé; il ne faut pas être pris par surprise, il ne faut pas faire les choses sans savoir pourquoi, il ne faut pas dire des choses sans savoir pourquoi. Il faut être constamment éveillé.

Il faut comprendre aussi que vous n’êtes pas des individualités séparées, que la vie est un constant échange de forces, de consciences, de vibrations, de mouvements de toutes sortes. C’est comme dans une foule, n’est-ce pas : quand tout le monde pousse, tous avancent, et quand tous reculent, tout le monde recule. C’est la même chose dans le monde intérieur, dans votre conscience. Il y a constamment des forces et des influences qui agissent et réagissent sur vous, c’est comme un gaz dans l’atmosphère, et à moins que vous ne soyez tout à fait éveillé, ces choses entrent en vous, et c’est seulement quand c’est bien entré en vous et que cela sort comme si cela venait de vous, que vous vous en apercevez. Combien de fois les gens rencontrent des personnes nerveuses, en colère, de mauvaise humeur, et ils deviennent eux-mêmes nerveux, en colère, de mauvaise humeur, comme cela, sans savoir bien pourquoi. Comment se fait-il que, quand vous jouez contre certaines personnes, vous jouez très bien, mais quand vous jouez contre d’autres, vous ne pouvez plus jouer? Et ces gens bien tranquilles, pas méchants, qui tout à coup deviennent furieux quand ils se trouvent dans une foule furieuse. Et l’on ne sait pas qui a commencé : c’est quelque chose qui a passé et qui a balayé la conscience. Il y a des gens qui sont capables de déclencher des vibrations comme cela, et les autres répondent, sans savoir pourquoi. Tout est ainsi, depuis les plus petites choses jusqu’aux plus grandes.

Pour être individualisé dans une collectivité, il faut être absolument conscient de soi. Et de quel soi? Le Soi qui est audessus de tout mélange, c’est-à-dire ce que j’appelle la Vérité de votre être. Et tant que vous n’êtes pas conscient de la Vérité de votre être, vous êtes mû par toutes sortes de choses, sans vous en rendre compte du tout. La pensée collective, la suggestion collective est une influence formidable, qui agit constamment sur la pensée individuelle. Et ce qui est extraordinaire, c’est que l’on ne s’en aperçoit pas. On pense qu’on pense « comme ça », mais en réalité c’est la collectivité qui pense « comme ça ». La masse est toujours inférieure à l’individu. Prenez des individus de qualité analogue, de catégorie analogue, eh bien, lorsqu’ils sont seuls, ces individus sont d’au moins deux degrés supérieurs aux gens de la même catégorie qui se trouvent dans une foule. Il y a un mélange des obscurités, un mélange des inconscients, et forcément on glisse dans cet inconscient. Pour échapper à cela, il n’y a qu’un moyen : devenir conscient de soi; de plus en plus conscient et de plus en plus attentif.

Essayez de faire ce petit exercice : au commencement de la journée, dire : « Je ne parlerai pas sans penser à ce que je dis. » Vous croyez, n’est-ce pas, que vous pensez tout ce que vous dites! Ce n’est pas du tout le cas, vous verrez que tant de fois le mot que vous ne voulez pas dire est prêt à sortir, et que vous êtes obligé de faire un effort conscient pour l’empêcher de sortir.

J’ai connu des gens qui avaient grand scrupule à ne pas dire de mensonges, mais tout de suite, quand ils se trouvaient en groupe, au lieu de dire le vrai, ils disaient spontanément des mensonges; ils n’avaient pas l’intention de le faire, ils n’y pensaient pas une minute avant de le faire, mais cela venait « comme ça ». Pourquoi? Parce qu’ils se trouvaient avec des menteurs; il y avait une atmosphère de mensonge, et ils avaient tout simplement attrapé leur maladie!

C’est ainsi que, petit à petit, lentement, avec persévérance, avec tout d’abord grand soin et beaucoup d’attention, on devient conscient, on apprend à se connaître et, ensuite, à devenir maître de soi.









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