CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 of CWM (Fre) 471 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Entretiens - 1950-1951

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The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 471 pages 2009 Edition
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1951




avril




Le 17 avril 1951

« Il est vrai que la vie spirituelle révèle l’essence unique en tous; mais elle en dévoile aussi la diversité infinie. Elle travaille à la diversité dans l’unité et à la perfection dans cette diversité. »

(Entretien du 4 août 1929)

C’est le mobile même de la création de l’univers, c’est-à-dire que tous sont un, tout est un en son origine, mais chaque chose, chaque élément, chaque être a pour mission de révéler une partie de cette unité à elle-même, et c’est cette particularité qui doit être cultivée en chacun, tout en éveillant le sens de l’unité originelle. C’est cela « travailler à l’unité dans la diversité ». Et la perfection dans cette diversité est que chacun soit parfaitement ce qu’il doit être.

Vous avez dit : « Les hommes ont l’impression que leurs désirs naissent au-dedans d’eux ; ils les sentent émerger des profondeurs de leur être pour s’élancer au-dehors. Mais cette impression est fausse. Les désirs sont des vagues appartenant à la vaste mer de l’obscure nature inférieure et ils circulent d’une personne à l’autre. Les hommes n’engendrent pas les désirs en eux-mêmes, mais sont envahis par ces vagues; quiconque est ouvert et sans défense est pris et ballotté par elles. »

L’enveloppe protectrice peut-elle aussi sentir les vagues de désir, les impulsions d’autrui, etc.?

Tu veux dire si l’enveloppe protectrice, dont j’ai parlé d’un point de vue physique, peut servir d’un point de vue moral, d’un point de vue psychologique? Ce n’est pas la même enveloppe, c’est un autre domaine. Un homme peut avoir tout à fait intacte cette enveloppe du physique subtil et elle peut travailler merveilleusement à le protéger de toute maladie et de tout accident, et, en même temps, il peut être plein de désirs, parce que le désir appartient à un autre domaine. Le désir n’est pas une chose physique, le désir est quelque chose de vital, et cette enveloppe est plus matérielle que le vital : elle ne peut pas empêcher le vital d’entrer en rapport avec le monde vital et de recevoir de là toutes ses impulsions. Naturellement, celui qui s’est maîtrisé lui-même, celui qui a trouvé son être psychique, celui qui vit constamment dans la conscience de cet être psychique, celui qui a établi une relation parfaite, ou en tout cas une relation constante avec la Présence divine intérieure, s’enveloppe d’une atmosphère de connaissance, de lumière, de beauté, de pureté, qui est la meilleure de toutes les protections contre les désirs; mais il se peut tout de même que le désir fasse intrusion si l’on n’est pas toujours sur ses gardes, puisque nous disons qu’il vient du dehors. On peut avoir supprimé un désir au-dedans de soi, et en même temps il peut venir du dehors comme une contagion; mais à travers cette enveloppe de lumière, de connaissance et de pureté, le désir perd sa force et au lieu de venir comme un mouvement qui appelle une réponse aveugle et immédiate, on s’aperçoit de ce qui se passe, on devient conscient de la force qui veut entrer et on peut tranquillement — quand on considère qu’elle n’est pas désirable — faire un mouvement intérieur et rejeter le désir qui vient. C’est la seule vraie défense : une conscience éveillée, pure et alertée, pour ainsi dire, qui ne s’endort pas, qui ne laisse pas les choses entrer sans que l’on s’en aperçoive. Le pire est que les gens sont tout à fait inconscients et que c’est seulement quand la contagion est entrée qu’ils s’en aperçoivent, et il est un peu tard pour réagir — ce n’est pas impossible, mais c’est plus difficile. Tandis que, si l’on voit venir, si, dans l’atmosphère qui vous entoure, cela fait comme une petite tache noire qui arrive, on peut la chasser comme on chasse quelque chose de désagréable. Mais l’enveloppe protectrice sur le plan matériel n’a aucun effet dans ce cas-là.

C’est justement quelque chose de très intéressant... J’ai constaté que les choses matérielles étaient arrangées de telle manière, à présent, que l’on pouvait arriver à un grand degré de perfection de l’instrument physique dans n’importe quel domaine, quel que soit le degré de développement psychique ou intérieur. C’était une réflexion que je faisais hier soir à propos du cinéma parlant. C’est évidemment un grand progrès dans l’art cinématographique, et l’on ne peut pas dire que ce soit mauvais ou bon en soi. Il se trouvait que je n’avais jamais vu que des cinémas parlant d’histoires imbéciles, vulgaires, grossières, enfin toutes les stupidités que l’on donne généralement dans les cinémas, et cette perfection de l’instrument avait rendu la grossièreté encore plus grossière, la stupidité encore plus stupide, et cette espèce d’impression d’avilissement encore plus grande. Mais hier, quand nous avons vu ce documentaire avec de jolis oiseaux qui chantaient... Les gens qui ont fait ce film se sont donné un mal terrible, on n’imagine pas ce que cela représente d’effort et de travail pour filmer les oiseaux dans leur nid sans les déranger, puis prendre le son d’une façon assez précise pour pouvoir le grossir et le rendre perceptible à tous. C’est un très gros travail qu’ils ont fait là. Et c’est le même perfectionnement du même instrument qui a permis de produire la jolie chose que nous avons vue hier soir et cette chose ignoble que nous avons vue il y a quelque temps... Cela fait bien réfléchir aux choses matérielles.

Le perfectionnement physique ne prouve pas du tout, pas le moins du monde, que l’on ait fait un pas de plus vers la spiritualité. Le perfectionnement physique signifie que l’instrument dont se servira la force — une force quelconque — sera un instrument suffisamment perfectionné pour être remarquablement expressif. Mais le point important, le point essentiel, c’est la force qui se servira de l’instrument, et c’est là qu’il faudra choisir. Si vous perfectionnez votre corps et en faites un instrument remarquable, il ne faut pas du tout croire pour autant que vous êtes plus près de la vie spirituelle. Vous préparez un instrument remarquable pour que cette vie spirituelle puisse se manifester en lui, si elle se manifeste. Mais c’est à vous, toujours, de choisir ce qui se manifestera. Il y a des gens qui perfectionnent leur corps, qui construisent un corps fort, solide, énergique, agile, habile, et tout cela simplement pour pouvoir mieux affirmer leur ego et la puissance de leur ego. D’autres peuvent produire ce corps pour être sûrs que, lorsque la lumière spirituelle se manifestera, elle trouve un instrument capable de faire tout ce qui sera demandé de lui — quel que soit le travail demandé, l’instrument sera tellement perfectionné qu’il pourra le faire sans difficulté, spontanément, immédiatement... Ceci, pour éveiller votre attention sur le fait le plus important, qui est le choix de la force à laquelle vous permettrez de se manifester dans votre corps. Perfectionnez votre corps, faites-en un instrument remarquable, mais n’oubliez jamais qu’il y a un choix à faire et que ce choix doit être fait constamment — on ne le fait pas une fois pour toutes, il doit être toujours renouvelé. Parce que, avant que l’on ne soit arrivé à l’union totale, à l’expression totale, il y aura toujours cette invasion des choses extérieures qui essayeront d’entrer en vous pour abîmer toute l’œuvre. Alors, la condition nécessaire, indispensable est une vigilance constante. Ne vous endormez pas avec satisfaction sous prétexte que vous avez fait une fois votre choix : « Oh! maintenant ça va bien, tout va bien. » En principe tout va bien; dans la sincérité de votre choix se trouve aussi la garantie de sa durée. Mais pour que la sincérité soit parfaite et que le choix soit inébranlable, il ne faut jamais s’endormir — je ne veux pas dire qu’il ne faille pas dormir physiquement, je veux dire qu’il ne faut pas que la conscience s’endorme! Et c’est une introduction à ce que je vous lirai la prochaine fois, une lettre que Sri Aurobindo a écrite il y a fort longtemps; si je me souviens bien, c’était en 1928, en octobre 1928. Vous voyez que les choses ne changent pas vite.

Comment exprimer la particularité de son être?

Il faut la vivre, c’est-à-dire vivre selon sa loi intérieure, la vérité de son être. J’ai expliqué cela tout en long dans « La Science de Vivre », je vous ai dit que cette vérité de l’être était justement la particularité de chacun.

Mais elle diffère chez chacun, n’est-ce pas?

La loi de chacun diffère, oui, autrement comment distinguerait-on? Du haut en bas, la nature, l’apparence, les actions, tout serait pareil. S’il n’y avait qu’une loi, il n’y aurait qu’une loi et chacun répéterait la même chose. Il n’y aurait pas du tout besoin de manifester un univers, parce que ce serait une loi unique. Le propre même de l’univers est une infinie multiplicité de lois dont l’ensemble, la totalité reproduit l’Unique. Et c’est cela qui est particulièrement merveilleux dans le monde physique (dans l’homme et dans le monde physique, car c’est propre à l’être terrestre), c’est qu’il peut à la fois être l’un des innombrables éléments dont la totalité reproduit l’Unique et, en même temps, avoir une relation personnelle avec l’Unique. C’est-à-dire contenir en soi la conscience de l’Unique et la relation avec l’Unique et, en même temps, être un élément du tout. Mais si le fait de devenir conscient de l’Unique et de s’identifier à Lui faisait que l’on cessait d’être particulier, on cesserait d’exister en tant que personnalité. C’est justement ce que les bouddhistes et les disciples de Shankara essayent de réaliser; ils veulent abolir totalement leur personnalité, leur individualité, abolir la vérité de leur être, la loi spéciale de leur être. C’est ce qu’ils considèrent comme une fusion avec le Divin. Mais c’est la négation de cette création. Et comme je le disais, le miracle de cette création, en ce qui concerne l’individualité terrestre, c’est que l’on peut arriver à cette union, à cette identification complète avec le Suprême, l’Unique et, en même temps, garder la conscience de sa diversité, de la loi propre que l’on doit exprimer. C’est plus difficile, mais c’est infiniment plus complet, et c’est la vérité même de cet univers. L’univers n’a pas été fait pour autre chose que cela, unir ces deux pôles, les deux extrêmes de la conscience. Et quand on les unit, on s’aperçoit que ces deux extrêmes sont exactement la même chose — un tout unique et innombrable à la fois.

Mais on se sent très différent des autres!

Extérieurement, c’est évident. C’est une ignorance... Non, l’ignorance, c’est de nier l’identité essentielle, l’origine unique. Et moi, je considère comme une absurdité ignorante de vouloir nier les différences extérieures de la manifestation. Pourquoi y aurait-il une manifestation, alors? À quoi cela servirait? Cela voudrait dire qu’il y a eu une absurdité au commencement de la création. Si cela n’avait pas été fait exprès, c’est que les choses ne sont pas faites exprès, ou qu’Il s’est trompé, ou bien alors qu’Il n’a pas compris ce qu’Il voulait faire! qu’Il a cru faire une chose et en a fait une autre! D’ailleurs, je m’empresse de vous dire que, s’il y avait un univers où tous les éléments étaient identiques, vraiment on se demanderait immédiatement pourquoi il existe. Si en face de moi, tous, vous étiez tous les mêmes, parlant de la même façon, pensant de la même façon, réagissant de la même façon, je crois que je m’enfuirais immédiatement!

Vous avez dit que, s’il y avait une troisième guerre mondiale, ce serait la fin de la civilisation « actuelle ». Est-ce que la condition terrestre en serait affectée favorablement ou adversement?

Écoutez, demanderiez-vous si une maladie mortelle est favorable à la santé ou non? C’est exactement cela. Une civilisation, quelle qu’elle soit, est le résultat de très longs efforts pour arriver à devenir conscient de soi, de la Nature, et pour maîtriser cette Nature et en tirer le meilleur parti possible. Nous disions tout à l’heure que la culture de l’être physique consiste à préparer un instrument afin que le Divin puisse se manifester. Une civilisation prépare un instrument afin que le Divin puisse se manifester dans cet instrument. Plus la civilisation s’est élaborée lentement, avec soin, et est arrivée à conquérir les lois de la Nature, plus l’instrument est favorable à la manifestation du Divin. C’est pour cela aussi que nous avons cette notion de la prolongation de l’existence, c’est pour pouvoir perfectionner l’instrument afin de manifester la Force divine qui veut se manifester. Autrement, il serait évidemment beaucoup plus facile dès que le corps serait un peu malade ou un peu vieux ou incapable d’avoir les réactions qu’il avait étant petit, de faire comme l’on fait avec un vieil habit déchiré — on le jette et on en prend un autre. Malheureusement, ce n’est pas comme cela. Tout le fruit du travail, toute l’accumulation des efforts de prise de conscience est perdu. Si, par exemple, cette civilisation que l’on a construite, qui, d’une certaine façon, a maîtrisé si considérablement les forces de la Nature, qui est arrivée à comprendre des lois d’un ordre tout à fait unique et a accumulé tant d’expériences de tous genres pour arriver à se comprendre et à s’exprimer, si tout cela disparaissait, il faudrait naturellement tout recommencer. Et alors, pour un enfant qui vient de naître, combien d’années de lente et insipide éducation faut-il pour que son cerveau soit prêt à exprimer même une simple idée générale, pour que ses mouvements soient conscients au lieu d’être absolument inconscients, combien d’années faut-il? Pour une civilisation, combien d’années faudra-t-il pour simplement ramener tout ce que l’on a perdu? Il y a eu beaucoup de civilisations sur la terre, il y a des savants qui essayent de retrouver ce qui a été, mais personne ne peut dire avec certitude exactement ce qu’il y avait : la majeure partie de ces civilisations est complètement perdue (je parle de civilisations antérieures à celle qui, pour nous, est historique). Eh bien, s’il faut encore des milliers d’années pour en recommencer une autre, évidemment... En tout cas, pour notre conscience humaine extérieure, c’est une perte de temps. Mais on nous dit que l’Œuvre à faire, la Réalisation promise va avoir lieu maintenant. Elle va avoir lieu maintenant, parce que le cadre de cette civilisation paraît favorable comme un terre-plein ou comme une base pour s’élever au-dessus. Mais si cette civilisation est détruite, sur quoi va-ton construire? Il faut d’abord faire le terre-plein pour pouvoir construire. S’il faut encore cinq mille ou dix mille ans pour faire ce terre-plein, cela prouve que ce n’est pas maintenant que les choses se feront — elles se feront, c’est bien entendu, elles se feront, mais... Combien de vies avez-vous tous eues? Qu’est-ce que vous vous rappelez de vos vies? À quoi servent tous les efforts que vous avez faits dans les vies antérieures pour vous perfectionner, pour arriver à vous comprendre, à vous maîtriser un petit peu, à vous servir simplement de l’instrument qui vous a été donné? Qu’est-ce qu’il vous reste de tout cela ? Voulez-vous me le dire? Qui peut me dire ici qu’il profite consciemment des expériences de ses vies passées — inconsciemment il y a quelque chose qui reste, mais pas grand-chose — mais consciemment?... Personne ne répond?

Non, justement, on a l’impression qu’après avoir vécu tant d’années, on commence seulement à savoir un tout petit peu.

Oui, parfaitement, c’est justement comme cela. C’est parce que plus on va, plus on s’aperçoit que l’on a tout à comprendre et tout à apprendre. Et par conséquent, si l’on a derrière soi une soixantaine d’années, ce n’est rien. On voudrait avoir devant soi des centaines et des centaines d’années pour pouvoir faire le travail. C’est comme cela, vous êtes tous des petits enfants, n’est-ce pas, alors les années vous paraissent longues, parce que vous n’en avez pas eu beaucoup; mais vous verrez, plus on avance, plus on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de chemin qui reste en avant, beaucoup, beaucoup, et l’on ne voudrait pas avoir tout à recommencer, parce que c’est autant de temps de perdu.









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