Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.
Pour pouvoir entrer consciemment dans la « mémoire terrestre 9 », il faut une discipline. Quelle discipline?
Une discipline beaucoup plus difficile que la discipline du yoga ! C’est une discipline occulte.
D’abord, apprendre à sortir consciemment de son corps et à entrer dans un autre corps plus subtil; se servir de sa volonté pour aller à l’endroit où l’on veut; ne jamais avoir peur et, quelquefois, faire face à des choses inattendues et parfois terrifiantes; être paisible, développer le sens visuel du mental, habituer son mental à être tout à fait paisible et tranquille... Vous savez, il y en a long comme cela, je pourrais continuer pendant des heures!
Qui d’entre vous a eu l’expérience de sortir de son corps — de sortir en le sachant? Je ne parle même pas de le faire à volonté, parce que c’est une autre étape.
Je suis sorti une fois de mon corps, mais j’y suis vite rentré!
Tu n’en a pas profité pour aller te promener un peu, non? Eh bien, tu n’es pas curieux !
Comment peut-on savoir que l’on est sorti de son corps?
On le voit immobile sur le lit. Il y a aussi d’autres moyens de savoir.
Je suis sortie de mon corps sous l’influence du chloroforme. J’ai vu mon corps sur la table et j’ai assisté à l’opération.
J’ai connu ainsi une voyante assez remarquable. Un jour, on devait lui faire une opération et on l’a chloroformée; elle était sortie de son corps. Tout d’un coup, elle a commencé à voir ce qui se passait dans la tête des gens qui étaient là. Elle s’était habituée à parler même endormie, et elle s’est mise à parler tout haut : elle disait que tel et tel avait des soucis, que tel autre avait un problème à résoudre et que la solution était telle et telle chose.
C’est un cas exceptionnel — cela n’arrive qu’aux personnes très douées et il n’y en a pas beaucoup. Mais les personnes qui restent conscientes sous le chloroforme sont plus nombreuses qu’on ne le pense; mais généralement, quand on se réveille du chloroforme, on se sent assez mal à l’aise et on ne se souvient que vaguement de ses expériences en dehors du corps. Y a-t-il quelqu’un ici qui se soit évanoui tout d’un coup, comme par accident? On voit son corps, n’est-ce pas, et on se demande : « Mais que fait-il là dans cette attitude ridicule? » Et on se reprécipite dedans! Cela m’est arrivé une fois, à Paris. On m’avait donné un bon dîner, puis je suis allée dans une salle de conférences, je crois. Il y avait beaucoup de monde, il faisait très chaud. J’étais debout, là, mon bon dîner sur l’estomac, et soudain je me suis sentie mal à l’aise. J’ai dit à la personne qui était avec moi : « il faut sortir immédiatement. » Une fois dehors (c’était sur la place du Trocadéro), je me suis évanouie complètement. J’ai vu mon corps là, étendu, et je le trouvais si ridicule que je me suis précipitée dedans, et je l’ai bien grondé. Je lui ai dit : « Il ne faut pas me jouer des tours comme cela ! » Beaucoup de gens s’évanouissent ainsi et se voient. Il y a une condition pour cela ; il faut que l’organe de la vue du corps physique subtil ou du vital le plus matériel soit développé.
Je dois vous dire que ce genre de capacité peut venir spontanément, sans effort — on peut être né voyant. Ce ne sont pas forcément des personnes très intelligentes, leur conscience vitale peut être médiocre, mais elles sont nées voyantes. Ce n’est pas un signe de grand développement; cela vient de quelque chose d’autre, d’une capacité des parents, des vies antérieures, etc. Mais si l’on n’est pas né voyant et que l’on ne porte pas en soi l’autre extrême, je veux dire un être psychique tout à fait conscient et complètement développé qui mène sa vie autonome dans le corps, et que l’on veuille apprendre à voir et à avoir des visions, c’est une discipline très longue, très lente, et il y a peu de gens qui aient la patience et l’endurance nécessaires pour aller jusqu’au bout de l’entraînement.
C’est intéressant, mais ce n’est pas essentiel, on peut s’en passer. C’est comme pour les rêves. Mais si vous pouvez développer cette capacité, elle peut rendre votre vie plus pleine, cela peut faire avancer votre conscience plus vite.
Vous dites qu’il y a deux catégories de gens : ceux à qui l’on dit de méditer et ceux à qui on ne le demande pas. Comment savoir à quelle catégorie on appartient 10 ?
On vous prévient.
Mais alors, peut-on vous le demander ?
Mais naturellement, je suis là pour cela !
Parfois, quand on sort du corps, le corps suit la partie qui sort.
Vous voulez parler d’un somnambule? Mais c’est tout autre chose. Cela veut dire que la partie qui sort (soit une partie du mental, soit une partie du vital) est tellement bien accrochée au corps, ou plutôt que le corps est tellement accroché à cette partie que, quand cette partie décide de faire quelque chose, le corps la suit automatiquement. Dans votre être intérieur, vous décidez de faire certaines choses, et votre corps est si bien lié à l’être intérieur que, sans y penser, sans le vouloir, sans faire aucun effort, il le suit et fait la même chose. Notez que, dans ce cas, le corps physique a des capacités qu’il n’aurait pas dans les conditions ordinaires de veille. Par exemple, il est bien connu que l’on peut marcher en des endroits dangereux, où l’on serait bien embarrassé de se promener à l’état de veille. Il suit la conscience de l’être intérieur, et sa conscience à lui est endormie — parce que le corps a une conscience. Toutes les parties de l’être, y compris la partie la plus matérielle, ont une conscience indépendante. Donc, quand vous vous endormez très fatigué, quand votre corps physique a absolument besoin de repos, votre conscience physique s’endort, tandis que la conscience de votre corps physique subtil ou de votre vital ou de votre mental ne dort pas, elle continue son activité; mais votre conscience physique est séparée du corps, elle est endormie, dans un état d’inconscience, alors la partie qui ne dort pas, qui agit, se sert du corps sans l’intermédiaire de la conscience physique et lui fait faire les choses directement. C’est comme cela que l’on est somnambule. D’après mon expérience, la conscience de veille est endormie pour une raison quelconque (généralement une raison de fatigue), mais l’être intérieur veille, et le corps y est si bien lié qu’il le suit automatiquement. C’est pour cela que l’on fait des choses extravagantes, parce qu’on ne les voit pas physiquement, on les voit autrement.
On dit que le somnambulisme est dû à des préoccupations, des soucis graves. Est-ce vrai? Tartini a composé une sonate dans cet état, et quand il s’est réveillé le matin, il l’a écrite tout entière.
Le somnambulisme n’est pas toujours causé par les préoccupations et les soucis! Oui, il y a des gens qui écrivent des choses merveilleuses quand ils sont somnambules. Mais Tartini n’était pas somnambule — c’était dans l’état de rêve qu’il écrivait des sonates.
C’est toujours un état un peu dangereux, toujours. Il peut arriver des choses inattendues, un accident au vital, par exemple.
Comment peut-on se guérir du somnambulisme?
Assez simplement, en mettant une volonté sur le corps avant de s’endormir.
On est somnambule parce que le mental n’est pas assez développé pour briser les liens intérieurs. Car le mental sépare toujours l’être extérieur de la conscience profonde. Les petits enfants sont très liés. J’ai connu des enfants qui étaient tout à fait sincères, mais qui ne pouvaient pas distinguer ce qui se passait dans leur imagination ou dans la réalité. Pour eux, la vie intérieure était aussi réelle que la vie extérieure. Ils ne racontaient pas d’histoires, ils n’étaient pas menteurs; simplement, la vie intérieure était aussi réelle que la vie extérieure. Il y a des enfants qui vont nuit après nuit au même endroit pour continuer le rêve qu’ils ont commencé — ce sont des experts dans l’art de sortir de leur corps!
Est-il bon de laisser le corps endormi et d’aller se promener? Peut-on rentrer dans le corps à n’importe quel moment?
C’est dangereux si vous dormez entouré de gens qui peuvent venir vous secouer en s’imaginant qu’il vous est arrivé quelque chose. Mais si l’on est seul et que l’on s’endorme tranquillement, il n’y a aucun danger.
On peut rentrer dans son corps n’importe quand, n’est-ce pas, et généralement il est beaucoup plus difficile de rester dehors que de rentrer — dès que la moindre petite chose arrive, on se reprécipite dans son corps avec rapidité!
Si l’on sort de son corps et qu’on le laisse sur le lit, quelqu’un d’autre peut-il y entrer?
Cela peut arriver, mais c’est extrêmement rare, un cas sur des centaines de mille.
« Quelqu’un » ne peut pas entrer — un être humain ne peut pas entrer dans le corps d’un autre, à moins qu’il n’ait des connaissances occultes tout à fait exceptionnelles, uniques, et dans ce cas il ne le ferait pas.
Mais si un être humain n’entre pas, il y a parfois des êtres du monde vital qui n’ont pas de corps et qui désirent en avoir un pour l’amusement de l’expérience, alors quand ils voient quelqu’un qui est sorti de son corps (mais il faut être sorti très matériellement) et qui n’est pas suffisamment protégé, ils peuvent se précipiter pour prendre sa place. Mais c’est une chose si rare que si vous n’aviez pas posé la question, je n’en aurais pas parlé. Enfin, ce n’est pas une impossibilité.
Les gens qui ont des cauchemars de ce genre devraient toujours se protéger occultement avant de sortir — on peut le faire de beaucoup de façons. La façon la plus simple, qui n’exige pas de connaissances spéciales, est d’appeler le guru, ou, si l’on connaît quelqu’un qui a la connaissance, d’appeler cette personne en pensée, en esprit; ou se protéger soi-même en faisant une sorte de mur de protection autour de soi (on peut faire beaucoup de choses, n’est-ce pas, cela peut empêcher ces êtres d’entrer.
Si l’on a des dispositions pour l’extériorisation et que l’on suive un yoga, on vous demande toujours de protéger votre sommeil : par une contemplation, un mouvement mental, un mouvement quelconque — il y a beaucoup de manières de se protéger. Mais je crois qu’il n’y a aucun danger de ce genre pour vous; peut-être pas pour tous, mais enfin il faut être terriblement ambitieux, terriblement insincère pour que cela arrive; il faut être en rapport avec des entités vraiment mauvaises, car jamais un être qui vit dans l’ordre et la vérité ne se précipitera dans le corps d’un autre, c’est un acte de désordre et cela ne se fait pas.
Est-ce l’être psychique qui sort ou une autre partie de l’être?
Si c’est l’être psychique qui sort, on ne s’en apercevra pas, d’autant que la plupart du temps il n’est pas au-dedans de vous! Il y a très peu de gens qui portent leur être psychique en eux, parce que l’habitation n’est pas prête. Ce qui sort, c’est parfois le physique subtil, c’est là que l’on voit son corps étendu — il faut que ce soit une partie de l’être très matérielle qui sorte pour que la vision physique reste consciente; il faut sortir très matériellement, dans le corps physique subtil ou dans le vital le plus matériel. Mais d’une façon constante, c’est le vital qui sort, et encore plus souvent, le mental ; mais quand c’est le mental qui sort, on ne s’en aperçoit pas du tout, car le mental est comme le psychique, il est très rarement au-dedans de vous. Si vous pensez à quelque chose ou à quelqu’un, une partie de votre mental est aussitôt là — le mental est vagabond, il se promène, il va et vient, il entre et sort. Il y a très peu de gens qui ont suffisamment organisé leur mental pour le garder au-dedans d’eux, compact, et l’empêcher de vadrouiller.
Parfois, j’ai l’impression que je sors de mon corps et que je le vois mort.
Mais ce n’est qu’un rêve; probablement tu n’es pas du tout sorti de ton corps. Il y a des gens qui rêvent qu’ils sont morts. Mais cela n’a aucune importance.
Quand on sort du corps, il faut essayer de se précipiter vers toi — je crois que tout le monde le fait, n’est-ce pas?
Pas un sur cent!
Si on le faisait, des choses très intéressantes pourraient vous arriver. J’ai connu quelqu’un en France, qui venait me trouver chaque soir pour que je lui montre quelque domaine inconnu, que je l’emmène se promener dans le monde vital ou mental, et effectivement je l’y emmenais. Parfois, il y avait d’autres gens aussi, parfois cette personne était seule. Je lui montrais comment sortir de son corps, comment rentrer, comment garder sa conscience, etc., je lui montrais des endroits en lui disant : « Là, il faut prendre telle précaution, ici il faut faire telle chose, telle autre. » Et cela a continué pendant longtemps.
Je ne veux pas dire que personne d’entre vous ne vienne me trouver la nuit, mais il y en a très peu qui le fassent consciemment. Généralement (vous me direz si je me trompe, mais c’est mon impression), quand on s’endort et que l’on a décidé de se souvenir de moi avant de s’endormir, c’est plutôt un appel qu’une volonté de se « précipiter », comme vous dites. On est là, n’est-ce pas, sur son lit, on veut se reposer, avoir un bon sommeil, rester dans une bonne conscience, alors on m’appelle, plutôt que d’avoir l’idée de sortir de son corps et de venir me trouver.
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