CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 of CWM (Fre) 471 pages 2009 Edition
French

Translations

ABOUT

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Entretiens - 1950-1951

The Mother symbol
The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 471 pages 2009 Edition
French
 PDF   

1951




mars




Le 22 mars 1951

Vous dites que « le temps est relatif ». Qu’est-ce que cela veut dire?

Le sens de la longueur du temps dépend de la conscience où vous vous trouvez. Si vous êtes dans une conscience humaine ordinaire, le temps se mesure par rapport au nombre d’années que vous comptez vivre. Alors, ce qui demande, disons cinquante ans à se réaliser, paraît terriblement long, car vous penserez : « Cinquante ans... où serai-je dans cinquante ans? » Même sans vous le dire clairement, c’est là dans la conscience. Mais si vous vous placez du point de vue d’une conscience mentale simplement, de quelque chose qui a la durée d’un écrit, par exemple — une œuvre qui a des qualités véritables peut durer des centaines et même des milliers d’années — donc, si l’on vous dit : « Pour que vos idées se répandent, il faut cent ans », cela ne vous paraît pas tellement long. Et si vous réussissez à unir votre conscience à la conscience psychique, une vie n’est qu’un moment parmi tant de moments semblables qui ont existé auparavant; eh bien, une vie de plus ou de moins n’a pas beaucoup d’importance. Et si, encore plus, vous vous unissez à la conscience de l’éternité, le temps n’a plus aucune réalité.

Tout est relatif.

Quand on est conscient des différentes parties de son être, quelle est la partie qui est consciente?

Ce n’est probablement pas toujours la même. Normalement, le travail de prise de conscience doit se faire par le psychique, mais c’est très rarement le psychique. Le plus souvent, c’est une partie du mental, plus ou moins illuminée, qui a acquis la capacité de se tenir un peu en arrière et de regarder le reste. Mais vous connaissez bien le cas : si vous êtes conscient dans votre mental, une partie du mental dit une chose et l’autre répond, et il y a une discussion interminable entre les deux parties. Beaucoup de gens ont de ces dialogues dans leur mental.

Il est difficile de dire d’une façon générale ce qui est conscient; mais naturellement, si quelque chose observe, c’est toujours l’élément « témoin » dans cette partie — dans chaque partie de l’être il y a quelque chose qui est « témoin », qui assiste. Il y a même un témoin physique qui peut être très encombrant; par exemple, s’il vous regarde jouer, cela peut vous paralyser beaucoup. Il y a aussi un témoin vital qui vous regarde, qui regarde vos désirs et s’amuse beaucoup de ce qui se passe; c’est aussi un frein. Il y a le témoin mental qui juge des idées, qui dit : « Cette idée est en contradiction avec celle-là », qui arrange tout. Puis, il y a le grand Témoin psychique, qui est la divinité intérieure.

Quelquefois, il n’y a pas de relation entre ces différents témoins — il devrait y en avoir, mais elle n’est pas toujours là. Mais s’il existe dans l’être une volonté de se perfectionner, assez rapidement la relation s’établit; l’un peut s’en rapporter à l’autre et, finalement, si la sincérité est suffisante, si la concentration est suffisante, on arrive au Témoin intérieur suprême qui peut juger toutes choses. Mais d’une façon générale, on peut dire que c’est toujours une partie du mental, plus ou moins illuminée, un peu plus en relation avec l’être intérieur, qui observe et qui juge.

Qu’est-ce que la conscience?

(Après un silence) Je suis en train de choisir entre plusieurs explications! L’une qui est une plaisanterie, c’est que la conscience est le contraire de l’inconscience! L’autre... c’est l’essence créatrice de l’univers — sans conscience, pas d’univers; car conscience veut dire objectivation. Je pourrais dire aussi que la conscience est ce qui « est », parce que sans conscience rien n’est — c’est la meilleure raison. Sans conscience, pas de vie, pas de lumière, pas d’objectivation, pas de création, pas d’univers.

Peut-être y a-t-il dans le Suprême non manifesté une conscience (mais quand on parle de ces questions, on se met à dire des choses impossibles); on dit qu’en premier lieu le Suprême a pris conscience de Lui-même (ce qui voudrait dire qu’Il n’était pas conscient de Lui-même avant! qu’Il était dans un état que nous ne pouvons pas appeler « conscient »), que son premier mouvement a été de prendre conscience de Lui-même et qu’une fois devenu conscient de Lui-même, Il a projeté cette conscience au-dehors, ce qui a formé la création. Du moins, c’est ce que dit la vieille tradition. Admettons qu’il n’y ait jamais eu de commencement, car c’est une façon humaine de parler : le « commencement » est le Suprême — le Suprême non manifesté prenant conscience de Lui-même. Probablement a-t-il trouvé que cette conscience n’était pas tout à fait satisfaisante (!) et Il l’a projetée, non pas en dehors de Lui-même car rien n’est en dehors de lui, mais Il l’a changée en une conscience agissante afin que cela devienne une objectivation de Lui-même. Par conséquent, on peut dire avec certitude que la Conscience est l’origine de toute création; là, vous êtes dans l’exactitude autant qu’on peut l’être avec les mots. La Conscience est l’origine de toute création — sans conscience, pas de création. Et ce que nous appelons « conscience », c’est simplement un contact lointain, sans précision et sans exactitude, avec la Conscience suprême. Ou si vous voulez, c’est la réflexion dans un miroir pas très correct, pas très pur, de la Conscience originelle. Ce que nous appelons notre conscience, c’est cette Conscience originelle reflétée dans un miroir un peu brouillé (quelquefois très brouillé, quelquefois très déformé), une réflexion dans le miroir individuel. Alors, par cette réflexion, si nous remontons lentement à l’origine de ce qui est reflété, nous pouvons entrer en contact avec la Conscience — la Conscience vraie. Et une fois que nous entrons en contact avec la Conscience vraie, nous nous apercevons que c’est la même partout, que c’est seulement la déformation qui la divise; sans déformation tout est contenu dans une seule et même Conscience. C’est-à-dire que c’est seulement la déformation, la réflexion dans le miroir déformant, qui cause la différence et la division de la Conscience, autrement c’est une seule Conscience. Mais c’est seulement par expérience que l’on peut comprendre ces choses.

Quels sont les douze sens 18 ?

On nous en octroie cinq, n’est-ce pas? En tout cas, il y en a un autre qui justement a une relation avec la conscience. Je ne sais pas si l’on vous a jamais dit cela, mais quelqu’un qui est aveugle, par exemple, qui ne voit pas, peut devenir conscient d’un objet à une certaine distance par une sorte de perception, qui n’est pas le toucher car il n’a pas de toucher, qui n’est pas la vision car il ne voit pas, mais qui est un contact — quelque chose qui lui permet de contacter sans entendre, sans voir et sans toucher. C’est l’un des sens les plus développés en dehors de ceux que nous utilisons d’habitude. Il y a un autre sens, une sorte de sens à proximité : quand on arrive à proximité d’une chose, on la sent comme si l’on était entré en contact avec elle. Un autre sens, qui est physique aussi, vous met en contact avec des événements à une grande distance; c’est un sens physique puisqu’il appartient au monde physique, ce n’est pas purement mental : on a une sensation. Certaines personnes ont une sorte de sensation de contact avec ce qui se passe à une très grande distance. Il ne faut pas oublier que dans la conscience physique il y a plusieurs niveaux ; il y a un vital physique et un mental physique, qui ne sont pas uniquement corporels. La prévoyance sur le plan matériel est aussi l’un des sens physiques... Nous avons donc quelque chose qui perçoit à une petite distance, quelque chose qui perçoit à une grande distance et quelque chose qui perçoit en avant; cela fait déjà trois. Ce sont comme des améliorations des sens que nous possédons; comme d’entendre à une très grande distance, par exemple — il y a des gens qui peuvent entendre des bruits à une très grande distance, qui peuvent sentir des odeurs à une très grande distance. C’est comme un perfectionnement de ces sens.

Avec quel sens trouve-t-on de l’eau dans la terre?

La perception est différente suivant les individus. Pour certains, c’est comme s’ils voyaient l’eau; pour d’autres, c’est comme s’ils sentaient l’odeur de l’eau, et pour d’autres encore, c’est une espèce d’intuition du domaine mental; mais alors ce n’est pas une perception physique, c’est une sorte de connaissance directe. Il y avait un homme ici, qui disait sentir l’odeur de l’eau; il avait un instrument, mais c’était seulement un prétexte... C’est comme la baguette qui se tord, n’est-ce pas; vous avez beau être aussi passif que possible, vous ferez toujours un petit mouvement quand vous aurez l’impression qu’il y a quelque chose. J’ai fait cette expérience plusieurs fois : vous donnez la baguette à quelqu’un, vous le faites marcher; vous êtes silencieux, la personne est silencieuse, tout à fait concentrée; puis, tout d’un coup, vous pensez fortement : « Ici, il y a de l’eau » et hop! la baguette fait un petit mouvement — il est tout à fait évident que c’est votre suggestion. Je l’avais pensé sans avoir la moindre idée qu’il y avait de l’eau, simplement pour faire une expérience; et dans la main du sourcier, la baguette est descendue, il a reçu la suggestion dans son subconscient.

Si l’on est assez silencieux, les nerfs peuvent recevoir la vibration de l’eau ?

Mais il n’y avait pas d’eau! C’est moi qui avait pensé qu’il y avait de l’eau (il y avait peut-être de l’eau, je n’en sais rien, je n’ai pas fait creuser pour voir). Mais l’expérience prouve que c’est simplement ma pensée qui avait agi sur les doigts qui tenaient la baguette, et la baguette est descendue... On pourrait me dire aussi que j’avais pensé à l’eau parce qu’il y en avait là !

Il y a des animaux qui ont des sens très développés?

Ah! oui, il y a des animaux qui sont beaucoup plus avancés que nous.

J’ai connu un éléphant qui nous a conduits tout droit vers l’eau quand nous étions en train de chasser le tigre.

Les animaux ont des sens beaucoup plus parfaits que ceux des hommes. Je vous défie de suivre un homme à la piste comme le fait un chien, par exemple!

Cela veut dire que dans la courbe, ou plutôt dans la spirale de l’évolution, les animaux (et plus spécialement ceux que nous appelons les animaux « supérieurs », parce qu’ils nous ressemblent davantage) sont régis par l’esprit de l’espèce, qui est une conscience très consciente. Les abeilles, les fourmis obéissent à cet esprit de l’espèce, qui est d’une qualité tout à fait supérieure. Et ce que l’on appelle « l’instinct » des animaux, c’est simplement l’obéissance à l’esprit de l’espèce, qui sait toujours ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Il y a tant d’exemples, n’est-ce pas. Vous mettez une vache dans un pré; elle se promène, elle renifle, et tout d’un coup tire la langue et attrape une herbe. Puis, elle se promène encore, renifle et attrape une autre touffe d’herbe, et ainsi de suite. A-t-on jamais vu une vache dans ces conditions manger une herbe empoisonnée? Mais enfermez ce pauvre animal dans une étable, ramassez de l’herbe et mettez-la devant elle, et la pauvre bête, qui a perdu l’instinct parce qu’elle obéit à l’homme (excusez-moi), mange l’herbe empoisonnée avec celle qui ne l’est pas. Nous avons déjà eu trois cas ici, trois vaches qui s’en allaient parce qu’elles avaient mangé de l’herbe empoisonnée. Et ces malheureux animaux, comme tous les animaux, ont une sorte de respect (que je pourrais appeler illégitime) pour la supériorité de l’homme — si l’on met de l’herbe empoisonnée devant la vache en lui disant de la manger, elle la mange! Mais laissée à elle-même, c’est-à-dire sans rien qui intervienne entre elle et l’esprit de l’espèce, jamais elle ne le ferait. Tous les animaux qui s’approchent de l’homme perdent leur instinct, parce qu’ils ont une sorte d’admiration pleine de dévotion pour cet être qui peut leur donner un abri et à manger sans avoir la moindre difficulté — et un peu de peur aussi, car ils savent que, s’ils ne font pas ce que l’homme veut, ils seront battus!

C’est tout à fait curieux, ils perdent leur qualité. Les chiens, par exemple... Le chien-berger qui vit très loin des hommes avec les troupeaux et qui est d’une nature très indépendante (il rentre de temps à autre à la maison et connaît bien son maître, mais il ne le voit pas souvent), s’il est mordu par un serpent, il restera dans un coin, il se léchera et fera tout ce qu’il faut jusqu’à ce qu’il guérisse. Le même chien, s’il est chez vous et qu’il soit mordu par un serpent, il meurt, tranquillement, comme l’homme.

J’avais un petit chat tout à fait gentil, absolument civilisé, un chat merveilleux. Il était né à la maison et il avait l’habitude qu’ont tous les chats, c’est-à-dire que, si quelque chose bougeait, il jouait avec. À ce moment-là, il y avait à la maison un grand scorpion; selon son habitude, il s’est mis à jouer avec le scorpion. Et le scorpion l’a piqué. Mais c’était un chat supérieur; il est venu à moi, il était à peu près mourant, mais il m’a montré sa patte avec la morsure, elle était déjà gonflée et dans un terrible état. J’ai pris mon petit chat — il était tout à fait gentil —et je l’ai mis sur une table et j’ai appelé Sri Aurobindo. Je lui ai dit : « Kiki a été piqué par un scorpion, il faut le guérir. » Le chat a allongé le cou et il regardait Sri Aurobindo avec des yeux déjà un peu vitreux. Sri Aurobindo s’est assis en face du chat et l’a regardé aussi. Alors, on voyait ce petit chat qui peu à peu commençait à se remettre, se remettre, et au bout d’une heure il a sauté sur ses pattes et il s’en est allé tout à fait guéri... À cette époque aussi, j’avais l’habitude de faire une méditation dans la chambre où dormait Sri Aurobindo (la chambre qu’occupe A. maintenant), et c’étaient régulièrement les mêmes personnes qui venaient, tout était arrangé. Mais il y avait un fauteuil où ce même chat se mettait toujours d’avance — il n’attendait pas que quelqu’un se mette dans ce fauteuil, il s’y mettait, lui. Et régulièrement il entrait en transe! Il ne dormait pas, il n’était pas dans la position que les chats prennent pour dormir : il était en transe, il avait des sursauts, il avait certainement des visions. Et il poussait des petits cris. Il était dans une transe profonde. Il restait comme cela des heures. Et quand il en sortait, il refusait de manger. On le réveillait pour lui donner à manger, mais il refusait : il retournait dans son fauteuil et il se remettait en transe! Cela devenait très dangereux pour un petit chat... Mais ce n’était pas un chat ordinaire.

Pour conclure mon histoire, si vous laissez un animal dans son état normal, loin de l’homme, il obéit à l’esprit de l’espèce, il a un instinct très sûr et il ne fera jamais de bêtises. Mais si vous le prenez et que vous le gardiez avec vous, il perd son instinct, et c’est vous qui devez veiller sur lui, car il ne sait plus ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Je m’occupais des chats pour faire une expérience, une sorte de métempsycose à l’envers, si l’on peut dire, c’est-à-dire pour voir si cela pouvait être leur dernière incarnation en tant qu’animal, s’ils étaient prêts à entrer dans un corps d’homme dans une vie prochaine. L’expérience a pleinement réussi, j’ai eu trois cas absolument flagrants; ils sont sortis avec un être psychique suffisamment conscient pour entrer dans un corps d’homme. Mais ce n’est pas ce que les gens font d’ordinaire; ce qu’ils font d’ordinaire, c’est d’abîmer la conscience, ou plutôt l’instinct des animaux.









Let us co-create the website.

Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.

Image Description
Connect for updates