CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 of CWM (Fre) 471 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Entretiens - 1950-1951

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The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 471 pages 2009 Edition
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1951




février




Le 26 février 1951

« Aux premiers stades du yoga, est-il bon pour le sâdhak de lire des livres ordinaires? »

(Entretien du 28 avril 1929)

C’est une question que l’on m’a posée bien des fois. Si quelqu’un peut me dire l’effet que lui produit la lecture des livres ordinaires, cela m’intéressera beaucoup.

Les livres ordinaires me fatiguent.

C’est un bon signe.

Cela donne du repos au mental et n’a aucun effet sur moi.

Non! Le subconscient enregistre tout, et si vous avez l’impression qu’un livre ordinaire ne laisse aucun effet, cela veut dire que vous n’êtes pas conscient de ce qui se passe en vous. Chaque fois que vous lisez un livre où il y a une conscience très basse, cela fortifie votre subconscient et votre inconscient — cela empêche votre conscience de s’élever. C’est comme si vous jetiez des seaux d’eau sale sur les efforts que vous avez faits pour purifier votre subconscient.

C’est inévitable, mais il y a des gens qui ne s’aperçoivent même pas que leur conscience est tombée très bas.

Il existe un état où une simple conversation qui vous oblige à rester au niveau de la vie ordinaire, vous donne mal à la tête, vous tourne sur l’estomac et, si elle continue, peut vous donner de la fièvre. Je parle naturellement de conversations du genre « potins ». Je crois qu’à part quelques exceptions, tout le monde se livre à cet exercice et parle de choses qu’il devrait taire ou bavarde sur les autres. Cela devient si naturel que vous n’en souffrez pas. Mais si vous continuez ainsi, vous empêchez complètement votre conscience de s’élever; vous vous attachez avec des chaînes de fer à la conscience ordinaire et le travail du subconscient ne se fait pas ou n’est même pas commencé. Ceux qui veulent s’élever ont déjà bien assez de difficultés sans chercher des encouragements dehors.

Naturellement, l’effort pour maintenir la conscience à un niveau élevé fatigue au commencement, comme les exercices que vous faites pour développer vos muscles. Mais vous n’abandonnez pas la gymnastique pour autant. Alors, mentalement, il faut faire la même chose. Il ne faut pas permettre à votre mentalité de s’abaisser; le « potinage » vous dégrade et, si vous voulez faire un yoga, il faut vous en abstenir, c’est tout.

(Mère poursuit sa lecture) « Vous pouvez lire des livres sacrés et cependant être très loin du Divin ; et vous pouvez lire les plus stupides productions soi-disant littéraires et être tout de même en contact avec le Divin [...] Il y a un état de conscience en union avec le Divin, dans lequel on peut jouir de tout ce qu’on lit, ainsi que de tout ce que l’on observe [...] Car il n’existe rien dans ce monde qui n’ait, dans le Divin, son soutien et sa vérité ultimes. Et si vous ne vous arrêtez pas aux apparences physiques, morales ou esthétiques [...] vous pouvez atteindre la beauté et la félicité, même à travers ce qui affecte les sens ordinaires et leur paraît laid, pauvre, douloureux ou discordant. »

L’état de conscience dont je parle ici est très difficile à atteindre; c’est une discipline qui demande des années et c’est une réalisation qui n’est pas à la portée de tout le monde. Il y a pourtant un état intermédiaire par lequel il faut passer : celui où l’on coupe la connexion entre soi-même et tout ce que l’on ne veut pas entendre ou voir.

(Mère passe à une autre question) « De toute évidence, ce qui est arrivé devait arriver; cela n’aurait pu être si cela n’avait pas dû être. Même les erreurs que nous avons commises et les adversités qui sont tombées sur nous, devaient être; car il y avait en elles quelque nécessité, quelque utilité pour nos vies. Mais à dire vrai, de semblables choses ne peuvent ni ne doivent être expliquées mentalement. Car tout ce qui arrive est nécessaire, non pour quelque raison mentale, mais pour nous conduire bien au-delà de tout ce que le mental peut imaginer. Et est-il nécessaire d’expliquer, après tout? L’univers tout entier explique toute chose à chaque moment, et une chose particulière arrive parce que l’univers dans son ensemble est ce qu’il est. »

L’univers tout entier explique chaque chose à chaque moment. C’est très important.

Si l’on veut apprendre une langue, ne faut-il pas lire des livres ordinaires comme ceux d’Alexandre Dumas, par exemple?

Oui, si on lit pour étudier la langue, pour comprendre comment un auteur s’exprime, c’est tout à fait légitime. Mais il ne faut pas en faire une excuse pour lire n’importe quoi.

Les histoires imaginaires n’ont-elles pas de valeur?

Cela dépend de la qualité de l’imagination. Si vous dites que de développer l’imagination est une bonne chose, c’est vrai, seulement il faut faire attention à ne pas développer une imagination mensongère.

Les histoires imaginées ne mettent-elles pas en contact avec la vie, avec la vérité?

Pas toujours! Et qu’est-ce que cela veut dire « contact avec la vérité »? Il y a une vérité dans un grain de sable. Cela ne veut rien dire.

Ne croyez-vous pas qu’il y ait assez de choses laides dans la vie sans en donner une image dans les livres? C’est une chose qui m’a toujours étonnée, même quand j’étais enfant : la vie est si laide, si pleine de choses mesquines, misérables, même parfois répugnantes, à quoi sert-il d’imaginer encore pire que ce qui est? Si l’on imaginait quelque chose de plus beau, une vie plus belle, voilà qui vaudrait la peine. Les gens qui se plaisent à écrire des choses laides font preuve d’une grande pauvreté d’esprit — c’est toujours le signe d’une pauvreté d’esprit. Il est infiniment plus difficile de raconter une histoire belle d’un bout à l’autre, que d’écrire une histoire qui finit par un drame ou une catastrophe. Beaucoup d’auteurs, s’ils devaient écrire une histoire qui finit bien, d’une belle façon, ne pourraient pas le faire — ils n’ont pas assez d’imagination pour cela. Très peu d’histoires se terminent par un soulèvement, presque toutes se terminent par une chute — pour une raison très simple : il est beaucoup plus facile de tomber que de s’élever. Il est beaucoup plus difficile de finir son histoire sur une note de grandeur, de splendeur, de faire de son héros un génie qui cherche à se dépasser lui-même, parce qu’il faut être un génie soi-même pour cela, et ce n’est pas donné à tout le monde.

Quand on lit des livres ordinaires, on a l’impression d’entrer dans le mental de l’auteur, ce qui n’est pas toujours agréable. J’ai remarqué aussi que, lorsqu’on parle métier ou travail avec une personne du dehors, la conversation peut être bonne et intéressante, mais dès que l’on parle à cette même personne de sa vie privée, la conversation devient tout de suite pénible.

Oui, parce que le travail, surtout si c’est un travail technique, est l’expression du meilleur de lui-même, tandis que dans sa vie privée il descend à un niveau inférieur, à très peu d’exceptions près. Tant de savants, d’écrivains, d’artistes remarquables qui produisent des choses remarquables, une fois rentrés chez eux sont des maris détestables, des pères désagréables, des êtres insupportables pour ceux qui les entourent. Et je parle d’une élite, de ceux qui font des études spéciales, des découvertes, qui gèrent de grandes Institutions : dehors, ce sont des gens peu ordinaires, des êtres de grandes capacités; rentrés chez eux, ils deviennent banals et souvent insupportables — ils s’amusent, ils se reposent, ils se délassent. Et s’ils commencent à se distraire, c’est la fin de tout! J’ai connu des personnes d’une grande intelligence, des artistes admirables qui, dès qu’ils commençaient à « se délasser », devenaient absolument idiots! Ils faisaient les choses les plus vulgaires, se conduisaient comme des enfants mal élevés — ils se délassaient. Tout vient de ce « besoin » de délassement; et qu’est-ce que cela veut dire pour la plupart des gens? Cela veut dire, toujours, descendre à un niveau inférieur. Ils ne savent pas que pour vraiment se délasser, il faut monter d’un degré de plus, il faut s’élever au-dessus de soi-même. Si l’on descend, c’est une fatigue de plus et c’est aussi un abrutissement. En outre, chaque fois que l’on descend, on augmente le fardeau du subconscient — cet énorme fardeau subconscient qu’il faut nettoyer et nettoyer si l’on veut monter, et qui est comme un boulet aux pieds. Mais il est difficile d’enseigner cela, car il faut le savoir soi-même avant de pouvoir l’apprendre aux autres.

On ne dit jamais cela aux enfants — on leur permet de faire toutes les bêtises du monde sous prétexte qu’ils ont besoin de se délasser.

Ce n’est pas en descendant au-dessous de soi-même que l’on supprime la fatigue. Il faut monter l’échelle et là, on a le vrai repos, parce qu’on a la paix intérieure, la lumière, l’énergie universelle. Et petit à petit, on se met en contact avec la vérité qui est la raison de son être.

Si vous touchez cela d’une façon définitive, cela supprime la fatigue complètement.

Quand on reconnaît ses fautes, on ne peut plus les commettre, n’est-ce pas?

Si l’on est sincère, oui. Si vous recommencez plusieurs fois la même faute, vous pouvez être sûr que vous n’êtes pas sincère quelque part. Quand on reconnaît sa faute et que l’on recommence, cela veut dire que c’est seulement une partie superficielle de la conscience qui l’a reconnue, et le reste en est parfaitement satisfait et la légitime généralement. Vous pouvez vous dire sans risque de vous tromper : « Si je recommence la même faute, je ne suis pas sincère. » Donc, essayez d’être sincère.

Quand on parle aux autres, on arrive rarement à se mettre d’accord, car on ne voit pas les choses de la même façon. Ou, si je vois le point de vue de l’autre, je ne peux pas l’accepter.

Cela veut dire que vous n’êtes pas plastique. Vous pouvez être certain que si vous trouvez une personne ennuyeuse, elle vous trouve aussi ennuyeuse. Vous n’arriverez jamais à rien si vous ne prenez pas l’attitude de vous mettre à la place de l’autre, c’est indispensable. Quand quelqu’un vous dit une chose que vous ne comprenez pas, il ne faut pas dire : « Il ne sait rien », mais il faut tâcher de comprendre. Si vous voulez être tout à fait sincère, même quand un enfant vient vous raconter quelque chose que vous ne comprenez pas, il ne faut pas dire : « Cet enfant est stupide », mais : « C’est moi qui suis stupide, parce que je ne comprends pas! »

Il y a cent façons de regarder un problème. Si vous voulez trouver la solution, il faut prendre tous les éléments l’un après l’autre, vous élever au-dessus d’eux et voir comment ils s’accordent.

Il y a un état de conscience, que l’on peut appeler « gnostique », où vous pouvez percevoir à la fois toutes les théories, toutes les croyances, toutes les idées que les hommes ont exprimées dans leur conscience la plus haute — les notions les plus contradictoires, n’est-ce pas, comme les théories bouddhiques, védântiques, chrétiennes, toutes les théories philosophiques, toutes les expressions de la mentalité humaine quand elle est arrivée à attraper un petit coin de la Vérité — et dans cet état, non seulement vous mettez chaque chose à sa place, mais tout vous paraît merveilleusement vrai et tout à fait indispensable pour pouvoir comprendre quoi que ce soit à quoi que ce soit. Il y a un état de conscience... Oh! j’allais vous dire des choses que vous ne pouvez pas encore comprendre. Je vais vous donner un exemple plus simple. Anatole France disait dans l’un de ses livres : « Tant que les hommes n’essayaient pas de faire progresser le monde, tout allait bien et tout le monde était content — pas de soucis de se perfectionner ou de perfectionner le monde, par conséquent tout allait bien. Donc, la pire des choses est de vouloir faire progresser les autres; laissez-les faire ce qu’ils veulent et ne vous occupez de rien, ce sera beaucoup plus sage. » Par contre, d’autres vous disent : « Il y a une Vérité à atteindre; le monde est dans un état d’Ignorance et il faut coûte que coûte, malgré la difficulté du trajet intermédiaire, éclairer les consciences et faire sortir l’homme de son ignorance. » Mais je vous dis qu’il y a un état de conscience où les deux façons de voir sont absolument également vraies. Naturellement, si vous prenez deux aspects seulement, il est difficile de voir clair; il faut arriver à voir tous les aspects de la Vérité perçus par l’intelligence humaine et... quelque chose de plus. Et alors, dans cet état, rien n’est absolument faux, rien n’est absolument mauvais. Dans cet état, on est libre de tous les problèmes, de toutes les difficultés, de toutes les batailles, et tout vous paraît admirablement harmonieux.

Mais si vous essayez d’imiter cette condition mentalement (vous entendez bien, d’en faire une imitation mentale), vous pouvez être sûr que vous ferez des bêtises; vous serez un de ces individus qui ont du chaos dans la tête et qui peuvent dire les choses les plus contradictoires sans même s’en apercevoir.

Il n’y a pas de contradiction dans cette condition — c’est une totalité, et une totalité où l’on a la pleine connaissance de toutes les vérités exprimées (qui ne suffisent pas à exprimer la Vérité totale), où l’on sait la place respective de toute chose, pourquoi et en quoi se forme l’univers. Seulement — je m’empresse de vous le dire —, ce n’est pas par un effort personnel que l’on arrive à cette condition; ce n’est pas parce que l’on essaye de l’obtenir qu’on l’obtient. On devient cela, spontanément. C’est, si vous voulez, comme le couronnement d’une sincérité mentale absolue, quand vous n’avez plus de parti pris, plus de préférence ou d’attachement à une idée, quand vous n’essayez même plus de savoir la vérité.

On est simplement ouvert dans la Lumière, c’est tout.

Je vous dis cela, ce soir, parce que ce qui est fait, ce qui a été réalisé par l’un, peut être réalisé par d’autres. Il suffit qu’un corps ait pu réaliser cela, un corps humain, pour avoir l’assurance que cela peut se faire. Vous pouvez mettre cela très loin devant vous encore, mais vous pouvez dire : « Oui, la vie gnostique est certaine, parce qu’elle a commencé à se réaliser. »









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