Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.
Après lecture du chapitre VI de La Mère.
Qu’est-ce qu’une « hiérarchie » ?
C’est un groupement organisé par ordre de valeur. Par exemple, vous avez un chef qui est au centre et vous pouvez avoir quatre personnes autour de lui, et autour des quatre, huit, puis douze, vingt-quatre, trente-six, quarante-huit, cent vingt-quatre, et ainsi de suite, chacun avec sa mission spéciale, son travail spécial, son autorité spéciale et tous se référant, par ordre ascendant, au centre. Cela, c’est une hiérarchie. Dans les gouvernements, on essaye de faire des hiérarchies, mais elles sont incorrectes « untrue », elles sont arbitraires, elles ne valent rien. Mais dans toutes les initiations anciennes, il y avait des hiérarchies qui étaient l’expression des valeurs individuelles — des valeurs et des pouvoirs individuels —, ayant toujours à leur centre le représentant du Suprême et de la Shakti; quelquefois, ayant seulement le Suprême, cela dépendait des religions. Mais les groupes étaient toujours organisés de cette façon-là, c’est-à-dire avec un nombre croissant d’individus, chacun devant se référer au chef immédiatement au-dessus. Par exemple, les cent vingt-quatre devaient se référer aux quarante-huit; les quarante-huit devaient se référer aux vingt-quatre; les vingt-quatre devaient se référer aux douze; les douze devaient se référer aux huit, et ainsi de suite. C’est une hiérarchie. On emploie le mot d’une façon très imprécise et très vague. On parle de hiérarchie et on croit que ce sont des gens qui gouvernent et qui ont des sous-ordres. Mais la vraie hiérarchie est une hiérarchie occulte, et cette hiérarchie occulte avait pour but de manifester, d’exprimer une hiérarchie plus profonde qui est une hiérarchie des mondes invisibles.
Qu’est-ce que la « Mère transcendante » ?
Vous ne savez pas qu’il y a trois principes : le transcendant, l’universel et le personnel ou l’individuel? Non ? Le transcendant qui est au-dessus de la création, à l’origine de la création ; l’universel qui est la création ; et l’individuel qui s’explique de lui-même. Il y a un Divin transcendant, un Divin universel et un Divin individuel. C’est-à-dire que l’on peut se mettre en rapport avec la Conscience divine audedans de soi, dans l’univers et, par-delà les formes, dans le transcendant. Alors ces trois aspects sont aussi les trois aspects de la Mère divine : transcendant, universel et individuel... Vous connaissez la fleur que j’ai appelée « Transformation 21 »? Oui. Vous savez qu’elle a quatre pétales : eh bien, ces quatre pétales sont disposés en croix : un en haut qui est le transcendant, deux de chaque côté qui sont l’universel, et un en bas qui est l’individuel.
Le pétale du haut est divisé en deux.
Justement, le transcendant est un et deux (ou duel) en même temps. C’est une fleur presque parfaite dans sa forme. C’était le sens originel de la croix aussi, mais ce n’était pas aussi parfait que la fleur, parce que c’était un, deux et trois. Ce n’était pas si bien — la fleur est parfaite.
La Mère divine est la Shakti divine, c’est-à-dire la Force créatrice. Elle est identifiée au cosmos. Comment peutelle avoir un aspect transcendant?
Mais peut-être la Mère divine existait-elle avant la création! Elle devait certainement exister avant la création, parce qu’Elle ne peut pas être le produit d’Elle-même. Si c’est Elle qui a créé, il fallait qu’Elle existe avant la création, autrement Elle n’aurait jamais pu créer.
Elle existait dans le Suprême, alors, avant la création?
« Dans » le Suprême... C’est un peu difficile de parler de « dedans », « dehors » quand on est en dehors des formes! Si vous voulez, dites qu’Elle est un mouvement du Suprême (si vous comprenez mieux) ou une action du Suprême ou un état du Suprême, un mode... Vous pouvez dire ce que vous voulez, ce qui vous donne le plus conscience de la chose. N’est-ce pas, la mentalité humaine aime à couper les choses en petits morceaux... Je vais vous raconter une petite histoire à l’usage des enfants.
Le Suprême, ayant décidé de faire une création universelle, a pris une certaine attitude intérieure, qui a correspondu à la manifestation intérieure (non exprimée) de la Mère divine, de la suprême Shakti. En même temps, Il a fait cela avec l’intention que ce soit le mode de création de l’univers qu’Il voulait créer, le Pouvoir créateur de l’univers. Donc, il fallait d’abord qu’Il conçoive la possibilité de la Mère divine pour que cette Mère divine puisse concevoir la possibilité de l’univers. Vous suivez? Je vous répète que ce n’est pas tout à fait comme cela (!) mais enfin, c’est à l’usage des mentalités enfantines. Alors, nous pouvons très bien dire qu’il y a une Mère divine transcendante, c’est-à-dire indépendante de sa création. Elle peut avoir été conçue, formée (tout ce que vous voulez) pour la création, dans le but de la création, mais il fallait qu’Elle existe avant la création pour pouvoir créer, autrement comment aurait-Elle pu créer? Cela, c’est l’aspect transcendant, et notez que cet aspect transcendant est permanent. Nous parlons comme si les choses s’étaient déroulées dans le temps à une date que l’on puisse fixer : premier janvier 0000, pour le commencement du monde; mais ce n’est pas tout à fait comme cela ! Il y a constamment un transcendant, constamment un universel, constamment un individuel, et le transcendant, l’universel et l’individuel sont co-existants. C’est-à-dire que, si vous entrez dans un certain état de conscience, vous pouvez à n’importe quel moment être en rapport avec la Shakti transcendante, et vous pouvez aussi, avec un autre mouvement, être en rapport avec la Shakti universelle, et être en rapport avec la Shakti individuelle, et tout cela simultanément — cela ne se déroule pas dans le temps, c’est nous qui nous déroulons dans le temps en parlant, autrement nous ne pouvons pas nous exprimer. Nous pouvons en avoir l’expérience, mais nous ne pouvons l’exprimer que si nous disons un mot après l’autre (malheureusement, on ne peut pas dire tous les mots en même temps; si l’on pouvait les dire tous en même temps, cela ressemblerait un petit peu plus à la vérité).
Finalement, tout ce que l’on dit, tout ce que l’on a dit et tout ce que l’on dira, n’est jamais qu’une façon extrêmement maladroite et limitée d’exprimer quelque chose qui peut se vivre, mais qui ne se décrit pas. Et il y a un moment, quand on vit les choses, où l’on voit que la même chose peut s’exprimer presque avec la même exactitude ou la même vérité dans le langage religieux, le langage mystique, le langage philosophique et le langage matérialiste et que, du point de vue de la vérité vécue, cela fait une très petite différence. C’est seulement quand on est dans la conscience mentale qu’une chose vous paraît vraie et une autre ne vous paraît pas vraie; mais tout cela, ce sont seulement des façons de s’exprimer. L’expérience porte en elle-même son absolu, mais les mots ne peuvent pas la décrire; on peut choisir un langage ou un autre pour s’exprimer, et avec un tout petit peu de précaution, on peut toujours dire quelque chose qui s’approche de la vérité dans tous les cas.
Je vous dis cela, non pas pour vous jeter dans la confusion, mais simplement pour vous permettre de comprendre qu’il y a une différence considérable entre la vérité de l’expérience et la façon de l’exprimer, quelle qu’elle soit, même la meilleure.
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