CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 of CWM (Fre) 471 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Entretiens - 1950-1951

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The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur deux de ses livres, Éducation et Entretiens 1929, et sur La Mère, de Sri Aurobindo.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1950-1951 Vol. 4 471 pages 2009 Edition
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1951




janvier




Le 8 janvier 1951

Mère lit un article du Bulletin d’août 1950 : « Ce qu’un enfant doit savoir. »

Vous dites qu’il faut avoir « la certitude que finalement la vérité triomphera ». Mais cette certitude semble très différente et souvent très opposée à ce que l’on enseigne dans la vie ordinaire?

Oui. On pense généralement que les choses finissent toujours mal dans la Nature. Tout le monde connaît l’histoire de ceux qui ont eu une fin lamentable après avoir joui d’un grand succès dans leur vie; de ceux qui avaient des capacités extraordinaires et qui à la fin les ont perdues; d’une nation qui pendant longtemps a donné l’exemple d’une civilisation merveilleuse — la civilisation s’éteint et la nation se transforme en quelque chose de si lamentable que l’on ne se souvient plus de ce qu’elle a été. Il semble que l’histoire de la terre soit une histoire de victoires suivies de défaites et non de défaites suivies de victoires.

Mais en fait, dès qu’il est question de choses universelles et divines, il faudrait avoir la vision universelle et la compréhension divine des choses pour savoir comment la vérité s’exprime. Il y a une sorte de pessimisme général qui dit que même si les choses commencent bien, elles finissent mal; que ce sont la faiblesse, l’hypocrisie, le mensonge et la méchanceté qui ont toujours l’air d’avoir le dessus. C’est pourquoi les gens qui voient le monde à la dimension de leur propre personne, ont dit que ce monde est mauvais et que nous n’avons qu’à en finir et à en sortir le plus tôt possible. Des instructeurs ont enseigné cela, mais leur enseignement prouve seulement qu’ils ont la vue trop courte et à la dimension de leur individualité humaine.

En vérité, les mouvements de la Nature sont comme ceux des marées : cela avance, cela recule, cela avance, cela recule; ce qui implique, dans la vie universelle, et même dans la vie terrestre, une avance progressive, bien qu’elle soit en apparence coupée de reculs. Mais ces reculs ne sont qu’une apparence, comme lorsqu’on prend son élan pour faire un saut. Vous avez l’air de reculer, mais c’est simplement pour pouvoir aller plus loin. Vous me direz que tout cela est fort bien, mais comment donner à un enfant la certitude que la vérité triomphera ? Car, quand il apprendra l’histoire, quand il observera la Nature, il verra que les choses ne finissent pas toujours bien 2 .

Il faut apprendre aux enfants à voir la manifestation divine dans le monde, et non l’aspect qui finit mal.

Non, si l’enfant pense que le Divin est différent du monde, son idée que tout finit mal sera tout à fait légitime.

Il faut donner aux enfants l’idée de la justice divine.

Mais nous n’en savons rien, car cette justice ne se manifeste pas dans le monde actuel.

Pourtant, si l’on observe les choses assez profondément, on s’aperçoit qu’il y a progrès, que les choses vont de mieux en mieux, bien qu’en apparence elles n’aillent pas mieux. Et pour un esprit un peu supérieur, il y a une notion tout à fait évidente, c’est que tout le mal — enfin, ce que nous appelons le mal —, tout le mensonge, tout ce qui est contraire à la Vérité, toute souffrance, toute opposition, est le produit d’un déséquilibre. Je crois que celui qui a l’habitude de voir les choses depuis ce plan supérieur, voit immédiatement que c’est cela. Par conséquent, le monde ne peut pas être fondé sur un déséquilibre, parce qu’il aurait déjà disparu depuis très longtemps. On sent qu’à l’origine de l’univers, il doit y avoir un Équilibre suprême, et peut-être, comme nous l’avons dit l’autre jour, un équilibre progressif, un équilibre qui justement est le contraire de tout ce que l’on nous a enseigné et de ce que nous avons l’habitude d’appeler « le mal ». Il n’y a pas de mal absolu, mais un mal, un déséquilibre plus ou moins partiel.

On peut enseigner cela d’une façon très simple à un enfant; on peut lui montrer, avec des choses matérielles, qu’un objet tombera s’il est en déséquilibre, que seules les choses en équilibre peuvent garder leur position et leur durée.

Il est une autre qualité qu’il faut cultiver chez l’enfant dès qu’il est tout petit : c’est le sentiment de malaise, de déséquilibre moral qu’il sent quand il a fait certaines choses, non pas parce qu’on lui a dit de ne pas les faire, non pas parce qu’il a peur d’être puni, mais spontanément. Par exemple, un enfant qui fait de la peine à un camarade par sa méchanceté, s’il est dans son état normal, naturel, éprouvera un malaise, un chagrin au fond de l’être, parce que ce qu’il a fait est opposé à sa vérité intérieure.

Car malgré tous les enseignements, malgré tout ce que la pensée peut penser, il y a quelque chose au fond qui a le sentiment d’une perfection, d’une supériorité, d’une vérité, et qui est douloureusement contredit par tous les mouvements opposés à cette vérité. Si un enfant n’est pas faussé par son milieu, par les exemples déplorables qui l’entourent, c’est-àdire s’il se trouve dans son état normal, spontanément, sans qu’on lui dise quoi que ce soit, il éprouvera un malaise quand il aura fait quelque chose qui est en contradiction avec la vérité de son être. Et c’est justement là-dessus qu’il faut baser, plus tard, son effort de progrès.

Parce que si vous voulez trouver un enseignement, une doctrine sur laquelle fonder votre progrès, vous ne trouverez jamais rien, ou, plus exactement, vous trouverez autre chose, car suivant les climats, suivant les époques, suivant les civilisations, l’enseignement que l’on vous propose est tout à fait contradictoire. Quand l’un vous dit : « Ça, c’est bien », l’autre vous dit : « Ça, c’est mal », et avec la même logique, la même force de persuasion. Par conséquent, ce n’est pas là-dessus que l’on peut se fonder. La religion a toujours essayé d’établir un dogme, et elle vous dira que si vous vous conformez au dogme, vous êtes dans la vérité et si vous ne vous y conformez pas, vous êtes dans le mensonge. Mais cela n’a jamais mené à rien et n’a créé que de la confusion.

Il n’y a qu’un guide vrai, c’est le guide intérieur, qui ne passe pas par la conscience mentale.

Naturellement, si un enfant reçoit une éducation désastreuse, il s’efforcera de plus en plus d’éteindre en lui cette petite chose vraie, et parfois il y réussit si bien qu’il perd tout contact avec elle, et aussi le pouvoir de distinguer le bien et le mal. C’est pourquoi j’insiste là-dessus, et je dis que, dès le plus bas âge, il faut apprendre aux enfants qu’il y a une réalité intérieure — intérieure à eux-mêmes, intérieure à la terre, intérieure à l’univers — et que lui-même, la terre et l’univers n’existent qu’en fonction de cette vérité, et que, si elle n’existait pas, il ne pourrait pas durer, même pas le petit temps qu’il dure, et que tout se dissoudrait à mesure que cela se forme. Et puisque c’est cela qui est la base effective de l’univers, naturellement c’est cela qui triomphera ; et tout ce qui contredit cela ne peut pas durer autant que cela, parce que c’est Cela, la chose éternelle qui est à la base de l’univers.

Il ne s’agit pas, naturellement, de donner à un enfant des explications philosophiques, mais on peut très bien lui donner le sentiment de cette espèce de confort intérieur, de satisfaction et, parfois, d’une joie intense quand il obéit à cette petite chose très silencieuse qui est en lui, et qui l’empêchera de faire ce qui est en contradiction avec elle. C’est sur une expérience de ce genre que l’on peut fonder l’enseignement. Il faut donner à l’enfant l’impression que rien ne peut durer s’il n’a pas au-dedans de soi cette satisfaction vraie, qui seule est durable.

Un enfant peut-il devenir conscient de cette vérité intérieure, comme un adulte?

Pour un enfant, c’est très clair, car c’est une perception sans les complications de la parole et de la pensée — il y a ce qui le met à l’aise et ce qui lui donne du malaise (ce n’est pas forcément de la joie ou du chagrin, qui ne viennent que quand la chose est très intense). Et tout cela est beaucoup plus clair chez l’enfant que chez l’adulte, car ce dernier a toujours un mental qui travaille et qui brouille sa perception de la vérité.

Donner des théories à un enfant ne sert absolument à rien, car dès que son mental s’éveillera, il trouvera mille raisons pour contredire vos théories, et il aura raison.

Cette petite chose vraie dans l’enfant, c’est la Présence divine dans le psychique — elle existe aussi chez les plantes et les animaux. Dans les plantes elle n’est pas consciente, chez les animaux elle commence à être consciente, et chez les enfants elle est très consciente. J’ai connu des enfants qui étaient beaucoup plus conscients de leur être psychique à cinq ans qu’à quatorze, et à quatorze qu’à vingt-cinq ; et surtout, à partir du moment où ils vont à l’école et où ils subissent cette espèce de culture mentale intensive qui attire leur attention sur la partie intellectuelle de leur être, ils perdent presque toujours et presque totalement le contact avec leur être psychique.

Si vous étiez un observateur expérimenté, si vous pouviez vous rendre compte de ce qui se passe dans un être, simplement en regardant ses yeux !... On dit que les yeux sont le miroir de l’âme; c’est une façon populaire de parler, mais si les yeux ne vous expriment pas le psychique, c’est qu’il est très en arrière et voilé par beaucoup de choses. Regardez donc avec soin les yeux des petits enfants, et vous verrez une espèce de lumière — les gens disent candide — mais si vraie, si vraie, qui regarde le monde avec étonnement. Eh bien, cet étonnement, c’est l’étonnement du psychique, qui voit la vérité mais qui ne comprend pas grand-chose au monde, car il est trop loin de lui. Les enfants ont cela, mais à mesure qu’ils apprennent, qu’ils deviennent plus intelligents, plus instruits, cela s’efface, et vous voyez dans les yeux toutes sortes de choses : des pensées, des désirs, des passions, des méchancetés, mais cette espèce de petite flamme très pure n’y est plus. Et vous pouvez être sûr que c’est le mental qui est entré là-dedans, et que le psychique est parti très loin derrière.

Même un enfant qui n’a pas un cerveau assez développé pour comprendre, si vous lui passez simplement une vibration de protection, ou d’affection, ou de sollicitude, ou de consolation, vous verrez qu’il répond. Mais si vous prenez un garçon de quatorze ans par exemple, qui est au collège, qui a des parents ordinaires et qui a été maltraité, son mental est très en avant; il y a quelque chose de dur en lui, l’être psychique est en arrière. Les garçons comme cela ne répondent pas à la vibration. On dirait qu’ils sont faits de bois ou de plâtre.

Si la vérité intérieure, la présence divine dans le psychique est si consciente chez l’enfant, on ne peut plus dire, n’est-ce pas, qu’un enfant est un petit animal?

Pourquoi pas? Chez les animaux il y a quelquefois une vérité psychique très intense. Naturellement, je pense que l’être psychique est un peu plus formé, un peu plus conscient chez un enfant que chez un animal. Mais j’ai fait des expériences avec les animaux, justement pour savoir; eh bien, je vous assure que j’ai rarement rencontré chez les êtres humains certaines vertus que j’ai vues chez les animaux, des vertus très simples et sans prétention. Comme chez les chats par exemple; j’ai beaucoup étudié les chats; si on les connaît bien, ce sont des êtres merveilleux. J’ai connu des mères chattes qui se sont sacrifiées totalement pour leurs enfants — les gens parlent de l’amour maternel avec tant d’admiration, comme si c’était un privilège purement humain, mais j’ai vu cet amour se manifester chez des mères chattes à un degré qui dépasse de beaucoup l’humanité ordinaire. J’ai vu une mère chatte qui ne touchait jamais sa nourriture tant que ses enfants n’avaient pas pris tout ce qu’il leur fallait. J’ai vu une autre chatte qui est restée huit jours auprès de ses petits, sans satisfaire ses besoins, parce qu’elle avait peur de les laisser seuls; et un chat qui recommençait plus de cinquante fois le même geste pour apprendre à un petit à sauter d’un mur sur une fenêtre, et je puis dire, avec un soin, une intelligence, une habileté que beaucoup de femmes des classes non éduquées n’ont pas. Et pourquoi est-ce comme cela ? — parce qu’il n’y avait pas l’intervention du mental. C’était tout à fait l’instinct spontané. Mais qu’est-ce que l’instinct? — c’est la présence du Divin dans le génie de l’espèce, et cela, c’est le psychique des animaux ; un psychique collectif, pas individuel.

J’ai vu toutes les réactions émotives, affectives, sentimentales chez les animaux, tous ces sentiments dont les hommes sont si fiers. La seule différence est qu’ils ne peuvent pas en parler et pas l’écrire, alors nous les considérons comme des êtres inférieurs, parce qu’ils ne peuvent pas nous inonder de livres sur ce qu’ils ont senti.

Quand j’étais enfant et que je faisais une mauvaise action, j’avais tout de suite un malaise et je décidais de ne plus faire cette chose. Alors mes parents venaient me dire aussi de ne plus le faire. Pourquoi? puisque j’avais décidé moi-même de ne plus le faire?

Il ne faudrait jamais gronder un enfant. On me reproche de dire du mal des parents! mais je les ai vus à l’œuvre, n’est-ce pas, et je sais que quatre-vingt-dix pour cent des parents rabrouent un enfant qui vient spontanément confesser une faute : « Tu es méchant. Va-t’en, je suis occupé », au lieu d’écouter l’enfant avec patience et de lui expliquer en quoi consiste sa faute, comment il aurait dû faire. Et l’enfant, qui était venu avec de bonnes dispositions, s’en va tout à fait heurté, avec le sentiment : « Pourquoi est-ce qu’on me traite ainsi? » Alors l’enfant voit que les parents ne sont pas parfaits — ce qui est évidemment le cas à présent —, il voit que vous avez tort et il se dit : « Pourquoi me gronde-t-il, il est comme moi! »









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