Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
« L’être humain est chez lui, en sécurité, dans son corps matériel; le corps est sa protection. Il y a des gens qui sont pleins de dédain pour leur corps et qui pensent que tout deviendra bien meilleur et plus facile après la mort, sans lui. Mais en fait, le corps est leur abri, leur forte resse; tant qu’ils y sont logés, les forces du monde vital trouvent difficile d’avoir une prise directe sur eux. [...] Dès que vous entrez dans une région du monde vital, ses habitants se pressent autour de vous pour vous sous traire tout ce que vous avez, se saisir de ce qu’ils peuvent, comme d’une proie, pour s’en nourrir. Si vous n’avez pas une forte et puissante lumière qui puisse rayonner du dedans de votre être, vous vous trouvez là, sans votre corps, comme si vous n’aviez pas de manteau pour vous protéger contre le froid, ou de maison pour vous abriter, ou même de peau pour couvrir vos nerfs mis à nu et exposés à tous les contacts. Il y a des hommes qui osent dire : “Comme je suis malheureux dans ce corps!” et qui pensent à la mort comme à une délivrance. Mais après la mort, vous avez le même entourage vital et vous courez les mêmes dangers provenant des mêmes forces qui sont causes de vos misères durant cette vie. [...] C’est ici, sur terre, dans le corps lui-même, que vous devez acquérir une complète connaissance et apprendre à faire usage d’un plein pouvoir. C’est seulement après avoir acquis cette connaissance et ce pouvoir, que vous pouvez librement vous mouvoir dans tous les mondes, en toute sécurité. » (Entretien du 12 mai 1929)
« L’être humain est chez lui, en sécurité, dans son corps matériel; le corps est sa protection. Il y a des gens qui sont pleins de dédain pour leur corps et qui pensent que tout deviendra bien meilleur et plus facile après la mort, sans lui. Mais en fait, le corps est leur abri, leur forte resse; tant qu’ils y sont logés, les forces du monde vital trouvent difficile d’avoir une prise directe sur eux. [...] Dès que vous entrez dans une région du monde vital, ses habitants se pressent autour de vous pour vous sous traire tout ce que vous avez, se saisir de ce qu’ils peuvent, comme d’une proie, pour s’en nourrir. Si vous n’avez pas une forte et puissante lumière qui puisse rayonner du dedans de votre être, vous vous trouvez là, sans votre corps, comme si vous n’aviez pas de manteau pour vous protéger contre le froid, ou de maison pour vous abriter, ou même de peau pour couvrir vos nerfs mis à nu et exposés à tous les contacts. Il y a des hommes qui osent dire : “Comme je suis malheureux dans ce corps!” et qui pensent à la mort comme à une délivrance. Mais après la mort, vous avez le même entourage vital et vous courez les mêmes dangers provenant des mêmes forces qui sont causes de vos misères durant cette vie. [...] C’est ici, sur terre, dans le corps lui-même, que vous devez acquérir une complète connaissance et apprendre à faire usage d’un plein pouvoir. C’est seulement après avoir acquis cette connaissance et ce pouvoir, que vous pouvez librement vous mouvoir dans tous les mondes, en toute sécurité. »
(Entretien du 12 mai 1929)
(Un enfant) Après leur mort, les gens entrent dans le monde vital, mais ceux qui font de bonnes choses vont au paradis?
Où est ton paradis? Qui est-ce qui t’a enseigné cela ? On t’a parlé du paradis, de l’enfer, du purgatoire?... Non? Pas de tout cela ? Où est-ce que tu as ramassé ton idée de paradis? Dans quel livre?
J’en ai entendu parler.
Par qui alors?
Je ne m’en souviens plus.
C’est généralement ce que les prêtres des religions disent aux croyants pour les encourager à bien faire. Parce que c’est un fait notoire que la vie n’est pas plus facile pour les bons que pour les méchants; généralement, c’est le contraire : les méchants réussissent mieux que les bons! Alors, les gens qui ne sont pas très spirituels se disent : « Pourquoi est-ce que je me donnerais du mal pour être bon ? Il vaut mieux que je sois méchant et que ma vie soit facile. » Il est très difficile de leur faire comprendre qu’il y a plusieurs genres de bien, et que quelquefois cela vaut la peine, peut-être, de faire un effort pour être bon. Alors, pour rendre cela intelligible aux gens les moins intelligents, on leur dit : « Voilà, c’est très simple. Si vous êtes bien obéissants, bien gentils, bien désintéressés, si vous faites toujours de bonnes œuvres et puis que vous croyiez au dogme que nous vous enseignons, eh bien, quand vous mourrez, le Dieu vous enverra au paradis. Si vous avez quelquefois de la bonne volonté, quelquefois de la mauvaise volonté, si quelquefois vous faites le bien, quelquefois vous ne faites pas le bien, et si vous pensez beaucoup à vous-mêmes et très peu aux autres, alors, quand vous mourrez, on vous enverra faire une autre expérience au purgatoire. Et puis, si vous êtes carrément méchants, si vous faites tout le temps du mal aux autres, si vous faites toutes sortes de mauvaises choses et que vous ne vous souciez du bien de personne, et surtout si vous ne croyez pas au dogme que nous vous enseignons, alors vous irez tout droit en enfer, et pour l’éternité. »
C’est une des plus belles inventions que j’aie jamais entendues : ils ont inventé l’enfer pour l’éternité. C’est-à-dire qu’une fois que vous êtes dans l’enfer, c’est éternellement... Tu comprends ce que cela veut dire, éternellement? Vous serez torturés et brûlés (dans les pays chauds vous êtes brûlés, dans les pays froids vous êtes gelés) et cela pour l’éternité. Voilà ! Alors je ne sais pas qui t’a enseigné ces jolies choses-là, mais ce sont simplement des inventions pour faire obéir les gens, pour les tenir sous contrôle.
Il y a des enseignements qui ne sont pas comme cela. Il y a des religions qui ne sont pas comme cela. Mais enfin, on peut, d’une façon poétique, imagée, descriptive, parler d’un paradis; parce que ce paradis veut dire un endroit merveilleux où il y a le maximum de joie, de bonheur, de confort... Et encore, cela dépend de la religion à laquelle vous appartenez. Parce qu’il y a des paradis où l’on passe son temps à chanter les louanges de Dieu — on ne fait rien d’autre que cela (à la longue cela doit être un peu ennuyeux !), mais enfin on passe son temps à faire de la musique et à chanter les louanges de Dieu. Il y a d’autres paradis, au contraire, où l’on jouit de tous les plaisirs possibles : toutes les choses que l’on a désiré avoir durant la vie, on les a dans le paradis. Il y a des paradis où l’on est constamment dans une méditation béatifique — mais pour les gens qui ne tiennent pas beaucoup à méditer, cela doit être plutôt ennuyeux ! Enfin, cela dépend, n’est-ce pas, on a inventé toutes sortes de choses pour que les gens aient bien envie d’être sages et d’obéir aux lois qu’on leur a données.
Et l’imagination humaine est si créative, si formatrice, qu’il y a dans le monde des endroits qui sont comme ces paradis. Il y a des endroits qui sont comme ces enfers, il y a des endroits qui sont comme ces purgatoires. L’homme crée de toutes pièces les choses qu’il imagine. Si on arrive à éclairer la conscience de quelqu’un, on peut le sortir de ces endroits-là ; autrement il y est enfermé, emprisonné par la croyance qu’il avait quand il était vivant. Vous me direz que cela équivaut à une existence, mais c’est une existence tout à fait illusoire et extrêmement limitée. Cela n’a de réalité que pour ceux qui pensent comme cela. Dès que vous pensez autrement, cela n’existe plus pour vous; vous pouvez en sortir. On peut faire sortir quelqu’un de ces endroitslà, et immédiatement il s’aperçoit qu’il était enfermé dans sa propre formation.
Les hommes ont un pouvoir de création extraordinaire. Ils ont créé tout un ensemble de divinités qui sont à leur image, et qui ont les mêmes défauts que les hommes, qui font en grand, avec plus de pouvoir, ce que font les hommes. Ces êtres ont une existence qui est relative, mais enfin ils ont une existence indépendante, de même que votre pensée. Quand vous avez une pensée, une formation mentale bien faite qui s’en va hors de vous, elle devient une entité indépendante, et puis elle continue son chemin et elle fait ce pour quoi elle a été formée. Elle continue de faire indépendamment de vous. C’est pour cela qu’il faut se méfier. Si vous faites une formation comme cela et qu’elle soit partie, elle est partie faire son œuvre; et puis au bout d’un certain temps, vous vous apercevez que ce n’était peut-être pas très heureux de penser comme cela, que cette formation n’était pas une chose très bénéfique. Elle est partie, c’est très difficile pour vous de la rattraper. Il faut avoir une grande connaissance occulte. Elle est partie, elle fait son chemin... Admettez que dans un moment de grande fureur (je ne dis pas que vous le fassiez, mais enfin), quand vous êtes tout à fait en colère contre quelqu’un, vous disiez : « Ah! s’il pouvait lui arriver un malheur! » Votre formation est partie. Elle est partie, vous n’avez plus de contrôle sur elle, et elle va, elle organise un malheur quelconque : elle va faire son œuvre. Et après quelque temps, ce malheur arrive. Heureusement, généralement vous n’avez pas assez de connaissance pour vous dire : « Oh! c’est moi qui suis responsable. » Mais c’est la vérité.
Notez que ce pouvoir formateur a un grand avantage si l’on sait s’en servir. Vous pouvez faire de bonnes formations, et si vous les faites bien, elles agiront de la même façon que les autres. Vous pouvez faire beaucoup de bien aux gens tout en restant assis dans votre chambre — peut-être plus de bien qu’en vous donnant beaucoup de mal extérieurement. Si vous savez penser correctement, avec force, intelligence, bonté, si vous aimez quelqu’un et que vous lui vouliez du bien très sincèrement, très profondément, de tout votre cœur, cela lui fait beaucoup de bien, beaucoup plus que vous ne le pensez certainement. Je l’ai dit souvent; par exemple, à ceux qui sont ici, qui apprennent qu’un membre de leur famille est très malade et qui ont cette impulsion enfantine de vouloir se précipiter tout de suite là-bas pour soigner le malade. Je vous le dis, à moins que ce ne soit un cas exceptionnel et qu’il n’y ait personne pour s’occuper du malade (et encore, même dans ce cas-là), si, ici, vous savez garder la bonne attitude et que vous vous concentriez avec affection et bonne volonté sur la personne qui est malade, si vous savez prier pour elle et faire des formations qui sont bienfaisantes, vous lui ferez beaucoup plus de bien que si vous allez lui donner des soins, la nourrir, l’aider à se laver, enfin ce que tout le monde peut faire. N’importe qui peut soigner quelqu’un. Mais n’importe qui ne peut pas faire de bonnes formations et envoyer des forces qui agissent pour guérir.
En tout cas, pour en revenir à notre paradis, c’est une déformation enfantine — ignorante ou politique — de quelque chose qui est vrai dans un sens, mais qui n’est pas du tout comme cela... Je vous ai dit beaucoup de fois et je ne saurais vous le répéter trop souvent, qu’on n’est pas fait d’un seul morceau. Nous avons au-dedans de nous beaucoup d’états d’être, et chaque état d’être a sa vie propre. Tout cela est réuni dans un seul corps, tant que vous avez un corps, et agit à travers un seul corps; alors cela vous donne l’impression que c’est une seule personne, un seul être. Mais il y en a beaucoup, et surtout il y a des concentrations dans des plans différents : de même que vous avez un être physique, vous avez un être vital, vous avez un être mental, vous avez un être psychique, vous en avez beaucoup d’autres et tous les intermédiaires possibles. Mais c’est un peu compliqué, vous pourriez ne pas comprendre. Mettez que vous viviez une vie de désir, de passion, d’impulsion : vous vivez avec une prédominance en vous de votre être vital; mais si vous vivez avec un effort spirituel, une grande bonne volonté, le désir de bien faire, et un désintéressement, une volonté de progrès, vous vivez avec une prédominance de l’être psychique. Alors, quand vous allez quitter votre corps, tous ces êtres vont se disperser. Ce n’est que si vous êtes un yogi très avancé et que vous ayez été capable d’unifier votre être autour du centre divin que ces êtres restent reliés ensemble. Si vous n’avez pas su vous unifier, alors au moment de la mort tout cela se disperse : chacun retourne dans son domaine. Par exemple, pour l’être vital, vos différents désirs vont se séparer et courir chacun à sa réalisation, tout à fait indépendamment, parce qu’il n’y aura plus d’être physique pour les tenir ensemble. Mais si vous avez uni votre conscience à la conscience psychique, quand vous mourrez vous resterez conscient de votre être psychique, et l’être psychique retourne dans le monde psychique, qui est un monde de béatitude, de joie, de paix, de tranquillité, et d’une connaissance croissante. Alors, si vous voulez appeler cela un paradis, c’est très bien; parce que, en effet, dans la mesure où vous êtes identifié à votre être psychique, vous restez conscient de lui, vous êtes uni à lui, et lui est immortel et va dans son domaine immortel vivre d’une vie ou d’un repos parfaitement heureux. Si vous voulez appeler cela paradis, appelez-le paradis. Si vous êtes bon, que vous ayez pris conscience de votre psychique et que vous viviez en lui, eh bien, quand votre corps mourra, vous irez avec votre être psychique vous reposer dans le monde psychique, dans un état de béatitude.
Mais si vous avez vécu dans votre vital et dans toutes les impulsions, chaque impulsion va essayer de se réaliser ici et là... Par exemple, l’avare qui était concentré sur son argent, quand il meurt, la partie de son vital qui était intéressée par son argent va se fixer là et restera à veiller sur l’argent pour que personne ne le prenne. Les gens ne le voient pas, mais il est là tout de même, et très malheureux s’il arrive quelque chose à son cher argent. J’ai connu très bien une dame qui avait une certaine fortune et des enfants; elle avait cinq enfants qui étaient tous plus prodigues les uns que les autres; autant elle avait pris soin de se créer une fortune, autant ils semblaient prendre soin de la dilapider; ils la dépensaient à tort et à travers. Et alors cette pauvre vieille dame, quand elle est morte, elle est venue me trouver et elle m’a dit : « Ah! maintenant ils vont gaspiller tout mon argent! » Et elle était très malheureuse. Je l’ai consolée un peu, mais j’ai eu beaucoup de peine à la décider à ne pas rester à veiller sur son argent pour qu’on ne le gaspille pas. Voilà.
Et maintenant, si vous vivez exclusivement dans votre conscience physique (c’est difficile parce que vous avez, après tout, des pensées et des sentiments), mais si vous vivez exclusivement dans votre physique, quand l’être physique disparaît, vous disparaissez en même temps, c’est fini... Il y a un esprit de la forme : votre forme a un esprit qui persiste pendant sept jours après votre mort. Les docteurs ont déclaré que vous êtes mort, mais l’esprit de votre forme est vivant, et non seulement vivant, mais conscient dans la plupart des cas. Mais cela dure de sept à huit jours, et après, cela aussi se dissout — je ne parle pas des yogis, je vous parle des gens ordinaires. Les yogis n’ont pas de lois, c’est tout à fait différent; pour eux, le monde est différent. Je vous parle des gens ordinaires, vivant une vie ordinaire; pour eux, c’est comme cela.
Donc, la conclusion est que si vous voulez préserver votre conscience, il vaut mieux la centraliser sur une partie de votre être qui est immortelle; autrement elle s’évaporera comme une flamme dans l’air. Et c’est très heureux parce que s’il en était autrement, il y aurait peut-être des dieux ou des espèces d’hommes supérieurs qui créeraient des enfers et des paradis comme ils en créent dans leur imagination matérielle, où ils vous enfermeraient; vous seriez enfermé dans le paradis ou enfermé dans l’enfer suivant que vous leur auriez plu ou déplu. Ce serait une situation très critique; et heureusement ce n’est pas comme cela.
On dit qu’il y a un dieu de la mort. Est ce vrai?
Oui. Moi, je l’appelle un « génie de la mort ». Je le connais bien. Et c’est une organisation extraordinaire. Vous ne savez pas à quel point c’est organisé.
Je crois qu’il y a beaucoup de ces génies de la mort, je crois qu’il y en a des centaines. J’en ai rencontré au moins deux. L’un, je l’ai rencontré en France et l’autre, je l’ai rencontré au Japon, et ils étaient très différents; ce qui fait croire que probablement, suivant la culture mentale, suivant l’éducation, suivant les pays, suivant les croyances, il doit y avoir des génies différents. Mais il y a des génies de toutes les manifestations de la Nature : il y a des génies du feu, il y a des génies de l’air, de l’eau, de la pluie, du vent; il y a des génies de la mort.
Chaque génie de la mort, quel qu’il soit, a droit à un certain nombre de morts par jour. C’est en vérité une organisation fantastique. C’est une sorte d’alliance entre les forces vitales et les forces de la Nature. Par exemple, s’il a décidé : « Voilà le nombre de gens auquel j’ai droit », mettons quatre ou cinq, ou six, ou une ou deux personnes, cela dépend des jours... il a décidé que telles personnes mourraient, il va tout droit s’installer près de la personne qui va mourir. Mais s’il se trouve que vous êtes conscient (pas la personne), si vous voyez le génie et qu’il aille à une personne et que vous ne vouliez pas qu’elle meure, alors vous pouvez, si vous avez un certain pouvoir occulte, lui dire : « Non, je te défends de le prendre. » C’est une chose qui s’est produite, pas une fois, plusieurs fois, au Japon et ici. Ce n’était pas le même génie. C’est ce qui me fait dire qu’il doit y en avoir beaucoup.
— Je ne veux pas qu’il meure.
— Mais j’ai droit à une mort!
— Va trouver qui est prêt à mourir.
Alors j’ai vu plusieurs cas : quelquefois, c’est juste le voisin qui meurt soudain à la place de l’autre, quelquefois c’est une connaissance, et quelquefois c’est l’ennemi. N’est-ce pas, il y a une relation quelconque, bonne ou mauvaise, de voisinage (ou n’importe) qui, extérieurement, a l’air d’un hasard. Mais c’est le génie qui a pris son mort. Le génie a droit à une mort, il aura une mort. Vous pouvez lui dire : « Je te défends de prendre celui-là » et avoir le pouvoir de le renvoyer, et il n’a rien à faire qu’à s’en aller; mais il ne renonce pas à son dû et il va ailleurs.
Il y a une autre mort.
C’est la même chose avec le feu. J’ai vu le génie du feu, surtout au Japon parce que le feu est une chose extraordinaire dans ce pays-là. Quand un feu s’allume, c’est quatre-vingts maisons qui brûlent : tout un quartier. C’est quelque chose de fantastique. Les maisons sont en bois et ça brûle comme des boîtes d’allumettes; on voit un feu qui s’allume et puis tout d’un coup, poff!... Vous n’avez jamais vu une boîte d’allumettes prendre feu? Pfft! Comme ça, Pfft! un, deux, trois, dix, vingt maisons qui ont brûlé sous mes yeux !... Alors il y a des génies du feu. Un jour, j’étais dans mon lit : j’étais en train de me concentrer, de regarder les gens. Je vois tout d’un coup comme une espèce de nuage de flammes qui s’approchait de la maison. Je regarde et je vois que c’est un être conscient.
— Eh! qu’est-ce que tu viens faire?
— J’ai le droit de brûler la maison, d’allumer un incendie.
— C’est possible, lui ai-je dit, mais pas ici.
Et il n’a pas pu résister.
C’est une question de qui sera le plus fort. J’ai dit : « Non, ici tu ne peux pas brûler, voilà tout! » Cinq minutes après, j’entends des cris : « Ha ! Ha ! » Deux ou trois maisons plus loin, une maison avait pris feu. Il était allé là parce que je lui avais défendu de venir chez moi. Il avait droit à une maison. Voilà !
Quelquefois, quand les gens meurent, ils comprennent qu’ils vont mourir. Pourquoi ne disent-ils pas au génie de s’en aller?
Ah! eh bien, cela dépend des gens. Il y a deux choses nécessaires. D’abord, que rien dans votre être, aucune partie de votre être ne désire mourir. Cela n’arrive pas souvent. Vous avez toujours un défaitiste en vous, quelque part : quelque chose qui est fatigué, quelque chose qui est dégoûté, quelque chose qui en a assez, quelque chose qui est paresseux, quelque chose qui ne veut pas lutter et qui dit : « Tiens! ah! que ce soit fini, tant mieux. » Cela suffit, vous êtes mort.
Mais c’est un fait : si rien, absolument rien de vous ne consent à mourir, vous ne mourrez pas. Pour que quelqu’un meure, il y a toujours une seconde, peut-être la centième partie d’une seconde, où il va consentir. S’il n’y a pas cette seconde de consentement, il ne meurt pas.
J’ai connu des gens qui, vraiment, selon toutes les lois physiques et vitales, auraient dû mourir; et ils ont refusé. Ils ont dit : « Non, je ne mourrai pas », et ils ont vécu. Il y en a d’autres qui n’auraient pas du tout besoin de mourir, mais ils sont comme cela : « Ah! bien! oui, tant mieux, ce sera fini », et c’est fini. Même rien que cela, même pas plus que cela. Vous n’avez pas besoin d’un désir persistant, vous n’avez qu’à dire : « Eh bien, oui, j’en ai assez! » et c’est fini. Alors c’est vraiment comme cela. Comme tu dis, on peut avoir la mort debout à son chevet et lui dire : « Je ne te veux pas, va-t’en », et elle sera obligée de s’en aller. Mais généralement on fléchit, parce qu’il faut lutter, parce qu’il faut être fort, parce qu’il faut être très courageux et endurant et avoir une grande foi dans la nécessité de la vie; comme quelqu’un, par exemple, qui sent très fortement qu’il a encore quelque chose à faire et qu’il faut absolument qu’il le fasse. Mais qui est sûr qu’il n’a pas au-dedans de lui un petit bout de défaitiste, quelque part, qui juste cède et dit : « C’est bien »?... C’est cela, la nécessité de s’unifier.
Quel que soit le chemin que nous suivons, le sujet que nous étudions, nous arrivons toujours au même résultat. La chose la plus importante, pour un individu, c’est de s’unifier autour de son centre divin; comme cela, il devient un vrai individu, maître de lui-même et de sa destinée. Autrement, il est un jouet des forces qui le ballottent comme un bouchon sur une rivière. Il va où il ne veut pas aller, on lui fait faire ce qu’il ne veut pas faire, et finalement il se perd dans un trou sans avoir aucun pouvoir de se rattraper. Mais si vous êtes organisé consciemment, unifié autour du centre divin, gouverné, dirigé par lui, vous êtes le maître de votre destinée. Cela vaut la peine d’essayer... En tout cas, je trouve qu’il est préférable d’être le maître que d’être l’esclave. C’est une sensation assez désagréable de sentir qu’on est tiré par des ficelles et qu’on vous fait faire des choses que vous voulez ou que vous ne voulez pas faire — c’est tout à fait indifférent —, mais que vous êtes obligé de faire parce que quelque chose vous tire par des ficelles et que vous ne le voyez même pas. C’est très ennuyeux. Enfin, je ne sais pas, moi j’ai trouvé cela très ennuyeux, même quand j’étais toute petite. À cinq ans, cela a commencé à me paraître tout à fait intolérable, et j’ai cherché un moyen pour que ce soit autrement — sans que personne puisse rien me dire. Parce que je ne connaissais personne qui puisse m’aider et je n’avais pas la chance que vous avez, quelqu’un qui peut vous dire : « Voilà ce qu’il faut faire! » Il n’y avait personne pour me le dire. Il a fallu que je le trouve toute seule. Je l’ai trouvé. J’ai commencé à cinq ans. Et vous, il y a longtemps que vous avez eu cinq ans...
Voilà.
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