CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


novembre




Le 11 novembre 1953

Mère s’apprête à lire les premières pages de Quelques Paroles.

Les premiers textes ont été écrits en 1912. Beaucoup d’entre vous n’étaient pas nés.

C’était un petit groupe de personnes — à peu près douze — qui se réunissaient une fois par semaine. On donnait un sujet; il fallait préparer la réponse pour la semaine suivante. Chacun apportait son petit travail. Généralement je préparais aussi un petit papier et, à la fin, je le lisais. C’est ce qui est écrit là — pas tous, seulement ces deux-là. Ces deux premiers. Après, c’était autre chose. Les autres ont paru dans Paroles d’Autrefois.

Il y a quatre séances. La première réunion avait pour sujet : quel est le but à atteindre, quelle est l’œuvre à réaliser, le moyen de l’atteindre? Et voici ma réponse :

(Mère lit le texte du 7 mai 1912) « Le but général à atteindre est l’avènement de l’harmonie universelle progressive. »

C’est le Supramental.

Je ne connaissais pas Sri Aurobindo à ce moment-là et il n’avait encore rien écrit.

« ... devenir de parfaits représentants terrestres de la première manifestation de l’Impensable dans ses trois modes, ses sept attributs et ses douze qualités. »

Qu’est ce que tu appelles les « trois modes », les « sept attributs » et les « douze qualités » ?

Je ne me souviens plus. Les trois modes formés — Amour, Lumière et Vie — qui correspondent à Satchidânanda. Les sept attributs... J’ai une liste quelque part. Il y a une vieille tradition qui dit que le monde a été créé sept fois, c’est-à-dire que les six premières fois il est rentré dans le Créateur. C’est l’idée du pralaya 42 . On dit qu’il s’est produit six fois, et que nous sommes maintenant la septième création, et que c’est la dernière. C’est celle qui persistera, et c’est la « création de l’Équilibre ». Toutes ces créations, je les ai notées aussi quelque part, c’est écrit. Je ne sais plus leur ordre. Il y a six créations l’une après l’autre, créées selon ce mode spécial trouvé imparfait et ramenées à l’Origine, recréées et ramenées à l’Origine — comme cela six fois. Et c’est un ordre progressif. Quand on connaît cet ordre-là, on comprend le principe de chaque création. Eh bien, cette tradition disait que le principe de notre dernière création, maintenant, est le principe d’Équilibre, et que c’est le dernier. C’est-à-dire que le monde ne retournera plus au pralaya et ce sera un progrès perpétuel. Et c’est la création de l’Équilibre.

Par conséquent, maintenant, il n’y a plus du tout de bien et de mal : il y a ce qui est en équilibre et ce qui n’est pas en équilibre. Il y a déséquilibre et équilibre. Voilà. Et ce que j’ai dit là était basé là-dessus.

Les douze qualités, c’est encore autre chose. Ça aussi, c’est noté quelque part. Pour que le monde puisse persister, il faut qu’il réalise un équilibre parfait de tous ses éléments à l’aide de ces douze qualités, toutes présentes là. Et alors, ce sera un monde qui, tout en progressant indéfiniment, sera constamment en harmonie, et par conséquent ne sera pas ouvert à la destruction.

« Redire au monde, sous une forme nouvelle adaptée à l’état actuel de sa mentalité, la parole éternelle.

« Ce sera la synthèse de toutes les connaissances humaines. »

Tu dis ici « la parole éternelle » ?

J’emploie le mot parole au sens de vérité. Il y a une Vérité éternelle qui est éternellement vraie, mais qui s’exprime en des formes précises, et ces formes précises sont changeantes, fluctuantes, elles peuvent se déformer; et pour avoir la Vérité, il faut toujours remonter à l’Origine, qui est... on peut l’appeler la Parole éternelle, c’est-à-dire le Verbe créateur. C’est une Vérité qui est éternelle, qui se manifeste à travers tous les mots possibles et les idées possibles. J’emploie le mot Parole sous une forme littéraire — c’est ce qu’ailleurs on appelle le Verbe créateur. C’est l’origine de toute parole et de toute pensée.

Je n’ai pas compris « le but à atteindre ».

Le but à atteindre? Qu’est-ce que j’ai dit? C’est l’harmonisation de la terre, je crois, non?

« En ce qui concerne la terre, le moyen d’atteindre ce but est dans la réalisation de l’unité humaine par l’éveil en tous et la manifestation par tous de la Divinité inté rieure qui est une.

« En d’autres mots : créer l’unité en établissant le royaume de Dieu qui est en tous.

« Par suite, l’œuvre la plus utile à faire est :

« 1) Pour chacun individuellement la prise de cons cience en soi de la divine Présence et son identification avec elle. »

Oui, tu ne comprends pas? Je l’ai dit cinquante mille fois déjà, non!... Ah! tu as compris maintenant? (rires)

« 2) L’individualisation d’états d’être qui ne furent encore jamais conscients dans l’homme et, par suite, la mise en rapport de la terre avec une ou plusieurs sources de force universelle qui sont encore scellées pour elle. »

« L’individualisation d’états d’être qui ne furent encore jamais conscients dans l’homme », c’est-à-dire qu’il y a des états de conscience superposés, et il y a des régions nouvelles qui n’ont encore jamais été manifestées sur la terre, et que Sri Aurobindo a appelées supramentales. C’est cela, c’était la même idée. C’està-dire qu’il faut aller dans les profondeurs ou les hauteurs de la création qui n’ont jamais été manifestées sur la terre, et devenir conscient de cela, et le manifester sur la terre. Sri Aurobindo l’a appelé le Supramental. Moi, je dis simplement que ce sont des états d’être qui ne furent jamais encore conscients dans l’homme (c’est-à-dire que l’homme n’en a encore jamais été conscient). Il faut s’identifier à eux, puis les ramener dans la conscience extérieure, et les manifester dans l’action. Et alors, j’ajoute (justement ce que je prévoyais — je ne savais pas que Sri Aurobindo le ferait, mais enfin je prévoyais que cela devait être fait) :

« 3) Redire au monde, sous une forme nouvelle adaptée à l’état actuel de sa mentalité, la parole éternelle. »

C’est-à-dire la Vérité suprême, l’Harmonie. C’était tout le programme de ce que Sri Aurobindo a fait et la façon de faire le travail sur la terre, et j’avais prévu cela en 1912. J’ai rencontré Sri Aurobindo pour la première fois en 1914, c’est-à-dire deux ans après, et j’avais déjà fait tout le programme.

« 4) Collectivement, fonder la société idéale dans le lieu propice à l’éclosion de la nouvelle race, celle des “Fils de Dieu”. »

Où avais-tu décidé de fonder l’Ashram?

Où j’avais décidé de le faire?... Je n’avais rien décidé du tout! J’avais simplement dit qu’il fallait que ce soit fait. Je n’avais pas la moindre idée, excepté que j’avais un grand désir de venir en Inde. Mais enfin, je ne savais même pas si cela correspondait à quelque chose. Je n’avais rien décidé du tout. Simplement, j’avais vu cet état, ce qui devait être fait.

Puis les enfants reviennent aux dernières pages de l’Entretien du 4 août 1929 :

« Les notions morales ordinaires distinguent l’homme généreux de l’avare. Et dans une certaine société, l’avare est blâmé et méprisé, tandis que l’homme géné reux est estimé pour son absence d’égoïsme et son utilité sociale, et il est loué pour sa vertu. Mais du point de vue spirituel, tous deux se trouvent au même niveau ; la générosité de l’un et l’avarice de l’autre sont des défor mations d’une vérité plus haute, d’un plus grand pou voir divin. Il y a un pouvoir qui, dans son mouvement divin, répand, diffuse, projette librement les forces, les choses et tout ce qu’il possède sur tous les plans, depuis le plus matériel jusqu’au plus spirituel. Derrière l’homme généreux et sa générosité, se trouve une âme type qui exprime ce mouvement; elle est un pouvoir de diffusion, de large distribution. Il y a un autre pouvoir qui, dans son mouvement divin, collectionne, amasse, rassemble et accumule les forces, les choses et tout ce qui peut être possédé, depuis le plan le plus matériel jusqu’au plus haut. L’homme qui est accusé d’avarice avait été créé pour être un instrument de ce dernier mouvement. Les deux types sont importants; les deux sont nécessaires dans la réalisation d’ensemble; le mouvement qui attire et concentre n’est pas moins utile que celui qui répand et disperse. »

Qu’entends-tu par « âme type » ?

Quelle est la phrase?... (Mère regarde le texte) Ah! c’est l’esprit de l’espèce; de même que nous avons dit que derrière chaque espèce animale, il y avait l’esprit de l’espèce, derrière chaque espèce d’homme, il y a un esprit de l’espèce. C’est ce que j’appelle âme type. C’est un type d’âme qui peut être progressif, mais qui est indestructible.

L’âme type correspond, individuellement ou en groupe, au dharma des choses. Quelquefois on l’appelle aussi la vérité des choses, de chaque chose.

La générosité, est ce une déformation de la vérité?

Oui, toutes les qualités humaines sont des déformations d’une vérité qui est derrière. Tout ce que vous appelez qualités, ou défauts, sont toujours une déformation de quelque chose qui est derrière, et qui n’est ni ceci ni cela mais quelque chose d’autre. Mais je dis, d’ailleurs, ce qu’est la vérité qui se trouve derrière la générosité : c’est le mouvement des forces qui se répandent. Mais pour que les forces puissent se répandre, il faut qu’elles se concentrent. Alors il y a comme un mouvement de pulsation : les forces se concentrent, puis elles se répandent, et puis elles se concentrent, et puis elles se répandent... Mais si vous voulez répandre toujours sans jamais faire de concentration, au bout d’un certain moment vous n’avez rien à répandre. Pour les forces — toutes les forces — c’est la même chose. J’ai d’ailleurs écrit (ou plutôt j’écrirai dans quelque temps) que l’argent est une force, ce n’est rien d’autre que cela. Et c’est pourquoi personne n’a le droit de le posséder personnellement, parce que c’est seulement une force, au même degré que toutes les autres forces de la Nature et de l’univers. Si vous prenez la lumière comme une force, il ne viendra jamais à l’idée de personne de dire : « Je possède la lumière », et de vouloir l’enfermer dans sa chambre et ne pas la donner aux autres! Eh bien, avec l’argent on est tellement abruti que l’on s’imagine que c’est quelque chose que l’on peut posséder, et que l’on peut retenir comme si c’était à vous, et en faire quelque chose de personnel. C’est exactement la même chose. Je ne parle pas de l’argent en tant que papier, naturellement, parce que cela, c’est comme la lumière que vous avez mise dans une lampe, vous pouvez posséder la lampe, et alors vous dites : « C’est ma lumière. » L’argent, vos billets, vos pièces de monnaie, c’est votre argent. Mais cela, ce n’est pas l’argent. C’est la force qui est derrière cela, la puissance d’échange qu’est l’argent. Cela n’appartient à personne. Ça appartient à tout le monde. C’est une chose qui n’est vivante que si elle circule. Si vous voulez en faire un tas, ça pourrit. C’est comme si vous vouliez enfermer de l’eau dans un vase et la garder toujours : au bout d’un certain temps votre eau serait absolument pourrie. L’argent, c’est la même chose. Et les gens n’ont pas encore compris cela. Plus tard, je l’écrirai.

Ça ne tiendra pas toujours.

Quand on a de l’avarice pour les choses matérielles...

L’avarice pour toutes les choses — il y a une avarice pour les choses spirituelles aussi. Il y a des avares qui veulent garder toutes les forces pour eux et ne jamais les donner. Mais j’ai dit tout à l’heure la chose vraie : il faut avoir le pouvoir d’accumuler pour avoir le pouvoir de répandre. Si vous avez seulement l’un des deux, cela fait un déséquilibre. Et alors c’est là que cela devient de l’avarice et du gaspillage. Il faut avoir les deux dans un mouvement rythmique balancé — l’équilibre dont nous parlions tout à l’heure. Parce qu’il serait assez facile de prouver que, en effet, à l’heure actuelle, c’est l’équilibre qui est la vraie chose : ce que le Bouddha appelait le « chemin du milieu ». Le chemin du milieu, c’est le chemin de l’équilibre. Et alors, il faut savoir faire comme quand on marche sur la corde raide avec un bâton pour tenir en équilibre.

Mais le plus généreux du monde ne pourrait rien donner s’il n’avait pas eu d’abord. Par conséquent, si ce n’est pas lui qui a accumulé, c’est quelqu’un d’autre qui a accumulé pour lui. Mais s’il n’a rien dans sa poche, il ne peut pas distribuer quelque chose! C’est évident. Et le pouvoir d’accumulation est aussi important que le pouvoir de distribution. C’est seulement quand ces deux choses-là deviennent égoïstes qu’elles sont déformées, tout à fait déformées, et elles perdent toute leur valeur.

Voilà, mes enfants.









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