Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
(Question) « Si le Divin, qui est tout amour, est à la source de la création, d’où proviennent tous les maux qui abondent sur terre? » (La Mère) « Tout vient du Divin ; mais le Suprême n’a pas fait sortir le monde directement hors de lui-même; un pouvoir conscient est sorti de lui et s’est répandu à travers beaucoup de gradations descendantes, en passant par beaucoup d’agents. Beaucoup de créateurs, ou plutôt de formateurs, de faiseurs de formes, ont participé à la création du monde. Ce sont des agents intermédiaires, et je préfère les appeler formateurs plutôt que créateurs, car ils n’ont fait que donner à la matière sa forme, son caractère, sa nature. Ils ont été nombreux ; certains ont formé des choses harmonieuses et bienfaisantes, d’autres en ont produit de mauvaises et de malfaisantes. Certains aussi ont été des déformateurs plutôt que des construc teurs, car ils sont intervenus et ont gâté ce qui avait été bien commencé par d’autres. » (Entretien du 30 juin 1929)
(Question) « Si le Divin, qui est tout amour, est à la source de la création, d’où proviennent tous les maux qui abondent sur terre? »
(La Mère) « Tout vient du Divin ; mais le Suprême n’a pas fait sortir le monde directement hors de lui-même; un pouvoir conscient est sorti de lui et s’est répandu à travers beaucoup de gradations descendantes, en passant par beaucoup d’agents. Beaucoup de créateurs, ou plutôt de formateurs, de faiseurs de formes, ont participé à la création du monde. Ce sont des agents intermédiaires, et je préfère les appeler formateurs plutôt que créateurs, car ils n’ont fait que donner à la matière sa forme, son caractère, sa nature. Ils ont été nombreux ; certains ont formé des choses harmonieuses et bienfaisantes, d’autres en ont produit de mauvaises et de malfaisantes. Certains aussi ont été des déformateurs plutôt que des construc teurs, car ils sont intervenus et ont gâté ce qui avait été bien commencé par d’autres. »
(Entretien du 30 juin 1929)
Tu dis : « Beaucoup de créateurs, ou plutôt de forma teurs, de faiseurs de formes, ont participé à la création du monde. » Qui sont ces formateurs?
Cela dépend. On leur a donné beaucoup de noms. Tout s’est fait par échelons et à travers des individualités de tous genres : chaque état d’être est habité par des entités, des individualités et des personnalités, et chacun a créé un monde autour de lui ou bien a participé à la formation de certains êtres sur la terre. Les derniers créateurs sont les créateurs du monde vital, mais il y a des êtres du Surmental, ce que Sri Aurobindo appelle Overmind, qui ont créé, qui ont donné des formes, qui ont eu des émanations, et ces émanations ont eu des émanations, et ainsi de suite. Ce que je voulais dire, c’est que ce n’est pas la Volonté divine qui a agi directement sur la matière pour donner au monde la forme qu’il faut, c’est à travers des couches, pour ainsi dire, des plans du monde, comme, par exemple, le plan mental — il y a tant d’êtres du mental qui sont des formateurs, qui ont participé à la formation de certains êtres, lesquels se sont incarnés sur la terre. Dans le vital, c’est la même chose.
Par exemple, une tradition dit que tout le monde des insectes est le résultat des formateurs du monde vital, et que c’est pour cela que quand on les agrandit au microscope, ils prennent des apparences absolument diaboliques. Vous avez vu l’autre jour, quand on vous a montré les microbes dans l’eau? Naturellement les images étaient faites pour amuser, pour frapper l’imagination, mais elles sont basées sur une réalité des formes tellement agrandie que cela devient des monstres. Presque tout le monde des insectes est un monde de monstres microscopiques qui, s’ils étaient de grandes dimensions, seraient tout à fait terrifiants. Alors on dit que ce sont des entités du monde vital, des êtres du vital qui se sont amusés à créer cela, amusés à faire toutes ces bêtes impossibles qui rendent l’existence humaine tout à fait désagréable.
Est ce que ces intermédiaires aussi sont sortis du Pou voir divin?
Par intermédiaire, oui, pas directement. Ce ne sont pas des êtres en rapport direct avec le Divin (il y a des exceptions, je dis en règle générale), ce sont des êtres qui sont en rapport avec d’autres êtres, qui sont en rapport avec d’autres êtres, qui sont en rapport avec d’autres êtres, et ainsi de suite, hiérarchiquement, jusqu’au Suprême.
S’ils sont sortis du Divin, pourquoi sont-ils mauvais?
Mauvais? Ça, je crois que je vous l’ai expliqué une fois : il suffit de ne pas rester sous l’influence directe du Divin et de ne pas suivre le mouvement de création ou d’expansion tel que le veut le Divin; il suffit de cette rupture de contact pour que se produise le plus grand des désordres, celui de la division. Eh bien, même les êtres les plus lumineux, les plus puissants, peuvent décider de suivre leur mouvement propre au lieu d’obéir au mouvement divin. Et quoiqu’ils soient eux-mêmes très merveilleux et que si les êtres humains les voyaient, ils les prendraient pour la Divinité même, ils peuvent, parce qu’ils suivent leur volonté propre au lieu de travailler en harmonie avec l’univers, être la source de très grands maux, de très grands désordres, très grandes obstructions de la masse. N’est-ce pas, la question est mal posée, j’ai ri tout à l’heure quand j’ai lu la question 32 . C’est une façon enfantine de dire. Cette personne dit : « Si Dieu est tout dans le monde, pourquoi y a-t-il des choses mauvaises dans le monde? » Maintenant, si elle m’avait dit cela, je lui aurais répondu tout simplement : il n’y a rien qui ne soit Dieu, seulement c’est en désordre. Il faut tâcher d’y remédier. Dieu n’est pas seulement amour, il est toutes choses, et si cela nous paraît, à nous, tout à fait mauvais, c’est parce que ce n’est pas arrangé convenablement. Il y a eu justement des mouvements comme ceux dont je vous ai parlé.
On peut demander pourquoi c’est arrivé. Ça, n’est-ce pas, ce n’est certainement pas le mental qui peut dire pourquoi c’est arrivé. C’est arrivé, c’est tout. Au fond, la seule chose qui nous concerne, c’est que ce soit arrivé. C’est peut-être un accident du commencement... Si l’on regarde le fait du point de vue philosophique, il est évident que l’univers dans lequel nous vivons est un mouvement parmi beaucoup d’autres, et que ce mouvement suit une loi qui lui est propre (et qui n’est peutêtre pas la même dans les autres), et si la Volonté était que le monde soit construit sur le principe du choix, de la liberté de choix, alors on ne peut pas empêcher les mouvements désordonnés de se produire, jusqu’à ce que la connaissance vienne et que le choix soit éclairé. Si l’on est libre de choisir, on peut aussi faire le choix de choses mauvaises, pas nécessairement des bonnes, parce que si c’était décidé d’avance, ce ne serait plus un libre choix. N’est-ce pas, quand on pose ces questions-là, c’est seulement le mental qui répond et il diminue le problème, il le réduit à une formule mentale plus ou moins élémentaire, mais cela ne correspond que très vaguement et très superficiellement, et incomplètement, à la réalité des choses.
Pour pouvoir comprendre, il faut devenir. Si vous voulez comprendre le pourquoi et le comment de l’univers, il faut vous identifier à l’univers. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas une chose très facile, surtout pour les enfants.
Cette question était l’une des plus enfantines qu’elle ait posées — tout à fait enfantine : « S’Il est juste, pourquoi y a-t-il de l’injustice? s’Il est bon, pourquoi y a-t-il de la méchanceté? s’Il est amour, pourquoi y a-t-il de la haine? » Mais Il est tout! Alors Il n’est pas seulement ça ou seulement ça, ou seulement, exclusivement ça — Il est tout. C’est-à-dire que, pour être plus juste, il faudrait dire que tout est Lui. Il y a des notions de la création très universellement répandues sur la terre et qui ont été plus ou moins adoptées pendant très longtemps par la pensée humaine, qui sont d’un simplisme! Il y a « quelque chose » (à dire vrai, on ne sait pas quoi), et puis il y a un Dieu qui met ce quelque chose en forme et en crée le monde. Alors, si vous avez des notions comme cela, vous êtes en légitime droit de dire à ce Dieu : « Eh bien, tu en as créé un monde! Il est joli ton monde! » Quoique, selon l’histoire, après sept jours de travail, Il a déclaré que c’était très bien — mais c’est bon pour Lui. Peut-être que ça l’a bien amusé, mais nous qui sommes dans le monde, nous ne trouvons pas que ce soit très bien du tout! Au fond, c’est parce que la conception et la façon de dire sont tout à fait enfantines. C’est tout à fait comme l’histoire du potier qui met en forme son pot — ce Dieu est un être humain, formidable en proportion et en puissance, mais qui ressemble étrangement à un homme. C’est l’homme qui fait Dieu à son image, pas Dieu qui fait l’homme à son image! Par conséquent, chaque fois que l’on pose une question d’une façon incomplète ou enfantine, il est impossible d’y répondre vraiment, parce que c’est la question qui est mal posée. Vous dites, vous affirmez une chose. Mais de quel droit affirmez-vous cela ? Parce que vous affirmez cela, vous concluez : « Puisque ça, c’est, comment se fait-il que ça, ce soit? » Mais « ça, c’est », c’est vous qui le dites. Cela ne veut pas dire que ce soit comme cela !
Mais il y a une seule, unique solution au problème, c’est de ne pas faire de distinction d’origine entre Dieu et l’univers. L’univers est le Divin projeté dans l’espace, et Dieu est l’univers dans son origine. C’est la même chose, sous un aspect ou sous un autre. Et vous ne pouvez pas les diviser. C’est la conception opposée à celle du « créateur » et de son « œuvre ». Seulement, parler du créateur et de l’œuvre, c’est très commode, ça rend les explications très faciles et l’enseignement très élémentaire. Mais ce n’est pas vrai. Et alors, vous dites : « Comment se fait-il que Dieu, qui est tout-puissant, ait permis que le monde soit comme cela ? » Mais c’est votre propre conception! C’est parce qu’il se trouve que, vous, vous êtes dans un certain ensemble de circonstances qui vous paraît désagréable, alors vous projetez cela sur le Divin et vous Lui dites : « Pourquoi as-Tu fait un monde comme ça ? » — « Je ne l’ai pas fait. C’est toi-même. Et si vous redevenez Moi-même, vous ne sentirez plus comme vous sentez. Ce qui vous fait sentir comme vous sentez, c’est que vous n’êtes plus Moi-même. » C’est cela qu’Il pourrait vous répondre. Et le fait est que, quand on arrive à unir sa conscience à la Conscience divine, il n’y a plus de problème. Tout paraît tout à fait naturel et simple, et très bien, et exactement ce que cela devait être. Mais quand vous vous coupez de l’Origine et que vous vous mettez en face de Lui, alors, à vrai dire, tout va mal, rien ne peut aller bien!
Mais si vous voulez une logique qui pousse les choses jusqu’au bout, comment se fait-il que le Divin ait toléré que des parties de Lui-même se soient séparées de Lui et que tout ce désordre ait été créé? Vous pouvez dire cela. Et alors, moi, je vous répondrai : « Si vous voulez savoir, il vaut mieux vous unifier au Divin, parce que c’est la seule façon de savoir pourquoi Il a fait les choses — ce n’est pas en Le questionnant mentalement, parce que votre mental ne peut pas comprendre. » Et je vous le répète, quand on arrive à cette identification, tous les problèmes sont résolus. Et cette sensation que les choses ne sont pas bien et qu’elles devraient être autrement, c’est justement parce qu’il y a cette Volonté divine d’un déroulement constant dans un progrès perpétuel, et que les choses qui étaient doivent laisser la place aux choses qui seront, et qui seront mieux que les autres n’étaient. Et le monde, qui était bien la veille, n’est plus bien le lendemain. Le monde tout entier, qui pouvait paraître absolument harmonieux et parfait en un certain temps, eh bien, maintenant, il est discordant, il n’est plus harmonieux, parce que nous concevons et nous voyons la possibilité d’un monde meilleur. Si nous le trouvions très bien, nous ne ferions pas ce que nous devons faire, c’est-à-dire l’effort pour qu’il devienne meilleur.
Il y a un moment où toutes ces conceptions paraissent tellement enfantines! Et cela vient uniquement de ce que l’on reste au-dedans de soi. Avec cette conscience qui vous est propre, qui est comme un grain de sable dans l’immensité, vous voulez connaître et juger de l’immensité? C’est impossible. Il faut d’abord sortir de soi, et, après, s’unir à l’immensité, et après on peut commencer à comprendre ce que c’est, mais pas avant. Vous projetez votre conscience — ce que vous êtes, les pensées que vous avez, la capacité de comprendre que vous avez —, vous la projetez sur le Divin, et puis vous dites : « Ça ne va pas. » Je comprends! Mais il n’y a aucune possibilité de savoir, à moins de s’identifier. Je ne vois pas le moyen, par exemple, qu’une goutte d’eau vous dise comment est l’océan. C’est comme cela.
« Quand on revêt le corps humain, on accepte en même temps une quantité de suggestions, d’idées raciales, de sentiments, d’associations, d’attractions, de répulsions, de peurs appartenant au genre humain. » (Entretien du 30 juin 1929)
« Quand on revêt le corps humain, on accepte en même temps une quantité de suggestions, d’idées raciales, de sentiments, d’associations, d’attractions, de répulsions, de peurs appartenant au genre humain. »
Quand on accepte un corps humain, est-il nécessaire d’accepter les suggestions de la peur?
Cela paraît plus inévitable que nécessaire!... On ne s’aperçoit même pas qu’on les accepte. Nous avons dit l’autre jour que quand un être psychique entre dans le corps, c’est comme s’il tombait sur la tête — il est un peu abruti pendant un certain temps. Alors, pendant ce temps, il est soumis à ces suggestions sans même le savoir. Mais de la minute où il s’éveille, il peut se retirer de là, il n’est pas du tout nécessaire de les accepter. Seulement, il faut savoir que ce sont des suggestions. Il faut être capable de se séparer de la conscience purement humaine, de la conscience corporelle. Et une fois que vous pouvez la regarder d’en haut, vous pouvez vous libérer de ses suggestions, très bien. On peut se libérer de toutes les suggestions, mais pour cela il faut être au-dessus d’elles. Si ce n’était pas possible, il serait impossible de faire un yoga.
Mais vous ne vous en rendez pas compte, c’est une chose constante. Par exemple, il y a cette suggestion collective formidable de la mort. Mais comment se libérer de cette idée-là à moins d’être capable de créer en soi une conscience immortelle? Une fois que l’on crée en soi la conscience immortelle, alors on peut être libre de la suggestion. Mais autrement ce n’est pas possible. Et vous ne vous en rendez pas compte parce que vous vivez là-dedans d’une façon tout à fait normale — vous êtes rempli de mouvements et d’idées qui appartiennent à la race humaine, qui ne vous sont pas du tout personnels. Vous ne vous en rendez pas compte parce que c’est très intimement lié à votre conscience. Mais du moment où vous pouvez vous libérer de cette conscience humaine, où vous entrez dans un domaine où, par exemple, la vie dans le corps devient presque un accident — ça peut être ici, ça peut être là, ça peut être là —, vous n’êtes plus lié à ça. Vous regardez ça, vous dites : c’est presque comme un accident (ou c’est peut-être un choix, mais enfin la plupart du temps c’est un accident). Alors, à partir de ce moment-là, vous n’êtes plus lié, parce que vous êtes conscient dans un être qui n’est plus purement, exclusivement humain. Mais jusqu’à ce moment-là, vous ne vous rendez même pas compte. Vous n’avez pas le moyen de vous rendre compte. Et si vous en venez au domaine purement mental, il y a des idées qui sont tellement fortes; par exemple, que l’infini ne peut pas être dans le fini, que ce qui commence aura sûrement une fin — des idées comme cela, qui paraissent merveilleusement lumineuses, et qui sont des sottises. Mais cela appartient à la mentalité humaine collective, et il n’y a rien de plus difficile que de sortir ça de la tête des gens qui se croient très forts... Vous ne vous êtes peut-être pas encore posé ces problèmes-là parce qu’on ne vous a pas encore fait étudier la philosophie, mais quand vous en serez là, vous verrez. Et on vous dira cela comme des vérités immortelles auxquelles on ne peut pas toucher! Et ce sont des âneries. Un jour, je voudrais... (se tournant vers Nolini) Vous n’avez pas l’Advent ici? C’est dans l’Advent, ce texte de Sri Aurobindo. Un jour, nous traduirons cela ensemble de l’anglais en français. Il a fait une réflexion merveilleuse sur la logique et la raison 33 ... Et tout cela ne vous a même pas traversé l’esprit — que ce sont des suggestions collectives, et qu’il faut en sortir; non seulement cela ne vous apparaît pas comme un esclavage, mais cela vous apparaît comme une illumination. Eh bien, pas du tout!
Douce Mère, quelquefois nous avons très peur. Que faut-il faire dans ces cas-là ?
Ah! cela dépend de la nature de la peur. Est-ce une peur sans cause, est-ce une peur fondée sur une cause? Parce que le remède diffère.
C’est fondé sur une cause.
Ah!... Par exemple, quand quelqu’un est malade, on a peur d’attraper la maladie...
Non, quelqu’un est mort.
Et on a peur de mourir.
Il y a deux remèdes. Il y en a beaucoup, mais enfin il y en a deux. En tout cas, c’est l’usage d’une conscience plus profonde qui s’impose. Dans un cas, le remède consiste à dire que c’est une chose qui arrivera à tout le monde (prenons-le sur ce planlà), c’est une chose qui arrive à tout le monde et, par conséquent, tôt ou tard, ça arrivera et il n’y a pas de raison d’avoir peur, c’est une chose tout à fait normale. Vous pouvez ajouter à cela une idée de plus, à savoir que, d’après l’expérience (pas la vôtre, mais justement l’expérience humaine collective), les circonstances étant les mêmes, absolument identiques, dans un cas les gens meurent, et dans l’autre ils ne meurent pas — pourquoi? Et si vous poussez la chose encore un peu plus loin, vous vous dites que, après tout, cela doit dépendre de quelque chose qui est tout à fait en dehors de votre conscience — et finalement, on meurt quand on doit mourir. C’est tout. Quand on doit mourir on meurt, et quand on ne doit pas mourir on ne meurt pas. Même si vous êtes dans un danger mortel, si ce n’est pas votre moment de mourir, vous ne mourrez pas, et même si vous êtes hors de tout danger, il suffira de vous piquer le pied pour mourir, parce qu’il y a des gens qui sont morts d’une piqûre d’épingle au pied — parce que leur moment était venu. Par conséquent, la peur n’a pas de sens. Ce que vous pouvez faire, c’est d’arriver à un état de conscience où vous direz : « C’est comme cela, nous acceptons le fait parce qu’il semble reconnu que ce soit un fait inévitable. Mais je n’ai pas besoin de me tourmenter, parce que ça ne m’arrivera que quand ça doit m’arriver. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’avoir peur : quand ça ne doit pas m’arriver, ça ne m’arrivera pas; quand ça doit m’arriver, ça m’arrivera. Et comme cela m’arrivera inévitablement, il vaut mieux que je n’aie pas peur de la chose; au contraire, il faut accepter ce qui est tout à fait naturel. » Ça, c’est un remède qui est très répandu, c’est-à-dire très en usage.
Il y en a un autre, un petit peu plus difficile, mais que je crois meilleur. C’est de se dire : « Ce corps, ce n’est pas moi », et de chercher en soi la partie qui est vraiment soi-même — jusqu’à ce que l’on ait trouvé son être psychique. Et quand on a trouvé son être psychique — instantanément, vous entendez —, on a le sens de l’immortalité. Et on sait que ça, ce qui s’en va ou ce qui vient, c’est seulement une commodité : « Je ne vais pas pleurer après une paire de chaussures que je laisse quand elle est toute trouée! Quand ma paire de chaussures est usée, je la laisse, et je ne pleure pas. » Eh bien, l’être psychique a pris ce corps parce qu’il avait besoin de s’en servir pour faire son travail, mais quand le moment de quitter le corps est venu, c’est-à-dire quand on doit le laisser parce qu’il n’est plus bon à rien pour une raison ou une autre, on le laisse, on n’a pas peur. C’est un geste tout à fait naturel — et que l’on accomplit même sans regret, c’est tout.
Et de la minute où vous êtes dans l’être psychique, vous êtes dans ce sentiment-là, spontanément et sans effort. Vous planez au-dessus de la vie physique et vous avez le sens de l’immortalité. Pour moi, je considère que c’est le meilleur remède. L’autre est un remède intellectuel, de bon sens et de raisonnement. Celui-là est une expérience profonde que l’on peut toujours retrouver de la minute où l’on retrouve le contact avec son être psychique. C’est un phénomène vraiment intéressant parce que c’est automatique : de la minute où vous êtes en rapport avec votre être psychique, vous avez le sens de l’immortalité, d’avoir toujours été et d’être toujours, éternellement. Et alors, ce qui vient et s’en va, ce sont des accidents de la vie, cela n’a pas d’importance. Ça, c’est le meilleur remède. L’autre, c’est le prisonnier qui trouve de bonnes raisons pour accepter sa prison. Ça, c’est celui pour qui il n’existe plus de prison.
Maintenant, il faut aussi savoir une troisième chose, mais pour cela, alors, il faut être un yogi formidable. C’est de savoir que la mort n’est pas une chose inévitable, que c’est un accident qui s’est toujours produit jusqu’à présent (qui en tout cas a l’air de s’être toujours produit jusqu’à présent), et que nous avons mis dans notre tête et dans notre volonté de vaincre cet accident et de le surmonter. Mais ça, c’est une bataille si terrible, si formidable, contre toutes les lois de la Nature, toutes les suggestions collectives, toutes les habitudes terrestres, que, à moins, comme je l’ai dit, d’être un guerrier de première classe et que rien n’effraye, il vaut mieux ne pas commencer la bataille. Il faut être un héros absolument intrépide parce que, à chaque pas et à chaque seconde, on a à livrer une bataille contre tout ce qui est établi. Alors ce n’est pas très commode. Et même individuellement c’est une bataille contre soi-même, parce que (je crois vous l’avoir déjà dit une fois), si vous voulez que votre conscience physique soit dans un état qui permette l’immortalité physique, il faut tellement que vous soyez libre de tout ce que représente maintenant la conscience physique, que c’est une bataille de chaque seconde. Tous les sentiments, toutes les sensations, toutes les pensées, tous les réflexes, toutes les attractions, toutes les répulsions, tout ce qui existe, tout ce qui est le tissu de notre vie physique doit être surmonté, transformé et libéré de toutes ses habitudes. Ça, c’est une bataille de chaque seconde contre des milliers et des millions d’adversaires. À moins que l’on ne se sente un héros, il vaut mieux ne pas essayer. Parce que cette solution-là, eh bien... Je ne sais pas, je crois que l’on m’a posé cette question déjà une fois : « Est-ce que quelqu’un a déjà réussi? » À dire vrai, je n’en sais rien parce que je n’ai pas rencontré cette personne... Je n’ai pas le sentiment que l’on ait réussi encore jusqu’à présent. Mais c’est possible. Seulement, celui ou celle qui l’a fait ne l’a pas déclaré, en tout cas jusqu’à présent.
Les deux autres solutions sont sûres, et à votre portée. Maintenant, il y a un petit remède qui est très, très facile. Parce qu’il est basé simplement sur une petite question de bon sens personnel... Il faut se faire une petite observation, se dire que quand on a peur, c’est comme si la peur attirait la chose dont on a peur. Si vous avez peur de la maladie, c’est comme si vous attiriez la maladie. Si vous avez peur d’un accident, c’est comme si vous attiriez l’accident. Ça, si vous observez un petit peu en vousmême ou autour de vous, vous vous en apercevrez, c’est un fait constant. Alors si vous avez un tout petit peu de bon sens, vous dites : « C’est une maladresse d’avoir peur de quelque chose, parce que justement c’est comme si je faisais un petit signe à cette chose pour qu’elle vienne à moi. » Si j’avais un ennemi qui voulait me tuer, je n’irais pas lui dire : « Tu sais, c’est moi que tu veux tuer! » C’est quelque chose comme cela. Alors, puisque la peur est mauvaise, nous ne l’aurons pas. Et si vous dites que vous ne pouvez pas l’empêcher avec votre raison, eh bien, cela prouve que vous n’avez aucun contrôle sur vous-même et qu’il faut travailler un petit peu à vous contrôler. C’est tout.
Oh! il y a beaucoup de moyens de se guérir de la peur. Mais au fond, chacun trouve son moyen à lui, qui lui est bon. Il y a des personnes à qui il suffirait de dire : « Votre peur est une faiblesse », et immédiatement elles trouveraient le moyen de mépriser la peur parce qu’elles ont horreur de la faiblesse. Il y en a d’autres, on leur dit : « La peur est une suggestion des forces hostiles, il faut la repousser comme vous repoussez les forces hostiles », cela réussit très bien. Pour chacun, c’est autre chose. Mais il faut d’abord savoir que la peur est très mauvaise. C’est une chose très mauvaise, c’est un dissolvant. C’est comme un acide. Si vous en mettez une goutte sur quelque chose, ça ronge la substance. Le premier pas, c’est de ne pas admettre que l’on puisse avoir peur. Ça, c’est le premier pas. J’ai connu des gens qui se vantaient de la peur qu’ils avaient. Ceux-là sont inguérissables. C’est-à-dire qu’ils disaient tout à fait naturellement : « Ah! imaginez-vous, j’avais si peur! » Et puis après! il n’y a pas de quoi se vanter. Avec ceux-là, il n’y a rien à faire.
Mais enfin, quand on reconnaît que la peur n’est pas une chose bonne, ni favorable, ni noble, ni digne d’une conscience un peu éclairée, on commence à lutter. Et je dis : le moyen qui est bon pour l’un n’est pas bon pour l’autre, il faut trouver son propre moyen. Cela dépend de chacun. La peur aussi est une chose terriblement collective et contagieuse — contagieuse, ça s’attrape encore plus que les plus contagieuses de toutes les maladies. Vous respirez une atmosphère de peur, et instantanément vous avez peur, sans même savoir ni pourquoi ni comment ni rien, simplement parce qu’il y avait une atmosphère de peur. Les paniques dans les accidents, ce n’est pas autre chose qu’une atmosphère de peur qui se répand sur tout le monde. Et c’est très guérissable. Il y a eu de nombreux cas où des personnes ont arrêté net une panique simplement parce qu’elles avaient refusé la suggestion et qu’elles avaient pu la contrecarrer par une suggestion opposée. Pour les mystiques, la meilleure guérison, dès que l’on commence à sentir qu’on a peur de quelque chose : on pense au Divin, et puis on se blottit dans Ses bras, ou à Ses pieds, et on Le laisse entièrement responsable de tout ce qui vous arrive, dedans, dehors, partout — et immédiatement la peur cesse. C’est le remède du mystique. C’est le plus facile de tous. Mais tout le monde n’a pas la grâce d’être mystique.
Quelquefois, il y a des forces cachées en nous, que nous ne connaissons pas. Pour faire un travail, comment comprendre si l’on est capable de le faire?
Comment savoir si l’on est capable de le faire! ESSAYER. C’est la meilleure chose. Et si vous ne réussissez pas tout de suite, persévérez. Et il faut savoir que si une inclination, une très forte inclination à faire quelque chose vient en vous, cela veut dire que ce travail a quelque chose à faire avec vous, et que vous êtes capable de le faire. Mais on peut avoir des pouvoirs qui sont si bien cachés qu’il faut creuser longtemps avant de les trouver. Alors il ne faut pas se décourager à la première défaite, il faut continuer.
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