Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
« Chaque homme a sa manie, son mot d’ordre préféré; chacun pense qu’il est libre de tel ou tel préjugé, dont les autres sont affublés, et il est prêt à condamner de telles notions comme tout à fait fausses; mais en même temps, il s’imagine que les siennes ne sont pas du tout du même genre; les siennes sont pour lui la vérité, la vraie vérité.
« L’attachement à une règle mentale est l’indication d’un aveuglement qui se cache encore quelque part. »
(Entretien du 19 mai 1929)
Est ce que les superstitions sont des règles mentales?
Non, pas des règles, mais des formations mentales. Généralement, l’origine d’une superstition est une expérience. Par exemple, il y a une superstition en Europe, et l’on vous dit : « Ne passez jamais sous une échelle, il vous arrivera malheur. » Il est probable que quelqu’un a passé sous une échelle, que l’échelle a glissé et lui est tombée dessus, et l’histoire part comme cela. Il se peut que ce soit une expérience répétée parce que, en effet, si une échelle est mal placée, si vous passez dessous et qu’elle tombe à ce moment-là, cela fait un malheur! Il y a d’innombrables superstitions comme cela. Cela dépend des pays, d’ailleurs; ce sont des choses très locales et on peut même trouver des superstitions contradictoires dans des pays différents. Il y a des pays où si vous voyez un chat noir, c’est le signe qu’il va arriver une catastrophe. Il y a d’autres pays, si vous voyez un chat noir, cela veut dire qu’il va arriver quelque chose de très bien! Si vous mettez les choses ensemble, vous pourrez arriver à la conclusion qu’il ne vous arrivera rien du tout! C’est comme cela. Presque toutes les superstitions sont le résultat d’une expérience tout à fait locale, occasionnelle, exceptionnelle, et qui est érigée en principe mental. C’est une formation mentale, ce n’est pas une règle.
Maintenant, il y a d’autres cas comme, par exemple, un grand nombre de règles religieuses qui sont uniquement fondées sur des principes d’hygiène, sur une connaissance médicale, et qui ont été érigées en principes religieux parce que c’était le seul moyen de les faire observer. Si l’on ne vous dit pas que « le Dieu veut » que vous fassiez comme ceci, comme cela, on ne le fait pas, la majorité des gens ordinaires ne le font pas. Par exemple, cette chose très simple de se laver les mains avant de manger; dans les pays qui ont une civilisation peu scientifique, il y a des gens qui ont découvert qu’en effet il était probablement plus hygiénique de se laver les mains avant! S’ils n’avaient pas fait une règle religieuse, s’ils n’avaient pas dit que « le Dieu voulait » qu’on se lave les mains avant de manger, autrement c’était une offense qu’on lui faisait, les gens auraient dit : « Oh! mais non, pas aujourd’hui, demain. Je n’ai pas le temps, je suis pressé! » Tandis que comme cela il y a cette peur constante derrière les gens, qu’il vous arrivera malheur à cause de la colère divine. C’est aussi une superstition, une grosse superstition.
Ils font les choses parce qu’on leur dit de les faire. Il y a toute une catégorie de religions — ainsi la religion chaldéenne — qui défend de manger du porc. Ils disent que c’est tout à fait impur et que vous serez impurs si vous en mangez. La vérité est que dans ces pays (parce que ce sont des pays chauds), la viande de cochon est remplie de petits vers qu’on absorbe avec la viande, même si elle est cuite. Il faut la cuire extrêmement longtemps pour tuer les vers. Et alors ces petits vers résistent à une cuisson ordinaire et ils s’installent dans votre estomac ou votre intestin, et puis ils florissent là et finissent même quelquefois par vous tuer, en tout cas par vous rendre très malade. Ce sont des vers particuliers à ce genre de viande. Alors si l’on explique cela aux gens, ils ne comprennent pas; ils n’ont aucune notion médicale, scientifique ou hygiénique et cela ne les intéresse pas du tout : « Ah! mais ce n’est pas cher, c’est de la viande bon marché! on verra bien ce qui arrivera. » Ce qui arrivera, c’est qu’au bout de quelque temps, ils auront des douleurs terribles dans leur intestin, et puis ils deviendront de plus en plus maigres et ils mangeront de plus en plus, d’une façon tout à fait inutile; ils ne sauront pas ce qui est arrivé; ils seront simplement dévorés par des vers. Mais si on leur dit : « Ne faites pas ça, le Dieu sera furieux et vous punira », cela suffit. Ils ne le feront pas.
Une autre question?
(Question) « Il a été dit que lorsque l’on ouvre la porte au yoga, on a immédiatement à faire face à une multi tude d’obstacles.
(La Mère) « Ce n’est pas une règle absolue; cela dépend surtout de la personne. Pour beaucoup, les circonstances adverses viennent mettre à l’épreuve les points faibles de leur nature. L’égalité d’âme est la base indispensable du yoga ; elle doit être bien établie avant que l’on puisse avancer librement sur le chemin. Il va de soi que, de ce point de vue, tous les ennuis sont des épreuves qu’il faut passer. Mais ils sont nécessaires aussi pour jeter bas les limites que vos constructions mentales ont dressées autour de vous et qui vous empêchent de vous ouvrir à la Lumière et à la Vérité. »
Quand nous venons à la vie spirituelle avec une as piration, est ce que nous pouvons être attaqués par les forces adverses?
Tout le monde, sans exception.
Qui ont l’apparence très gentille?
Quelquefois, oui. Quelquefois, ce sont les plus dangereuses.
Mais comment savoir?
Ah! le moyen le plus facile, quand on a un guru, c’est d’aller le lui demander. C’est à la portée de tous. Il suffit d’avoir la foi dans son guru, d’aller le trouver, lui demander — il vous le dira, parce que lui, il sait.
Si vous n’avez pas de guru, alors c’est un peu plus difficile, parce que ces forces sont très habiles : elles ne prennent pas l’apparence de catastrophe, de misère ou de méchanceté parce que, immédiatement, on saurait, on ne se laisserait pas prendre; généralement, elles viennent avec les apparences d’un ami. Si vous êtes très sincère, vous vous apercevez bientôt de quelques petites indications, comme de petites suggestions pour satisfaire votre vanité, ou pour éveiller en vous des doutes, ou pour vous rendre un peu inconscient de ce qu’il faut faire exactement — des toutes petites choses. Si vous êtes très sincère, vous les voyez; surtout si vous êtes assez vigilant pour ne pas vous laisser tromper par des compliments ou des tentatives qui vous encouragent dans ces satisfactions d’amour-propre. Les choses qui donnent juste un petit encouragement à votre vanité, c’est le signe le plus certain; quelque chose qui vous fait penser : « Après tout, je ne suis pas si mal. Tout ce que je fais, je le fais bien. Ma tentative est très méritoire. Ma sincérité est à l’abri de tout reproche », etc. On devient de plus en plus satisfait, et là, alors vous pouvez être sûr. Mais même là, cela ne prend pas toujours ces formes. Il y a d’autres choses, cela dépend des gens. Pour les uns, c’est cela ; pour d’autres, elles éveillent des idées de grandeur : « Si je continue comme cela, je deviendrai un grand yogi. J’aurai de grands pouvoirs. Je ferai de belles œuvres. Comme je vais bien servir le Divin, comme il sera content de moi! » C’est très dangereux. Il y a tout l’opposé aussi : « Après tout, peut-être que je ne suis bon à rien. Est-ce la peine que je fasse un effort? Rien ne sortira de cet effort. Est-ce que je suis capable de vie spirituelle? Probablement je ne ferai jamais rien. Je renonce à des choses tangibles pour un rêve irréalisable. Et qu’est-ce que je suis après tout? Un grain de poussière. Est-ce que c’est la peine que je fasse un effort pour trouver le Divin? Je ne trouverai probablement rien du tout et tous mes efforts sont en vain. » Cela, c’est beaucoup plus dangereux. Je pourrais vous citer des centaines d’exemples comme cela.
Il n’y a qu’une chose qui peut vous sauver vraiment, c’est si vous avez un contact, même un tout petit contact avec votre être psychique; que vous ayez senti la solidité de ce contact-là. Et alors, ce qui vous vient de cette personne ou de cette circonstance, vous le mettez en face de cela et vous voyez si ça va ou si ça ne va pas. Même si vous êtes satisfait — de toute manière —, même si vous vous dites : « Enfin, j’ai trouvé l’ami que je voulais avoir. Je suis dans les meilleures circonstances de ma vie », etc., alors mettez cela en face de ce tout petit contact-là avec votre être psychique, vous verrez si ça garde sa couleur brillante ou si, tout d’un coup, il y a un petit malaise — pas grand, rien qui fasse beaucoup de bruit, seulement un tout petit malaise comme ça. Vous n’êtes plus si sûr que ce soit comme vous pensiez! Alors vous savez : c’est ça, c’est cette petite voix-là qu’il faut écouter toujours. C’est celle-là qui est la vérité, et l’autre ne pourra plus vous troubler.
Si vous venez à la vie spirituelle avec une aspiration sincère, quelquefois il vous arrive une avalanche de choses désagréables : vous vous querellez avec vos meilleurs amis, votre famille vous renvoie de la maison avec des coups de pied, vous perdez de ce que vous aviez cru acquérir... J’ai connu quelqu’un qui était venu dans l’Inde après une grande aspiration et un très long effort vers la connaissance et même vers le yoga. C’était il y a très longtemps de cela. En ce temps-là, on portait des chaînes de montre et des petits objets. Ce monsieur-là avait un petit crayon en or que sa grand-mère lui avait donné et auquel il tenait comme à la chose la plus précieuse du monde. C’était attaché à sa chaîne. Quand il a débarqué dans l’un des ports — à Pondichéry, ou peut-être dans l’Inde ou peut-être à Colombo, je crois que c’était à Colombo —, on débarquait dans des barques, et les barques vous menaient au rivage. Et alors il a fallu qu’il saute de l’escalier du bateau dans la barque. Il a fait un faux pas; il s’est rattrapé tant bien que mal, mais il a fait un mouvement brusque : le petit crayon d’or est tombé dans la mer. Il est entré tout droit au fond. Le monsieur a eu d’abord un gros chagrin, puis il s’est dit : « Tiens, c’est l’effet de l’Inde : on me libère de mes attachements... » C’est pour les gens très sincères que cela prend cette forme. Au fond, les avalanches d’ennuis c’est toujours pour les gens sincères. Les gens qui ne le sont pas reçoivent les choses qui ont les plus jolies petites couleurs brillantes comme ça pour bien tromper, et puis finalement, pour qu’ils puissent trouver qu’ils se trompent! Mais quand on a de gros ennuis, cela prouve que l’on a déjà atteint un certain degré de sincérité.
Ici, tu as dit : « Quand on se tourne vers le Divin, il faut faire table rase de toutes les conceptions mentales; mais en général, au lieu de le faire, on jette toutes ses conceptions sur le Divin et l’on veut que le Divin leur obéisse. » (Entretien du 19 mai 1929)
Ici, tu as dit : « Quand on se tourne vers le Divin, il faut faire table rase de toutes les conceptions mentales; mais en général, au lieu de le faire, on jette toutes ses conceptions sur le Divin et l’on veut que le Divin leur obéisse. »
Oui, tout le monde — tout le temps, constamment. Si le Divin n’est pas comme vous le comprenez, eh bien, ce n’est pas le Divin. S’il ne fait pas ce que vous voulez, s’il n’agit pas comme vous le concevez, s’il n’a pas le caractère que vous lui prêtez, ce n’est pas le Divin : « Je te reconnais comme le Divin si tu fais exactement ce que je veux que tu fasses! » Naturellement, on n’est pas assez sincère pour se le dire, mais c’est comme cela. Je pourrais vous donner des millions d’exemples — pas des centaines : des millions. Et il n’y en a pas un d’entre vous qui ne le fasse inconsciemment. C’est une règle, n’est-ce pas, on dit : « Oui, je suis tout à fait prêt à me soumettre au Divin et à faire sa volonté, à reconnaître sa présence et son action, à condition que ce soit comme ça et comme ça, qu’il pense comme ça, qu’il sente comme ça, qu’il agisse comme ça », etc. À la première occasion, je vous montrerai un petit exemple suspendu à un fil. Ça ne manquera pas. Ça viendra bientôt, un de ces jours. Voilà.
« ... le pouvoir sur l’argent est maintenant sous l’influence ou entre les mains des forces et des êtres du monde vital. C’est à cause de cette influence que jamais on ne voit l’argent aller en sommes considérables à la cause de la vérité. Toujours il se fourvoie, car il est sous la griffe des forces hostiles et c’est un de leurs principaux moyens de garder leur emprise sur la terre. La mainmise des forces hostiles sur le pouvoir de l’argent est puissamment, complètement et soigneusement organisée, et c’est une tâche des plus difficiles que d’extraire quoi que ce soit de cette compacte organisation. Chaque fois que l’on essaye de retirer un peu d’argent à ses gardiens actuels, on doit livrer une bataille féroce. » (Entretien du 12 mai 1929)
« ... le pouvoir sur l’argent est maintenant sous l’influence ou entre les mains des forces et des êtres du monde vital. C’est à cause de cette influence que jamais on ne voit l’argent aller en sommes considérables à la cause de la vérité. Toujours il se fourvoie, car il est sous la griffe des forces hostiles et c’est un de leurs principaux moyens de garder leur emprise sur la terre. La mainmise des forces hostiles sur le pouvoir de l’argent est puissamment, complètement et soigneusement organisée, et c’est une tâche des plus difficiles que d’extraire quoi que ce soit de cette compacte organisation. Chaque fois que l’on essaye de retirer un peu d’argent à ses gardiens actuels, on doit livrer une bataille féroce. »
(Entretien du 12 mai 1929)
Quelle est la situation de l’argent maintenant? Est ce que ces êtres ont un grand pouvoir sur l’argent?
Oui, ça continue. Ça continue, ce n’est pas mieux. D’ailleurs, la condition à remplir n’est pas remplie 11. Alors on ne peut pas espérer que ce soit mieux. Pas plus tard que ce matin, je me plaignais (enfin, je me plaignais, c’est une façon de parler, c’est pour me faire comprendre), je me disais : pour faire ce que nous voulons faire, nous avons besoin de beaucoup d’argent — beaucoup, n’est-ce pas, pas seulement un peu d’argent. Et alors je me suis dit : ce n’est pas, pourtant, que l’argent manque, il y a beaucoup d’argent dans le monde. Il y a même des gens qui en ont tellement qu’ils ne savent pas quoi en faire. Mais il ne leur viendrait jamais à l’esprit de le donner pour l’Œuvre divine... Ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas, parce qu’il y a toujours moyen de savoir quand on veut savoir. Quand il nous vient l’idée : « Je veux faire de mon argent l’usage le plus utile » (et le plus utile, non pas seulement au point de vue de ce que le monsieur ou la dame conçoivent comme étant utile), eh bien, on peut toujours trouver. Généralement (il y a des exceptions), généralement ces gens qui ont beaucoup d’argent mettent une condition : il faut que ça leur rapporte au moins une satisfaction. Il faut qu’il y ait un mérite — qu’ils donnent, mais qu’ils gagnent quelque chose. Si ce ne sont pas des gens d’affaire et qu’ils ne donnent pas leur argent pour en gagner davantage, si ce sont des philanthropes, par exemple, qui veulent donner de l’argent pour aider l’humanité à faire des progrès, ils veulent toujours, plus ou moins consciemment (mais généralement très consciemment), ils veulent toujours que ça leur rapporte de la gloire, une sorte de satisfaction d’amour-propre. Ils donnent de l’argent pour la fondation d’une école : l’école portera leur nom. Ils bâtissent un monument quelque part : il faudra que l’on dise que Monsieur Untel a donné l’argent, et ainsi de suite... Il y avait un temps où j’étais en train de construire Golconde 12 ; il y a eu des gens qui se sont approchés de moi, ou qui en ont envoyé d’autres vers moi, pour me dire : « Je suis disposé à vous donner tant ou tant, mais il faut que vous mettiez dans une chambre une plaque de marbre sur laquelle il est écrit : « Cette chambre a été construite par le don de Monsieur Untel. » Alors j’ai dit : « Je regrette, je peux vous faire des plaques de marbre, mais avec cela je paverai mon sous-sol ! » C’est comme cela.
Il y a des exceptions, comme il y a des exceptions à toutes les règles; mais enfin je ne peux pas dire que spontanément, librement, sans effort, l’argent aille là où l’on peut en faire le plus de choses utiles, non. Le maximum de bonne volonté, c’est de donner de l’argent à quelque chose que l’on comprend bien (qui est facile à comprendre aussi), pour construire un hôpital, par exemple, ou ouvrir une crèche pour les petits enfants. Ce sont toutes les œuvres de bonne volonté que les humains comprennent. Mais si on leur dit que l’on veut changer la conscience humaine et que l’on veut créer un nouveau monde, oh! la première chose qu’ils disent : « Pardon! ne parlez pas de Divin, parce que si c’est le Divin qui fait l’œuvre, eh bien, c’est le Divin qui vous en donnera les moyens et vous n’avez plus besoin de notre aide. » J’ai entendu des gens me dire : « Si vous représentez le Divin sur la terre, vous pouvez faire ce que vous voulez; nous n’avons pas du tout besoin de vous donner quelque chose. » Et combien d’entre vous sont libres de cette idée-là (d’un arrière-goût de cette idée-là) : le Divin est toutpuissant, par conséquent le Divin peut faire ce qu’il veut?
Ça, c’est le premier argument, c’est la théorie. Le Divin est tout-puissant, il peut faire ce qu’il veut; par conséquent il n’a besoin de l’aide de personne. Et si vous poussez votre idée assez loin, vous verrez que si, vraiment, dans ce monde-ci, le Divin est tout-puissant et qu’il fait toujours ce qu’il veut, eh bien, moi, je dis que c’est le plus grand monstre qu’il y ait dans l’univers! Parce que quelqu’un qui serait tout-puissant et qui ferait le monde tel qu’il est, en regardant avec un sourire les gens souffrir, être misérables, et qui trouverait ça très bien, moi, je l’appelle un monstre. C’était le genre de choses auxquelles je pensais quand j’avais cinq ans. Je me disais : « Ce n’est pas possible, ce qu’on apprend là n’est pas vrai ! » Maintenant, comme vous avez l’esprit un petit peu plus philosophique, je vous apprendrai à sortir de la difficulté. Mais d’abord, il faut que vous compreniez que cette idée-là est une idée enfantine. Je fais simplement appel à votre bon sens : vous faites de votre Divin une personne (parce que comme cela vous le comprenez mieux). Vous faites de lui une personne. Et puis cette personne a organisé quelque chose (la terre, c’est très grand, c’est difficile à comprendre — mettez n’importe quoi : une chose), et alors cette chose, elle l’a organisée avec le plein pouvoir de faire exactement comme elle veut. Et dans cette chose — qu’elle a faite avec le plein pouvoir de faire ce qu’elle veut —, il y a l’ignorance, la stupidité, la mauvaise volonté, la crainte, la jalousie, l’orgueil, la méchanceté, et puis la souffrance, la maladie, le chagrin, toutes les douleurs; et un ensemble de gens qui ne peuvent pas dire qu’ils ont peut-être plus de quelques minutes de bonheur dans une journée et le reste est un état neutre, comme ça, qui passe comme une chose qui est morte — et vous appelez cela une création, vous!... Moi, j’appelle cela quelque chose comme un enfer! Et celui qui ferait ça volontairement, et qui non seulement le ferait, mais le regarderait et dirait : « Ah ! c’est très bien », comme on vous le raconte dans certains livres religieux, qu’après avoir fait le monde tel qu’il est, le septième jour il l’a regardé et il était très content de son travail et il s’est reposé... Eh bien, cela, non ! Je n’appelle pas cela un Dieu. Ou bien alors, faites comme Anatole France et dites que le Dieu est un démiurge et le plus terrible de tous les êtres.
Mais il y a un moyen de sortir de la difficulté. (À l’enfant) Tu le sais, toi, le moyen? Si, si, tu le sais! Vous verrez que toute cette conception et cette idée que vous avez est fondée sur une chose, une entité que vous appelez Dieu, et un monde que vous appelez sa création, et ce sont, croyez-vous, deux choses différentes, l’une ayant fait l’autre, et l’autre étant soumise à la première et étant l’expression de ce que la première a fait. Eh bien, c’est cela, l’erreur initiale. Mais si vous pouviez sentir profondément qu’il n’y a pas de division entre ce quelque chose que vous appelez Dieu et ce quelque chose que vous appelez la création; si vous vous disiez : « C’est exactement la même chose », et si vous arriviez à sentir que ce que vous appelez Dieu (peut-être est-ce simplement un mot), ce que vous appelez Dieu, quand vous souffrez il souffre, quand vous ignorez il ignore, et que c’est à travers toute cette création, petit à petit, pas à pas, qu’il se retrouve lui-même, qu’il s’unit à lui-même, qu’il se réalise lui-même, qu’il s’exprime lui-même, et que ce n’est pas du tout quelque chose qu’il a voulu d’une façon arbitraire et qu’il a fait d’une façon autocratique, mais que c’est l’expression croissante, se développant de plus en plus, d’une conscience qui s’objective à elle-même... Alors il n’y a plus autre chose que le sens d’une avance collective vers une réalisation plus totale, une prise de connaissance-conscience de soi — pas autre chose que cela —, une prise de connaissance-conscience de soi progressive, dans une unité totale qui reproduira intégralement la Conscience première.
Cela change le problème.
Seulement, c’est un peu difficile à comprendre, et puis il faut faire un progrès de plus. Au lieu d’être comme le petit enfant qui se met à genoux, qui joint les mains et qui dit : « Mon Dieu, je T’en prie, fais-moi bien sage pour que je ne fasse jamais de peine à ma maman »... Ça, c’est très facile et, ma foi, je ne peux pas dire que ce soit mauvais. C’est très bon. Seulement il y a des enfants avec qui cela ne marche pas, parce qu’ils disent : « Pourquoi est-ce que je Te demande que je sois sage? Tu devrais me faire sage sans que j’aie besoin de Te le demander. Autrement Tu n’es pas gentil ! »... C’est très bon quand on a le cœur simple et que l’on ne pense pas beaucoup, mais quand on commence à penser, cela devient plus difficile. Mais si vous aviez à côté de vous quelqu’un pour vous dire : au lieu de cela, au lieu d’allumer une bougie et de te mettre à genoux devant avec tes mains comme ça, allume une flamme dans ton cœur, et puis aie une grande aspiration vers « quelque chose de plus beau, de plus vrai, de plus noble, de meilleur que tout ce que je connais; je demande que demain, toutes ces choses, je commence à les connaître, tout ce que je ne peux pas faire, je commence à le faire — et tous les jours un peu plus ». Et alors, si l’on objective un peu, si, pour une raison quelconque, on a été mis en présence de beaucoup de misères dans le monde, si on a des amis qui sont malheureux ou des parents qui souffrent, ou des difficultés, n’importe quoi, alors on demande que toute la conscience puisse s’élever ensemble vers cette perfection qui doit se manifester, et que toute cette ignorance qui a rendu le monde si malheureux puisse se changer en une connaissance éclairée, et que toute cette mauvaise volonté puisse s’illuminer et se transformer en bienveillance. Et alors, dans la mesure de ce que l’on peut, de ce que l’on comprend, on souhaite de tout son cœur; et ma foi, cela peut prendre la forme d’une prière, on peut demander — demander à quoi? — demander à ce qui sait, demander à ce qui peut, demander à tout ce qui est meilleur et plus puissant que soi, d’aider à ce que ce soit comme cela. Et comme ces prières-là seraient jolies!
Mes enfants, dans cinq ans je vous ferai des cours de vie spirituelle. Je vous donne cinq ans pour vous préparer. Ce que je vous dis maintenant, c’est juste un petit peu comme ça, comme on allume une petite bougie pour vous donner une idée de ce que c’est que la lumière. Mais je veux que nous arrivions tous à ne pas répéter et redire indéfiniment toutes les sornettes qui se disent dans le monde chaque fois qu’on se tourne vers quelque chose d’autre que la vie ordinaire. De même que j’ai parlé ici, dans ce livre, de la confusion que l’on fait entre l’ascétisme et la vie spirituelle 13 , eh bien, un jour, je vous parlerai de la confusion que l’on fait entre ce qu’on appelle Dieu et ce que, moi, j’appelle le Divin. Ce sera pour plus tard.
Il est 9h 20. Il est temps de finir.
La prochaine fois, nous parlerons de la santé et de la maladie, et je confondrai tous les gens qui sont attachés par des chaînes de fer à leur maladie et qui ne veulent pas la laisser partir! Je leur donnerai des ciseaux pour couper leurs chaînes.
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