Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
« La force qui descend en celui qui fait un yoga et l’aide dans sa transformation, agit de bien des façons, et les résultats diffèrent suivant la nature qui la reçoit et le travail qui est à faire. Tout d’abord, elle hâte dans l’être la transformation de tout ce qui est prêt à changer. Si c’est dans son mental qu’il est ouvert et réceptif, le men tal, touché par la puissance du yoga, se met à progresser rapidement. La même promptitude de changement peut se produire dans la conscience vitale si elle est prête, ou même dans le corps. Mais dans le corps, le pouvoir trans formateur du yoga agit seulement jusqu’à un certain point, car la réceptivité du corps est limitée. La condition de la région la plus matérielle de l’univers est encore telle que la réceptivité y est largement mélangée de résistance. Un rapide progrès d’une partie de l’être, qui n’est pas suivi d’un progrès équivalent des autres parties, produit un désaccord dans la nature, une dislocation quelque part; et partout où cette dislocation se produit, elle peut se traduire par une maladie. La nature de la maladie dépend de la nature de la dislocation. » (Entretien du 16 juin 1929)
« La force qui descend en celui qui fait un yoga et l’aide dans sa transformation, agit de bien des façons, et les résultats diffèrent suivant la nature qui la reçoit et le travail qui est à faire. Tout d’abord, elle hâte dans l’être la transformation de tout ce qui est prêt à changer. Si c’est dans son mental qu’il est ouvert et réceptif, le men tal, touché par la puissance du yoga, se met à progresser rapidement. La même promptitude de changement peut se produire dans la conscience vitale si elle est prête, ou même dans le corps. Mais dans le corps, le pouvoir trans formateur du yoga agit seulement jusqu’à un certain point, car la réceptivité du corps est limitée. La condition de la région la plus matérielle de l’univers est encore telle que la réceptivité y est largement mélangée de résistance. Un rapide progrès d’une partie de l’être, qui n’est pas suivi d’un progrès équivalent des autres parties, produit un désaccord dans la nature, une dislocation quelque part; et partout où cette dislocation se produit, elle peut se traduire par une maladie. La nature de la maladie dépend de la nature de la dislocation. »
(Entretien du 16 juin 1929)
Pourquoi la réceptivité du corps est-elle limitée?
Parce que, dans le monde physique, pour que les choses ne se mélangent pas, il a fallu qu’il soit un peu fixe. Si, par exemple, votre corps était si subtil et plastique que tout d’un coup il se mette à fondre comme cela, devant quelqu’un d’autre, ce serait ennuyeux ! Ou quand vous vous approchez, si cela se mélangeait, ce serait assez désagréable! Alors, à cause de cela, il y a eu une concentration plus grande, une sorte de fixité dans la force 24 pour séparer (vraiment c’est pour séparer) une individualité d’une autre individualité. Et cette fixité, c’est justement ce qui empêche le corps de progresser aussi rapidement qu’il pourrait et devrait le faire. Et à mesure que l’on devient plus grand, que l’on a atteint sa taille normale et sa constitution normale, on devient encore plus rigide. Parce que les enfants ont cette plasticité de croissance, ils sont tout le temps, tout le temps à changer, ils sont visiblement à changer. Alors, tant qu’ils sont jeunes et qu’ils sont en croissance et en développement, ils ont une certaine plasticité en eux ; mais quand on a dépassé quarante ans — et comme généralement dans la vie on s’assoit et on pense qu’on est arrivé et qu’on va récolter le fruit de ses efforts —, alors on devient aussi sec et dur que du bois, d’abord, et finalement que de la pierre. Et comme le corps ne peut plus du tout s’adapter au mouvement de transformation intérieure, il traîne, il vieillit et il ne peut plus suivre. Alors ça se dessèche.
Après la mort, l’être intérieur progresse-t-il encore?
Cela dépend tout à fait des cas. Pour chacun, c’est différent. Il y a des gens — par exemple des écrivains, des musiciens, des artistes —, des gens qui ont vécu sur des hauteurs intellectuelles, qui ont le sentiment d’avoir encore quelque chose à faire, qu’ils n’ont pas terminé ce qu’ils avaient entrepris, qu’ils ne sont pas arrivés au but qu’ils s’étaient fixé, ceux-là sont prêts à rester dans l’atmosphère terrestre autant qu’ils le peuvent, avec une cohésion aussi grande que possible, et ils cherchent à se manifester et à progresser en d’autres formes humaines. J’ai vu beaucoup de cas comme cela, j’ai vu le cas très intéressant d’un musicien qui était pianiste (pianiste de très grande valeur), qui avait des mains qui étaient une merveille d’habileté, d’exactitude, de précision, de force, de rapidité de mouvement, enfin c’était tout à fait remarquable. Cet homme est mort relativement jeune avec le sentiment que, s’il avait continué à vivre, il aurait continué à progresser dans son expression musicale. Et l’intensité de l’aspiration était telle que des mains subtiles sont restées formées sans se dissoudre et chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un d’un peu passif, un peu réceptif et bon musicien, ses mains entraient dans les mains de ceux qui jouaient — la personne qui jouait à ce moment-là pouvait jouer bien mais d’une façon ordinaire, et elle devenait à ce moment-là, non seulement une virtuose mais une artiste merveilleuse pendant le temps qu’elle jouait. C’étaient les mains de l’autre qui se servaient d’elle. C’est un phénomène que je connais. J’ai vu la même chose pour un peintre : c’étaient aussi des mains. La même chose pour certains écrivains, et là, c’était le cerveau qui se gardait dans une forme assez précise et pénétrait le cerveau de celui qui était suffisamment réceptif, et lui faisait tout d’un coup écrire des choses extraordinaires, infiniment plus belles que tout ce qu’il écrivait avant. J’ai vu cela prendre quelqu’un. J’ai vu cela pour un compositeur de musique — pas ceux qui exécutent : ceux qui composent, comme Beethoven, comme Bach, comme César Franck (mais César Franck exécutait aussi). C’est une activité très cérébrale, la composition de la musique; eh bien, là aussi, le cerveau d’un grand musicien entrait en contact avec celui qui était en train d’écrire un opéra et lui faisait composer des choses merveilleuses et organisait sur le papier toutes les parties. Il était en train d’écrire un opéra — et c’est extrêmement complexe pour les exécutants qui doivent évoquer dans la musique la pensée de celui qui a composé —, et cet homme (je le connaissais), quand il recevait cette formation, il avait un papier blanc devant lui et puis il se mettait à écrire; je l’ai vu écrire comme cela des lignes, puis quelques chiffres, une grande, grande page, et quand il était arrivé en bas, l’orchestration de l’ouverture (par exemple d’un certain acte) était terminée (orchestration veut dire attribution de certaines lignes de musique à chacun des instruments). Et il faisait cela simplement sur un papier, simplement par ce pouvoir mental merveilleux. Et ce n’était pas seulement le sien : ça lui venait d’un esprit musical qui s’incarnait en lui... Pendant le temps où j’étais là, je l’ai vu écrire une page comme cela, devant moi, il lui a fallu environ une demiheure, trois quarts d’heure. Et il avait une telle réputation que même de grands musiciens très connus lui apportaient leurs œuvres pour qu’il les orchestre. Il le faisait mieux que n’importe qui, et comme cela, sur son papier — il n’avait pas besoin d’entendre ni de rien. Après, on essayait : c’était toujours très bien. Il y avait tant de violons, tant de violoncelles, tant d’altos, tous les instruments... les uns jouaient cela, les autres jouaient ça, d’autres jouaient autre chose, ou quelquefois c’était ensemble, quelquefois c’était l’un après l’autre (c’est très compliqué, ce n’est pas une chose simple), eh bien, là-dedans, en jouant, en entendant, ou même en lisant, quelquefois il prenait la partition et il lisait, il savait quelles étaient les notes qui devaient être attribuées à tel instrument, quelles étaient les notes qui devaient être jouées par un autre, et ainsi de suite. Et il avait très clairement le sentiment de quelque chose qui entrait en lui et qui l’aidait.
Ces êtres qui veulent se manifester, quand ils naissent encore une fois, est ce qu’ils gardent le même désir?
Non, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas l’être tout entier, c’est la faculté spéciale qui reste dans l’atmosphère terrestre, qui ne s’en va pas, qui ne la quitte pas, qui reste dans l’atmosphère terrestre pour continuer à se manifester. Mais l’être psychique peut très bien retourner dans le monde psychique, et c’est l’être psychique qui se réincarne. Je vous ai expliqué l’autre jour qu’avant de quitter un corps physique, l’être psychique décidait le plus souvent quelle serait sa prochaine réincarnation, le milieu dans lequel il naîtrait et quelle serait son occupation, parce qu’il a besoin d’un certain champ d’expérience. Alors, il peut arriver que les plus grands écrivains ou les plus grands musiciens s’incarnent une autre fois, par exemple, dans un imbécile quelconque. Alors on dit : « Comment! ce n’est pas possible! » Naturellement ce n’est pas toujours comme cela, mais ce peut être comme cela. Il y avait un cas où c’était le contraire : c’était un exécutant de violon, le plus merveilleux du siècle... (Mère cherche à se souvenir) Tiens, je savais son nom, et puis c’est parti — c’est revenu, c’est reparti. Comment s’appelaitil?... Ysaye! C’était un Belge et un violoniste, vraiment le plus merveilleux de l’époque. Eh bien, cet homme-là avait en lui très certainement une réincarnation de Beethoven. Peut-être pas une réincarnation de son être psychique tout entier, mais en tout cas de sa capacité musicale. Il avait l’apparence, il avait la tête de Beethoven. Et je l’ai vu, je l’ai entendu (je ne le connaissais pas, je ne savais rien, j’étais à un concert à Paris, et on donnait le concerto en ré majeur), je l’ai vu arriver sur la scène pour jouer et j’ai dit : « Tiens, c’est étrange comme cet homme ressemble à Beethoven, c’est vraiment le portrait de Beethoven! » Puis ça a juste commencé par un coup d’archet, trois notes, quatre notes... Tout était changé, l’atmosphère était changée. Tout était devenu absolument merveilleux. Trois notes, c’est parti avec une puissance, une grandeur, c’était tellement merveilleux, plus rien ne bougeait, on attendait. Et il a joué cela d’un bout à l’autre d’une façon absolument unique, avec une compréhension que je n’ai rencontrée chez aucun autre exécutant. Et alors, j’ai vu que le génie musical de Beethoven était en lui... Mais peut-être l’être psychique de Beethoven s’estil incarné dans un cordonnier, ou n’importe, on ne sait pas! Il voulait avoir un autre genre d’expérience.
Parce que, ce que j’ai vu dans cet homme-là, c’était une formation qui appartenait au monde terrestre et qui était mentale-vitale; et comme Beethoven avait discipliné tout son être mental et vital et physique autour de sa capacité musicale, c’était resté en forme, c’était vivant, et cela s’était réincarné tel quel dans cet homme-là — mais pas nécessairement l’être psychique de Beethoven. Dans sa première vie, c’était l’être psychique de Beethoven qui avait formé ces êtres-là, l’être psychique qui les avait disciplinés autour de la création musicale; mais quand il est mort, il n’est pas du tout dit que l’être psychique soit resté là. Suivant les règles habituelles, l’être psychique a dû retourner au psychique. Mais ça, c’était formé, ça avait sa vie propre, indépendante, existant en soi. Et c’était formé pour une certaine manifestation, et ça restait pour se manifester. Et dès que cela trouvait un instrument approprié, ça entrait là pour se manifester.
Un être psychique peut-il se réincarner en deux corps?
Ce n’est pas tout à fait si simple que cela... L’être psychique est le résultat de l’évolution, c’est-à-dire de la Conscience divine qui s’est répandue dans la matière et qui, peu à peu, a soulevé la matière et l’a fait croître pour retourner vers le Divin. L’être psychique a été formé par ce centre divin, progressivement, à travers toutes les incarnations. Arrive un moment où il a atteint une sorte de perfection, la perfection de sa croissance et de sa formation. Et alors, le plus souvent, comme il a une aspiration à la réalisation, à une perfection plus grande pour manifester mieux le Divin, généralement il attire à lui un être de l’involution, c’està-dire l’une des entités qui appartiennent à ce que Sri Aurobindo appelait l’Overmind, le Surmental, et qui vient s’incarner dans cet être psychique. Ce peut être une de ces entités que les hommes généralement appellent des dieux, des divinités quelconques. Et quand cette fusion se produit, l’être psychique naturellement est magnifié et il participe à la nature de cet être qui s’est incarné en lui. Et alors, il a le pouvoir de faire des émanations.
Ces êtres ont le pouvoir de faire des émanations, c’est-à-dire qu’ils projettent hors d’eux-mêmes une partie d’eux-mêmes, qui devient indépendante et qui va s’incarner en d’autres êtres. Alors, non seulement deux, mais trois, mais quatre, mais cinq émanations peuvent se produire. Cela dépend des cas, ça peut arriver comme cela. C’est-à-dire que l’on peut avoir la même origine, psycho-divine pourrions-nous dire. Et généralement, quand il y a de nombreuses émanations, les différentes personnes se sentent être cela avec juste raison, parce qu’elles portent en elles-mêmes quelque chose de cette divinité — c’est comme une partie d’elle-même qui s’est projetée hors d’ellemême et qui est devenue indépendante dans un autre être. Ce n’est pas un dédoublement, c’est une sorte de projection hors de soi. (S’adressant à l’enfant qui a posé la question) Dédoublement donne l’idée que ce qui s’est dédoublé a perdu une partie de sa faculté : si tu coupes ton corps en deux, il ne t’en restera que la moitié; mais si tu as le pouvoir d’émaner quelque chose de toi, tu restes tout entière, telle que tu es, et en même temps il y a une autre Tara qui est là-bas dans une autre personne... Tu comprends? C’est comme cela.
Quand les mains du pianiste sont entrées dans les mains d’un autre, celui qui avait envoyé les mains pouvait-il jouer?
Je ne comprends pas! Les « mains », c’était ce qui restait dans l’atmosphère terrestre du pianiste qui était mort! Alors ces mains, qui avaient été absolument formées, qui étaient devenues comme des entités conscientes et vivantes, indépendantes, entraient dans des mains matérielles parce qu’elles voulaient pouvoir jouer véritablement sur un piano. Mais quand elles jouaient, elles jouaient dans les mains de l’autre, qui pouvait être un bon pianiste mais qui devenait un génie pendant le temps que ces mains étaient là.
Je pensais que l’autre était vivant!
L’autre était vivant? Quel autre? Le premier?... Ah! non! (rires)
Vous avez dit : « Le monde entier est en voie de trans formation progressive 25 . » Alors pourquoi les hommes se battent-ils entre eux ?
C’est peut-être leur manière de progresser! (rires) On ne progresse pas toujours d’une façon apparemment harmonieuse. Tous ceux qui font un yoga savent que c’est quelque chose qui ne se passe pas toujours dans la paix et l’harmonie, que quelquefois il y a des batailles intérieures, que vous devez livrer des batailles contre des ennemis au-dedans de vous qui veulent vous empêcher de progresser. Cela fait une guerre. Eh bien, quand c’est toute la terre qui progresse, quand il y a des choses qui résistent et qui ne veulent pas bouger, quelquefois on livre une bataille et ça fait une guerre. Il ne faut pas croire que le progrès consiste à être assis en méditation !... Il y a des difficultés à vaincre. Vaincre, qu’est-ce que cela veut dire? Se battre contre quelque chose. Quand on se bat, ça fait une guerre. Il y a des petites guerres, il y a des grandes guerres. Mais qu’est-ce que c’est qu’une guerre d’hommes sur la terre si c’est vu, par exemple, par des Titans pour qui les hommes sont grands comme des fourmis?... Quand on regarde une guerre de fourmis, on trouve cela assez naturel ! On peut même regarder ça avec intérêt et sourire, et dire : « Tiens, les fourmis sont en train de se battre. » Eh bien, pour les forces titaniques de l’univers, les hommes qui se battent sur la terre, c’est comme une guerre de fourmis, ce n’est rien du tout. Il ne faut pas juger les choses à la dimension de la conscience humaine... La Nature, pour les hommes, est une chose monstrueuse. C’est tellement formidable, toutes les forces dont elle dispose, tous les mouvements qu’elle crée. Et ce que nous connaissons, c’est seulement ce qui se passe sur la terre! Directement et indirectement, par une connaissance un peu spéculative, on sait ce qui se passe dans le reste de l’univers; mais ce sont des conflits de forces et des jeux de forces formidables en proportion de la conscience humaine. Ce sont des choses qui, par rapport à la durée humaine, durent presque éternellement. Alors, dans le temps c’est une immensité, dans l’espace c’est une immensité, et pour la conscience humaine c’est presque incompréhensible. Mais pour ces forces-là, les dimensions humaines et les mouvements humains ont vraiment à peu près la même proportion que pour nous (peut-être même moins) la conscience d’un monde de fourmis qui grouillent là : la même chose. Il y a des histoires nordiques — suédoises, norvégiennes — de ces immenses Titans universels, qui sont comme cela. Et alors, naturellement, on raconte les choses pour que les enfants puissent comprendre. Ils disent qu’il y avait deux Titans qui étaient assis sur quelque sommet universel, non terrestre; et alors, il y a un Titan qui a poussé un soupir. Puis mille ans se passent, et l’autre répond : « Pourquoi soupires-tu ? » Et encore mille ans se passent et le premier dit : « Je m’ennuie! » Et encore mille ans se passent... Ils essayent de donner une idée. Probablement, les Titans prenaient quelques centaines d’années pour dire : « Je m’ennuie. » C’est une question de proportions!
Ne peut-on pas empêcher, par la force yoguique, le corps d’être rigide?
On peut. Quand vous faites de la gymnastique, est-ce que ce n’est pas pour rendre votre corps moins rigide? Et vous progressez : ce que vous ne pouvez pas faire la première année, au bout de quelques années vous pouvez le faire. Il y a des gens qui arrivent à une souplesse presque totale, comme, par exemple, ceux qui font des âsanas. On peut arriver à une souplesse presque complète. Tandis qu’un homme ordinaire, s’il essayait de faire ces exercices, se casserait quelque chose. Eh bien, c’est comme cela. Mentalement c’est la même chose. C’est par la gymnastique que l’on s’assouplit. C’est une question de discipline, de développement.
Supposons qu’un homme, en cette vie, essaye de devenir très intelligent, mais si dans la prochaine vie il naît imbécile, à quoi servent tous ces efforts-ci?
Non. J’ai parlé un peu brièvement, mais ce n’est pas cela. Son être psychique n’est pas un imbécile! Admets, par exemple, que l’être psychique ait eu l’expérience d’un homme qui était un écrivain et qui pouvait traduire son expérience par des livres ou des discours, alors il a couvert un certain champ d’expérience provenant des associations et des circonstances dans lesquelles vivait cet être. Mais il y a un champ d’expérience qui lui manque. Par exemple, il dit : « J’ai vécu avec mon cerveau et avec les réactions d’un intellectuel devant la vie, et maintenant je veux vivre avec mon sentiment. » Parce que cette superactivité intellectuelle, généralement, dans la vie ordinaire, amoindrit beaucoup les capacités sentimentales. Alors, pour avoir un autre champ d’expérience, de développement, il renonce à sa hauteur intellectuelle : il n’est plus un génie, un écrivain de génie, il devient un homme ordinaire, mais avec un cœur remarquable, très bon, très généreux. J’ai dit « idiot », c’est une question de comparaison. Il n’est pas rare, par exemple, qu’un être psychique qui est arrivé au maximum Le 16 septembre 1953 293 de son développement, après avoir eu les expériences d’une autorité gouvernante (de tout ce que peut apporter une vie d’empereur ou de roi) veuille pouvoir travailler dans la vie obscurément, sans être entravé tout le temps par les pompes du gouvernement, et qu’il choisisse très bien de naître dans un milieu tout à fait ordinaire, de la bourgeoisie ordinaire et dans des conditions absolument médiocres, de façon à avoir cette sorte d’incognito qui lui permettra de travailler sans être entravé par toutes les nécessités de représentation et de gouvernement qui viennent de ce que l’on est à la tête d’un pays. Alors, si l’on regarde cela à un certain point de vue, on dit : « Comment! Qu’est-ce que cette dégringolade? »
Ce n’est pas une dégringolade. C’est rencontrer le problème sous un autre angle et à un autre point de vue. Pour la conscience (je veux dire la vraie conscience, la Conscience divine), le succès ou l’insuccès c’est la même chose, la gloire ou la médiocrité c’est la même chose. Ce qui est important, c’est le développement de la conscience. Et certaines conditions, qui paraissent très favorables aux êtres humains, peuvent être très défavorables pour la croissance de la conscience... Vous pouvez vous regarder. Naturellement, si vous prenez soin d’être sur la hauteur de vous-même, vous ne tombez pas dans cette erreur. Mais avec la pensée ordinaire, avec la réaction ordinaire, vous jugez tout d’après le succès et l’insuccès, mais c’est la dernière façon de juger, parce que c’est la plus artificielle, la plus extérieure, celle qui est absolument le contraire de la vérité. Dans la vie humaine telle qu’elle est organisée, pas une fois sur un million ce n’est la vraie valeur qui se trouve en avant, reconnue. Généralement, il faut toujours un petit peu de cabotinage. Quand un homme a du succès, beaucoup de succès, quel qu’il soit, dans quelque domaine que ce soit, vous pouvez toujours penser qu’il y a quelque part un peu de cabotinage.
Cabotinage veut dire?
On dit cela des acteurs qui jouent la comédie, mais on emploie le mot pour parler de quelqu’un qui se fait valoir au-delà de sa valeur, qui montre plus qu’il n’a, qui fait montre de plus qu’il n’a, et qui songe surtout à se faire apprécier — c’est pour lui la chose la plus importante, être apprécié.
Comment peut-on augmenter la mémoire?
Augmente ta conscience et ta mémoire augmentera.
La conscience est une mémoire très supérieure à la mémoire mécanique du cerveau. Je vous ai expliqué cela un jour, il n’y a pas si longtemps; je vous ai dit que la mémoire mécanique du cerveau peut oublier — et peut confondre et peut déformer —, tandis que si vous êtes capables de rétablir en vous l’état de conscience dans lequel vous étiez à un moment donné, vous avez exactement la même expérience. Et c’est la seule vraie mémoire. Et cela dépend entièrement du développement de votre conscience.
Tu as dit que « dans les régions matérielles, la récepti vité était mélangée à des résistances 26 ». Quelle est cette résistance?
Tu n’as pas de résistances dans ton corps, non? Quand tu veux faire un exercice, tu fais avec ton corps tout ce que tu veux ? Et quand tu essayes de bien te porter, ton corps obéit toujours? Et quand tu veux apprendre ta leçon, ton cerveau suit sans difficulté?... C’est cela, la résistance, c’est tout ce qui refuse de faire un progrès. Et je crois, malheureusement, que la quantité de résistance est plus grande que la quantité de réceptivité. Il faut beaucoup travailler pour devenir réceptif.
On ne sait pas — c’est une chose que peut-être vous saurez un jour, peut-être vous le dira-t-on un jour, peut-être pourrat-on vous le faire comprendre —, vous ne pouvez pas vous imaginer l’immensité des flots de force qui sont à votre portée! Et généralement vous ne les sentez même pas. Quand vous les sentez, il y a quelque chose en vous qui se recroqueville parce que c’est trop et que cela vous fait une espèce de peur instinctive dans les cellules; et si vous les recevez, plus des trois quarts vous les rejetez comme un vase trop plein! Ça jaillit, ça sort, parce que vous ne pouvez pas le garder. Et j’ai rencontré une quantité considérable de gens qui se plaignaient de ne rien recevoir, c’est-à-dire qu’ils disaient ne pas avoir les forces dont ils avaient besoin. C’était parce qu’ils étaient absolument incapables de les recevoir, et qu’il y avait quelque chose comme cent mille fois plus de force que ce qu’ils pouvaient recevoir! Et c’est comme cela. Vous vous trouvez tous dans une mer de vibrations formidables, et vous ne vous en apercevez même pas, parce que vous n’êtes pas réceptifs. Et il y a en vous une telle résistance que si quelque chose arrive à pénétrer, les trois quarts de ce qui entre sont rejetés violemment au-dehors, parce qu’on ne peut pas le contenir... Ça, généralement je ne le dis pas, mais puisque nous parlons de ce sujet, je vous le dis. Et peut-être un jour vous donnerai-je des exemples. C’est une chose fantastique. Par exemple, simplement, prenez la Conscience (pour des forces comme la force d’amour ou la force de compréhension ou la force de création pour tout, c’est la même chose : la force de protection, la force de croissance, tout cela, et la puissance du progrès, pour tout) —, prenez la Conscience, simplement cette Conscience qui couvre tout, qui pénètre tout, qui est partout, qui est un tout... eh bien, c’est presque senti comme une violence qui veut s’imposer à l’être, qui ne peut pas. Et je parle des meilleurs; mais dans tous il y a une partie plus ou moins grande, plus ou moins importante, qui n’est pas encore de bonne volonté, qui est juste à la limite de la mauvaise volonté, et qui ne veut pas, à aucun prix, et qui rejette ce qui est là. Alors que si l’on était ouvert et que simplement on respirait — c’est tout, on ne fait que cela —, on respirerait la Conscience, la Lumière, la Compréhension, la Force, l’Amour, et tout le reste. Et tout cela est gaspillé sur la Terre, parce que la Terre n’est pas prête à le prendre. Voilà.
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