CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


novembre




Le 18 novembre 1953

« Dans les réincarnations, ce n’est pas l’être extérieur, celui qui est formé par les parents, le milieu et les cir constances — le mental, le vital et le physique — qui se réincarne, c’est seulement l’être psychique qui passe de corps en corps. Donc, logiquement, ni l’être men tal ni l’être vital ne peuvent se rappeler les vies passées ou se reconnaître dans le caractère ou la manière de vivre de telle ou telle personne. Seul l’être psychique peut se souvenir et c’est quand on devient conscient de son être psychique que l’on peut en même temps avoir des impressions exactes au sujet de ses vies passées.

« D’ailleurs, il est beaucoup plus important pour nous de fixer notre attention sur ce que nous voulons devenir que sur ce que nous avons été. »

(Quelques Paroles, le 2 avril 1935)

Si ce n’est pas le mental, le vital et le physique qui se réincarnent, mais seulement l’être psychique, alors le progrès vital ou mental que l’on avait fait avant ne vaut rien dans une autre vie?

Ce n’est que dans la mesure où ces progrès ont rapproché ces parties du psychique, c’est-à-dire dans la mesure où le progrès consiste à mettre successivement toutes les parties de l’être sous l’influence psychique. Parce que tout ce qui est sous l’influence psychique et identifié au psychique persiste, et c’est seulement cela qui persiste. Mais si l’on fait du psychique le centre de sa vie et de sa conscience, et si l’on organise tout l’être autour, tout l’être passe sous l’influence du psychique, devient uni à lui, et peut persister — s’il est nécessaire que cela persiste. En fait, si l’on pouvait donner au corps physique le même mouvement — les mêmes mouvements de progrès et la même capacité d’ascension que dans l’être psychique —, le corps n’aurait pas besoin de se décomposer. Mais c’est cela, la difficulté.

Et c’est seulement ce qui est en contact avec le psychique qui dure, et c’est seulement ce qui peut durer qui peut se souvenir, parce que le reste disparaît, est remis en petits morceaux et utilisé ailleurs — comme le corps est remis en poussière et utilisé ailleurs. Cela refait de la terre, les plantes se servent de la terre, les hommes mangent les plantes. C’est comme cela que ça marche. Et puis, ça retourne à la terre, et ça recommence. C’est la manière dont la Nature progresse. Pour progresser, elle fait des tas de formes, puis, quand cela ne lui paraît plus important ni nécessaire, elle les démolit, elle reprend tous les éléments, chimiques ou autres, et elle reconstitue quelque chose d’autre, et puis ça change tout le temps, ça vient, ça va. Et elle trouve cela très bien parce qu’elle voit très loin, son travail s’étend sur des siècles, et une petite vie humaine, ce n’est rien, juste un souffle dans l’éternité. Alors elle prend, elle modèle; elle prend un certain temps, ça l’amuse, elle trouve cela très bien; et puis quand ce n’est plus si bien, elle démolit — elle prend, elle mélange tout, elle recommence une autre forme, elle fait une autre chose. Et alors, peut-être qu’avec ce procédé, qui est évidemment très long, finalement toute la matière progresse — c’est possible — toujours comme cela, se mélangeant, se démolissant, se remélangeant, se redémolissant. Au fond, c’est comme si l’on faisait un tas de petits objets et puis on les détruisait; que l’on refasse de la poudre, que l’on refasse d’autres jouets, et puis on les défait, on en refait d’autres. Chaque fois, on ajoute quelque chose pour que cela se mélange bien. Et puis, un jour, peut-être que cela produira quelque chose. En tout cas, elle n’est pas pressée. Et quand on est pressé, elle dit : « Pourquoi vous dépêcher? C’est sûr d’arriver un jour. Vous n’avez pas besoin de vous tourmenter, ça arrivera sûrement. Attendez tranquillement. » Alors on lui dit : « Mais ce n’est pas moi qui attends! » — « Ah! c’est parce que vous appelez “moi” cette chose qui vient et qui s’en va. Si vous appeliez la conscience — la conscience une et éternelle et divine —, si vous appeliez ça “moi”, alors vous verriez tout, vous assisteriez à tout. Personne ne vous empêche de le faire! C’est seulement parce que vous vous identifiez à ça (désignant le corps). Vous n’avez qu’à cesser de vous identifier à ça. »

« La justice est le déterminisme rigoureusement logique des mouvements de la nature universelle. Les mala dies sont ce déterminisme appliqué au corps matériel. L’esprit médical, se basant sur cette justice inéluctable, s’efforce de produire les conditions qui doivent amener logiquement la bonne santé.

« La morale agit de même dans le corps social, et la tapasyâ dans le domaine spirituel.

>« La Grâce divine seule a le pouvoir d’intervenir et de changer le cours de la justice universelle.

>« La grande œuvre de l’Avatâr est de venir manifester la Grâce divine sur la terre. Être le disciple de l’Avatâr, c’est devenir un instrument de la Grâce divine. La Mère est la grande dispensatrice — par identité — de la Grâce divine dans une parfaite connaissance — par identité — du mécanisme absolu de la justice universelle.

>« Et par son intermédiaire, chaque mouvement de sincère et confiante aspiration vers le Divin appelle en réponse l’intervention de la Grâce.

>« Qui peut se tenir devant toi, Seigneur, et dire en toute sincérité : “Je ne me suis jamais trompé”? Com bien de fois dans une journée nous faisons des fautes contre ton œuvre et toujours ta Grâce vient les effacer!

>« Sans l’intervention de ta Grâce, qui ne serait passé maintes fois sous le couperet inéluctable de la loi de jus tice universelle?

« Chacun représente ici une impossibilité à résoudre, mais comme pour ta divine Grâce tout est possible, ton œuvre ne sera-t-elle point, dans le détail comme dans l’ensemble, l’accomplissement de toutes les impossibilités transformées en divines réalisations... »

(Quelques Paroles, le 15 janvier 1933)

Que veut dire : « La justice est le déterminisme rigoureusement logique des mouvements de la Nature universelle... » ?

Tu connais la loi du déterminisme, non? Vous n’avez pas du tout fait de philosophie? (Se tournant vers un professeur) Pavitra, expliquez-leur ce qu’est le déterminisme. Tâchez d’être bref et clair.

(Pavitra) Je crois que le déterminisme est ceci : quand une chose se produit, elle a toujours le même effet.

Si c’est la même chose. À condition que ce soit identiquement la même chose. Est-ce qu’il y a deux choses identiques dans l’univers? Non.

(Nolini) La même cause produit le même effet.

Oui. La même cause produit le même effet. C’est le principe sur lequel se base la science. Mais moi, j’ai employé le mot ici d’une façon un peu plus générale et précise à la fois. Je veux dire que chaque chose (même, ou pas même) produit toujours un effet, et que cet effet produit un autre effet, et que cet autre effet produit encore un autre effet, et ainsi de suite — toujours, une cause produit un effet et chaque effet devient la cause d’un autre effet, et ainsi de suite indéfiniment. Et alors, la justice c’est que chaque chose, comme l’a dit Nolini... une même cause produit toujours un même effet, automatiquement. Et alors, on ne peut pas dire un mot, faire un mouvement, sans que ce soit la cause de quelque chose d’autre. Et ce quelque chose d’autre est la cause encore d’une autre chose. Et tout cela se suit d’une façon automatique et rigoureuse, et c’est la justice universelle.

Un acte que l’on fait a toujours une conséquence, et cette conséquence amène une autre conséquence, et ainsi de suite. Et c’est absolument inéluctable. C’est cela, la justice universelle. Vous avez une mauvaise pensée, elle a un résultat. Et ce résultat a encore un autre résultat. Et vous ne pouvez pas y échapper, excepté par l’intervention de la Grâce. La Grâce, c’est justement quelque chose qui a le pouvoir de changer tout cela. Mais ce n’est que la Grâce qui peut le changer. C’est une loi tellement rigoureuse et tellement terrible qu’une fois que l’on est entré là-dedans, on ne peut pas en sortir. Et de la minute où l’on est sur la terre, on entre là-dedans. Toute l’existence terrestre est comme cela, construite comme cela. Et chaque chose que l’on fait, chaque chose que l’on dit, chaque chose que l’on pense, chaque chose que l’on sent, a une conséquence. Et cette conséquence amène une autre conséquence, et ainsi de suite. Alors, si l’on veut se placer à un point de vue plus pratique, on peut prendre des exemples et dire : « Si vous faites ceci, ça produira automatiquement cela. » Par exemple, dans les sociétés organisées par l’homme, si vous commettez un crime, vous serez puni pour votre crime. Dans votre conscience à vous, si vous faites une faute, vous souffrez pour la faute que vous avez faite. Et dans la loi telle que l’homme l’a faite, il est toujours dit que d’ignorer la loi n’est pas une excuse. Si vous ignorez la loi, vous êtes puni. Si vous faites une faute sans savoir que c’est une faute, cela ne vous protège pas, vous êtes puni. Eh bien, dans la Nature c’est la même chose. Si vous prenez un poison sans savoir que c’est un poison, cela vous empoisonnera tout de même. Vous comprenez?... Excepté si la Grâce intervient. Et comme la Grâce est toute-puissante, elle peut tout changer. C’est ce que j’ai expliqué. Mais sans la Grâce, il n’y a pas d’espoir. Parce que justement l’ignorance est le fait constant de l’humanité.

J’étais en train de penser aujourd’hui combien il a dû y avoir d’expériences lamentables, épouvantables, avant que l’homme sache se servir des choses de la Nature. Il se peut qu’il y ait eu, justement, une Grâce qui lui ait fait trouver les choses instinctivement; mais s’il devait apprendre sa leçon... J’ai pensé à cela parce qu’il y a un certain nombre de fruits sur les arbres : il y a des fruits qui sont bons, et puis il y en a qui sont empoisonnés — ce n’est pas écrit sur l’arbre! Maintenant, il y a toujours quelqu’un pour vous dire : « Non, ne mangez pas ça, cela vous empoisonnera. » Mais s’il n’y avait personne pour vous le dire, comment le sauriez-vous? En le mangeant, et en vous empoisonnant. Et alors ce serait un autre qui aurait le bienfait de votre expérience.

Je pensais à cela parce que certains fruits, quand ils sont mûrs, sont excellents; ils ont un pouvoir très nourrissant, ils sont extrêmement utiles. Mais s’ils ne sont pas mûrs, ils vous empoisonnent. Et c’est le même fruit. Prenez, par exemple, l’avocat (butterfruit, je crois), prenez le butterfruit, si vous mangez un butterfruit pas mûr (vous ne le mangerez pas parce que c’est très mauvais), mais si vous mangez un butterfruit pas mûr, cela vous empoisonne radicalement. Tandis que dès qu’il est mûr, il est excellent. Et alors, dans certains pays comme le sud de l’Amérique et certaines parties de l’Afrique, ce sont des arbres qui poussent aussi haut que les plus grands manguiers. Et tous les fruits pendent comme cela. Quelqu’un qui vient sans connaître l’arbre, qui ne sait rien, qui n’a personne pour le mettre en garde, le prend, le coupe, le mange, et il meurt. Puis un autre arrive un mois après, tous les fruits sont mûrs; il en prend, il en mange, il se trouve tout à fait nourri — c’est excellent, c’est admirable. Alors on lui dit : « Ah! mais comment, vous avez mangé de ce fruit-là, et l’autre est mort... » Alors combien d’expériences faut-il pour apprendre que c’est parce que l’un ne l’a pas mangé mûr, et que l’autre l’a mangé mûr. Et quand ce n’est pas mûr, c’est mauvais, et quand c’est mûr, c’est bon.

Et nous bénéficions de toutes les expériences de ceux qui étaient sur la terre avant nous. Mais s’il nous fallait arriver dans un pays dont nous ne sachions rien, et qu’il nous faille apprendre tout cela par nous-mêmes, nous aurions de très déplaisantes expériences. Il y a d’autres fruits comme cela, ce n’est pas le seul, il y en a beaucoup. Par exemple, la figue — la figue qui n’est pas mûre, si vous touchez à ce jus blanc qui sort de la figue, mais c’est effroyable, vous avez des boutons plein la bouche et vous êtes tout à fait malade, et vous avez des boutons aussi dans l’estomac. Mais quand la figue est mûre et que l’on fait attention de ne pas toucher à ce jus blanc, c’est une nourriture parfaite. Je pourrais vous citer un grand nombre de choses comme cela. Mais maintenant nous le savons, parce qu’on nous l’a dit. Ceux qui nous l’ont dit l’ont appris des autres. Mais le premier de tous qui a fait l’expérience, qui a appris tout cela, toutes les choses de la Nature?... Il y en a beaucoup, il y a des choses innombrables dans la Nature. Tenez, prenez la Nature végétale, nous ne savons pas encore tout maintenant. Par exemple, certains vous disent : « Il y a toujours le remède à côté du mal dans la Nature; la Nature a fait comme cela. » Je ne sais pas si c’est rigoureux, mais en tout cas, d’une façon, cela joue, c’est vrai. On dit, par exemple, que si un serpent a un nid quelque part, vous pouvez être sûr de trouver à côté une plante qui vous guérira s’il vous mord. Mais quelle plante? Il y en a beaucoup, et qui vous apprendra ? Il y a des gens qui vont sur les montagnes au clair de lune, et ils vous ramassent des herbes qui guérissent des maladies considérées comme inguérissables. Comment ont-ils appris cela ? Qui a fait l’expérience?

Et les champignons...

Ah! oui, c’est la même chose. Vous avez à côté, tout à côté, un champignon qui est une excellente nourriture et un champignon qui vous enverra dans l’autre monde immédiatement. On bénéficie d’une connaissance accumulée. Et je dois dire que beaucoup de cette connaissance doit être perdue, parce que beaucoup de gens ont découvert des choses comme cela et ne l’ont jamais noté; et encore nous-mêmes, nous pouvons faire des découvertes, nous ne prenons pas toujours le soin de les noter et de les rendre accessibles à d’autres. Et la Nature est un champ d’étude et de découverte presque infini.

(Pavitra) Ceux qui ont découvert les explosifs, combien se sont tués et combien ont eu des accidents...

Ça, c’est l’homme, c’est sa propre faute. S’il n’avait pas touché à cela, ce ne lui serait pas arrivé.

Souvent, il a pu y toucher par accident, sans le savoir, sans le faire exprès.

Mais c’est toujours un explosif. C’est toujours la faute d’un autre homme, non?

Ceux qui ont étudié la chimie et qui sont tombés sur des explosifs.

S’ils ne savaient pas ce que c’était, oui. Par exemple, vous prenez du chlorate de potasse innocent, blanc, joli, cristallisé, charmant. Mais alors vous prenez un marteau et vous commencez à taper dessus à tour de bras, et tout à coup cela fait explosion. Oui, c’est comme cela.

Mais le nombre de plantes, personne n’a jamais su et ne saura probablement jamais le nombre de plantes différentes qu’il y a sur la terre. Mais quand on fait un relevé du nombre de plantes que les hommes connaissent et utilisent, c’est ridiculement peu. Je crois, quand j’étais au Japon, les Japonais me disaient que les Européens ne mangent que trois cent cinquante espèces de plantes différentes, tandis qu’eux en utilisent plus de six cents. Cela fait une différence considérable. Ils disaient : « Oh! ce que vous gaspillez votre nourriture! La Nature produit infiniment plus de choses que vous ne savez; vous gaspillez tout cela. » Avez-vous jamais mangé (pas ici, mais en Europe) des bourgeons de bambou?... Vous avez mangé des bourgeons de bambou? Vous avez mangé des bourgeons de palmier? De cocotier? Ça, sûrement, on fait une salade merveilleuse avec les bourgeons de cocotier. Seulement, cela tue l’arbre. Pour une salade, on tue un arbre. Mais quand il y a, par exemple, un cyclone qui vous jette par terre des centaines de cocotier, la seule façon d’utiliser la catastrophe, c’est de manger tous les bourgeons, et de vous faire un plat magnifique. Vous n’avez jamais mangé de bourgeons de cocotier? Moi, cela ne m’a pas étonnée parce que j’avais mangé des bourgeons de bambou avant qu’ils sortent de la terre (quelque chose comme les asperges, c’est un plat tout à fait classique au Japon). Et leurs bambous sont beaucoup plus tendres que les bambous d’ici. Leurs bambous sont très tendres et leurs bourgeons sont merveilleux.

Enfin, c’est comme cela. Il paraît qu’en Europe on ne sait utiliser que trois cent cinquante espèces différentes de végétaux, du règne végétal, tandis qu’au Japon ils en utilisent six cents, et plus. Mais peut-être que si les gens savaient, ils pourraient ne pas mourir de faim, en tout cas pas ceux qui vivent à la campagne. Voilà.

En tout cas, c’est comme cela. Nous ne savons pas comment ce serait si c’était seulement la justice qui régnait sur le monde. Mais je crois que ce ne serait pas gai! Parce que, comme je l’ai dit, il n’y en a pas un seul qui puisse se tenir devant le Seigneur et lui dire : « Je ne me suis jamais trompé. » Et quand je dis trompé, l’ignorance n’est pas une excuse; parce que, que vous touchiez le feu par ignorance ou que vous le touchiez en le sachant, la différence est plutôt en faveur de la bêtise de toucher le feu quand on le sait, parce qu’on peut prendre des précautions. Tandis que quand on touche le feu par ignorance, sans savoir, on se brûle à fond. Et alors, on ne peut pas dire à la Nature : « Oh! je ne dois pas être brûlé, puisque je ne savais pas que ça brûlait. » Ça brûle, personne ne vous écoutera !

Est ce que l’intervention de la Grâce se fait par un appel?...

Quand on appelle? Je pense que oui. En tout cas, pas exclusivement ni uniquement. Mais certainement, oui, si l’on a la foi en la Grâce et qu’on ait une aspiration et que l’on fasse comme un petit enfant qui court vers sa mère et qui dit : « Maman, donne-moi ça », qu’on appelle avec cette simplicité-là, qu’on se tourne vers la Grâce et que l’on dise : « Donne-moi ça », je crois qu’elle écoute. Excepté si on lui demande une chose qui n’est pas bonne pour nous, alors elle n’écoute pas. Si on lui demande une chose qui fait du mal ou qui n’est pas favorable, elle n’écoute pas.

Quelle est la cause de cet effet? de l’appel?

Peut-être était-on destiné à appeler. C’est-à-dire : est-ce la poule qui a pondu l’œuf ou l’œuf qui a pondu la poule!? Je ne sais pas si c’est la Grâce qui vous fait appeler la Grâce, ou si c’est parce que la Grâce est appelée que la Grâce vient. C’est difficile à dire.

Au fond, il est bien possible que ce qui manque le plus, ce soit la foi. Il y a toujours un petit coin de pensée qui doute et qui discute. Alors ça gâte tout. Ce n’est justement que quand on est dans une situation absolument critique, quand la pensée s’est rendu compte qu’elle ne peut rien, absolument rien, qu’elle est là, absolument stupide et incapable, alors, à ce momentlà, si l’on aspire à une aide supérieure, l’aspiration a justement cette espèce d’intensité qui vient du désespoir, et ça a de l’effet. Mais si votre pensée continue à discuter, si elle dit : « Oui, oui, j’ai aspiré, j’ai prié, mais Dieu sait si c’est le moment, et si ça va arriver, et si c’est possible », eh bien, c’est fini, ça ne marche pas. C’est l’une des choses les plus courantes. On dit aux gens : « Si vous voulez avancer dans le yoga, il ne faut pas avoir de désirs. » On va même un peu plus loin, on dit : « Il ne faut pas avoir de besoins. » On va encore un peu plus loin, on dit : « Ne demandez jamais rien au Divin. » Eh bien, je ne sais pas, plus de quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la réaction des gens est : « Ah! et si je ne demande pas, alors je n’aurai pas ce dont j’ai besoin. » Ils ne voient pas qu’ils coupent à la racine même tout le mouvement! Ils n’ont pas la foi. « J’ai besoin de ça... »

Je ne discute même pas la notion de besoin parce qu’elle est tout à fait arbitraire. Je connaissais un peintre hollandais — qui était venu ici d’ailleurs et qui a fait le portrait de Sri Aurobindo (il paraît que ce portrait existe encore). Ce peintre hollandais faisait un yoga. Et alors, un jour, il m’a dit comme cela : « Oh! moi, je crois que je peux me passer de tout. Vraiment je crois qu’on peut réduire les besoins à un minimum. Mais tout de même, il me faut une brosse à dents. » Je n’avais pas encore vécu en Inde à ce moment-là, autrement je lui aurais dit : « Il y a des millions de gens qui n’ont jamais eu une brosse à dents et qui ont leurs dents tout à fait propres. Ce n’est pas le seul moyen de garder ses dents propres. » Mais à ce momentlà, il était convaincu que l’on pouvait se passer de tout, sauf de garder une bouche propre. Et pour lui, garder une bouche propre, ça consistait à avoir une brosse à dents. Cela donne une image très exacte de ce qui se passe chez les gens. Ils s’accrochent à quelque chose et ils pensent que c’est un besoin. Et c’est sûrement une ignorance totale, parce qu’il existe peut-être une nécessité comme d’avoir la bouche propre (cela paraît en tout cas une chose assez nécessaire), mais cette association de la brosse à dents et de la nécessité d’avoir la bouche propre est tout à fait arbitraire. Parce qu’il n’y a pas si longtemps que l’on a découvert les brosses à dents.

Il y avait aussi une autre personne qui me disait : « Oh! je peux absolument me passer de tout » — on parlait de faire un voyage à pied sur les routes avec un minimum de bagages sur le dos (quand vous êtes forcé de porter cela pendant des kilomètres, quarante ou cinquante kilomètres par jour, vous tâchez de réduire le poids de votre sac autant que vous pouvez), alors on discutait de ce qu’il fallait mettre d’indispensable dans le sac. Lui, a dit sa brosse à dents. Un autre m’a dit que c’était un morceau de savon (généralement cela tourne autour de petites choses très simples comme cela). Mais ici, combien y a-t-il de gens qui ne se sont jamais servis de savon, et ça ne les empêche pas d’être propres! Il y a d’autres manières d’être propre. C’est comme cela, on est fixé dans de toutes petites idées, et on croit que ce sont des besoins indispensables. Et puis, si l’on voyage un peu autour du monde, on s’aperçoit que ce qui, pour vous, est un besoin, pour les autres est quelque chose qu’ils ne connaissent même pas, qu’ils n’ont jamais vu de leur vie, qui n’existe pas et qui n’a aucune espèce d’importance. Par conséquent, ce n’est pas indispensable. C’est seulement le résultat d’une éducation et d’une vie dans un milieu. Et ces choses-là sont tout à fait relatives, et non seulement relatives mais fugitives.

Voilà.









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