CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


septembre




Le 2 septembre 1953

« Chacune des religions peut raconter la même histoire. L’occasion de sa naissance est la venue d’un grand instructeur dans le monde; il est l’incarnation d’une divine vérité et s’efforce de la révéler; mais les hommes s’en saisissent, en font commerce et en tirent une organisation pour ainsi dire politique. La religion est munie par eux d’un gouvernement, d’une administration et de lois, avec ses articles de foi et ses dogmes, ses règles et ses règlements, ses rites et ses cérémonies, tous imposés aux adhérents comme des choses absolues et inviolables. De même que les États, la religion ainsi construite distribue des récompenses au loyal et inflige des punitions à celui qui se révolte ou s’égare, à l’hérétique, au renégat.

« Le premier et principal article de foi de ces religions établies et formelles, est toujours : “Ma religion possède la vérité suprême, la seule; toutes les autres sont dans le mensonge ou, en tout cas, sont inférieures.” [...]

« Cette attitude est naturelle à la mentalité reli gieuse; mais c’est précisément ce qui rend la religion si contraire à la vie spirituelle. Les articles et dogmes d’une religion sont des productions du mental, et si vous vous attachez à eux et que vous vous enfermiez dans un code de vie tout fait, vous ne connaissez pas et ne pouvez pas connaître la vérité de l’esprit qui se tient libre et vaste au-delà de tous les codes et de tous les dogmes. Quand vous vous arrêtez à une croyance religieuse, vous liant à elle et la prenant pour la seule vérité dans le monde, vous arrêtez du même coup la marche en avant et l’épa nouissement de votre être intérieur. »

(Entretien du 9 juin 1929)

Si l’on suit une religion et que l’on ait une bonne capacité, est ce que l’on peut aller plus loin et arriver à l’identification avec le Divin?

C’est impossible.

La religion est toujours une limite de l’esprit.

Si un homme a une vie spirituelle indépendante de ses formations mentales et des cadres dans lesquels il vit, alors cette vie spirituelle lui fait traverser, pour ainsi dire, les principes de la religion pour entrer dans quelque chose de supérieur. Mais il faut que cette consécration vienne du dedans et non de la forme. Si elle vient de la forme exclusivement, alors la limitation est si grande qu’il ne peut pas passer plus loin.

Il y a des êtres qui doivent nécessairement sortir de la religion s’ils ne veulent pas être arrêtés dans leur progrès. Mais ceux qui ont une activité mentale pratiquement nulle, qui ne se posent pas de questions, qui ont simplement une intense dévotion dans leur cœur et un besoin de se donner à quelque chose qui leur est infiniment supérieur, ceux-là, qu’ils aient une religion ou qu’ils n’en aient pas, cela revient au même point. On ne peut jamais aller plus loin.

Il est difficile d’aller aussi loin à moins que le mental ne soit libre et ne vive dans une lumière. C’est l’une des conditions assez indispensables (pas absolument indispensables). Mais enfin, il y a des êtres qui n’ont aucun pouvoir mental et qui acceptent n’importe quel dogme sans discuter; ils sentent que rien ne peut les empêcher d’avoir cet élan intérieur qui les mettra en rapport avec le Divin. Mais généralement ils n’ont pas de vie mentale. Elle est tout à fait réduite. Voilà.

Est ce que les castes ont une importance dans la vie spirituelle?

Les castes? Qu’est-ce que cela a à voir avec la vie spirituelle! Absolument rien. C’est simplement une organisation sociale, c’est tout.

On dit que les brâhmanes sont plus avancés pour servir le Divin?

On dit beaucoup de choses.

La vie spirituelle ne dépend pas de ces considérations, du tout. Certaines vertus sociales en dépendent, et uniquement parce que, dans certains milieux, il existe certaines traditions d’éducation, et qu’il y a des éducations qui sont meilleures que d’autres. Mais c’est tout.

Quant à la question de ne pas mélanger les sangs, c’est sujet à discussion. Parce que, par exemple, si l’on prend les diverses espèces de chiens (excusez-moi, je ne veux pas faire une comparaison malhonnête), enfin, le chien qui est de sa sorte, de son espèce, quand on a très grand soin de garder le type pur, de ne permettre aucun mélange, il devient de plus en plus bête, tandis que le chien de la rue, celui qui provient d’une mésalliance et qui est quelquefois une horreur au point de vue physique — il est hideux, il est fait d’une espèce et d’une autre mélangées —, ce chien-là est en général très supérieur au point de vue de l’intelligence. Alors, même comme cela on ne peut pas dire. Les mariages dans les petites communautés, qui se font dans la caste, où l’on ne permet aucun mélange, aboutissent généralement à un amoindrissement progressif, graduel, de l’intelligence de l’espèce. Ce n’est pas une sélection, c’est le contraire. Il faut toujours des mélanges neufs pour produire des espèces neuves capables d’exprimer un progrès... Au point de vue social, c’est tout à fait défendable, et c’est très commode et simple, cela donne des cadres qui permettent justement une organisation plus facile, mais c’est toute la valeur que cela a.

Mais je crois que c’est la même chose pour les castes que pour les pays. Chaque caste est convaincue que c’est elle qui détient le maximum de progrès possible! Et si l’on entend les gens parler, même ceux qui sont tout à fait hors-caste sont pleins de mépris pour les autres et ils se croient supérieurs.

« Celui qui s’en tient à une foi particulière, ou qui a découvert quelque vérité, est toujours enclin à penser que lui seul a trouvé la vérité pleine et entière. Telle est la nature humaine! Un mélange de mensonge semble nécessaire aux êtres humains pour qu’ils se tiennent de bout et avancent sur leur chemin. Si la vision de la vérité leur était donnée soudain, ils seraient écrasés sous son poids. »

(Entretien du 9 juin 1929)

Les hommes avancent-ils de plus en plus vers le Divin?

C’est difficile à dire. Logiquement, toute la création doit avancer de plus en plus vers le Divin, puisque c’est son but ultime. Mais en fait, c’est une drôle de marche parce que l’on fait trois pas en avant et deux pas en arrière; on fait deux pas en avant et un de côté! Alors, avant d’arriver au bout, cela prendra très longtemps. Ça a l’air comme cela.

Il y a une grande différence entre le principe général, la théorie vue d’ensemble au-dessus des millénaires sans tenir aucun compte du nombre des années (pas des années, je dis des millénaires et des milliers de siècles), une grande différence entre cela et les faits pratiques. On peut dire que toute la création avance vers l’union avec le Créateur, mais il y a le fait, d’abord, que tout le mouvement évolutif est un mouvement en spirale. Alors, dans cette spirale, il y a d’innombrables points et à chaque point on réalise un progrès vertical. Mais il faut faire tout le tour pour revenir encore à ce même point, mais un petit peu plus haut... Et alors, tout le temps que l’on passe à faire autre chose, à réaliser d’autres points, celui-là est comme oublié. Et cela se traduit ainsi dans l’histoire humaine :

Il y a une civilisation merveilleuse avec toutes sortes de productions extraordinaires au point de vue scientifique, au point de vue artistique, même au point de vue politique, au point de vue de l’organisation, au point de vue social. On a de belles civilisations comme celles qui ont laissé une sorte de souvenir occulte d’un continent qui aurait relié l’Inde à l’Afrique, par exemple, et dont il ne reste aucune trace (à moins que certaines races humaines ne soient le résidu de cette civilisation-là). On a des civilisations comme cela qui disparaissent tout d’un coup, puis toute une histoire qui est pleine... d’ombre, d’inconscience, d’ignorance, de races tout à fait primitives qui semblent tellement proches des animaux que l’on se demande s’il y a vraiment une différence. Et alors, il y a un grand trou dans l’obscurité, à travers toutes sortes de désordres de tous genres. Et puis, tout d’un coup, ça émerge en haut, encore à une hauteur plus grande, avec des vertus plus grandes, une réalisation plus grande... comme si toutes ces heures de nuit et de travail dans la nuit avaient préparé la matière pour qu’elle puisse exprimer quelque chose de supérieur. Puis encore une autre obscurité, un oubli : la terre redevient barbare, obscure, ignorante, douloureuse. Tout d’un coup, quelques milliers d’années après, une nouvelle civilisation arrive...

Alors, si vous regardez cela par en bas, vous vous demandez : « Où est le progrès? » parce que toujours cela disparaît, ça s’écroule; ou ça pourrit, ça s’abîme complètement. C’est oublié. Et l’humanité redevient quelque chose de très ordinaire, de très amorphe, de grouillant dans une semi-obscurité. Et puis encore une fois, tout d’un coup, une illumination. Alors, quand on est dans l’illumination, on se dit : « Maintenant je tiens bon, c’est la bonne chose, maintenant il ne faut plus tomber... »

Jusqu’à présent on est toujours retombé.

Il faudra voir.

On retombera encore une fois?

Ça, mon petit, je ne l’ai pas dit. Je n’ai rien dit, j’ai dit : « On verra. »

Au fond, je crois que cela dépend un peu de chacun de nous et de notre aspiration. Si chacun fait tout ce qu’il peut et le maximum de ce qu’il peut, il y a des chances que l’on arrive à un état de stabilisation où l’ascension se fera sans que rien ne soit détruit pour recommencer.

Ce n’est pas indispensable, mais cela a toujours été ainsi jusqu’à présent, et, au fond, je ne sais pas si la Nature n’y prend pas un très grand plaisir...

Il se trouve que nous sommes obligés de nous appuyer sur ce que la Nature a fait, puisque c’est elle qui a travaillé jusqu’ici. Mais en même temps, nous n’approuvons pas ses façons de faire. Alors cela produit un petit conflit interne (familial si je puis dire!) mais qui rend les choses un peu difficiles, parce qu’elle n’aime pas que l’on dérange sa manière d’être. Et pourtant, si l’on fait comme elle veut, ce sera toujours la même histoire, il faudra toujours que ça disparaisse et que ça recommence, puisque c’est son amusement. Donc, il faut pouvoir l’empêcher de nuire. Mais si par hasard on trouvait un bon moyen de l’intéresser et de faire qu’elle collabore, alors, avec sa collaboration, il serait possible que l’on réussisse.

Au fond, tout ce qu’il faut, c’est qu’elle comprenne que l’on peut faire d’une autre manière que la sienne.

Et puis comme elle a (vous pouvez le voir) une ingéniosité merveilleuse et vraiment une imagination fantastique... Vous n’avez qu’à regarder ou photographier les animaux ; si vous regardez cela et que vous compariez la petite souris à la girafe, l’éléphant et le chat, tous ces animaux qui étaient d’avant et tous ces animaux qui sont encore avec des formes bizarres, extraordinaires — quelle imagination, quelle formidable imagination! Si vous aviez été obligés de créer tous les animaux qui sont sur la terre, vous auriez trouvé cela très difficile! Maintenant que vous les voyez, cela vous paraît tout naturel... J’ai vu l’autre jour une image qui représentait simplement une girafe qui cueillait des fruits tout en haut d’un arbre. J’ai dit : « Faut-il avoir une imagination pour trouver cela, un animal qui a le cou assez long pour aller jusqu’au bout de l’arbre pour manger les fruits! » C’est merveilleux. Et tout est comme cela. Cela nous paraît tout à fait naturel parce que nous avons toujours vécu avec cela, mais il faut avoir vraiment du génie.

Alors, cette personne qui a du génie, et qui a en même temps la force de réaliser tout ce qu’elle imagine, elle n’aime pas beaucoup qu’on se mêle de ses affaires! Elle dit : « Êtes-vous capables de faire ce que je fais? »

Il faut la convaincre que l’on ne veut rien déranger de ce qu’elle fait, mais que l’on veut simplement apporter quelque chose de plus. Pour la convaincre, il n’y a qu’une façon : c’est de le faire. Tant que c’est une aspiration, elle sourit, elle regarde, elle dit : « Voyons, voyons, qu’est-ce que vous allez faire? »

Mais quand on l’aura fait, je crois qu’elle dira : « C’est bien. »

Alors il n’y a qu’une façon, c’est de le faire.









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