Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
Tu as dit : « La Grâce divine ne peut agir pour nous et nous aider qu’en proportion de notre confiance en elle. » (Quelques Paroles)
Tu as dit : « La Grâce divine ne peut agir pour nous et nous aider qu’en proportion de notre confiance en elle. »
(Quelques Paroles)
Si quelqu’un n’a pas confiance en le Divin, mais appelle très sincèrement quand il est en difficulté, en danger, qu’est ce qui lui arrive?
Comment peut-il appeler? Les deux choses sont contradictoires. S’il n’a pas confiance, il ne pensera même pas au Divin! Il ne pensera pas à appeler. C’est contradictoire. Il ne pense à appeler justement qu’en proportion de sa confiance... Alors?
Tu as dit ici : « Sourire à un ennemi, c’est le désarmer. » Sourire veut dire quoi? On ne doit pas sourire à un ennemi!
On ne doit pas!... Ce que j’ai dit ici, c’est une expérience. C’est la notation d’une expérience que j’ai exprimée d’une façon générale. Mais si, à un moment donné, quelqu’un arrive avec les plus noires intentions, si on lui sourit, il est complètement désarmé, il ne peut plus rien faire. Mais il faut sourire sincèrement. Il ne faut pas faire une grimace et croire que... (rires) Je prends « sourire » dans un sens un peu complet. C’est-à-dire que si l’on peut être assez maître de soi et au-dessus des choses, dans une conscience qui est très supérieure et qui peut regarder d’en haut, même ce qui paraît le plus terrible et le plus dramatique à la conscience humaine vous fait sourire comme un enfantillage. Et alors, si l’on est dans cette conscience où l’on peut sourire de tout (parce qu’on comprend les causes de tout, et on voit aussi les forces travailler en toutes choses), si l’on peut avoir cette conscience et puis sourire à ce qui se passe, immédiatement les choses changent de nature. Seulement ce n’est pas un petit sourire extérieur et mondain : il faut que l’être psychique sourie.
Est ce que le Divin n’aide pas si on ne L’appelle pas?
Ce n’est pas tout à fait comme cela... La Conscience divine travaille toujours, partout, et de la même manière. La Grâce divine est active partout, et en toutes circonstances de la même manière. Et ainsi de suite. Mais, selon votre attitude personnelle, vous produisez au-dedans de vous les conditions pour recevoir ce qui se fait, ou pour ne pas le recevoir. Et la confiance — justement la confiance en la Vérité, la confiance en la Grâce, la confiance en la Connaissance divine —, cela vous met dans un état de réceptivité tel que vous pouvez recevoir ces choses. Tandis que si vous n’avez pas confiance... Vous pouvez tout de même essayer de recevoir quelque chose — il y a des gens, par exemple, qui font une sorte de défi, ils lancent un défi au Divin, ils lui disent : « Voilà la situation telle qu’elle est, je suis dans ces conditions qui me paraissent, à moi, inextricables, il est impossible de s’en sortir. Mais si le Divin me tire d’embarras, j’aurai confiance en Lui. » Il y a beaucoup de gens (ils ne le formulent pas comme cela), mais beaucoup le sentent et le pensent comme cela. Eh bien, c’est la pire des conditions possibles. Généralement cela vous met dans un trou complet. Et c’est justement le phénomène le plus opposé à la confiance. Et par-dessus le marché c’est un marchandage tout à fait vulgaire : « Si tu fais ça pour moi, j’aurai confiance que tu existes. Je vais essayer pour voir si vraiment tu existes et si tu es ce que l’on dit. Fais ça, et puis nous allons bien voir si tu réussis. Alors j’aurai confiance en toi. » Et beaucoup de gens font cela, même sans s’en apercevoir. Quantité de gens disent : « Comment puis-je avoir confiance en le Divin? J’ai une vie si lamentable et malheureuse! » C’est-à-dire qu’ils limitent la Conscience divine à leurs petits besoins personnels.
Si on a confiance, l’aide vient automatiquement?
Il suffit même d’un atome de sincérité, et ça vient. Et si, vraiment, si l’on appelle très sincèrement (pas appeler et en même temps dire : « On va bien voir si ça va réussir » — ça naturellement, ce n’est pas une très bonne condition), mais si l’on appelle très sincèrement et que sincèrement on ait besoin de la réponse, on attend et ça vient toujours. Et si l’on peut faire taire son mental et être un peu calme, alors on perçoit même l’arrivée de l’aide et quelle forme elle prend.
D’où viennent les dieux ?
Ce qui veut dire? « D’où vient » veut dire quoi? Quelle est leur origine? Qui les a formés?... Mais tout, tout vient de l’Origine unique, du Suprême : les dieux aussi.
Il y a une très vieille tradition qui raconte cela. Je vais vous la dire comme on la raconte aux enfants, comme cela vous comprendrez :
Un jour, « Dieu » décida de s’extérioriser, de s’objectiver, pour avoir la joie de se connaître en détail. Alors il émana d’abord sa Conscience (c’est-à-dire qu’il manifesta sa Conscience) en donnant l’ordre à cette Conscience de réaliser un univers. Cette Conscience a commencé par émaner quatre êtres, quatre individualités qui étaient des êtres vraiment tout à fait supérieurs, de la plus haute Réalité. C’étaient l’être de la Conscience, l’être de l’Amour (de l’Ânanda plutôt), l’être de la Vie, et l’être de la Lumière et de la Connaissance — mais la Conscience et la Lumière, c’est la même chose. Voilà : la Conscience, l’Amour et l’Ânanda, la Vie, et la Vérité — la Vérité, voilà le terme exact. Et naturellement, c’étaient des êtres suprêmement puissants, vous pensez. C’étaient ce que l’on appelle dans cette tradition les premiers émanés, c’est-à-dire les premières formations. Et chacun est devenu très conscient de sa qualité, de son pouvoir, de sa capacité, de sa possibilité, et, tout d’un coup, a oublié à sa manière qu’il n’était qu’une émanation et une incarnation du Suprême. Et alors il s’est produit ceci : quand la Lumière ou Conscience s’est séparée de la Conscience divine, c’est-àdire qu’elle a commencé à penser qu’elle était la Conscience divine et qu’il n’y avait rien d’autre qu’elle-même, elle est tout d’un coup devenue obscurité et inconscience. Et quand la Vie a pensé que toute la vie était en elle-même et qu’il n’y avait rien d’autre que sa vie et qu’elle ne dépendait pas du tout du Suprême, alors sa vie est devenue la mort. Et quand la Vérité a pensé qu’elle contenait toute la vérité, et qu’il n’y avait pas d’autre vérité qu’elle-même, cette Vérité est devenue le mensonge. Et quand l’Amour ou l’Ânanda a été convaincu qu’il était l’Ânanda suprême et qu’il n’y avait rien d’autre que lui et sa félicité, il est devenu la souffrance. Et voilà comment le monde, qui devait être si beau, est devenu si laid. Alors cette Conscience (si vous voulez l’appeler la Mère divine, la suprême Conscience), quand elle a vu cela, elle était très ennuyée, n’est-ce pas, elle s’est dit : « Ce n’est vraiment pas réussi! » Alors elle s’est retournée vers le Divin, vers Dieu, le Suprême, et elle Lui a demandé de venir à son secours. Elle Lui a dit : « Voilà ce qui est arrivé. Maintenant qu’est-ce qu’il faut faire? » Il a dit : « Recommence, mais arrange-toi pour que ce ne soient pas des êtres si indépendants! Il faut qu’ils restent en contact avec toi et, à travers toi, avec moi. » Et ainsi elle a créé les dieux, qui étaient bien dociles, qui n’étaient pas si orgueilleux, et qui ont commencé à faire la création du monde. Mais comme les autres étaient venus avant, à chaque pas les dieux rencontraient les autres. Et c’est ainsi que le monde s’est changé en un lieu de bataille, de guerre, de lutte, de souffrance, d’obscurité et de tout le reste, et que pour faire chaque nouvelle création, il fallait que les dieux se battent avec les autres, qui étaient partis en avant : ils les avaient devancés, ils s’étaient précipités dans la matière; et ils ont fait tout ce désordre, et il fallait que les dieux réparent tout le désordre. Voilà d’où viennent les dieux. Ce sont les seconds émanés.
Mère, les quatre premiers qui ont changé, était-ce par hasard ou par une volonté?
Non. Qu’est-ce que le hasard?
On raconte aussi — c’est la suite de l’histoire, ou plutôt le commencement — que le Divin voulait que sa création soit une création libre. Il voulait que tout ce qui sort de Lui soit absolument indépendant et libre pour pouvoir se joindre à Lui dans la liberté, pas dans la contrainte. Il ne voulait pas qu’ils soient obligés d’être fidèles, obligés d’être conscients, obligés d’être obéissants. Il fallait qu’ils le fassent spontanément, par la connaissance et la conviction que c’était beaucoup mieux. Alors ce monde a été créé comme un monde de liberté totale, de liberté de choix. Et c’est comme cela qu’à chaque minute, chacun a la liberté de choix — mais avec toutes les conséquences. Si l’on choisit bien, c’est bon, mais si l’on choisit mal, eh bien, il arrive ce qui arrive — c’est ce qui est arrivé!
On peut comprendre l’histoire d’une façon beaucoup plus occulte et spirituelle. Mais c’est comme toutes les histoires de l’univers, si on veut les raconter pour que les gens les comprennent, cela devient des histoires pour les enfants. Mais si l’on sait voir la vérité derrière les symboles, on comprend tout. Même avec ce que je vous ai dit, qui a l’air d’une petite histoire pour les enfants, même comme cela, si vous comprenez ce que je vous ai dit et le sens de ce que je vous ai dit, vous pouvez avoir le secret des choses.
Il y a des traditions qui disent que c’est un « accident », dans le sens que ça aurait pu être autrement. Mais c’est arrivé comme cela. C’est vrai, c’est arrivé comme cela. Seulement, il était très compréhensible que chacun de ces éléments ayant son origine dans le Suprême, étant tout proche de l’émanation à ce momentlà, tout proche de l’Origine, portait en lui-même la conscience de sa divinité et de sa supériorité, forcément, puisque ce n’est pas une création faite avec quelque chose d’étranger au Divin : c’est simplement le Divin qui s’est émané Lui-même, comme s’Il se regardait — Il s’objective pour prendre conscience de tout ce qu’Il est —, au lieu d’être dans un état statique intérieur de concentration où tout est non manifesté, Il projette cela en dehors de Lui « pour voir », comme s’Il voulait voir tout ce qui est au-dedans de Lui, c’est-à-dire l’infini des possibilités. Alors tout était possible. C’est arrivé comme cela — ça aurait pu arriver autrement. D’ailleurs, rien ne vous dit qu’à côté de notre univers tel qu’il est, il n’en existe pas d’autres qui sont tellement différents qu’il ne peut y avoir aucune relation d’un univers à l’autre. Il se peut très bien que notre univers ne soit pas l’unique extériorisation du Divin. Le nôtre est tel que nous le connaissons; il peut y en avoir d’autres qui soient dans un état beaucoup moins lamentable que celui-ci! D’ailleurs, il n’est lamentable que par son apparence. Si l’on va derrière l’apparence, on s’aperçoit qu’il n’est pas lamentable du tout. C’est seulement une façon de voir.
« Chaque fois que nous faisons un pas décisif dans le pro grès spirituel, les ennemis invisibles du Divin essayent toujours d’avoir leur revanche, et quand ils ne peuvent pas faire du mal à l’âme, ils frappent le corps. Mais tous leurs efforts sont en vain et seront finalement vaincus, car la Grâce divine est avec nous. »
Quels sont ces « ennemis invisibles du Divin » ?
Ce sont justement ces quatre personnages, qui naturellement ont fait d’innombrables émanations, lesquelles ont fait d’autres émanations, qui ont fait des formations. Et alors ils sont des millions, des millions, des millions, et ce sont ceux-là entre eux qui ont pris certaine habitude et qui ont la logique de la conserver et ils continuent à ne pas vouloir que ce soit une autre règle que la leur qui gouverne. C’est ce qu’on appelle en Inde les asuras, les êtres d’obscurité. C’est par logique qu’ils sont comme cela. Ils ont commencé à aller de travers, ils continuent. Maintenant, je dois dire qu’il y en a qui changent d’avis. Mais on parle de cela dans la Gîtâ aussi; je crois que l’on parle de ceux qui se convertiront et puis de ceux qui refusent absolument la conversion, qui préfèrent disparaître, être détruits que de se convertir. Et c’est comme cela. Les uns sont d’une façon, les autres de l’autre.
Quels sont « les autres » qui se sont convertis?
Tiens! tu sais cela ? Tu as bonne mémoire. Il y en a un qui s’est converti, et qui même collabore, c’est celui de la Conscience et de la Lumière.
S’il est converti, la difficulté doit partir d’elle-même.
Naturellement, et sa puissance reste. Cela devient un être formidable.
Tu as dit que la Conscience s’était changée en incons cience. Mais quand la conscience se convertit, l’incons cience doit partir?
Il redevient la Conscience et la Lumière — il redevient ce qu’il était.
Il ne l’est pas redevenu ?
Mais je viens de dire à la minute que quand il est devenu l’inconscience ou l’obscurité, il a fait d’innombrables formations — des émanations, des formations, des créations. Et sa conversion n’implique pas que tout le reste suive. Ils obéissent à cette même loi de liberté, liberté de choix. Ils peuvent se convertir ou non. Il y en a qui se convertissent, il y en a qui refusent. Et je crois que, en effet, il y en a beaucoup plus qui refusent.
Mais celui qui fait le plus de dommage, c’est le « Seigneur du Mensonge ». Ça, c’est vraiment celui qui est l’obstacle le plus grand dans l’univers : cette constante négation de la Vérité. Et il a une très forte prise sur le monde terrestre, sur le monde matériel. D’ailleurs ici (sur la terre), ceux qui le voient, le voient comme un être absolument merveilleux, splendide. Il s’intitule le « Seigneur des Nations », et il apparaît formidable, lumineux, puissant, très impressionnant... Historiquement, il a été l’inspirateur de certains chefs d’État, et il se déclare le Seigneur des Nations parce que c’est lui qui gouverne les peuples. Il est évidemment, à l’origine, l’organisateur suprême de ces deux dernières guerres. C’est à cette occasion qu’il s’est manifesté comme Seigneur des Nations. Et il a déclaré, d’ailleurs, qu’il ne se convertirait jamais. Et il sait qu’il aura une fin — naturellement il essayera que ce soit le plus tard possible. Et il a déclaré qu’il détruirait tout ce qu’il pouvait avant d’être détruit... On peut s’attendre à toutes les catastrophes.
En février, tu as donné un message disant qu’une nou velle lumière poindra sur la terre 43 , et juste après cela (le 5 mars 1953), Staline est mort. Est ce que cela indique quelque chose?
Ce serait vraiment un petit résultat! La mort de Staline (malheureusement pas plus que la mort de Hitler) n’a pas changé l’état actuel du monde. Il faudrait quelque chose de plus que cela. Parce que cela, c’est comme l’assassin que l’on guillotine : au moment où on lui coupe la tête, son esprit demeure et est projeté hors de lui. C’est une formation vitale et elle va se réfugier dans l’un des spectateurs bénévoles, qui tout d’un coup se sent un instinct de criminel. Il y a beaucoup de gens comme cela, surtout de très jeunes criminels que l’on a questionnés et qui l’ont dit. La réponse fréquente est : « Ça m’a saisi quand j’ai vu guillotiner telle personne. »
Alors, cela ne sert à rien, la mort de l’un ou de l’autre. Cela ne sert pas à grand-chose — ça s’en va ailleurs. Ce n’est qu’une forme. C’est comme si tu faisais quelque chose de très mal avec une certaine chemise et que tu jettes ta chemise et que tu dises : « Maintenant, je ne ferai plus de mal. » Tu continues avec une autre chemise!
Si la Vie s’est convertie en mort, pourquoi ne meurt-elle pas elle-même?
Parce qu’il se garde bien! C’est très juste ce que tu dis, mais il se garde bien de s’incarner sur la terre. Et dans le monde vital il n’y a pas de mort, cela n’existe pas. C’est dans le monde matériel que cela existe, et il prend très grand soin de ne pas s’incarner.
Est ce que Staline était prédestiné à être ce qu’il était?
Staline? Je ne suis pas tout à fait sûre que ce soit un être humain... en ce sens que je ne pense pas qu’il avait d’être psychique. Ou il en avait peut-être un (dans toute matière, dans tout atome il y a un centre divin), mais je veux dire un être psychique conscient, formé, individualisé. Je ne le pense pas. Je crois que c’était une incarnation directe d’un être du monde vital. Et c’était cela, la grande différence entre lui et Hitler. Hitler était un homme simplement, et en tant qu’homme, c’était une tête très faible, très sentimentale — il avait une conscience comme celle d’un petit artisan (certains ont dit : un petit cordonnier), enfin un petit artisan, ou un petit maître d’école, quelque chose comme cela, une toute petite conscience, et extrêmement sentimental, ce qu’on appelle en français « fleur bleue », très faible.
Mais c’était un possédé. Il avait le caractère plutôt médiocre — il était très médiocre. C’était un médium, il était très bon médium — ça l’a pris d’ailleurs au cours de séances de spiritisme : c’est à ce moment-là qu’il a été pris de ces crises qu’on appelait épileptiques. Ce n’était pas épileptique : c’était des crises de possession. C’est comme cela qu’il avait cette espèce de pouvoir, qui d’ailleurs n’était pas très grand. Mais quand il voulait savoir quelque chose de cette puissance, il s’en allait dans son château, là, en « méditation », et là vraiment il faisait un appel très intense à ce qu’il appelait son « dieu », son dieu suprême, qui était le Seigneur des Nations. Et tout lui apparaissait magnifique. C’était un être... il était petit — il lui apparaissait tout cuirassé d’argent, avec un casque d’argent et une aigrette d’or! Il était « magnifique »! Et une lumière tellement éblouissante qu’à peine les yeux pouvaient le regarder et supporter l’éclat. Naturellement il n’apparaissait pas physiquement — Hitler était un médium, il voyait. Il avait une certaine clairvoyance. Et c’était dans ces cas-là qu’il avait ses crises : il se roulait par terre, il bavait, mordait les tapis, c’était effroyable, l’état dans lequel il était. Les gens qui l’entouraient le connaissaient. Eh bien, celui-là est le « Seigneur des Nations ». Et ce n’est même pas le Seigneur des Nations dans son origine, c’est une émanation du Seigneur des Nations, et une émanation très puissante.
S’il choisit de disparaître, ce serait une perte de force pour le Divin?
Quoi? Qu’est-ce que tu racontes! Disparaître où? Qu’est-ce que tu appelles disparaître? Disparaître où? Tu connais l’histoire du Râmâyana. Qu’est-ce que Râvana a choisi? Tu connais cela ? Eh bien, c’est ce qui s’appelle choisir de disparaître : c’està-dire qu’il n’a plus d’individualité.
On ne dit pas ce qui est arrivé à Râvana après sa mort.
On ne dit pas cela ? À moi, on me l’a dit. On dit que Râvana a choisi de disparaître dans le Suprême, et qu’il s’est complètement dissous en lui, c’est-à-dire qu’il a perdu son individualité, qu’il n’était plus un être séparé, qu’il est retourné à l’Origine — il s’est dissous dans le Suprême. Et que même avant de le faire, il avait choisi ce rôle-là, son rôle d’hostile, parce que le chemin est beaucoup plus court que pour ceux qui sont des dévots et qui obéissent. On va beaucoup plus vite, parce que, un jour, le Divin décide que ça suffit, et justement Il les détruit. Il ne peut pas sortir du Divin puisque tout est divin! Il peut perdre son individualité, c’est-à-dire se fondre, se dissoudre dans le Suprême.
D’ailleurs rien ne disparaît, c’est la forme qui disparaît, mais les éléments constitutifs continuent. Tout est éternel puisque tout est le Divin, et rien ne peut sortir du Divin puisque tout est divin. Mais les formes disparaissent. Et c’est par cette identification avec la forme que l’on a l’impression de la mort; mais les éléments constitutifs sont éternels parce que tout est éternel. C’est la forme qui disparaît.
Alors, certains de ces êtres-là préfèrent justement être complètement dissous et disparaître totalement comme cela, dans l’infini, l’unité (c’est-à-dire qu’ils perdent leur conscience personnelle, ils n’ont plus de conscience personnelle, ils n’existent plus en tant que consciences personnelles), ils préfèrent cela plutôt que d’avoir une conscience personnelle qui se donne au Divin, et qui devienne de ce fait consciemment et personnellement immortelle. Ils aiment mieux la dissolution et la disparition personnelle que la conversion, c’est-à-dire le don de soi.
Pourquoi?
Par orgueil, je suppose. C’est toujours l’orgueil. Au fond, dès le début c’est l’orgueil — mais presque toutes les religions l’ont dit. C’est l’orgueil, c’est-à-dire une sorte de conscience de son pouvoir et de son importance.
Vous avez dit que ces quatre émanations étaient des por tions du Suprême. Alors comment peuvent-elles avoir une autre conscience que Lui?
Autre conscience? Mais il n’y a pas d’autre conscience! Le principe même de l’émanation, c’est une objectivation d’une partie de soi qui garde en potentialité les qualités de l’émanateur. Mais si cette émanation est faite (comme elles ont été faites) avec une volonté de liberté de choix, comme je l’ai dit, ces émanations peuvent ou bien suivre cette liberté et cette indépendance, ou bien continuer à garder la connexion avec l’émanateur, puisque c’est une liberté de choix. Cette puissance et cette force qu’ils contiennent en eux-mêmes est tout à fait suffisante pour leur donner l’impression de leur importance et de leur puissance. S’ils choisissent de ne pas rester en rapport volontaire, en rapport de soumission au Suprême, s’ils choisissent de se servir de la quantité de puissance et de conscience et de force qu’ils contiennent en eux-mêmes pour faire ce qu’ils ont à faire d’une façon indépendante, de ce fait même ils se coupent de leur Origine — mais cela n’empêche que les éléments constituants de leur être sont des éléments qui appartenaient à l’Origine. c’est pour cela que, même si volontairement ils se coupent, il y a tout au fond de la conscience un lien qui est indestructible. C’est le lien de l’identité. Mais dans la manifestation extérieure, comme ils ont été émanés avec cette qualité essentielle de liberté de choix, eh bien, ils sont libres de choisir de faire ceci ou de faire cela. C’est pour cela que, même dans le pire criminel, il y a au fond de lui, quelque part, la Lumière divine. Je pense que vous avez lu ce passage de Vivékânanda où il dit qu’il faut dire au criminel : « Éveille-toi (je ne sais pas les mots exacts), éveilletoi, être de lumière, et resplendis! »
Tout à l’heure, quand je vous ai dit que je vous raconterai l’histoire comme on la raconte à des enfants, c’est justement parce que je l’ai racontée comme si c’était une histoire matérielle. Et alors, racontée comme cela, cela devient une histoire d’enfant. Mais il faut voir ces choses-là dans leur domaine, qui est un domaine spirituel et non un domaine matériel. Ce n’est pas comme ce qui se passerait ici.
Mais d’ailleurs, si! Ce qui se passe ici est symboliquement la même chose, en ce sens que l’enfant qui naît n’est pas autre chose qu’un morceau de sa mère, même matériellement, tout à fait matériellement, puisque pendant à peu près... d’une façon totale pendant quelques heures, deux jours environ, et d’une façon diminuée mais encore très sensible, pendant au moins deux mois, ce lien de substance est tellement grand que cela se sent comme vraiment une prolongation physique matérielle de soi, mais en dehors de soi. Ça, c’est l’élément de l’émanation. Eh bien, ceci n’empêche que les enfants, quand ils grandissent, deviennent tout à fait indépendants de leurs parents et quelquefois extrêmement différents, mais à l’origine, au départ, c’est la même chose. C’est simplement la même matière, absolument la même, simplement extériorisée, c’est tout.
Et pour les émanations, c’est le même phénomène, mais au lieu d’être sur un plan matériel, c’est sur le plan spirituel le plus élevé. Et ce qui se passe ici est un symbole de ce qui se passe là-haut.
Eh bien, il ne vous vient jamais à l’esprit de dire : « Comment se fait-il que cet enfant, qui a une mère ou un père qui sont si bons, si justes, si généreux, si véridiques, comment se fait-il qu’il soit un tel brigand? » On peut s’étonner, mais cela ne paraît pas une chose impossible. Eh bien, c’est la même chose. Au fond, tout dépend de la constitution interne de l’être. Il n’y a pas deux êtres qui soient semblables; il n’y a pas deux constitutions qui soient semblables. Et tout dépend de l’organisation interne, de l’organisation intégrale de l’être, de l’ordre dans lequel les éléments sont organisés et quelle est leur relation intérieure — de même que la forme extérieure diffère parce que les cellules ne sont pas organisées de la même façon. Mais comme c’est un phénomène que vous voyez constamment, au milieu duquel vous êtes nés, que vous voyez tous les jours, cela vous paraît tout naturel. Mais c’est la même chose. Il vous paraît tout à fait naturel qu’un enfant soit différent de sa mère, de son père, pourtant c’est la même chose. Et dans une émanation du Suprême, d’abord une partie est nécessairement différente du tout, bien qu’elle puisse contenir potentiellement le tout, mais le tout n’est pas exprimé. Et comme le tout n’est pas exprimé, c’est forcément différent du tout, parce que l’organisation interne est différente. Voilà, je crois que cela suffit.
Nous avons presque abordé la philosophie.
Au revoir, mes enfants.
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