CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
French

Translations

ABOUT

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


août




Le 26 août 1953

« L’amour est une force suprême que la Conscience Éter nelle a émanée et envoyée dans un monde inerte et obscur afin de ramener vers le Divin ce monde et ses êtres. Dans son obscurité et son ignorance, le monde matériel avait oublié le Divin. L’amour descendit dans les ténèbres; il éveilla tous ceux qui étaient endormis; il murmura, ouvrant ainsi les oreilles scellées : “Il existe quelque chose qui vaut que l’on s’éveille et que l’on vive : l’amour!” Et avec l’éveil à l’amour, entra dans le monde la possibilité du retour au Divin. À travers l’amour, la création s’élève vers le Divin, et en réponse, l’amour divin et sa Grâce se penchent à la rencontre de la création. »

(Entretien du 2 juin 1929)

D’où vient l’amour?

D’où vient l’amour? De l’Origine de l’univers.

D’ailleurs, je le dis là. C’est ce que je dis. Je dis que l’amour est une force suprême que la Conscience éternelle a émanée afin de l’envoyer dans le monde. L’amour vient de là. (Mère prend le dernier « Bulletin 23 » d’août 1953 et lit un passage de « Les Quatre Austérités et les Quatre Libérations ») Ceci répond à la question :

« L’amour, dans son essence, est la joie de l’identité; il trouve son ultime expression dans la félicité de l’union. Entre les deux se trouvent toutes les phases de sa mani festation universelle. »

D’abord, c’est la joie de l’identité. Il faut déjà quelque chose qui puisse devenir conscient de l’identité, et c’est justement l’amour. Puis vient la manifestation de l’amour. Et dans sa forme suprême, c’est-à-dire quand il revient à son Origine à travers toutes les histoires de sa manifestation, il devient la félicité de l’union. Parce que le sentiment d’union vient comme une conséquence du sentiment de séparation. Le passage à travers tout l’univers manifesté donne le sentiment de la séparation de l’Origine; et le retour à l’Origine, c’est la félicité de l’union, c’est-à-dire que les deux choses qui ont été séparées se réunissent de nouveau. Et c’est encore l’amour; c’est l’amour après le grand circuit de la manifestation. Quand il revient à son Origine, il devient la félicité de l’union.

(Mère poursuit sa lecture de « Les Quatre Austérités et les Quatre Libérations ») « Au début de cette ma nifestation, dans la pureté de son origine, l’amour est constitué de deux mouvements, les deux pôles complé mentaires de l’élan vers la fusion complète. C’est, d’une part, le pouvoir d’attraction suprême, et de l’autre, le besoin irrésistible du don absolu de soi. Aucun mou vement ne pouvait mieux et plus que celui-là jeter un pont sur l’abîme qui se creusa quand, dans l’être indi viduel, la conscience se sépara de son origine et devint inconscience.

« Il fallait ramener à soi ce qui avait été projeté dans l’espace, sans pour cela annuler l’univers ainsi créé. C’est pourquoi l’amour jaillit, puissance d’union irrésistible.

« Il a plané au-dessus de l’ombre et de l’inconscience, il s’est dispersé, pulvérisé au sein de l’insondable unité; et c’est à partir de ce moment-là que commença l’éveil et l’ascension, la lente formation de la matière et sa pro gression sans fin. »

C’est la réponse à ta question. C’est-à-dire que aussi haut que tu remontes, à l’Origine tu trouveras l’amour. Mais pas ce que les hommes appellent amour.

Douce Mère, « si tu m’aimes, je t’aimerai », quelle sorte d’amour est ce là ?

Si tu m’aimes, je t’aimerai? C’est la façon dont les humains parlent, justement. « Si tu m’aimes, je t’aime, si tu ne m’aimes pas, je ne t’aime pas. » C’est justement l’expression tout à fait humaine de l’amour. Et cela va encore plus loin, ils appliquent cela aussi à leur relation avec le Divin; ils disent au Divin : « Si tu fais ce que je veux, je dirai que tu m’aimes, et je t’aimerai. Mais si tu ne fais pas ce que je veux, alors je ne penserai pas du tout que tu m’aimes, et je ne t’aimerai certainement pas. »

C’est comme cela. C’est-à-dire que cela devient commercial.

Mais « si tu ne m’aimes pas, je t’aimerai » ?

Ça commencerait à être mieux !

Et ce qui est encore mieux, c’est de ne pas se demander si l’on est aimé ou si on ne l’est pas, que cela vous soit absolument indifférent. Et cela commence à être le vrai amour : on aime parce qu’on aime; mais pas du tout parce que l’on reçoit une réponse à son amour ou parce que l’autre vous aime. Toutes ces conditions-là, ce n’est pas de l’amour. On aime parce que l’on ne peut pas faire autrement que d’aimer. On aime parce qu’on aime. On ne se soucie pas du tout de ce qui arrive; on est parfaitement satisfait du sentiment de son amour. On aime parce qu’on aime.

Tout le reste, c’est du marchandage, ce n’est pas de l’amour. Et d’ailleurs, il y a une chose certaine : de la seconde où l’on entre dans l’amour véritable, on ne se pose même plus de question. Cela vous paraît tout à fait enfantin et ridicule et insignifiant de se poser la question. On a la complète plénitude de la joie et de la réalisation de la minute où l’on entre dans l’amour véritable, et on n’a pas du tout besoin d’aucune espèce de réponse. On est l’amour, c’est tout. Et on a la plénitude de la satisfaction de l’amour. Il n’est pas du tout besoin de réciprocité.

Je vous le dis, tant qu’il y a ce calcul dans l’esprit ou dans les sentiments ou dans les sensations, tant qu’il y a un calcul plus ou moins avoué, c’est du marchandage, ce n’est pas de l’amour.

Tu ne peux pas arriver à comprendre?... J’espère que cela viendra un jour!

Tout le reste, c’est justement ce que les hommes ont fait de l’amour. Et puis ce n’est pas très joli, et cela mène à toutes sortes de choses qui sont encore moins jolies, comme, par exemple, la jalousie, l’envie, et chez les natures violentes cela va jusqu’à la haine. Le petit commencement, c’est cela : le besoin, si l’on aime, que ce que l’on aime ou celui que l’on aime sache qu’il est aimé. Même dans la relation avec le Divin : on aime le Divin, mais on tient à ce que le Divin sache qu’on l’aime! C’est le commencement de la dégringolade. La vraie chose, on n’y pense même pas. Ça n’effleure pas l’esprit.

On ne pense pas — on aime, c’est tout. On aime et on est dans la plénitude de l’amour et dans la joie intense de l’amour, et puis c’est tout.

Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de chemin à faire entre ce que les hommes appellent « amour » et l’amour véritable — beaucoup de chemin.

Je ne parle même pas ici de toutes les formes repoussantes que cela prend dans la conscience humaine ordinaire : je vous parle des conditions les meilleures, de l’amour sous sa forme la meilleure, même la plus désintéressée. Je ne sais pas, si vous questionnez les êtres humains, je voudrais bien savoir le pourcentage de ceux qui ne se soucient même pas de la réciprocité? Simplement cela. Pas de ceux qui disent : « Si tu m’aimes, je t’aime », cela, c’est tout en bas de l’échelle, tout en bas, presque dans le trou... Il y a encore un échelon plus bas : « Aime-moi et puis je verrai si je t’aime. » Là, on a affaire à des gens tout à fait dégoûtants. Je parle seulement du besoin de la réciprocité : c’est le premier pas sur l’échelon qui descend.

Enfin, vous comprendrez cela un jour. Vous êtes encore très jeunes.

Quel est cet amour que les animaux ont pour les hommes?

C’est à peu près le même que les hommes peu intellectuels ont pour le Divin. C’est fait d’admiration, de confiance et du sens de la sécurité. D’admiration : cela vous paraît vraiment quelque chose de très beau. Et pas raisonné : une admiration du cœur, pour ainsi dire, spontanée. Par exemple, les chiens ont cela à un très haut degré. Et puis la confiance — naturellement là, c’est quelquefois mélangé à d’autres choses : au sentiment de besoin et de dépendance, parce que c’est cette personne-là qui me donnera à manger quand j’ai faim, qui me mettra à l’abri quand il fait mauvais, qui s’occupera de moi. Ce n’est pas la plus jolie partie. Et puis cela se mélange malheureusement (et je crois... je considère que c’est entièrement de la faute des hommes) d’une sorte de crainte; d’un sentiment de dépendance et d’une sorte de crainte de quelque chose qui est beaucoup plus fort, beaucoup plus conscient, beaucoup plus... qui peut vous faire mal, et vous êtes sans force pour vous défendre. C’est dommage, mais je crois que c’est surtout la faute des hommes.

Mais si les hommes méritaient vraiment l’amour des bêtes, il est fait d’un sentiment d’émerveillement, et du sens de la sécurité. C’est une chose très jolie, le sens de la sécurité : quelque chose qui est capable de vous protéger, de vous donner tout ce dont vous avez besoin et auprès de qui vous pouvez toujours trouver abri.

Ils ont, les animaux, une mentalité tout à fait rudimentaire. Ils ne sont pas tourmentés par des pensées constantes comme les êtres humains. Par exemple, ils ont une gratitude spontanée pour un acte de bonté à leur égard, tandis que les hommes, quatre-vingt-dix-huit fois sur cent, commencent à raisonner et à se demander quel intérêt on a à être bon. C’est l’une des grandes misères de l’activité mentale. Les animaux sont libres de cela, et quand on leur fait du bien, ils vous sont reconnaissants, spontanément. Et ils ont confiance. Alors leur amour est fait de cela, et il se change en un très fort attachement, un besoin irrésistible d’être près de vous.

Il y a autre chose. Si vraiment le maître est un bon maître et que l’animal soit fidèle, il y a un échange de forces psychiques et vitales, et un échange qui pour les animaux devient une chose merveilleuse, qui leur donne une joie intense. Quand ils aiment à être tout près de vous comme cela, lorsqu’on les tient, c’est qu’ils vibrent intérieurement. La force qu’on leur donne — la force d’affection, de tendresse, de protection, tout cela — ils la sentent, et cela crée en eux un grand attachement. Même facilement chez certains animaux d’élite comme les chiens, les éléphants, et même les chevaux, cela crée en eux un besoin de dévouement tout à fait remarquable (qui justement n’est pas contrecarré par tous les raisonnements et les arguments du mental), spontané et très pur dans son essence, quelque chose qui est très beau.

Le fonctionnement mental chez l’homme, dans sa forme rudimentaire, sa première manifestation, a gâté bien des choses qui étaient beaucoup plus jolies avant.

Naturellement, si l’homme monte à un degré supérieur et s’il fait bon usage de son intelligence, alors les choses peuvent prendre une beaucoup plus grande valeur. Mais entre les deux il y a un passage où l’homme fait de son intelligence l’usage le plus vulgaire et le plus bas; il en fait un instrument de calcul, de domination, de tromperie, et là, c’est très laid. J’ai rencontré dans ma vie des animaux que j’ai considérés comme très supérieurs à un grand nombre d’hommes, parce que justement ce calcul sordide, ce besoin de tromper et de profiter, n’est pas chez eux. Il y en a d’autres qui l’attrapent — au contact de l’homme, ils l’attrapent —, mais il y en a qui ne l’ont pas.

Le mouvement désintéressé, sans calcul, est l’une des plus jolies formes de la conscience psychique dans le monde. Mais plus on monte l’échelle de l’activité mentale, plus cela devient rare. Parce que, avec l’intelligence, viennent toute l’adresse et l’habileté, et la corruption, le calcul. Par exemple, quand une rose s’épanouit, elle le fait spontanément, pour la joie d’être belle, de sentir bon, d’exprimer toute sa joie de vivre, et elle ne calcule pas, elle n’a aucun profit à en tirer : elle le fait spontanément dans la joie d’être et de vivre. Vous prenez un être humain, eh bien, à très peu d’exceptions près, du moment où son mental est actif, il essaye de tirer profit de sa beauté et de son habileté; il veut que ça lui rapporte quelque chose, ou l’admiration des gens, ou même des calculs beaucoup plus sordides encore. Par conséquent, au point de vue psychique, la rose est supérieure aux êtres humains.

Seulement, si vous montez un échelon de plus et que vous fassiez consciemment ce que la rose fait inconsciemment, alors c’est beaucoup plus beau. Mais il faut que ce soit la même chose : un épanouissement spontané de beauté, sans calcul, pour la joie d’être. Les petits enfants ont cela quelquefois (quelquefois, pas toujours). Malheureusement, sous l’influence de leurs parents et du milieu, ils apprennent à calculer très jeunes.

Mais cette espèce de besoin de tirer profit de ce que l’on a ou de ce que l’on fait est vraiment l’une des choses les plus laides qui soient au monde. Et c’est l’une des plus répandues, et qui est devenue tellement répandue qu’elle est presque spontanée chez l’être humain. Il n’y a rien qui tourne plus totalement le dos à l’Amour divin que cela, ce besoin de calculer et de profiter.

Est ce que les fleurs ont un amour?

C’est leur forme d’amour, cet épanouissement. Certainement, quand on voit la rose s’épanouir au soleil, c’est comme un besoin de donner sa beauté. Seulement, pour nous, c’est presque inintelligible, parce qu’elles ne pensent pas ce qu’elles font. Un être humain associe toujours, à tout ce qu’il fait, cette capacité de se regarder faire, c’est-à-dire de se penser, de se penser faire. On pense que l’on fait une chose. Les animaux ne pensent pas. Ce n’est pas du tout la même forme d’amour. Et les fleurs ne sont pour ainsi dire pas conscientes : c’est un mouvement spontané, pas une conscience qui est consciente de soi, du tout. Mais c’est une grande Force qui agit à travers tout cela, la grande Conscience universelle et la grande Force d’amour universel qui font que toutes les choses s’épanouissent dans la beauté.

C’est ce que j’ai écrit là aussi.

(Mère reprend sa lecture de « Les Quatre Austérités et les Quatre Libérations ») « N’est ce point l’amour, sous une forme dévoyée et obscurcie, qui est associé à toutes les impulsions de la nature physique et vitale, comme l’élan de tout mouvement et de tout groupement, deve nant tout à fait perceptible dans le règne végétal... »

N’est-ce pas, les cristaux qui s’assemblent dans la matière obéissent déjà à un mouvement d’amour; mais cela devient tout à fait perceptible dans le règne végétal, chez l’arbre et la plante. C’est le besoin de croître pour obtenir plus de lumière. Tous ces arbres qui montent toujours (ils montent toujours, les petits tâchent d’attraper les grands, les grands tâchent de monter encore; vous mettez deux plantes ensemble, elles essayent toutes de trouver une orientation qui leur donne le plus de lumière qu’elles peuvent), c’est le besoin de croître pour obtenir plus d’air, plus de lumière, plus d’espace.

(Mère poursuit sa lecture) « ... chez les fleurs, c’est le don de leur beauté et de leur senteur dans un épa nouissement amoureux ; et ensuite, chez les animaux, [l’amour] n’est-il pas derrière la faim, la soif, le be soin d’appropriation, d’expansion, de procréation, en résumé, derrière tout désir, conscient ou non, et chez les espèces supérieures, dans le dévouement plein d’abnéga tion de la femelle pour ses petits. »

... qui chez l’homme devient l’amour maternel. La seule différence, c’est qu’il est conscient de soi. Et chez les animaux, il est quelquefois même plus pur que chez les êtres humains. Il y a des exemples de dévouement, de soin, d’oubli de soi des animaux pour les petits, qui sont absolument merveilleux. Seulement c’est spontané, ce n’est pas réfléchi, ce n’est pas pensé; l’animal ne se pense pas en train de faire. L’être humain se pense. Quelquefois cela abîme le mouvement (quelquefois, le plus souvent), quelquefois cela peut le rendre d’une qualité supérieure, mais c’est rare. Il y a moins de spontanéité dans le mouvement humain que dans le mouvement animal.

J’avais une chatte, la première fois qu’elle a eu ses petits, elle ne voulait pas bouger. Elle ne mangeait pas, elle ne satisfaisait à aucun des besoins de la nature. Elle restait là, accrochée à ses petits, les couvant et les nourrissant : elle avait beaucoup trop peur qu’il leur arrive quelque chose. Et c’était tout à fait irréfléchi et spontané. Elle refusait de bouger, tellement elle avait peur qu’il puisse leur arriver quelque chose de mauvais, par instinct. Et alors, quand ils ont été plus grands, la peine qu’elle se donnait pour les éduquer! c’était merveilleux. Et une patience! Et comment elle leur apprenait à sauter d’un mur à l’autre, à attraper la nourriture; comment, avec quel soin, elle répétait une fois, dix fois, cent fois, s’il le fallait. Elle ne se fatiguait jamais, jusqu’à ce que l’enfant ait fait ce qu’elle voulait qu’il fasse. Une éducation extraordinaire. Elle leur apprenait comment côtoyer les maisons en suivant le bord des murs, comment il fallait marcher pour ne pas tomber. Quand il y avait un espace d’un mur à l’autre, ce qu’il fallait faire pour passer de là à là : les petits avaient très peur parce qu’ils voyaient le trou, et ils refusaient de sauter parce qu’ils avaient peur (ce n’était pas trop loin pour eux, mais il y avait le trou, ils n’osaient pas) et alors, la mère sautait, elle allait de l’autre côté, elle les appelait : viens, viens. Ils ne bougeaient pas, ils tremblaient. Elle sautait encore, et puis elle leur faisait un discours, elle leur donnait des petits coups de patte et les léchait, et eux ne bougeaient pas. Elle sautait. Je l’ai vue faire cela pendant plus d’une demi-heure. Mais au bout d’une demi-heure, elle a trouvé qu’ils avaient assez appris, alors elle s’est mise derrière celui qu’évidemment elle considérait comme le plus avancé, le plus capable, et elle lui a donné une bourrade avec sa tête. Alors le petit, poussé, d’instinct a sauté. Une fois qu’il avait sauté, il sautait, sautait, sautait...

Il y a peu de mères qui aient cette patience.

Voilà, mes enfants. C’est tout? Plus rien?... Bonne nuit.









Let us co-create the website.

Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.

Image Description
Connect for updates