Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
Douce Mère, tu dis que l’on peut exercer sa volonté consciente et changer le cours de ses rêves?
Mais oui, je vous ai déjà raconté cela une fois. Si vous êtes au milieu d’un rêve et qu’il se passe quelque chose qui ne vous plaise pas (par exemple, quelqu’un crie qu’il veut vous tuer), vous dites : « Ça ne va pas du tout, je ne veux pas que mon rêve soit comme cela », et vous pouvez changer l’action ou le dénouement. Vous pouvez volontairement organiser votre rêve. On arrange son rêve. Mais pour cela, vous devez être conscient que vous rêvez, il faut savoir qu’on rêve.
Mais ces rêves n’ont pas beaucoup d’importance?
Si, ils ont de l’importance, et il faut être conscient de ce qui peut arriver. Admettons que vous soyez allé vous promener dans le monde vital ; là vous rencontrez des êtres qui vous attaquent (c’est généralement ce qui se passe), si vous savez que c’est un rêve, vous pouvez très bien rassembler vos forces vitales et vaincre. C’est un fait véritable : vous pouvez avec une certaine attitude, une certaine parole, une certaine manière d’être, faire des choses que vous ne feriez pas si vous rêviez simplement.
Si, dans le rêve, quelqu’un nous tue, cela ne fait rien, puisque c’est un rêve!
Je vous demande pardon! Généralement le lendemain vous êtes malade, ou quelque temps après. C’est un avertissement. Je connais une personne qui avait été attaquée à l’œil en rêve, et qui en réalité a perdu son œil peu de jours après. Moi-même, il m’est arrivé de rêver d’avoir reçu des coups à la figure. Eh bien, le matin au réveil, j’avais une marque rouge à l’endroit, sur le front et la joue... Fatalement, pour celui qui a reçu une blessure vitale, cette blessure se traduit physiquement.
Mais comment cela se fait-il? Il doit y avoir un intermédiaire?
C’est vitalement que j’étais frappée. C’est du dedans que cela vient. Rien ni personne n’a touché quoi que ce soit au dehors. Si tu reçois un coup vital, le corps subit la conséquence. La bonne moitié des maladies sont le résultat de coups de ce genre, et cela arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le croit. Seulement, les gens ne sont pas conscients de leur vital, et comme ils ne sont pas conscients, ils ne savent pas que cinquante pour cent des maladies sont le résultat d’événements du vital : chocs, accidents, bataille, mauvaise volonté... Extérieurement, cela se traduit par une maladie. Si l’on sait comment cela réagit sur le physique, on va à l’origine, et on peut se guérir en quelques heures.
Comment se fait-il que le symbolisme des rêves varie suivant les traditions, les races, les religions?
Parce que la forme que l’on donne au rêve est mentale. Si vous avez appris que telle ou telle forme représente tel ou tel personnage mythologique, vous voyez cette forme et vous dites : « C’est ça. » Dans votre cerveau, il y a une association entre certaines idées et certaines formes, et en rêve cela se continue. Quand vous traduisez votre rêve, vous lui donnez l’explication qui correspond à ce que vous avez appris, à ce que l’on vous a enseigné, et avec l’image mentale que vous avez dans votre cerveau, vous connaissez. Du reste, je vous ai expliqué cela un peu plus loin, dans la vision de Jeanne d’Arc.
(Mère prend son livre et lit) « Si les mêmes êtres qui apparaissaient et parlaient à Jeanne, étaient vus par un Indien, ils auraient, pour lui, une apparence tout à fait différente; car lorsque l’on voit, on projette sur la vision les formes familières à son esprit. [...] Celle que l’on appelle dans l’Inde la Mère Divine, pour les catholiques c’est la Vierge Marie, et pour les Japonais, c’est Kwannon, la déesse de la Miséricorde; et d’autres encore lui donnent d’autres noms. C’est la même force, la même puissance, mais les représentations qui en sont faites diffèrent avec les religions. » (Entretien du 21 avril 1929)
(Mère prend son livre et lit) « Si les mêmes êtres qui apparaissaient et parlaient à Jeanne, étaient vus par un Indien, ils auraient, pour lui, une apparence tout à fait différente; car lorsque l’on voit, on projette sur la vision les formes familières à son esprit. [...] Celle que l’on appelle dans l’Inde la Mère Divine, pour les catholiques c’est la Vierge Marie, et pour les Japonais, c’est Kwannon, la déesse de la Miséricorde; et d’autres encore lui donnent d’autres noms. C’est la même force, la même puissance, mais les représentations qui en sont faites diffèrent avec les religions. »
(Entretien du 21 avril 1929)
Et puis? Vous n’êtes pas bavards aujourd’hui! C’est tout?
Tu dis que la formation des rêves dépend de l’idio syncrasie de l’individu ? (Entretien du 21 avril 1929)
Tu dis que la formation des rêves dépend de l’idio syncrasie de l’individu ?
C’est la façon propre à tout individu de s’exprimer, de penser, de parler, de sentir, de comprendre. C’est la combinaison de toutes ses manières d’être, de tout cela qui forme l’individu. C’est pourquoi chacun ne peut comprendre que selon sa nature. Tant que vous êtes enfermé dans votre nature propre, vous ne pouvez connaître que ce qui est dans votre conscience. Tout dépend de la hauteur de la nature de votre conscience. Votre monde est limité à ce que vous avez dans votre conscience. Si vous avez une toute petite conscience, vous comprendrez seulement peu de choses. Si votre conscience est très vaste, universelle, alors seulement vous comprendrez le monde. Si la conscience est limitée à votre petit ego, tout le reste vous échappera... Il y a des gens qui ont le cerveau et la conscience plus petite qu’une noix. Vous savez qu’une noix ressemble au cerveau; eh bien, ils regardent les choses et ne les comprennent pas. Ils ne peuvent rien comprendre d’autre que ce qui est en rapport direct avec leurs sens. Pour eux, il n’y a que ce qu’ils goûtent, ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, ce qu’ils touchent, qui ait une réalité, et tout le reste n’existe simplement pas, et ils nous accusent de parler par imagination! « Tout ce que je ne touche pas, n’existe pas », disent-ils. Mais la seule chose à leur répondre, c’est : « Cela n’existe pas pour vous, mais il n’y a pas de raison que cela n’existe pas pour d’autres. » Il ne faut pas insister avec ces gens et ne pas oublier que plus ils sont petits, plus ils ont d’audace dans leurs affirmations.
L’assurance est en proportion de l’inconscience : plus on est inconscient, plus on est sûr de soi. L’homme le plus sot est toujours le plus vaniteux. Votre sottise est en proportion de votre vanité. Plus on sait de choses... En fait, il y a un moment où l’on est tout à fait convaincu que l’on ne sait rien du tout. Il n’est pas de minute dans le monde qui n’apporte quelque chose, parce que le monde est en perpétuelle croissance. Si l’on en est conscient, on a toujours quelque chose à apprendre de neuf. Mais vous ne pouvez en être conscient que graduellement. La conviction que l’on sait est en proportion directe de l’ignorance et de la stupidité.
Douce Mère, les hommes de science ont alors une très petite conscience?
Pourquoi? Tous les hommes de science ne sont pas comme cela. Si vous rencontrez un vrai savant, qui a beaucoup travaillé, il vous dira : « Nous ne savons rien. Ce que nous savons aujourd’hui n’est rien à côté de ce que nous saurons demain. La découverte de cette année-ci sera dépassée l’année prochaine. » Un vrai savant sait très bien qu’il y a beaucoup plus de choses qu’il ne sait pas que de choses qu’il sait. Et c’est vrai pour toutes les branches de l’activité humaine. Je n’ai jamais rencontré un savant digne de ce nom qui soit fier. Je n’ai jamais rencontré un homme de valeur qui m’ait dit : « Je sais tout. » Ceux que j’ai vus m’ont tous déclaré : « En somme, je ne sais rien. » Après avoir parlé de tout ce qu’il a fait, de tout ce qu’il a réalisé, il vous dit très tranquillement : « Après tout, je ne sais rien. »
Il y a des gens qui disent parfois qu’ils ne sont rien, pour paraître modestes, mais ils ne croient pas ce qu’ils disent!
Il y a des gens insincères et hypocrites partout dans le monde. Tant pis pour eux. Ceux-là ferment la porte complètement à tout progrès. C’est tout.
Pour nous qui allons en classe, alors il est dangereux d’étudier?
Non, au contraire! Car si tu commences à bien étudier, ta conscience se réveille, et tu peux mieux te rendre compte de ce qui te manque encore. Cela me fait penser à cette dame qui en devenant peu à peu consciente, me disait : « Avant de vous avoir entendue parler, j’avais confiance dans les gens, tout le monde était bien gentil, j’étais heureuse. Maintenant que je commence à voir clair et à devenir consciente, j’ai perdu toute ma sérénité! C’est terrible de devenir conscient! »
Qu’est-ce qu’il faut faire? Devenir encore plus conscient. C’est très mauvais d’apprendre un peu. Il faut apprendre davantage, jusqu’au point où vous voyez que vous ne savez rien... Je vous ai parlé du néophyte qui veut passer aux autres ce qu’il a appris — jusqu’au jour où il voit qu’il n’a pas grand-chose à passer. Généralement, tout l’enseignement religieux est basé là-dessus. Un tout petit peu de connaissance, avec des formules précises qui sont bien écrites (généralement assez bien écrites), qui se cristallisent dans le cerveau, et qui affirment : « Ça, c’est la vérité. » Vous n’avez qu’à apprendre ce qu’il y a dans le livre. Comme c’est commode! Dans chaque religion, il y a un livre — que ce soit le catéchisme, les textes hindous, le Coran, bref tous les livres sacrés —, vous apprenez cela par cœur. On vous dit que ça-c’est-la-vérité, et vous êtes sûr que c’est la vérité et vous restez confortablement. C’est très commode, vous n’avez pas besoin de chercher à comprendre. Ceux qui ne savent pas la même chose que vous sont dans le mensonge, et même on prie pour ceux qui sont en dehors de la « Vérité »! C’est un fait général dans toutes les religions. Mais dans toutes les religions, il y a des gens qui en savent plus et qui ne croient pas ces choses-là. J’en ai rencontré un spécialement, qui appartenait à la religion catholique. C’était un grand personnage. Je lui avais parlé de ce que je savais et je lui ai demandé : « Pourquoi employez-vous cette méthode-là ? Pourquoi éternisez-vous l’ignorance? » Il m’a répondu : « C’est une politique de calme. Si nous ne faisions pas ainsi, les gens ne nous écouteraient pas. Cela, c’est le secret des religions. » Il m’a dit : « Il y a dans notre religion, comme dans les initiations anciennes, des gens qui savent. Il y a des écoles où l’on enseigne la vieille tradition. Mais il est interdit d’en parler. Toutes ces images religieuses sont des symboles qui représentent autre chose que ce que l’on enseigne. Mais on ne l’enseigne pas au-dehors. »
La raison en est très généreuse et très compatissante (selon eux) : « Les gens qui ont un petit cerveau — et ils sont nombreux —, si nous leur disons quelque chose de trop haut, de trop grand, cela les trouble, cela les dérange, et ils deviennent malheureux. Ils ne seront jamais capables de comprendre. Pourquoi les tracasser inutilement? Ils n’ont pas la capacité de trouver la vérité. Tandis que si vous leur dites : “Si vous croyez cela, vous irez au paradis”, ils sont bien contents. » Voilà. C’est très commode. C’est pour cela que ça se perpétue, autrement il n’y aurait pas de religions.
Je ne vous dis pas ceci pour encourager telle religion plutôt qu’une autre. Mais c’est un procédé qui semble généreux... Autrement il n’y aurait pas de religions : il y aurait des maîtres et des disciples, des gens qui auraient un enseignement supérieur et une expérience exceptionnelle. Ce serait très bien. Mais dès que le maître est parti, ce qui arrive c’est que la connaissance qu’il donnait se change en religion. On établit des dogmes rigides, les règles religieuses naissent et on ne peut plus que s’incliner devant les Tables de la Loi. Alors qu’au début ce n’était pas comme cela. On vous dit : « Cela est vrai, cela est faux, le maître a dit... » Quelque temps après, le maître devient un dieu, et on vous dit : « Dieu a dit. »
Remarquez, je vous dis cela parce que je sais que vous êtes tous ici libérés des religions. Si j’avais en face de moi quelqu’un qui ait une religion à laquelle il croie, je lui dirais : « C’est très bien, gardez votre religion, continuez. » Heureusement pour vous tous, vous n’en avez pas. Et j’espère que vous n’en aurez jamais parce que c’est la porte fermée à tout progrès.
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