CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


août




Le 5 août 1953

Est ce que l’être psychique progresse toujours?

Il y a, dans le psychique, deux genres de progrès très différents. L’un qui consiste en sa formation, construction et organisation. Parce que le psychique commence par être seulement une sorte de petite étincelle divine à l’intérieur de l’être, et de cette étincelle sortira progressivement un être conscient, indépendant, qui aura son action et sa volonté propres. L’être psychique, à l’origine, est seulement comme une étincelle de la Conscience divine, et c’est par les vies successives qu’il se constitue une individualité consciente. C’est un progrès équivalent à celui de l’enfant quand il croît. C’est une chose qui est en formation; pendant très longtemps, dans la plupart des êtres humains, l’être psychique est un être en formation. Ce n’est pas un être pleinement individualisé et pleinement conscient et maître de lui, et il a besoin de toutes les réincarnations, l’une après l’autre, pour se constituer et devenir tout à fait conscient.

Mais ce genre de progrès a une fin. Il y a un moment où l’être est pleinement constitué, pleinement individualisé et pleinement maître de lui-même et de sa destinée. Quand cet être, ou un de ces êtres psychiques à cet état-là, s’incarne dans un être humain, cela fait une très grande différence : l’être humain, pour ainsi dire, naît libre. Il n’est pas lié aux circonstances, à l’entourage, à son origine et à son atavisme comme les êtres ordinaires. Il vient dans le monde pour accomplir quelque chose volontairement, avec une œuvre à remplir, une mission à remplir. Et de ce point de vue, son progrès de croissance est terminé, c’est-à-dire qu’il ne lui est plus indispensable de renaître dans un corps. Jusque-là, la réincarnation est obligatoire, parce que c’est avec la réincarnation qu’il se développe; c’est dans la vie physique et dans un corps physique qu’il se développe petit à petit et qu’il devient un être complètement conscient. Mais une fois qu’il est entièrement formé, il est libre, en ce sens qu’il peut s’incarner ou ne pas s’incarner, à volonté. Alors là, un certain genre de progrès s’arrête.

Mais si cet être pleinement formé veut devenir un instrument de travail du Divin, si au lieu d’aller se reposer dans une béatitude psychique, dans son monde propre, il choisit d’être un travailleur sur la terre pour aider à l’accomplissement de l’Œuvre divine, alors il a un nouveau progrès à faire, un progrès de capacité de travail et d’organisation de son travail et d’expression de la Volonté divine. Il y a donc un moment où cela change. Tant qu’il restera dans le monde, tant qu’il choisira de travailler pour le Divin, il progressera. C’est seulement s’il se retire dans le monde psychique et qu’il renonce ou qu’il refuse de continuer à travailler à l’Œuvre divine, que là, il peut rester dans un état statique hors de tout progrès, parce que, comme je vous l’ai dit, le progrès existe sur la terre, dans le monde physique; il n’existe pas partout. Dans le monde psychique, il y a une sorte de repos béatifique : on reste ce que l’on est sans bouger.

Mais pour les gens qui ne sont pas conscients de leur psychique?

Ils sont obligés de progresser, qu’ils le veuillent ou non.

L’être psychique lui-même progresse en eux, et ils ne sont pas conscients de lui. Mais eux-mêmes sont obligés de progresser. C’est-à-dire qu’ils suivent une courbe. Ils suivent une ascension dans la vie. C’est la même progression que l’enfant qui croît : il arrive un moment où il est au sommet de sa croissance et alors, à moins qu’il ne change de plan de progression, à moins que la progression purement physique ne devienne une progression mentale, une progression psychique, une progression spirituelle, il va redescendre la courbe, et puis il y aura une décomposition — il n’existera plus.

C’est justement parce que dans le monde physique la progression n’est pas perpétuelle et constante qu’il y a une croissance, un apogée, une descente et une décomposition. Parce que tout ce qui n’avance pas recule; tout ce qui ne progresse pas régresse.

Alors, physiquement, c’est justement ce qui se produit. Le monde physique n’a pas appris à progresser d’une façon indéfinie : il arrive jusqu’à un certain point, puis il se fatigue de progresser, ou il n’est pas capable de progresser dans cette constitution, mais enfin il cesse de progresser, et au bout d’un temps, il se décompose. Ceux qui ont une existence purement physique arrivent jusqu’à un certain sommet, puis ils redescendent très vite. Mais maintenant, avec la progression humaine générale, collective, derrière le progrès physique, il y a un progrès vital, il y a un progrès mental, de sorte que le progrès mental peut continuer très longtemps après que le progrès physique est fini et, par ce progrès mental, on se maintient dans un certain état d’ascension longtemps après que le physique ne progresse plus.

Et puis, il y a ceux qui font le yoga et qui deviennent conscients de leur être psychique et qui s’identifient à lui, qui participent à son existence; et pour ceux-là, n’est-ce pas, jusqu’au dernier souffle de leur vie, ils progressent. Et ils ne s’arrêteront pas après la mort quand ils auront quitté leur corps sous prétexte que le corps ne pourra plus durer : ils continueront à progresser.

C’est l’incapacité du corps à se transformer, à continuer à progresser qui fait qu’il régresse et que, finalement, il devient de plus en plus sensible aux déséquilibres intérieurs, jusqu’au jour où il y en a un assez fort pour le déséquilibrer tout à fait et qu’il ne puisse plus reprendre son équilibre et sa santé. Nous verrons cela la semaine prochaine. Ce n’est que dans la vie spirituelle pure — celle qui est en dehors de toute existence physique et terrestre, y compris le mental —, dans la vie purement spirituelle qu’il n’y a pas de progrès. On arrive à un état statique et on est hors des mouvements de progrès. Mais en même temps, on est hors de la manifestation aussi. Quand on arrive à cet état-là, on n’appartient plus à la manifestation, on sort du monde manifesté. Il faut sortir du monde manifesté pour sortir du progrès, parce que les deux sont identiques : manifestation veut dire progrès, et progrès veut dire manifestation.

Beaucoup de gens pensent et écrivent par inspiration. D’où est ce que cela vient?

Beaucoup de gens? Ça, c’est une chose merveilleuse! Je ne croyais pas qu’il y en avait tant... Alors?

Les poètes, quand ils écrivent des poèmes...

Ah! il y a des inspirations qui viennent de beaucoup d’endroits différents. Il y a des inspirations qui peuvent être très matérielles, il y a des inspirations qui peuvent être vitales, il y a des inspirations qui viennent de toutes sortes de plans du mental, et il y a, très, très rarement, des inspirations qui viennent du mental supérieur ou d’une région plus haute. Toutes les inspirations ne viennent pas du même endroit. Alors, être inspiré ne veut pas dire nécessairement que l’on soit un être supérieur... On peut être inspiré aussi à faire et à dire beaucoup de bêtises!

« Inspiré » veut dire quoi?

Cela veut dire recevoir quelque chose qui est au-delà de vous, qui n’était pas au-dedans de vous; s’ouvrir à une influence qui est en dehors de votre être conscient individuel.

Au fond, on peut aussi avoir l’inspiration de faire un meurtre! Dans les pays où l’on décapite les assassins, où on leur coupe la tête, cela fait une mort très brutale qui précipite l’être vital, qui ne lui donne pas le temps de se décomposer pour sortir du corps — l’être vital est précipité violemment hors du corps, avec toutes ses impulsions — et généralement, il va se loger dans l’un de ceux qui sont là, à moitié horrifiés, à moitié avec une sorte de curiosité malsaine. Ça les ouvre et il entre dedans. Les statistiques ont prouvé que la plupart des jeunes assassins disent que l’impulsion leur est venue quand ils ont assisté à la mort d’un autre assassin. C’était une « inspiration », mais d’un ordre détestable!

Au fond, c’est un moment d’ouverture à quelque chose qui n’était pas au-dedans de votre conscience personnelle, qui vient du dehors, qui se précipite en vous et vous fait faire quelque chose. C’est la formule la plus vaste que l’on puisse donner.

Maintenant, généralement, quand les gens disent : « Oh ! c’est un poète inspiré », cela veut dire qu’il a reçu quelque chose de très haut et qu’il l’exprime d’une façon très remarquable. Mais il faudrait dire qu’il a une inspiration d’une qualité supérieure.

Cela ne vient pas, Mère, quand on veut?

Quand on veut? Généralement pas, parce que l’on ne connaît pas le mécanisme de son être et que l’on ne peut pas ouvrir les portes à volonté.

C’est une chose que l’on peut faire; c’est l’une des choses que l’on vous apprend le plus vite à faire dans le yoga : à ouvrir la porte quand on veut. C’est le résultat de la méditation, ou de la concentration ou de l’aspiration — tous ces procédés-là sont faits pour ouvrir une porte quelque part.

Et généralement on essaye de l’ouvrir, justement, vers la chose la plus haute, pas vers n’importe quoi. Parce que l’autre réceptivité, malheureusement on l’a toujours... Il est impossible d’être tout à fait enfermé dans une tour d’ivoire — et d’ailleurs, je crois que ce ne serait pas très favorable, il serait impossible de progresser si l’on était complètement enfermé en soi-même. On ne pourrait que réarranger ce qui est au-dedans de soi. Imagine que l’on soit comme un globe fermé, tout à fait fermé, qu’il n’y ait aucune communication avec le dehors — on ne projette rien, on ne reçoit rien, on est enfermé —, on a un certain nombre d’éléments de conscience, de mouvements, de vibrations (appelle-les comme tu veux), tout cela est contenu comme dans une boule, et ta conscience aussi. Tu n’as aucun rapport avec l’extérieur, tu es consciente seulement de toimême. Qu’est-ce que tu peux faire?... Changer l’organisation au-dedans; cela, on peut, on peut faire beaucoup de choses en changeant cette organisation. Mais c’est limité à cela. C’est une sorte de progrès interne, mais il n’y a aucun progrès véritable en rapport avec les forces qui sont en dehors de soi. On serait extrêmement limité au bout d’un certain temps, on serait très fatigué de soi-même : tourner et retourner, tourner et retourner les éléments qui sont dedans — pas très amusant.

Mais tout le temps on s’extériorise, et tout le temps on rapporte quelque chose de son extériorisation; c’est comme une chose poreuse : la force sort et puis une force rentre. Il y a des pulsations comme cela. Et c’est pour cela qu’il est très important de choisir l’entourage dans lequel on vit, parce qu’il y a une sorte d’échange constant entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit. Les gens qui se projettent beaucoup dans l’activité reçoivent davantage. Mais ils reçoivent sur le même plan, sur le plan de leur activité. Les enfants, par exemple, qui sont plus jeunes, qui sont toujours à bouger, toujours à crier, toujours à courir, sauter (c’est très rare qu’ils se tiennent tranquilles, excepté quand ils dorment, et encore), eh bien, eux, ils dépensent beaucoup, ils reçoivent beaucoup, et généralement c’est une dépense d’énergie physique et vitale, et une réception des énergies physiques et vitales. Ils récupèrent en grande partie ce qu’ils dépensent. Alors là, il est très important qu’ils soient dans un milieu où ils puissent, après avoir dépensé, ou pendant qu’ils dépensent, récupérer quelque chose qui soit au moins d’une qualité égale à la leur, qui ne soit pas d’une qualité inférieure.

Quand on n’a plus cette espèce de générosité de mouvement, on reçoit beaucoup moins; et c’est l’une des raisons — une des raisons principales — de l’arrêt dans le progrès physique. C’est parce que l’on devient économe, on essaye de ne pas gaspiller; le mental intervient : « Il faut faire attention : pas se fatiguer, pas en faire trop, etc. » Le mental intervient et la réceptivité physique diminue beaucoup. Finalement, on ne grandit plus — à force de devenir raisonnable on ne grandit plus!

Mais la réceptivité s’ouvre sur d’autres plans. Les gens qui vivent dans un monde de désirs et de passions, leur réceptivité vitale quelquefois croît beaucoup et prend des proportions très désagréables pour eux-mêmes et pour leur entourage. Et puis, il y a ceux qui vivent dans une conscience mentale; leur réceptivité mentale croît beaucoup. Tous ceux qui produisent mentalement, qui étudient, qui vivent dans une activité mentale, si leur activité mentale est constante, ils peuvent faire des progrès indéfinis. Le mental dans l’être humain ne s’arrête pas de fonctionner, même quand l’instrument physique est détérioré. Il peut ne plus manifester son intelligence matériellement s’il y a une lésion au cerveau, par exemple, mais le mental luimême, indépendamment de l’instrument, rien ne l’empêche de progresser, de continuer à se développer. C’est un être d’une durée infiniment supérieure à la durée physique. Il est encore en jeunesse quand déjà, physiquement, on est vieux. C’est seulement si l’on ne fait pas attention de garder son cerveau en bon état, s’il lui arrive des accidents et s’il y a des lésions, que l’on ne peut plus s’exprimer. Mais le mental lui-même continue à se développer. Et ceux qui sont dans un équilibre physique suffisant... par exemple, ceux qui n’ont pas fait d’excès d’aucun genre, qui n’ont jamais abusé de leur corps, qui ne se sont pas empoisonnés comme la plupart des gens — ceux qui n’ont pas fumé, pas bu de l’alcool et le reste —, gardent leur cerveau relativement en bon état, et ils peuvent progresser, même dans l’expression, jusqu’à la fin de leur vie. Ce n’est que si, arrivés aux dernières années de leur existence, ils ont une sorte de retrait au-dedans d’eux-mêmes, alors ils perdent le pouvoir de s’exprimer. Mais le mental continue à progresser.

Le vital, lui, par nature, est immortel. Mais il n’est pas organisé, et dans son état normal, il est dans un état de surexcitation, de passions, d’impulsions contradictoires. Alors, avec tout cela, il se détruit lui-même. Mais autrement les éléments continuent à exister. Un désir, une passion, est une chose très vivante et qui continue à vivre pendant très longtemps, même indépendamment de l’être qui les a... je peux dire « subis » plus que formés, parce que ce sont des choses que l’on subit, qui se précipitent sur vous du dehors comme un orage qui s’empare de votre être et vous emporte, à moins que l’on ne se tienne très tranquille, comme cela, très immobile, très tranquille, comme si l’on s’accrochait à quelque chose de solide et d’immobile dans son être, et on laisse passer l’orage quand ça souffle — ça souffle, il ne faut pas bouger, il ne faut pas se laisser trembler ou secouer ou ébranler; il faut rester très immobile, et puis savoir que ce sont des orages qui passent. Et quand l’orage est passé, il est passé, il s’en va ; alors on peut respirer profondément et reprendre son équilibre normal; et il y a eu le minimum de dégâts. Dans ce cas-là, généralement, les choses finissent bien.

Mais ceux qui sont comme un bouchon sur l’eau et qui sont précipités dans toutes les directions et qui n’arrivent pas à se ressaisir et à se garder, n’importe quoi peut arriver. Ils peuvent être pris dans un tourbillon, comme cela, et puis hop ! engloutis. Alors il ne reste rien.

C’est tout?

Il y a des gens qui font des bêtises...

Oui.

Et ils savent qu’ils les font, mais le mental ne les justifie pas, il ne donne aucun support ni excuse, ni de raison nements ni d’explications. Quel est cet état 19 ?

Quel est cet état? Les gens qui savent qu’ils font des bêtises, qui sont conscients, mais qui ne peuvent pas s’en empêcher parce que leur mental n’a pas la force suffisante de les empêcher?...

Mais le mental n’a jamais une force suffisante pour les empêcher! Parce que le mental est un instrument qui est fait pour voir toutes les choses de tous les côtés. Alors comment veux-tu avoir une volonté assez forte pour résister à une impulsion quand le mental regarde de ce côté-ci et puis regarde de ce côté-là ? Et puis il dit : « Après tout, c’est comme cela, et puis pourquoi ne serait-ce pas comme cela ? » Et alors, où est ta volonté?...

Comme je le disais là 20 , il trouve toujours un moyen de tout expliquer, tout légitimer, et de donner des raisons admirables à toutes choses.

Ce n’est que l’être psychique qui a la force d’intervenir. Si ton mental est en rapport avec l’être psychique, s’il reçoit l’influence de l’être psychique, alors il est assez fort pour organiser la résistance. Il sait quelle est la chose vraie, quelle est la chose fausse; et sachant quelle est la chose vraie, s’il a de la bonne volonté, il organisera la résistance, il livrera la bataille et remportera la victoire. Mais c’est la seule condition : il faut qu’il soit en rapport avec l’être psychique.

Parce que même les plus belles théories, même si l’on sait mentalement beaucoup de choses et que l’on ait d’admirables principes, ce n’est pas suffisamment fort pour créer une volonté qui puisse résister à une impulsion. Il y a un moment où l’on est tout à fait déterminé, on a décidé que ce serait comme cela : par exemple, que l’on ne ferait pas telle chose — c’est décidé, on ne le fera pas —, mais comment se fait-il que tout d’un coup (on ne sait comment ni pourquoi, ni ce qui s’est passé) on n’a plus décidé du tout! Et alors on trouve en soi immédiatement une excellente excuse pour le faire... Parmi d’autres, il y a un certain genre d’excuse que l’on se donne toujours : « Eh bien, si je le fais cette fois-ci, au moins je serai convaincu que c’est très mauvais et je ne le ferai plus, et ce sera la dernière fois. » C’est la plus jolie excuse que l’on se donne toujours : « C’est la dernière fois que je le fais. Cette fois-ci, je le fais pour bien comprendre que c’est mauvais et qu’il ne faut pas le faire, et je ne le ferai plus. C’est la dernière fois. » Chaque fois, c’est la dernière fois! et on recommence.

Il y a naturellement ceux qui ont des idées moins claires et qui se disent : « Après tout, pourquoi ne voulais-je pas le faire? Ce sont des théories, ce sont des principes qui peuvent ne pas être vrais. Si j’ai cette impulsion, qu’est-ce qui me dit que cette impulsion n’est pas meilleure qu’une théorie?... » Ce n’est pas pour eux, la dernière fois. C’est quelque chose qu’ils acceptent comme tout à fait naturel.

Entre ces deux extrêmes, il y a toutes les possibilités. Mais le plus dangereux de tout, c’est de dire : « Eh bien, je le fais encore cette fois, parce que cela va me purger de cette choselà. Après, je ne le ferai plus. » Maintenant la purge n’est jamais suffisante!

C’est seulement si l’on a décidé : « Eh bien, cette fois-ci, je vais essayer de ne pas le faire, et je ne le ferai pas et je m’y appliquerai de toute ma force et je ne le ferai pas. » Même si l’on a un tout petit succès, c’est beaucoup. Pas un grand succès, même un tout petit succès, un succès très partiel : vous n’exécutez pas ce que vous avez envie de faire; mais l’envie, le désir, la passion est encore là, et qui fait des remous dedans, mais vous résistez extérieurement : « Je ne le ferai pas, je ne bougerai pas; même s’il faut que je me lie les pieds et les mains, je ne le ferai pas. » C’est un succès partiel — mais c’est une grande victoire parce que, à cause de lui, la prochaine fois vous pourrez faire un petit peu plus. C’est-à-dire qu’au lieu de garder toutes les passions violentes en vous, vous pouvez commencer à les calmer un peu; et vous les calmerez d’abord lentement, avec difficulté. Elle restera longtemps, elle reviendra, elle vous troublera, elle vous ennuiera, elle vous donnera un grand dégoût, tout cela, mais si vous résistez bien et que vous disiez : « Non, je n’exécuterai rien; quoi qu’il me coûte, je n’exécuterai rien; je reste comme une pierre », alors, petit à petit, petit à petit, ça s’atténue, ça s’atténue, et on peut commencer à apprendre la seconde attitude : « Maintenant je veux que ma conscience soit au-dessus de ces choses-là. Il y aura encore de nombreuses batailles, mais si ma conscience est au-dessus de ça, petit à petit il y aura un moment où ça ne viendra plus. » Et puis il y a un moment où l’on sent qu’on est tout à fait libre : on ne s’en aperçoit même pas, et puis c’est tout. Ça peut prendre longtemps, ça peut venir vite : cela dépend de la force de caractère, de la sincérité de l’aspiration. Mais même pour les gens qui ont une petite sincérité, s’ils s’astreignent à ce procédé, ils réussissent. Cela prend du temps. Ils réussissent la première chose : ne pas manifester. Toutes les forces dans le monde terrestre tendent à la manifestation. Ce sont des forces qui viennent dans le but de se manifester, et si vous mettez une barrière et que vous refusiez la manifestation, elles peuvent essayer de se battre contre la barrière pendant un temps, mais à la longue elles se fatigueront, et n’étant pas manifestées, elles se retireront, elles vous laisseront tranquille.

Alors, il ne faut jamais se dire : « Je vais d’abord purifier ma pensée, purifier mon corps, purifier mon être vital, et puis je purifierai mon action après. » C’est l’ordre normal, mais cela ne réussit jamais. L’ordre efficace, c’est de commencer par le dehors : « D’abord, je ne le fais pas, et après, je ne désire plus, et après, je ferme ma porte complètement à toutes les impulsions : elles n’existent plus pour moi, je suis maintenant en dehors de ça. » C’est l’ordre réel, l’ordre efficace. D’abord, ne faites pas. Et puis vous ne désirerez plus, et puis ça sortira de votre conscience complètement.

Quand l’être psychique va entrer dans le monde, est ce qu’il choisit d’avance la forme qu’il va prendre?

C’est une question intéressante. Cela dépend.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a des êtres psychiques qui sont en voie de formation et de progression; ceux-là généralement, tout au début, ils ne peuvent pas beaucoup choisir, mais quand ils sont arrivés à un certain degré de développement et de conscience (généralement quand ils sont encore dans un corps physique et qu’ils ont eu une certaine somme d’expériences), ils décident à ce moment-là quel sera le champ de leur expérience suivante.

Je peux vous donner des exemples un peu extérieurs. Par exemple, un être psychique avait besoin de faire l’expérience de l’autorité, du pouvoir, pour savoir quelles sont les réactions et comment on peut tourner tous ces mouvements vers le Divin : apprendre ce que peut vous enseigner une vie de pouvoir. Ils se sont incarnés dans un roi ou une reine. Ils ont joui d’un certain pouvoir, et alors, pendant ce temps-là, ils ont fait leur expérience, ils sont arrivés au bout du champ d’expérience. Maintenant, ils savent ce qu’ils voulaient savoir, ils vont s’en aller, ils vont quitter leur corps devenu inutilisable, et ils vont se préparer à l’expérience suivante. Eh bien, à ce moment-là, quand il est encore dans ce corps et qu’il a vu ce qu’il a appris, le psychique décide pour la fois suivante. Et quelquefois ce sont des mouvements d’action et de réaction : parce qu’il a étudié tout un champ, il a besoin d’étudier le champ contraire. Et très souvent, il choisit une vie très opposée à celle qu’il avait. Ainsi, avant de s’en aller, il dit : « La prochaine fois, c’est dans ce domaine-là que je m’incarnerai. » Admets, par exemple, que le psychique soit arrivé à un état de développement tel qu’il voudrait avoir la chance de travailler sur le corps physique pour le rendre capable d’entrer consciemment en rapport avec le Divin et de le transformer. Alors, il va quitter ce corps où il a eu le pouvoir, l’autorité, l’action, ce corps qu’il a utilisé pour son développement. Il se dit : « La prochaine fois, mon incarnation se fera dans un milieu neutre, ni en bas, ni en haut, là où il ne sera pas nécessaire... comment dire... d’avoir une vie très extérieure, où l’on n’aura ni un grand pouvoir ni une grande misère » — tu sais, tout à fait neutre, comme cela, une vie de milieu. Il choisit cela. Il s’en retourne dans son monde psychique pour le repos nécessaire, l’assimilation de l’expérience faite, la préparation de l’expérience future. Il se souvient naturellement de son choix, et, avant de redescendre, quand il a fini son assimilation, quand c’est le temps de revenir, de descendre sur la terre, de ce domaine, il ne peut pas voir les choses matérielles comme nous les voyons, n’est-ce pas : elles lui apparaissent sous une autre forme. Mais tout de même, ces différences-là sont prévisibles — les différences du milieu, les différences d’activité de milieu sont très visibles, très perceptibles. Il peut avoir la vision totale ou globale. Il peut choisir. Parfois, il choisit le pays : quand il veut un certain genre d’éducation, de civilisation, d’influence, il peut choisir son pays d’avance. Quelquefois pas, quelquefois il choisit seulement son milieu et le genre de vie qu’il mènera. Et alors, de là-haut, avant qu’il ne descende, il voit les genres de vibrations qu’il veut; il les voit très clairement. Et c’est comme s’il visait l’endroit où il va tomber. Mais il y a une approximation Entretiens 1953 236 qui vient du fait qu’une autre condition est nécessaire : pas seulement son choix, mais une réceptivité d’en bas et une aspiration. Il faut qu’il y ait quelqu’un dans le milieu qu’il a choisi, généralement la mère (quelquefois les deux parents, mais le plus indispensable c’est la mère), qu’elle ait une aspiration ou une réceptivité, quelque chose qui soit suffisamment passif et ouvert, ou bien une aspiration consciente vers quelque chose de supérieur. Et cela, pour l’être psychique, ça allume une petite lumière. Dans cette masse que représente pour lui le milieu dans lequel il veut naître, si, à l’influence de la projection de sa volonté, il y a une petite lumière qui s’allume, alors il sait que c’est là qu’il doit aller.

C’est nécessaire, c’est ce qui fait les différences de mois ou de jours peut-être, pas tant que d’années; mais enfin, cela crée un flottement, cela fait qu’il ne peut pas dire d’avance exactement : « À cette date-là, ce jour-là, ce moment-là, je naîtrai. » Il est dans la nécessité de trouver une réceptivité. Quand il voit cela, alors il se précipite. Mais ce qui arrive, c’est un peu comme une image : ce n’est pas exactement la chose, mais c’est très analogue. Il se précipite dans une inconscience, parce que le monde physique, même la conscience humaine quelle qu’elle soit, est très inconsciente par rapport à la conscience psychique. Et il se précipite dans une inconscience. C’est comme s’il tombait sur la tête. Ça l’abrutit. Et alors, généralement, à part quelques très, très rares exceptions, pendant longtemps il ne sait pas. Il ne sait plus où il est, ni ce qu’il fait, ni pourquoi il est là, ni rien. Et il a une grande difficulté pour s’exprimer, surtout dans un petit bébé qui n’a pas de cerveau, n’est-ce pas; c’est un embryon de cerveau qui est à peine formé et il n’a pas d’éléments pour se manifester. Alors il est très rare que tout de suite l’enfant manifeste qu’il contient un être exceptionnel... Cela arrive. Ce sont des choses que nous avons entendu raconter. Cela arrive, mais généralement il faut un certain temps. C’est seulement lentement qu’il se réveille de son abrutissement et qu’il se rend compte qu’il est là pour une raison et par un choix. Et généralement, cela coïncide avec l’éducation mentale intensive qui vous ferme complètement à la conscience psychique. Alors il faut un tas de circonstances, d’événements de tous genres, d’émotions, toutes sortes de choses pour ouvrir les portes intérieures et pour que l’on recommence à se souvenir qu’après tout, on est venu d’un autre monde et qu’on est venu avec une raison précise.

Autrement, si tout se passait normalement, très vite il pourrait y avoir une connexion, très vite. S’il avait la chance d’avoir quelqu’un qui ait un petit peu de connaissance, et qu’au lieu de tomber dans un monde d’ignorance, il tombe sur un petit peu de connaissance, ce serait fait très vite.

Mais la volonté psychique et le développement psychique échappent complètement à toutes les notions communes de justice et de récompense et de punition telles que les hommes les comprennent. Il y a des religions, il y a des philosophies qui vous racontent toutes sortes d’histoires, qui sont tout simplement l’application au monde invisible des notions de justice humaine, et alors cela, ce sont des âneries. Parce que ce n’est pas du tout comme cela ; la notion de récompense et de punition telle que l’homme la comprend est une absurdité. Cela ne s’applique pas du tout, du tout à toutes les réalités intérieures. Et alors, une fois que l’on entre dans le monde spirituel véritable, cela devient véritablement des âneries. Parce que ce n’est pas comme cela.

Il y a des quantités de gens qui viennent me trouver :

« Qu’est-ce que j’ai donc fait dans une vie antérieure pour que maintenant je sois dans des conditions si difficiles, qu’il m’arrive tant de malheurs? » Et la plupart du temps, je suis obligée de leur dire : « Mais vous ne voyez donc pas que c’est une bénédiction qui est sur vous, une grâce! et que peut-être, dans une vie antérieure, vous avez demandé que ce soit comme cela, pour que vous puissiez faire un plus grand progrès... » Ce sont des idées tout à fait courantes : « Oh! je suis malade. Oh! mon 38 corps est en mauvais état, qu’est-ce que j’ai fait? Quel crime ai-je commis dans une autre vie pour que dans celle-ci... » Ce sont des enfantillages.

Voilà, au revoir, mes enfants.









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