CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1953 Vol. 5 of CWM (Fre) 472 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.

Entretiens - 1953


octobre




Le 7 octobre 1953

« La méthode par laquelle vous aurez le plus de succès, [pour obtenir une guérison] dépend de la conscience que vous avez développée en vous et du caractère des forces que vous êtes capable de faire entrer en jeu.

« Vous pouvez vivre dans la conscience de la guérison radicale et, par la force de votre formation intérieure, amener lentement le changement extérieur. Ou bien, si vous connaissez et voyez la force qui est capable d’effectuer les choses requises et que vous sachiez la manier, vous pouvez l’appeler et la concentrer aux endroits où son action est nécessaire, et elle-même amènera le changement. Ou encore, vous pouvez présenter votre difficulté au Divin et lui demander de vous guérir, en plaçant toute votre confiance dans le pouvoir divin. »

(Entretien du 23 juin 1929)

Quelle est cette « conscience de la guérison radicale » ?

Cela ne veut pas dire qu’il existe une conscience spécifique de la guérison radicale. Cela veut dire : « Vivre dans un état de conscience qui est conforme à la guérison radicale. » Comment expliquer?... Vous avez en vous un tableau, ou une image ou une formation qui réalise en elle-même tous les rapports et tous les éléments nécessaires pour que la guérison puisse exister et qu’elle soit totale. Cela s’appelle « avoir la conscience de la guérison radicale ». Cela ne veut pas dire qu’il y ait un état de conscience qui soit en lui-même une guérison radicale, et que si vous obtenez cette conscience, eh bien, vous obtenez la guérison. Ce n’est pas comme cela. Tu as compris la différence?

« En certains, l’aspiration se meut dans le plan mental ou dans le plan vital; d’autres ont une aspiration spiri tuelle. De la qualité de l’aspiration dépend la force qui répond et le travail qu’elle vient faire. Faire le vide en soi dans la méditation, crée un silence intérieur; cela ne veut pas dire que l’on ne soit plus rien ou que l’on soit devenu une masse inerte et morte. À faire le vide, on invite ce qui va le remplir. C’est-à-dire que l’on per met une détente dans l’insistance de la conscience sur la réalisation. Cependant, la nature de la conscience et le degré habituel de l’insistance déterminent non seule ment les forces que l’on met en jeu, mais également la manière dont elles agiront : si elles aideront et accompli ront, ou bien échoueront, ou même si elles entraveront et seront nuisibles. »

(Entretien du 23 juin 1929)

Quelle est la différence entre l’aspiration dans le men tal, l’aspiration dans le vital et l’aspiration spirituelle?

De quelle manière aspirez-vous dans le mental, aspirez-vous dans le vital, ou aspirez-vous spirituellement?

Une aspiration mentale, c’est le pouvoir de penser qui aspire à avoir la connaissance, par exemple, ou bien à avoir le pouvoir de s’exprimer bien, ou bien à avoir les idées claires, un raisonnement logique. On peut aspirer à beaucoup de choses : que toutes les facultés, toutes les capacités mentales soient augmentées et mises au service du Divin. C’est une aspiration mentale.

Ou bien tu peux avoir une aspiration dans le vital ; si tu as des désirs ou des tourments, des orages, des difficultés intérieures, tu peux aspirer à avoir la paix, à être tout à fait impartial, sans désir et sans préférence, à être un bon instrument docile qui n’ait pas de caprices personnels, qui soit toujours à la disposition du Divin. Ça, c’est une aspiration vitale.

Tu peux avoir une aspiration physique aussi, que le corps sente qu’il faut qu’il obtienne une sorte d’équilibre où toutes les parties de l’être seront bien balancées, et que l’on ait le pouvoir de tenir la maladie à distance ou de la vaincre rapidement si elle entre par malice, et que le corps fonctionne toujours normalement, harmonieusement, dans une parfaite santé. Ça, c’est une aspiration physique.

Une aspiration spirituelle, c’est d’avoir un intense besoin de s’unir au Divin, de se donner totalement au Divin, de ne pas exister en dehors de la Conscience divine, que ce soit le Divin qui soit tout pour vous dans votre être intégral, et que vous ayez le besoin d’une communion constante avec Lui, du sens de sa présence, de sa direction dans tout ce que vous faites, et de son harmonisation de tous les mouvements de l’être. Ça, c’est une aspiration spirituelle.

Mère, l’aspiration vient-elle du psychique?

Pas nécessairement. Chaque partie de l’être peut avoir son aspiration propre.

Comment le physique peut-il parvenir à l’aspiration, puisque c’est le mental qui pense?

Tant que c’est le mental qui pense, ton physique est quelque chose aux trois quarts inerte et qui n’a pas de conscience propre. Il y a une conscience physique propre, une conscience du corps; le corps est conscient de lui-même, et il a sa propre aspiration. Tant que l’on pense à son corps, on n’est pas dans sa conscience physique. Le corps a une conscience qui lui est tout à fait personnelle et très indépendante du mental. Le corps a complètement conscience de son fonctionnement propre, ou de son équilibre propre, ou déséquilibre, et il devient absolument conscient d’une façon tout à fait précise s’il y a un désordre à un endroit ou à un autre, et... comment dirai-je... il est en relation avec cela et il le sent très exactement, même s’il n’y a pas de manifestations extérieures. Le corps a conscience si tout le fonctionnement est harmonieux, bien balancé, bien régulier, se produisant comme il faut; il a cette espèce de plénitude, de sens de plénitude, de joie et de force — quelque chose comme une joie de vivre, d’agir, de se mouvoir dans un équilibre plein de vie et d’énergie. Ou alors, le corps peut être conscient qu’il est maltraité par le vital et par le mental et que cela nuit à son équilibre propre, et il en souffre. Cela peut produire un complet déséquilibre en lui. Et ainsi de suite.

On peut développer sa conscience physique au point que, même si l’on est totalement extériorisé, si le vital sort complètement du corps, le corps a une conscience personnelle, indépendante, qui fait qu’il peut se mouvoir, il peut faire toutes sortes de choses très simples sans que le vital soit là, tout à fait indépendamment. Le corps peut apprendre à parler : le mental et le vital peuvent être en dehors de lui, très loin, occupés ailleurs, mais par le lien qui les réunit à la matière, ils peuvent encore s’exprimer par un corps où il n’y a plus ni mental ni vital, et qui cependant peut apprendre à parler et à répéter ce que les autres disent. Le corps peut bouger — je ne veux pas dire qu’il puisse faire des efforts considérables, mais il peut se mouvoir. Il peut faire des petites choses très simples. Il peut, par exemple, écrire, apprendre à écrire, comme il peut apprendre à parler. Il parle. C’est une façon un peu... comment dire... lente, un peu difficile, mais enfin il peut parler clairement (suffisamment clairement) pour que l’on puisse comprendre. Et pourtant, le mental et le vital peuvent être tout à fait sortis, complètement à l’extérieur. Il y a une conscience du corps.

Et alors, quand on a développé cette conscience du corps, on peut avoir la perception très claire de la contradiction entre les différentes consciences. Quand le corps a besoin d’une chose et qu’il est conscient que c’est cela qu’il lui faut, et que le vital en veut une autre, et que le mental en veut une autre, eh bien, il peut y avoir très bien une discussion entre eux, des contradictions et des conflits. Et on peut très bien discerner quel est l’équilibre du corps, le besoin du corps tout seul, et de quelle manière le vital intervient, et détruit cet équilibre le plus souvent et nuit beaucoup au développement, parce qu’il est ignorant. Et quand le mental arrive, il fait encore un autre désordre qui vient s’ajouter à celui entre le vital et le physique, introduisant ses idées, ses normes, ses principes, ses règles, ses lois et le reste, et comme il ne se rend pas compte exactement des besoins de l’autre (du corps), il veut faire ce que tout le monde fait. Les êtres humains sont d’une santé beaucoup plus fragile et incertaine que les animaux, parce que leur mental intervient et dérange l’équilibre. Le corps, livré à lui-même, a un instinct très sûr. Par exemple, jamais le corps livré à lui-même ne mangera quand il n’a pas besoin de manger, ou ne prendra quelque chose qui lui fera du mal. Ou bien, il dormira quand il a besoin de dormir, il agira quand il a besoin d’agir. L’instinct du corps est un instinct très sûr. C’est le vital et le mental qui le dérangent : l’un par ses désirs, ses volontés capricieuses; l’autre par ses principes, ses dogmes, ses idées, ses lois. Et malheureusement, dans la civilisation telle qu’elle est comprise, avec l’éducation qui est donnée aux enfants, cet instinct si sûr du corps est complètement annulé : c’est le reste qui domine. Et il arrive ce qui arrive : on mange des choses qui font du mal, on ne se repose pas quand on en a besoin, ou l’on se repose trop quand on n’en a pas besoin, ou l’on fait des choses que l’on ne doit pas faire, et on abîme sa santé complètement.

Quelquefois, Douce Mère, quand les enfants sont intéressés par quelque chose, ils ne veulent pas aller dormir, alors qu’est ce que l’on doit faire? Juste quelques minutes avant ils disaient avoir sommeil, et puis, quand ils commencent à jouer, ils disent qu’ils ne veulent pas aller dormir.

Il ne faudrait pas les laisser jouer au moment où ils ont sommeil. Justement, c’est l’intrusion des mouvements du vital. Un enfant qui ne vit pas trop avec les grandes personnes (il est mauvais pour les enfants de vivre beaucoup avec les grandes personnes), un enfant qui est laissé à lui-même, spontanément il dormira, quoi que ce soit qu’il fasse, au moment où il est nécessaire qu’il dorme. Seulement, quand les enfants sont habitués à vivre avec les grandes personnes, eh bien, ils prennent toutes les habitudes des grandes personnes. Surtout quand on leur dit : « Oh ! tu ne peux pas faire ceci parce que tu es petit! Quand tu seras grand, tu le feras. Tu ne peux pas manger ça parce que tu es petit, quand tu seras grand tu pourras le manger. À cette heure-ci il faut que tu ailles dormir parce que tu es petit... » Alors, naturellement, il y a en eux cette conscience qu’il faut devenir grand à tout prix, ou avoir l’air d’être grand !

« L’intensité même de votre foi peut vouloir dire que le Divin a déjà décidé que la chose en question sera faite. Une foi inébranlable est le signe de la présence de la volonté divine, une preuve de ce qui sera. »

(Entretien du 23 juin 1929)

Une foi dynamique et une grande confiance ne sontelles pas la même chose?

Pas nécessairement. Il faudrait savoir quelle est l’étoffe de la foi et l’étoffe de la confiance. Parce que, par exemple, si vous vivez normalement, dans des conditions tout à fait normales — pas avec des idées extravagantes et une éducation déprimante —, eh bien, pendant toute la jeunesse et généralement jusqu’à une trentaine d’années, on a une confiance absolue dans sa vie. Si, par exemple, vous n’êtes pas entourés de gens qui, dès que vous avez un rhume de cerveau, se mettent à l’envers et se précipitent chez le docteur et vous donnent des médicaments, si vous êtes dans un milieu normal et si vous attrapez quelque chose — un accident ou une petite maladie —, il y a dans le corps cette certitude, cette confiance absolue que ça ira bien : « Ce n’est rien, ça va passer. C’est sûr de passer. Je serai tout à fait bien demain, ou dans quelques jours. C’est sûr de guérir », quoi que ce soit que l’on attrape. Ça, c’est la condition normale du corps. Une confiance absolue qu’il a toute la vie devant lui et que tout ira bien. Et cela aide énormément. On guérit neuf fois sur dix, on guérit extrêmement rapidement avec cette confiance : « Ce n’est rien, qu’est-ce que c’est que ça ? C’est un accident, ça va passer, ce n’est rien. » Et il y a des gens qui gardent cela pendant très longtemps, très longtemps, une sorte de confiance — rien ne peut leur arriver. Leur vie est là, devant eux, totale, et rien ne peut leur arriver. Et ce qui leur arrivera n’a aucune espèce d’importance : tout ira bien forcément, ils ont toute la vie devant eux. Naturellement, si vous vivez dans un milieu où il y a des idées morbides et que l’on passe son temps à vous raconter des choses désastreuses et catastrophiques, alors vous pouvez penser mal. Et si vous pensez mal, cela réagit sur votre corps. Autrement, le corps tel qu’il est peut garder cela jusqu’à quarante ans, cinquante ans (cela dépend des gens : ceux qui savent vivre d’une vie équilibrée et normale). Mais le corps est tout à fait confiant dans sa vie. C’est seulement si la pensée vient et qu’elle arrive avec toutes sortes d’imaginations, comme j’ai dit, morbides et malsaines, alors cela change tout. J’ai vu des cas comme cela, d’enfants qui avaient de ces petits accidents que l’on a quand on court, quand on s’amuse : ils n’y pensaient même pas, ça s’en allait tout de suite. J’en ai vu d’autres auxquels la famille avait seriné, dès qu’ils pouvaient comprendre, que tout est dangereux, qu’il y a des microbes partout, qu’il faut faire très attention, que la moindre blessure peut devenir désastreuse, qu’il faut absolument veiller soigneusement à ce que rien de grave ne se produise... Alors il faut qu’on les panse, il faut qu’on les lave avec du désinfectant, et ils sont là à se demander : « Qu’est-ce qui va m’arriver? Oh! je vais peut-être avoir le tétanos, une fièvre septique... » Naturellement dans des cas comme ceux-là, on perd confiance en la vie et le corps s’en ressent, beaucoup. Les trois quarts de sa résistance s’en vont. Mais normalement, naturellement, c’est le corps qui sait qu’il doit être en bonne santé, et il sait qu’il a le pouvoir de réagir. Et si quelque chose arrive, il dit à ce quelque chose : « Ce n’est rien, ça va s’en aller, ne t’en occupe pas, c’est fini. » Et ça s’en va.

Ça, c’est la confiance absolue.

Maintenant, tu dis une « foi dynamique ». Une foi dynamique, c’est autre chose. Si l’on a au-dedans de soi la foi en la Grâce divine, que la Grâce divine veille sur vous et que, quoi que ce soit qui arrive, la Grâce divine est là, veillant sur vous, ça, on peut le garder toute sa vie et toujours; et avec ça, on peut traverser tous les dangers, faire face à toutes les difficultés, et rien ne bouge, parce que vous avez la foi et la Grâce divine qui est avec vous. C’est une force infiniment plus forte, plus consciente, plus durable, qui ne dépend pas des conditions de votre construction physique, qui ne dépend de rien que de la Grâce divine elle-même, par conséquent qui s’appuie sur la Vérité et que rien ne peut ébranler. C’est très, très différent.

Quelquefois, les enfants demandent pourquoi nous sommes ici? Qu’est ce qu’on doit leur répondre?

Cela dépend de leur âge, mon enfant, et cela dépend de ce qu’ils sont. Ça dépend de leur sincérité. Tu ne peux pas donner la même réponse à tous.

Mais est-ce que les tout petits demandent quelquefois?... Les tout petits demandent pourquoi on est ici?

Pas les tout petits : Pournima, Taroulata.

À cet âge-là, c’est déjà l’âge où l’on questionne et où l’on doute.

Les tout petits, s’ils demandent cela, c’est admirable. Il n’y a qu’à leur répondre une chose très simple : « Mes enfants, c’est parce que c’est la Volonté divine. C’est la Grâce divine qui fait que vous êtes ici. Soyez heureux, soyez tranquilles, soyez paisibles, ne questionnez pas, tout ira bien. » Et quand ils sont plus grands, ils commencent déjà à raisonner, alors ce n’est plus si bien, ce n’est plus si facile. Mais cela dépend, comme j’ai dit, cela dépend du degré de leur intelligence, du degré de leur ouverture. Il y a ceux qui sont prédestinés, qui sont ici parce qu’ils doivent y être. Ceux-là, c’est facile. Il n’y a qu’à leur dire : « Mes enfants, c’est parce que vous appartenez à un avenir qui est en train de se construire, et c’est ici qu’il se construit. » C’est très simple pour eux, c’est vrai. Il y en a qui sont ici parce que leurs parents y sont, pour aucune autre raison. Alors il est difficile de leur dire cela ; à moins de leur dire tout simplement : « Parce que ton papa et ta maman sont ici. »

Mais comment comprendre?

Ah! ça, cela dépend de toi.

La première chose, c’est d’apprendre à connaître par identité. Ça, c’est indispensable quand on a la responsabilité d’autrui. Pour apprendre à conduire d’autres gens, le premier pas indispensable est de savoir entrer en eux de façon à les connaître — pas projeter sa pensée, s’imaginer ce qu’ils sont : sortir de soi et entrer en eux, savoir ce qui s’y passe. Alors, comme cela, on les connaît parce qu’on est eux. Quand on ne connaît que soi dans les autres, cela veut dire que l’on ne sait rien. On peut se tromper du tout au tout. On s’imagine que c’est ceci ou cela — on juge sur des apparences; ou bien sur des préférences mentales, sur des idées préconçues, c’est-à-dire que l’on ne sait rien. Mais il y a une condition dans laquelle on n’a même pas besoin de savoir, de chercher à savoir comment est quelqu’un : on ne peut pas faire autrement que de sentir comment il est, parce que c’est une projection de soi. Et à moins que l’on ne sache faire cela, on ne peut jamais faire ce qu’il faut pour les gens — à moins qu’on ne sente comme ils sentent, qu’on ne pense comme ils pensent, qu’on ne soit capable d’entrer en eux comme si l’on était eux-mêmes. C’est la seule manière. Si vous essayez de savoir avec une petite tête qui marche, vous ne saurez jamais rien. Ou bien en regardant les gens et en vous disant : « Tiens, il fait ça comme cela et comme cela, par conséquent il doit être de telle manière. » C’est impossible.

Par conséquent, le premier devoir de ceux qui ont une responsabilité — par exemple, ceux qui ont la charge d’éduquer d’autres enfants, de s’occuper d’autres êtres, depuis les gouvernants jusqu’aux professeurs et aux moniteurs —, leur premier devoir est d’apprendre à s’identifier, à sentir comme les autres. Alors on sait ce que l’on doit faire. On garde sa lumière intérieure, on garde sa conscience à la place où elle doit être — très au-dessus, dans la lumière — et en même temps on s’identifie, et alors on sent comment ils sont, quelles sont leurs réactions, quelles sont leurs pensées, et on garde cela devant la lumière que l’on a : on arrive à penser parfaitement bien ce qu’il faut faire pour eux. On dira à chacun ce qu’il a besoin d’entendre, on agira avec chacun comme il est nécessaire pour lui faire comprendre. Et c’est pour cela que c’est une grâce merveilleuse d’avoir la responsabilité d’un certain nombre de personnes, parce que cela vous met dans l’obligation de faire le progrès le plus essentiel. Et je me hâte de vous dire que, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, les gens ne le font pas. Mais c’est justement pour cela que les choses vont si mal. Surtout ceux qui ont la responsabilité de gouverner un pays, c’est la dernière chose à laquelle ils pensent! Ils sont très anxieux, au contraire, de garder leur manière de voir et leur manière de sentir, et ils s’abstiennent férocement de se rendre compte des besoins de ceux qu’ils gouvernent. Mais enfin, on peut voir que le résultat n’est pas fameux ; jusqu’à présent il est évident que l’on ne peut pas dire que les gouvernements aient été des institutions remarquables. C’est la même chose à tous les niveaux : il y a des petits gouvernements, il y a des grands gouvernements. Mais les lois sont les mêmes, pour tous. Et à moins que, quand vous donnez une leçon, vous ne soyez capable, là, comme ça, de prendre l’atmosphère générale, de ramasser les vibrations qui sont autour des gens, de rassembler ça, de le garder devant vous, et de vous rendre compte de ce que vous pouvez faire de cette matière (des vibrations que vous pouvez répandre, des forces que vous pouvez donner, celles qui seront reçues, celles qui seront assimilées), à moins que vous ne fassiez cela, la plupart du temps vous perdez votre temps, vous aussi. Pour pouvoir faire le moindre travail, il faut faire beaucoup de progrès.

« Le supramental ne s’intéresse pas aux choses mentales de la même manière que le fait l’esprit humain. Il a sa propre manière de s’intéresser à tous les mouvements de l’univers, mais c’est d’un autre point de vue et avec une autre vision. Le monde revêt pour lui une apparence très différente de son apparence ordinaire. Il y a un ren versement dans le point de vue. Tout ce qui est perçu de là, apparaît différent de ce que cela apparaît au mental, et même souvent opposé. Les choses ont un autre sens; leur aspect, leur mouvement, leur procédé, tout ce qui les concerne, est observé avec d’autres yeux. Tout ce qui se passe ici est suivi par le supramental ; les mouvements du mental, et aussi ceux du vital et du matériel, tout le jeu de l’univers, sont pour lui du plus grand intérêt, mais d’une autre manière. »

(Entretien du 23 juin 1929)

À quoi le supramental s’intéresse-t-il?

Il s’intéresse à la transformation du monde — à la descente des forces dans le monde matériel et à sa transformation, à sa préparation pour qu’il puisse recevoir les forces supramentales. Et il est conscient de la différence entre le monde tel qu’il existe et le monde tel qu’il doit être. À chaque minute, il voit l’écart entre ce qui est et ce qui devrait être, entre la Vérité et le mensonge qui s’exprime. Et constamment, il garde cette vision de la Vérité qui plane au-dessus du monde, de façon que, dès qu’il y a une petite ouverture, ça descende et ça se manifeste. Et ce qui paraît, aux consciences ordinaires, tout à fait naturel, est généralement pour lui un jeu de forces obscures, ignorantes, tout à fait inconscientes, et il ne trouve pas cela naturel du tout. Il trouve cela un accident détestable, et de toute sa force il essaye d’y porter remède. Il cherche, il voit, et s’il y a une réceptivité quelque part, il intensifie son action. Les gens, il ne les voit pas avec une apparence extérieure, mais comme des vibrations plus ou moins réceptives et plus ou moins obscures ou lumineuses, et partout où il voit une lumière, il projette sa force pour que cela ait son plein effet. Et au lieu que chacun soit comme un pion sur un échiquier, une petite personne bien définie, il voit comment les forces entrent, sortent, bougent, se meuvent et font mouvoir tous les êtres, comment les vibrations agissent. Et il voit celles qui sont des vibrations ascendantes, qui mènent vers le progrès, et il voit celles qui sont des vibrations qui vous projettent dans l’obscurité de plus en plus, qui vous font descendre. Et quelquefois, quelqu’un vient vous trouver avec des mots tout faits, qu’il a appris dans les livres généralement, mais enfin des mots d’aspiration et de bonne volonté, et on lui répond par une bonne rebuffade en lui disant qu’il faut qu’il essaye d’être sincère — il ne comprend pas. C’est parce que la Force voit que ce n’est pas sincère — la Force ne voit pas les mots, n’entend pas les mots, ne voit même pas les idées dans la tête, mais voit l’état de conscience, si l’état de conscience est sincère ou non. Il y a d’autres cas où les gens ont l’air tout à fait frivoles et stupides et s’occupent de choses sans intérêt, et, tout d’un coup, on les aide, on les encourage, on les traite comme des camarades ou comme des amis, parce qu’on voit briller au fond de tout cela une sincérité, une aspiration, qui peut avoir une forme enfantine extérieurement mais qui est là, très pure parfois. Et alors, on fait beaucoup de choses que les gens ne comprennent pas, parce qu’ils ne peuvent pas voir la réalité derrière l’apparence. C’est pour cela que je dis que c’est d’une tout autre manière que le Supramental s’intéresse, d’une tout autre manière qu’il voit, d’une tout autre manière qu’il sait.

Est ce qu’il n’est pas important de se connaître soi-même au lieu d’essayer de connaître les autres?

Très important, d’une importance capitale! D’ailleurs, c’est le champ de travail qui est donné à chacun. C’est cela qu’il faut comprendre, que chacun — cet ensemble de substance qui constitue votre corps extérieur et intérieur, l’ensemble de la substance avec laquelle est bâti votre être depuis le dehors jusqu’au dedans — est un champ de travail ; c’est comme si l’on avait soigneusement rassemblé, accumulé un certain nombre de vibrations et qu’on les avait mises à votre disposition pour que vous puissiez travailler totalement là-dessus. C’est comme un champ d’action qui est à votre disposition constamment : nuit et jour, au réveil, dans le sommeil, tout le temps — personne ne peut vous en priver, c’est merveilleux ! Vous pouvez refuser de vous en servir (comme la majorité des gens), mais c’est une masse à transformer qui est là entre vos mains, à votre pleine disposition, et qui vous a été donnée pour que vous appreniez à faire le travail là-dessus. Par conséquent, la chose la plus importante est de commencer par faire cela. Vous ne pouvez rien faire sur les autres à moins que vous ne soyez capable de le faire sur vous-même. Vous ne pouvez jamais donner un bon conseil à quelqu’un à moins que vous ne soyez capable de vous donner le bon conseil à vous-même, d’abord, et de le suivre. Et si vous voyez une difficulté quelque part, la meilleure façon de changer cette difficulté est de la changer en vous-même, d’abord. Si vous voyez un défaut en quelqu’un, vous pouvez être sûr qu’il est en vous, et vous commencez à le changer en vous. Et quand vous l’aurez changé en vous, vous serez très fort pour le changer dans les autres. Et c’est une chose admirable, les gens ne se rendent pas compte que c’est une grâce infinie, que cet univers est arrangé de telle façon qu’il y a une collection de substance, depuis la substance la plus matérielle jusqu’à la spiritualité la plus haute, tout cela rassemblé dans ce qu’on appelle une petite individualité, mais à la disposition d’une Volonté centrale. Ça, c’est à vous, votre champ de travail, personne ne peut vous l’enlever, c’est votre bien propre. Et dans la mesure où vous pourrez travailler làdessus, vous pourrez avoir une action dans le monde. Mais seulement dans cette mesure-là. Il faut faire plus pour soimême, d’ailleurs, que l’on ne fait pour les autres.

Est-il possible de connaître les autres avant de se con naître soi-même?

Rien n’est impossible. On ne peut pas dire que ce ne soit pas possible. Mais si l’on est inconscient des mouvements en soi, c’est certainement une anomalie d’être conscient d’abord chez les autres. C’est une anomalie. Cela peut exister. Il peut y avoir des gens tellement décentralisés qu’ils sont plus sensibles dans les autres qu’en eux-mêmes. Mais enfin, généralement, ils passent pour des êtres un peu maladifs. Cela ne leur donne pas un très grand équilibre intérieur, ils n’ont pas de boussole. Il y a des gens qui n’ont pas de boussole, ils sont comme un bouchon sur les vagues : ça va ici, ça va là, ça saute là. Ils n’ont pas de ligne de conscience... Ce n’est pas un état enviable. Je ne crois pas, vraiment, sincèrement, je ne crois pas qu’il soit possible d’aider quelqu’un à moins que l’on ne se soit déjà aidé soimême, d’abord. Si vous êtes inconscient, comment voulez-vous amener la conscience chez les autres! Cela me paraît un problème assez insoluble. C’est ce que les gens font généralement, mais ce n’est pas une raison pour l’approuver. C’est justement pour cela, je crois, que les choses vont si mal. C’est comme ceux qui en voient d’autres se quereller et qui se précipitent — et ils se mettent à crier encore plus fort qu’eux pour leur dire : « Taisez-vous! »

Tu as dit qu’à chaque individu, il était donné un pro blème à résoudre. Alors, chaque homme sur la terre doit vivre individuellement, parce que, en vivant collective ment, on a la difficulté de la collectivité aussi : ce n’est pas seulement sa difficulté propre.

Oui. Mais il se trouve que l’homme est un animal sociable, et qu’alors, instinctivement, il se met en groupe. Mais c’est pour cela aussi que ceux qui voulaient aller vite et qui ne se sentaient pas suffisamment forts, se sont retirés dans la solitude. C’est cela, la raison, la légitimation de l’ascète qui s’en va dans la solitude, parce qu’il essaye de se couper du monde. Seulement... il y a un « seulement ». Physiquement on peut faire cela, dans une certaine mesure, jusqu’à un certain point, se couper de la nature physique — pas totalement. On a remarqué, par exemple, que les ascètes qui s’en allaient s’asseoir sous un arbre dans la forêt, au bout de très peu de temps étaient extraordinairement intéressés par tous les animaux qui vivent dans la forêt : c’est le besoin de relations physiques avec d’autres êtres vivants. Il se peut que certains n’aient pas ce besoin, mais c’est une règle assez générale.

Mais la solidarité ne s’arrête pas là. Il y a une solidarité vitale et il y a une solidarité mentale que vous ne pouvez pas empêcher. Il y a, malgré tout (quoique les hommes soient beaucoup plus individualisés que les animaux), il y a un esprit de l’espèce. Il y a des suggestions collectives qui n’ont pas besoin de s’exprimer par des mots. Il y a des atmosphères auxquelles on ne peut pas échapper. Il est certain (parce que cela, je le sais par expérience), il est certain qu’il y a un degré de perfection et de transformation individuelles qui ne peut pas se réaliser sans que l’ensemble de l’humanité ait fait un certain progrès. Et cela va par degrés successifs. Il y a des choses qui ne peuvent pas être transformées dans la matière à moins que l’ensemble de la matière n’ait subi un certain degré de transformation. On ne peut pas se désolidariser complètement. Ce n’est pas possible. On peut faire le travail, on peut choisir : il y a des gens qui ont choisi de s’en aller dans la solitude et d’essayer de réaliser en eux-mêmes l’idéal qu’ils voyaient — généralement ils sont arrivés jusqu’à un certain point, puis ils ont été arrêtés là, ils n’ont pas pu aller plus loin. Historiquement c’est comme cela. Je disais l’autre jour : « Il y a peut-être des êtres sur la terre que je ne connais pas, qui ont réalisé des choses extraordinaires », mais justement, comme ils se sont isolés de la terre, la terre ne les connaît pas. C’est simplement pour ne pas dire qu’il y a des choses impossibles. Cela paraît douteux, c’est tout ce que je puis dire. Mais il est impossible, même si l’on se désolidarise physiquement, de le faire vitalement et mentalement. Il y a la grande atmosphère terrestre dans laquelle on naît, et il y a comme l’esprit, le génie de l’espèce humaine; eh bien, il faut que ce génie soit arrivé à un certain degré de perfection pour que l’on puisse aller plus loin. Ce n’est pas que l’on doive attendre que le tout le fasse, non; mais c’est comme s’il fallait que le tout atteigne un certain niveau pour que l’on puisse prendre son élan et s’en aller plus loin... Certainement, l’individu sera toujours en avance sur la masse, cela ne fait pas de doute, mais il y aura toujours une proportion et une relation.

Sur quel plan les hommes sont-ils le plus unis?

Tu veux dire « le plus interdépendants »?

Non, je veux dire une volonté générale.

Une volonté générale? Il ne faut pas confondre les choses. Si tu me parles de la bonne volonté entre les êtres humains, c’est dans le psychique, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais il y a une sorte d’interdépendance vitale qui est assez considérable, plus que physique, je crois. Par exemple, la première grande guerre mondiale a été le résultat d’une descente formidable des forces du monde vital (des forces hostiles du monde vital) dans le monde matériel. Même ceux qui ont été conscients de cette descente et qui étaient armés, par conséquent, pour se défendre contre elle, en ont subi les conséquences. Le monde, la terre entière en a subi les conséquences. Il y a eu une détérioration générale au point de vue vital, je dis, qui a été inévitable même pour ceux qui étaient conscients d’où venait la force, d’où venait la détérioration, et qui, par conséquent, pouvaient lutter consciemment contre elle — ils n’ont pas pu empêcher certains effets de se produire dans l’atmosphère terrestre. Naturellement, les hommes ne savent pas ce qui leur est arrivé; tout ce qu’ils ont dit, c’est que tout était devenu bien pire depuis cette guerre. C’est tout ce qu’ils ont pu constater. Par exemple, l’état moral est beaucoup descendu. C’est simplement le résultat d’une descente formidable des forces du monde vital : forces de désordre, forces de corruption, forces de détérioration, forces de destruction, forces de violence, forces de cruauté.

Pourquoi cette descente?

Peut-être était-ce une réaction, parce qu’il y avait une autre Force qui descendait et qui voulait faire son œuvre, et que ces forces-là ne le désiraient pas — ça dérangeait leurs habitudes. C’est comme un gouvernement qui craint qu’on le jette par terre, et alors il intervient avec violence pour garder son pouvoir.









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