Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur ses Entretiens 1929.
« Nous sommes toujours entourés par les choses aux quelles nous pensons. » (Quelques Paroles)
« Nous sommes toujours entourés par les choses aux quelles nous pensons. »
(Quelques Paroles)
C’est très important.
Si vous pensez à de vilaines choses, vous serez entourés de vilaines choses.
« Il n’est pas facile de se débarrasser de son ego. Même après l’avoir surmonté dans la conscience matérielle, nous le rencontrons encore, agrandi, dans la conscience spirituelle. » (Quelques Paroles)
« Il n’est pas facile de se débarrasser de son ego. Même après l’avoir surmonté dans la conscience matérielle, nous le rencontrons encore, agrandi, dans la conscience spirituelle. »
Comment un être peut-il rencontrer son ego dans la conscience spirituelle?
Il y a un ego spirituel comme il y a un ego physique, vital et mental. Il y a un ego spirituel. Il y a des gens qui ont fait beaucoup d’efforts pour surmonter tout leur égoïsme et toutes leurs limitations, et qui sont arrivés à une conscience spirituelle; et là, ils ont toute la vanité et le sens de leur importance et le dédain de ceux qui ne sont pas dans la même condition qu’eux. Enfin, tout ce qu’il y a de ridicule et de mauvais dans l’ego, ils le retrouvent là. Il y en a beaucoup, beaucoup comme cela. Ils ont surmonté ce qui se trouvait dans la conscience physique ou vitale, mais justement les efforts qu’ils ont faits pour se surmonter et cette victoire qu’ils ont remportée leur donnent le sens de leur extrême importance. Alors ils se gonflent et ils s’affirment.
C’est si fréquent qu’on ne le remarque même pas.
Je n’ai pas compris cela : « Les soi-disant forces de la Nature ne sont rien d’autre que les activités extérieures d’êtres hors de proportion avec l’homme par leurs dimensions et les pouvoirs dont ils disposent. »
Pas compris?... Par exemple, tu prends le vent qui souffle, alors les savants te diront : « Ce sont des manifestations des forces de la Nature, et c’est produit par tel ou tel phénomène », ils te parleront de chaud, de froid, de haut, de bas, etc., et ils te diront : « Voilà la cause du vent qui souffle, ce sont des courants d’air qui se produisent dans l’atmosphère. » Mais ce n’est pas cela. Il y a des entités derrière, seulement ce sont des entités si grandes que leur forme nous échappe. C’est comme si tu demandais à une fourmi de décrire la forme d’un homme — elle ne pourrait pas, n’est-ce pas. Elle voit tout au plus le petit bout du petit doigt et elle se promène sur le pied — c’est un grand voyage, et elle ne saurait pas dire comment est la forme d’un homme. Eh bien, c’est à peu près la même chose. Ces forces qui produisent le vent, la pluie, les tremblements de terre, etc., sont des manifestations de gestes, si vous voulez, de mouvements de certains êtres qui sont si formidablement grands que nous voyons à peine le bout de leur pied et que nous ne nous rendons pas compte de leur dimension.
Cependant, l’ego spirituel est mieux que l’ego ordinaire, non?
Il est encore plus dangereux que l’ordinaire! Parce qu’on ne se rend pas compte que c’est l’ego. Extérieurement, quand on est égoïste, non seulement on le sait mais les autres vous le font encore plus savoir et les circonstances vous le prouvent à chaque minute. Mais là, comme malheureusement vous rencontrez des gens qui vous respectent beaucoup, vous ne vous apercevez même pas que vous êtes formidablement égoïste.
Très dangereux. La vanité spirituelle est une vanité beaucoup plus grave que la vanité physique.
Alors, Douce Mère, avec l’ego on peut réaliser le Divin?
Pas à la minute où l’on s’unit à Lui. Il est évident que, à ce moment-là, l’ego disparaît. Mais cet état-là ne persiste pas. Ou en tout cas nous pouvons le dire d’une autre manière : ceux qui ont amené leur ego avec eux ne peuvent pas garder la conscience longtemps. Ils reprennent conscience d’eux-mêmes en ayant l’expérience. C’est cela, la plus terrible chose. Ils se regardent avoir l’expérience et ils s’admirent. Et ils ont le sentiment qu’ils sont des êtres exceptionnels et très supérieurs aux autres, et alors cela devient lamentable.
Ici, tu as dit : « Que Tu décides de ma vie ou de ma mort, de mon bonheur ou de ma peine, de mon plaisir ou de ma souffrance, tout ce qui viendra de Toi sera le bienvenu. » (Quelques Paroles)
Ici, tu as dit : « Que Tu décides de ma vie ou de ma mort, de mon bonheur ou de ma peine, de mon plaisir ou de ma souffrance, tout ce qui viendra de Toi sera le bienvenu. »
Est ce que le Divin donne de la souffrance ou de la peine?
Bien, mon petit, ce texte-là, tu sais ce que c’est : c’est la prière de Râdhâ à Krishna. Et alors, c’est une telle personnification des forces divines que l’on est obligé de mettre sur le Divin des sentiments humains pour pouvoir s’exprimer. Pour le comprendre dans sa forme vraie, il faudrait toute une explication, et alors ce n’est plus artistique — ça devient dogmatique, ou en tout cas pédagogique. C’est pour donner l’idée que tout est dans le Divin et que tout est divin. Et nécessairement, si l’on change d’état de conscience et que l’on s’identifie au Divin, cela change la nature même des choses. Par exemple, ce qui paraît une douleur ou une peine ou une misère, on s’aperçoit tout au contraire que c’est l’occasion pour le Divin de devenir plus proche de vous, et que l’on peut extraire de cet événement une joie peut-être encore plus grande que la joie que l’on éprouve à quelque chose de satisfaisant. Seulement, il faut le comprendre comme cela, dans cet esprit-là et avec cette conscience-là, parce que, autrement, si on le comprend d’une façon ordinaire, c’est la contradiction même du principe que tout est divin.
La même chose, exactement la même vibration, suivant la façon dont elle est reçue et dont on répond, amène une joie intense ou un désespoir considérable, exactement la même, suivant l’état de conscience dans lequel on se trouve. Alors il n’est rien dont on puisse dire : c’est un malheur. Il n’est rien que l’on puisse appeler une souffrance. Tout ce qu’il faut, c’est changer son état de conscience. C’est tout. Seulement (j’ai écrit cela quelque part, je ne sais plus où), si vous réussissez, vous, à changer votre état de conscience et que vous entriez dans cette condition de béatitude, vous pouvez voir les autres qui sont en train de se quereller, de se disputer, d’être malheureux, de souffrir et d’être misérables, et on sent soi-même que tout est si harmonieux, si merveilleux, si doux, si agréable, et vous dites : « Eh bien, pourquoi ne font-ils pas comme moi? » Mais le malheur est que tout le monde n’est pas prêt à faire comme cela ! Et pour ceux qui restent dans la conscience ordinaire, pour eux la souffrance est une chose très réelle.
Alors, il y a des gens qui ne se soucient pas d’être heureux tout seuls et qui acceptent de renoncer à cette béatitude parfaite afin d’aider les autres à marcher un peu plus sur le chemin.
Les attitudes dans le monde, les attitudes de la vertu, sont des choses très subjectives. Et ce qui peut réussir à l’un peut ne pas réussir à l’autre. Et il faut que chacun suive son propre chemin. C’est pour cela qu’il est toujours difficile de dire aux gens : « Faites comme moi. » C’est ce que généralement tous les gurus disent : « Faites comme moi et vous arriverez au but. » Tout ce que l’on peut dire, c’est : « Faites comme moi et vous me ressemblerez. »
(silence)
Ah! je voulais vous poser une question. Nous avons dit au commencement : on est entouré de ce à quoi l’on pense. Vous comprenez bien ce que cela veut dire? (Se tournant vers un enfant) Chaque fois que tu penses à quelque chose, c’est comme si tu avais un aimant dans la main, et que tu attires cette chose vers toi — tu comprends? Alors, il y a des gens qui ont la très, très mauvaise habitude de toujours penser aux catastrophes possibles, et qui ont une sorte d’appréhension constante du malheur qui va arriver tout à l’heure. J’en connais comme cela, il y en a ici. Et alors, ces gens-là, c’est comme s’ils avaient un aimant dans la main pour attirer les malheurs, non seulement sur eux mais sur les autres. Cela leur fait une grosse responsabilité. Et si l’on ne peut pas s’empêcher tout le temps de penser à quelque chose (certains ont une tête qui marche et ils n’ont pas trouvé le moyen de l’empêcher de marcher), eh bien, pourquoi ne la ferait-on pas marcher du bon côté au lieu de la faire marcher de l’autre! Une fois que votre tête se met à marcher, laissez-là marcher sur toutes les bonnes choses qui peuvent arriver. Si c’est obligé de tourner et tourner, eh bien, tournez donc du bon côté! C’est-à-dire que si quelqu’un est malade, au lieu de dire : « Qu’est-ce qui va arriver, peut-être que cela va être très grave, et si c’est telle maladie, et un malheur est si vite arrivé », au lieu de cela, si l’on pense : « Oh! ce n’est rien, les maladies sont des illusions extérieures traduisant quelques vibrations plus profondes que l’on ne voit pas, c’est pour cela qu’on n’en parle pas, mais c’est là. Et ces vibrations profondes peuvent venir et remettre en ordre ce qui a été mis en désordre. Et ce déséquilibre, cette maladie ou cette chose mauvaise qui est arrivée, eh bien, elle sera absorbée par la Grâce et ça disparaîtra, il n’en restera aucune trace, que celle de choses agréables et plaisantes. » On peut continuer à penser comme cela sans interruption... Les gens ont toujours besoin que ça marche, marche, marche, mais faites-là donc marcher du bon côté, vous verrez que cela aura un effet. Par exemple, marcher comme cela : qu’on apprendra de mieux en mieux, qu’on saura de mieux en mieux, qu’on se portera de mieux en mieux et que toutes les difficultés s’en iront, et que les gens qui sont méchants seront gentils, et que les gens qui sont malades seront guéris, et que les maisons qui doivent être bâties seront bâties, et que les choses qui doivent disparaître disparaîtront, mais pour laisser place à des choses meilleures, et que le monde va aller en progression constante, et qu’au bout de cette progression il y aura une harmonie totale, et ainsi de suite, et continuez... Vous pouvez aller sans fin. Mais alors, vous aurez autour de vous, et autour de votre tête, toutes sortes de jolies choses. Ceux qui perçoivent l’atmosphère voient des espèces de taches d’encre, comme des pieuvres qui sont là, comme cela, comme avec leurs tentacules, pour essayer de déranger votre mental — au lieu de cela, on verra des formations heureuses, ou de lumière, ou bien des rayons de soleil, ou bien de belles images, tout cela. On verra de belles choses — il y a des peintres qui font comme cela et ils attrapent toujours les pensées.
Douce Mère, tu as dit : « Chaque méditation devrait être une nouvelle révélation, car dans chaque médita tion quelque chose de nouveau se produit. » Après la méditation, est-on conscient de ce qui s’est produit?
Mais c’est justement, je dis : faites attention et devenez conscient. Si l’on est très attentif, on devient conscient. Il faut être très concentré et très attentif, alors on devient conscient.
Mère, la souffrance vient de l’ignorance et de la douleur, mais quelle est la nature de la souffrance et de la dou leur que la Mère Divine sent pour ses enfants? La Mère Divine dans Savitri 44 .
C’est parce qu’elle participe à leur nature. Elle est descendue sur la terre pour participer à leur nature. Parce que si elle ne participait pas à leur nature, elle ne pourrait pas les mener plus loin. Si elle restait dans sa conscience suprême où il n’y a pas de souffrance, dans sa connaissance et sa conscience suprêmes, elle ne pourrait pas avoir de contact avec les êtres humains. Et c’est pour cela qu’elle est obligée d’adopter la forme et la conscience humaines, c’est pour pouvoir entrer en contact avec eux. Seulement, elle n’oublie pas : elle a adopté leur conscience, mais elle reste en rapport avec sa conscience propre, suprême. Et alors, en joignant les deux, elle peut faire faire un progrès à ceux qui sont dans cette conscience-là. Mais si elle n’adoptait pas leur conscience, si elle ne souffrait pas de leur peine, elle ne pourrait pas les aider. Ce n’est pas une souffrance d’ignorance : c’est une souffrance d’identité. C’est parce qu’elle a accepté d’avoir les mêmes vibrations qu’eux afin de pouvoir entrer en contact avec eux et les tirer de l’état où ils sont. Si elle n’entrait pas en contact avec eux, elle ne serait pas perçue du tout, ou personne ne pourrait supporter son rayonnement!... On a dit cela sous toutes sortes de formes, dans toutes sortes de religions, et on a parlé très souvent du Sacrifice divin, mais, d’un certain point de vue, c’est vrai. C’est un sacrifice volontaire, mais c’est vrai. Renoncer à un état de connaissance parfaite, de félicité parfaite, de pouvoir parfait, pour accepter l’état d’ignorance du monde extérieur afin de pouvoir le tirer de cette ignorance. Si l’on n’acceptait pas cet état, on n’aurait aucun contact avec lui. Il n’y aurait aucun rapport possible. Et c’est cela, la raison des incarnations. Autrement, il n’y aurait aucune nécessité. Si la Conscience divine et la Force divine pouvaient s’exercer directement du lieu ou de l’état de leur perfection, si elles pouvaient s’exercer directement sur la matière et la transformer, il n’y aurait aucune nécessité de prendre un corps comme celui des hommes. Il n’y aurait qu’à agir du monde de Vérité avec la parfaite conscience et sur la conscience. En fait, cela agit peut-être, mais d’une façon tellement lente que quand il y a cet effort pour faire faire un progrès au monde, pour le faire avancer d’un pas plus rapide, eh bien, il faut adopter la nature humaine. En adoptant le corps humain, on est obligé d’adopter la nature humaine, partiellement. Seulement, au lieu de perdre sa Conscience et de perdre le contact avec la Vérité, on garde cette Conscience et on garde cette Vérité, et c’est en joignant les deux que l’on peut justement produire cette espèce d’alchimie de transformation. Mais si l’on ne touchait pas la matière, on ne pourrait rien faire pour elle.
Est ce que Savitri prévoyait ce qu’elle allait faire?
Elle l’a dit. Tu ne l’as pas lu? On lui avait même annoncé qu’elle serait seule. Et elle a dit : « Je suis prête à être seule. » Tu ne l’as pas lu? C’est dans ce qu’ils ont récité l’année dernière 45 .
Est ce qu’elle savait qu’elle allait rencontrer la Mère des Douleurs (Mother of Sorrows), la Mère du Pouvoir (Mother of Power) ?
C’est justement. Il est dit tout du long qu’elle savait tout ce qui allait se passer. C’est écrit clairement. Justement, à chacun elle dit clairement : je vous apporterai ce qui vous manque. Par conséquent, elle le sait. Autrement elle ne le dirait pas. Si elle ne le savait pas, comment pourrait-elle le dire?
Dans « Savitri », la Mère des Douleurs dit :
“Perhaps when the world sinks into a last sleep, I too may sleep in dumb eternal peace 46 .”
Ah! cela, c’est la conscience humaine. C’est la conscience humaine. C’est l’idée de la conscience humaine que quand toutes les souffrances seront finies, eh bien, « je me reposerai ». C’est bien cela dont Sri Aurobindo parle. Quand il y a cette aspiration à une paix souveraine, on a l’impression que s’il y avait un pralaya et que le monde disparaisse, eh bien, au moins il y aurait la paix. Mais rien que la phrase elle-même est une contradiction, parce que s’il y avait un pralaya, il n’y aurait plus de paix à sentir — il n’y aurait plus rien du tout!
Mais c’est cela, c’est l’une des contradictions de la conscience humaine : « Tant que le monde sera là et qu’il y aura une souffrance, je souffrirai avec le monde. Mais si jamais le monde entre dans la paix, disparaît dans la paix de l’Inexistant, alors moi aussi je me reposerai. » C’est une façon poétique de dire que tant que le malheur sera sur le monde, je souffrirai avec le monde. C’est seulement quand ça cessera que ça cessera pour moi aussi.
Alors, que fera la Mère des Douleurs? Quelle autre chose peut-elle faire?
Elle sera la Mère de Félicité, the Mother of Delight
Savitri représente la conscience de la Mère, n’est ce pas?
Oui.
Que représente Satyavan?
C’est l’Avatâr, n’est-ce pas. C’est l’incarnation du Suprême.
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