Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Cet Entretien est basé sur le chapitre I de Les Bases du Yoga, « Calme, Paix, Équanimité ».
Douce Mère, qu’est-ce que c’est, « la réduction de l’être mental à la position de témoin » ?
Vous n’avez jamais senti cela ? Comme si vous étiez un peu en arrière, ou au-dessus des choses, et puis que vous les regardez se passer mais que vous ne faites rien vous-même?
Témoin, cela veut dire un observateur, quelqu’un qui regarde et qui n’agit pas lui-même... Alors, quand le mental est très tranquille, on peut, comme ça, se reculer un peu des circonstances et regarder les choses comme si l’on était un témoin, un spectateur, et que l’on ne participait pas soi-même à l’action. Cela vous donne un grand détachement, une grande tranquillité, et puis un sens très exact de la valeur des choses, parce que ça coupe l’attachement avec l’action. Quand on sait faire cela vis-à-vis de soi-même, quand on peut se reculer et se regarder faire, on apprend beaucoup de choses sur soi. Quand on est tout mélangé et qu’on participe à l’action, on ne se voit pas faire, on ne sait pas comment l’on est. Mais quand on se recule et que l’on se regarde, alors on peut s’apercevoir de beaucoup d’imperfections que l’on n’aurait pas vues autrement.
(À une enfant) Toi, tu as une question à poser?
Ici, il est écrit : « L’expérience de la sensation d’un “bloc solide” indique la descente d’une force et d’une paix substantielles... »
C’est toujours la même chose. Ce sont des gens qui écrivent dans des lettres, n’est-ce pas... ils décrivent leurs expériences. Alors Sri Aurobindo se sert des mots dont ils se servent, pour répondre. « Avoir la sensation d’un bloc solide au-dedans de soi », il explique ce que cela veut dire. Il dit qu’il y a une force qui est descendue.
Douce Mère, qu’est-ce que c’est, une « paix substantielle » ?
N’est-ce pas, il y a une paix négative, c’est-à-dire une absence de trouble; mais paix substantielle, c’est une paix positive. On peut sentir une paix qui est une chose absolument positive, qui n’est pas la négation de l’absence de paix, une paix qui est une chose solide, concrète, très... presque active, n’est-ce pas, c’està-dire qui a un pouvoir de contagion, qui peut se répandre dans tout l’être et amener la paix, même aux endroits où il n’y en avait pas. Cela devient une chose très positive et très concrète... comme si l’on touchait une chose solide. Cela, c’est la vraie paix. L’autre, c’est simplement le pas qui précède celui-là — la négation du trouble, c’est-à-dire que l’on n’est pas troublé, on n’a aucune vibration quand on est dérangé.
(À une enfant) Et puis? Ta question aujourd’hui?
Mère, ce n’est pas une question de ce livre.
Hein! ce n’est pas de ce livre? Oh! Mais nous n’avons pas toute une bibliothèque ici! (rires)
(À une autre) Alors, tu as une question?
Que veut dire « l’expérience du Soi silencieux » ?
Chacun a en soi-même un être qu’il appelle le « Soi », et qui est tout à fait silencieux et immobile. Alors, si l’on prend conscience de cet être en soi, on a l’expérience du Soi silencieux. C’est un être immobile et silencieux qui est au-dedans, qui est comme un aspect de l’être véritable et un aspect aussi du témoin dont on parlait tout à l’heure. C’est cet être silencieux, lorsqu’il se tourne vers les choses et qu’il les regarde, qui devient témoin. Mais il peut se tourner vers l’intérieur, ne pas regarder, être dans sa contemplation silencieuse. Cela dépend de quel côté l’on se tourne. C’est un point solide de l’être, dans lequel brille la Lumière de la Vérité.
Si on sent qu’il y a un calme dans l’atmosphère et partout, est-ce que cela veut dire qu’on a le calme audedans de soi?
Oui. La première chose qui arrive c’est que, par exemple, si on a une certaine expérience d’un genre spécial — comme on peut avoir une expérience de paix, une expérience de calme, on peut avoir aussi une expérience de bienveillance parfaite, une expérience de compréhension, ou une expérience de compassion —, la chose, l’expérience est comme si la conscience était possédée par un de ces mouvements; et alors, il se produit cette chose qui paraît étrange après — mais sur le moment qui est tout à fait naturelle —, on sent partout, dans tout le monde, dans toute l’atmosphère, tout autour de soi, et si la conscience est assez vaste dans la terre tout entière, exactement la même paix, ou la même compassion, ou la même bienveillance. Et alors, on peut dire tout à fait sincèrement, avec une expérience tout à fait vivante : « L’univers est une bienveillance parfaite! »
Si vous sortez de là, naturellement, cela ne s’applique plus. Mais quand vous êtes dans l’expérience, c’est tout à fait vrai — à ce moment-là. Et alors, si on pousse cela, ces expériences-là, plus loin (et c’est justement ce qui arrive aux gens qui essayent de s’identifier consciemment avec le Divin), quand vous arrivez à cette identification, et que vous avez la conscience du Divin en vous, instantanément vous sentez que le Divin est tout, et partout, en tout, qu’il n’y a que le Divin. Et les gens qui ont eu cette expérience, ils ont dit cela, ils ont dit : « Mais il n’y a que le Divin, tout est divin, seul le Divin existe. » Mais alors, quand on sort de l’expérience, si on continue à le dire, on dit presque un mensonge, dans ce sens que cela ne correspond plus du tout à l’état de conscience où l’on se trouve.
Quand on est dans une conscience extérieure ordinaire, tout n’est pas du tout divin, il s’en faut de beaucoup. Alors les gens qui viennent vous dire que dans cette conscience extérieure tout est divin, ce sont des blagueurs! Mais quand ils sont dans l’expérience, et quand ils vivent le Divin, quand ils sont devenus le Divin, alors pour eux tout est divin. Ils ne perçoivent plus que le Divin, et ils peuvent dire : « Tout est divin », parce qu’ils ne perçoivent plus que le Divin. Mais dès qu’ils sortent de cette expérience, ils ne peuvent plus le dire.
Mais on peut dire tout. On peut dire : « Tout est paix, tout est équanimité, tout est compassion, tout est compréhension, tout est lumière. »
Chaque fois qu’on a l’expérience sincèrement, et qu’on est entièrement absorbé dans l’expérience, tout ce que l’on voit devient identique en vous, parce qu’en fait, c’est partout, et que quand vous prenez conscience de ça en vous, vous prenez conscience de ça en tout. C’est vrai. Mais ce n’est pas uniquement vrai, tout le reste est là aussi. Et le contraire est vrai aussi : quand vous entrez dans un état de haine, et que vous avez l’expérience de la haine, le monde entier pour vous est plein de haine; à ce moment-là, il n’existe presque plus que la haine.
Plus votre expérience vous absorbe, plus le reste devient identique.
Alors, Mère, il n’y a pas de vraie réalité, tout dépend de soi?
Non, c’est le contraire!
On ne prend conscience de la Réalité que quand on en prend conscience en soi-même. Tout cela est vrai. Mais c’est vrai : vous ne pouvez dire que cela est que quand vous l’éprouvez vous-même. Au moment où vous ne l’éprouvez pas, si vous dites : « C’est comme ça », eh bien... Vous pouvez dire : « Il y a eu un moment pour moi où ça a été comme ça »; alors là, c’est correct. Mais si vous dites : « C’est comme ça » au moment où vous ne l’éprouvez pas, c’est tout simplement une affirmation mentale.
Mais tout est là ! Tout est là... toutes les choses dont vous pouvez avoir l’expérience et infiniment d’autres dont vous ne pouvez pas avoir l’expérience, parce que chaque être n’est pas absolument total en lui-même. S’il était total en lui-même, il pourrait avoir l’expérience du tout, sans exception. Et en fait, potentiellement, c’est comme ça. Seulement on se développe selon une ligne propre. Cela revient à dire ceci, que l’on n’est conscient de l’univers que dans la mesure où l’univers est dans votre conscience. Pour toi, l’univers s’arrête à ta conscience, quoi que ce soit que d’autres puissent dire. Tout ce que tu lis, par exemple, toutes les descriptions que l’on te donne, toutes les phrases que l’on te dit, tu ne les comprends que dans la mesure où cela correspond à quelque chose dans ta conscience; et si ce n’est pas dans ta conscience, tu ne les comprends pas, et par conséquent cela n’existe pas pour toi. Mais ça ne veut pas dire que cela n’existe pas en dehors de toi!
Tu disais qu’il y a cette expérience quand on voit le Divin partout.
Oui.
« On voit le Divin partout » veut dire quoi? Est-ce que...?
Parce qu’on est devenu le Divin en soi-même; alors, dans ce cas-là, le Divin est partout.
Non... Quand tu dis : « On voit le Divin partout... »
Cela veut dire quoi? Qu’est-ce qu’on voit exactement? Est-ce qu’on voit une...
Qu’est-ce qu’on voit? (rires) On perçoit, si tu veux ; on peut voir, mais pas voir avec une image physique. Il n’y a pas que la vision physique, ce n’est pas voir avec... Et au fond, on peut voir avec ses yeux, si les yeux sont suffisamment plastiques pour laisser passer à travers eux la Conscience supérieure, la Conscience divine. On peut voir aussi — on peut voir aussi —, mais on ne voit plus les choses comme elles sont physiquement, naturellement.
Si l’on garde un petit peu de sa conscience extérieure, si l’on n’est pas entièrement absorbé dans l’expérience, on peut voir les deux superposés. Mais alors la perception n’est pas aussi claire et aussi totale. Mais il peut arriver que, par exemple, il y ait quelque chose en toi qui garde la conscience extérieure physique et, en même temps, il y a quelque chose qui est suffisamment absorbé dans l’expérience du Divin pour que ce soit le Divin seul qui compte pour toi, et que le reste soit comme si tu voyais une chose à travers un fin voile, une étoffe très mince, ou un papier transparent. Alors le papier ou l’étoffe, cela existe, mais cela n’empêche pas de voir les choses de l’autre façon.
Alors on peut, on peut avoir la perception du Divin dans le monde, dans les autres et, en même temps, voir comme une vague apparence de ces choses, et cela vous donne cette expérience — qui alors peut rester très vivante dans la conscience — de l’irréalité des formes extérieures, à quel point c’est seulement... oui, c’est comme une feuille de papier mince : ça n’a pas de consistance, ça n’a pas de corps, c’est quelque chose de tout à fait superficiel et irréel ; et la Présence divine, la Splendeur divine derrière, est la seule chose qui existe, qui soit vraie, solide, durable. Ça, on peut l’avoir.
Mère, l’être psychique en nous est toujours en contact avec le Divin; alors on doit avoir cette expérience tout le temps, parce que...
Si l’on était en contact avec son être psychique tout le temps, oui. Mais c’est un fait : de la minute où l’on est en contact avec son être psychique tout le temps, on est en contact avec la Présence divine tout le temps. Et tu peux retourner la phrase et te dire : « Je saurai que je suis en contact avec mon être psychique tout le temps, quand je serai en contact avec la Présence divine tout le temps, en toutes choses. Ce sera pour moi une preuve que je suis en contact avec mon être psychique. »
Cela change totalement l’état de la conscience, totalement, on ne peut pas se...
N’est-ce pas, il y a des gens qui viennent vous demander : « Est-ce que je suis conscient de mon être psychique? » On peut leur dire : « Ça, c’est la preuve que vous ne l’êtes pas. » Parce que si vous l’êtes, vous ne pouvez plus le demander. Cela change absolument votre état de conscience. C’est tout? Alors... (Se tournant vers l’enfant qui voulait poser une question en dehors du livre) Si on n’a pas besoin d’un texte, alors tu peux dire ta question!
Mère, il y a des gens, par exemple, qui souffrent de maladies particulières, d’année en année, n’est-ce pas? Alors, si on observe cette maladie, on voit que ça arrive à un moment particulier de l’année, et ça continue l’année suivante aussi, et c’est comme ça. Mais le moment est fixe. Alors quelle est la raison, et comment est-ce qu’on peut se débarrasser de ça ?
Quelle est...?
La raison...
Il peut y avoir beaucoup de raisons. Cela dépendra à qui tu le demandes. Si tu demandes à un astrologue, il te dira : « Ce sont les astres; quand les astres prennent une position identique, alors les mêmes conditions se reproduisent. » Mais ce n’est pas tellement faux. Cela peut être comme ça. Cela peut être aussi la réaction individuelle à certaines formes de climat, n’est-ce pas, ou à une position du soleil; ou cela peut être tout simplement une mauvaise habitude. C’est tout. (rires)
Et si on se forme... Si cela vous est arrivé par hasard deux fois de suite, alors on forme... on a une bonne formation, n’est-ce pas, et qui reste comme ça, dans le subconscient, sans se montrer — si on ne la regarde pas! Et puis alors, au moment où le temps va approcher, tout doucement, ça pousse de dedans pour vous dire : « Attention, le moment vient, le moment vient, le moment vient! » Alors naturellement, ça arrive aussi. Ce sont généralement des choses comme ça.
Mais presque tout ce qui arrive physiquement est comme ça. La première fois, cela peut être tout simplement un concours de circonstances; alors, le mental intervient et fait une construction. Alors si l’on accepte la construction, on est sûr que cela fonctionne avec une précision automatique de pendule. Mais même si l’on dit : « Oh, bah! c’est seulement une idée! », alors on fait comme ça (geste), et puis, l’idée, au lieu de s’en aller, elle entre dedans, dans le subconscient — le subconscient du mental simplement —, et puis elle reste tranquille. Et puis, quand c’est le moment de se manifester, de dedans, comme ça, cela fait comme un... comme si ça chatouillait un petit peu le souvenir, pas plus que ça, simplement comme ça. Si ça gratte un petit peu le souvenir, comme ça, alors tout d’un coup, un jour vous vous rappelez : « Tiens, l’année dernière, à cette époqueci, j’ai été malade... » Patatras! Ça y est, c’est entré! C’est entré dans la zone de la conscience active, et quelques jours après, ça arrive.
Mais quand on a eu ou une expérience, ou, comme ça, un phénomène quelconque, ou une maladie (et surtout dans les cas de la maladie, ou même un accident), le corps se souvient pendant très longtemps. Si vous voulez tout à fait guérir, il faut guérir ce souvenir dans le corps, c’est absolument indispensable. Et en le sachant ou en ne le sachant pas, vous travaillez pour guérir le souvenir dans le corps. Quand le souvenir est effacé, le corps est vraiment guéri.
Mais malheureusement, au lieu de détruire le souvenir, on le repousse. La plupart du temps, on le repousse dans le subconscient, et quelquefois dans l’inconscient, plus profondément encore. Mais alors, s’il est repoussé, s’il n’est pas complètement effacé, comme ça, tout doucement, tout doucement, sans avoir l’air de rien, cela revient à la surface; et une chose pour laquelle on a pu être guéri pendant des années, si par hasard elle passe par votre cerveau, simplement comme ça, comme une petite flèche, pas plus longtemps que ça, comme une flèche qui passe : « Tiens, à cette époque-là j’ai eu ça... », vous pouvez être sûr que plus ou moins longtemps après — quelques secondes, quelques minutes, quelques heures, quelques jours —, cela reviendra. Vous pouvez... Cela peut revenir sous une forme très atténuée, cela peut venir sous une forme identique, cela peut venir même plus fort. Ça, ça dépend de vos dispositions intérieures. Si vous êtes dans des dispositions pessimistes, cela reviendra plus fort. Si vous êtes dans des dispositions optimistes, cela sera beaucoup plus faible. Mais cela reviendra, et il faudra que vous recommenciez toute la bataille contre le souvenir de votre corps afin — si cette fois vous êtes plus attentif — de le détruire. Si vous pouvez le détruire, alors vous êtes guéri. Mais si vous ne le détruisez pas, cela reviendra. Cela prendra plus ou moins longtemps, ce sera plus ou moins total, mais cela reviendra. Cela peut revenir l’espace d’un éclair. Si vous êtes très éveillé, et, quand cela revient, que vous ayez assez de connaissance et assez, justement, de perspicacité pour vous dire : « Tiens! Voilà ce maudit souvenir qui vient encore faire ses blagues... », alors on peut lui donner, lui asséner un coup violent et, n’est-ce pas, détruire sa réalité. Si vous savez faire cela, alors c’est une occasion de vous débarrasser de la chose tout à fait. Mais ce n’est pas très facile à faire.
(Pavitra) Comment faire?
Comment faire? (Mère rit) Comment faire? C’est la même chose que... le même système que de savoir détruire une formation, n’est-ce pas.
C’est une certaine puissance dissolvante qui peut défaire les formations. Cela dépend de la nature de la formation. Si c’est comme ça, une formation de nature adverse, alors, c’est la force d’une lumière constructrice parfaitement pure. Si vous avez cela à votre disposition, alors il n’y a qu’à bombarder la chose avec ça, et vous pouvez la dissoudre. Mais c’est une opération qui doit se faire avec des forces intérieures; cela ne peut pas se faire physiquement.
C’est pour cela que tous les remèdes physiques, ce sont simplement des palliatifs; ce ne sont pas des guérisons, parce que cela ne suffit pas pour toucher le centre vivant de la chose.
(silence)
C’est le même phénomène avec les difficultés morales. Si l’on pouvait arriver à détruire leur souvenir, à détruire en soi le souvenir de l’état dans lequel on se trouve quand on est dans la difficulté, si l’on est sincère, ce serait la fin des difficultés pour toujours.
(long silence)
Mère, par exemple, quand on prend la résolution de faire quelque chose, on voit que parfois l’on vient en conflit avec les sentiments d’autrui. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire dans ce cas?
Quand...?
Quand, par exemple, on a décidé de faire quelque chose...
... alors on voit que parfois on vient en conflit avec les sentiments d’autrui.
En conflit?
C’est-à-dire...
Oui, oui, je comprends bien.
Alors qu’est-ce qu’il faut faire?
Cela dépend absolument des cas. C’est difficile à dire... D’abord... (silence) Si c’est simplement une décision extérieure et superficielle basée sur la petite connaissance que l’on a, et les petites qualités, les petits défauts que l’on a, alors, naturellement, si l’on vient en conflit avec d’autres volontés, qui sont d’une qualité identique, n’est-ce pas — les volontés peuvent différer, mais les qualités sont identiques —, alors on doit décider suivant les circonstances, et suivant le résultat intérieur que l’on veut obtenir. C’est très difficile à dire, dans chaque cas la décision doit être différente.
Mais si l’on est de ceux qui n’agissent que quand ils sentent en eux que c’est un ordre de la Conscience de Vérité supérieure, que : « Ça, j’ai décidé de le faire, parce que ça doit être fait, quelles que soient les conséquences », alors, si l’on entre en conflit avec les préférences, les volontés, les oppositions d’autres personnes, on doit tout simplement faire comme ça (mouvement de Mère comme pour tourner le dos), et continuer son chemin. Mais c’est simplement dans ce cas-là qu’on a le droit de le faire.
Quand c’est simplement un mouvement qui est un mouvement personnel, mû par ses préférences personnelles, ses désirs personnels, ou même ses conceptions personnelles, eh bien, dès que l’on rencontre des oppositions, il faut alors peser le problème, voir les choses, et agir selon (silence) la meilleure bonne volonté que l’on a, la meilleure perception que l’on a. Et cela dépend absolument de ce que l’on voulait faire, et des oppositions que l’on rencontre. Alors, il est impossible de faire un jugement d’ordre général.
Il n’y a qu’une chose qui vous donne le droit de marcher droit sur votre chemin sans se soucier de rien, c’est si vous avez été mis en mouvement, mis en mouvement par la Vérité supérieure. Mais il faut en être sûr. Il ne faut pas prendre votre désir pour la Vérité supérieure, n’est-ce pas, parce que l’on se trompe très facilement. Il faut le savoir avec des preuves solides à l’appui, et que c’est une chose, généralement, qui ne vous touche pas personnellement. Si vous y êtes le moins du monde intéressé, d’une façon ou de l’autre, méfiez-vous et réfléchissez deux fois avant d’être convaincu que c’est la Volonté supérieure et que c’est l’expression d’une vérité.
Mais enfin, il y a des cas où c’est comme ça. « C’est ça qui doit être fait; ça, c’est la vérité. » Et alors, quelle que soit l’opposition, on marche droit sur son chemin, sans se soucier des circonstances, ni des conséquences. Mais c’est seulement dans ce cas-là qu’on a le droit de le faire; c’est-à-dire, au moment où le Divin agit en vous, vous ne devez plus vous soucier de rien que de la Volonté divine. Mais si ce n’est pas la Volonté divine, chaque problème doit se résoudre suivant les cas, les circonstances et...
Par exemple, on a décidé de ne pas bavarder, alors...
On rencontre quelqu’un qui bavarde?
Non...
On lui tourne le dos et on s’en va ! (rires) Très simple!
Alors l’autre sera très fâché.
Hein?
L’autre sera très fâché.
Tant pis pour lui! (rires) Tant pis pour lui. Ça, c’est justement le cas, c’est un des cas dont je parle : ne pas se soucier. On peut — si on aime beaucoup la personne, et qu’on ne veut pas trop lui déplaire —, on peut lui dire gentiment : « Non, je t’en prie, ne bavardons pas, c’est mauvais pour tout le monde. » C’est tout. Si c’est quelqu’un dont on ne se soucie pas, ou qui n’a pas d’importance, il n’y a qu’à lui tourner le dos et s’en aller, spécialement si c’est un camarade, si c’est quelqu’un qui doit savoir comme soi-même que l’on ne devrait pas le faire.
Dans ce cas-là il faut être catégorique. Si c’est quelqu’un qui, par un ensemble de circonstances, doit savoir comme vous-même que c’est une chose qui ne doit pas être faite, et qu’il commence à le faire en dépit de ça, c’est un malhonnête homme. Parce que, quand on fait quelque chose qu’on ne doit pas faire, on devient malhonnête à cette minute-là ; et vous n’avez aucune considération à avoir pour cette personne. Il n’y a qu’à lui tourner le dos et s’en aller; et s’il est fâché, c’est tant pis pour lui. Il n’aura qu’à... Le résultat, c’est qu’il devra surmonter sa fâcherie. C’est tout. Ça lui fera peut-être du bien.
Il y a une grande faiblesse dans les relations sociales, très grande faiblesse; et c’est pour cela, d’ailleurs, qu’on se fâche soi-même et qu’on s’emporte, et qu’on dit des choses que l’on ne devrait pas dire. Si l’on n’était pas faible on ne serait jamais violent. La faiblesse et la violence sont deux choses qui vont ensemble. Celui qui est vraiment fort n’est jamais violent. Ça, c’est une chose dont on devrait toujours se souvenir. La violence est toujours un signe de faiblesse quelque part. Naturellement, on voit l’homme qui a beaucoup de muscles, qui est très fort, taper à bras raccourcis sur un autre et on se dit : « Il est fort! » Ce n’est pas vrai. Il a des muscles, mais moralement, il est très faible. Alors, il peut être fort ici et faible là. C’est généralement ce qui se produit.
Mais je dis, même les gens qui ont observé, par exemple, les animaux, les animaux qui sont très forts : comme ils sont tranquilles! Naturellement, quand ils courent après leur proie, ils mettent toute leur énergie; mais ce n’est pas de la violence, c’est de l’énergie; mais si vous avez jamais vu un lion : quand il n’a rien à faire, il ne s’agite pas. S’il est malade, il s’agite; mais s’il est bien portant, dans sa bonne santé, s’il n’a rien à faire, il ne s’agitera pas, il sera tout à fait comme ça. Il aura l’air d’un sage! (rires)
L’agitation, la violence, l’emportement, toutes ces choses sont toujours, sans exception, le signe de la faiblesse. Et surtout quand on s’emporte dans son langage, et que l’on dit des choses qu’on ne devrait pas dire, ça, c’est le signe d’une faiblesse mentale effroyable — mentale et vitale —, effroyable. Autrement, on peut entendre toutes les injures du monde, les gens peuvent vous dire toutes les sottises possibles, si vous n’êtes pas faible, vous pouvez peut-être ne pas sourire extérieurement, parce qu’il n’est pas toujours de bon ton de sourire, mais au fond de vous, vous êtes souriant, vous laissez passer, ça ne vous touche pas... Simplement, si votre mental a pris l’habitude d’être tranquille comme c’est recommandé ici, et si vous avez la perception de la vérité en vous, vous pouvez entendre n’importe quoi. Cela ne produit même pas une apparence de vibration — tout reste absolument immobile et tranquille. Et alors, si le témoin dont on parlait tout à l’heure est là, à regarder la comédie, lui, il sourit.
Mais si vous sentez que les vibrations qui viennent de l’autre, n’est-ce pas, qui jette sur vous toute sa violence et tout son emportement, si vous sentez que ça... d’abord ça fait comme... et puis, tout d’un coup, il y a une réponse; et puis que vousmême, vous commencez à vous mettre en colère, alors vous pouvez être sûr que vous êtes aussi faible que l’autre!
Voilà, mes enfants.
Je crois que ça suffit aujourd’hui!
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