Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Le feu d’artifice du 14 juillet a rendu très difficile l’enregistrement, puis la notation de cet Entretien basé sur le chapitre II de La Mère.
Douce Mère, est-ce que Sri Aurobindo fait une différence entre le Divin et la Shakti? Ici, il a dit : « Le don de soi, de tout ce que l’on est, de tout ce que l’on possède, de chaque plan de la conscience et de chaque mouvement, au Divin et à la Shakti. »
Il a dit que le Divin est le Suprême. C’est l’Origine.
Il a dit, n’est-ce pas, tout au commencement de ce chapitre lui-même, je crois, il a dit : « Le Divin... »
(L’enfant lit le texte) « ... à travers sa Shakti, le Divin est derrière toute action... »
Il prend la Shakti comme le pouvoir exécutif, la conscience créatrice.
Que veut dire « le don de soi... de chaque plan de la conscience » ?
Cela veut dire le don du physique, le don du vital, le don du mental et le don du psychique. Et si tu es conscient d’autres parties de ton être... Il faut d’abord commencer par distinguer entre les différentes parties de son être, et puis, quand on les distingue bien, on les donne l’une après l’autre.
Que veut dire « la Yoga-Mâyâ » ?
Yoya-Mâyâ ? Mâyâ, je ne sais pas dans quel sens il le prend, si c’est la manifestation la plus extérieure... Il dit Yoga-Mâyâ ?
(Un enfant lit la dernière partie du texte) « ... il est voilé par sa Yoga-Mâyâ... »
Oui, voilé par sa manifestation extérieure. Vraiment, c’est cela que ça veut dire, la forme extérieure du monde; et aussi l’égoïsme du Jîva, c’est-à-dire l’être individuel.
« Il travaille à travers l’ego du Jîva... »
Oui, c’est la même chose. Oui, à travers, c’est-à-dire que l’ego est là.
Douce Mère, ici il est écrit : « Mais tant que la nature inférieure est active, l’effort personnel du sâdhak reste nécessaire. »
Je n’ai pas compris ici, « tant que la nature inférieure est active ». Comment ça ?
La nature inférieure est généralement toujours active. C’est seulement quand on a fait une soumission totale que cela cesse d’être actif. Quand on n’est plus dans sa conscience inférieure, et qu’on a fait un don de soi total, alors la nature inférieure n’est plus active. Mais tant qu’elle est active, il faut faire un effort personnel.
Au fond, tant qu’on est conscient de soi comme d’une personne séparée, il faut faire un effort personnel. Ce n’est que quand on a perdu le sens de la séparation, quand on est tout à fait, non seulement soumis, mais fondu dans le Divin, alors il n’y a plus besoin d’effort personnel. Mais tant que l’on se sent comme un être séparé, il faut faire un effort personnel. C’est cela qu’il appelle activité de la conscience inférieure.
(silence)
Pourquoi est-ce qu’on a tant peur de dire la vérité?
Oui, pourquoi? Moi aussi je demande : pourquoi? Je voudrais bien savoir! Mais c’est comme ça. Les choses sont comme ça. Je pense que la raison principale, c’est que la nature, en sa forme extérieure et personnelle, ne désire pas changer. Elle ne veut pas changer; alors on a de l’hostilité contre la force qui voudrait vous faire changer, contre la Vérité.
(Soudain éclate le bruit du feu d’artifice, qui couvre les voix)
Ah, ça c’est bien! Maintenant tous nos discours vont être ponctués de ce bruit! (Se tournant vers le disciple qui s’occupe du magnétophone) You can stop it, we do not want to record the fireworks ! (rires)
« ... une soumission tâmasique refusant de se soumettre... »
Si elle refuse de se soumettre, alors ce n’est plus une soumission?
Justement! Mais il y a beaucoup de gens qui s’imaginent qu’ils se sont soumis, et qui vous disent : « Je ne fais plus rien moimême, je me suis donné au Divin, le Divin doit faire tout pour moi. » Ils appellent cela une soumission! C’est-à-dire que c’est un mouvement de paresse et de tamas qui ne veut pas faire d’efforts et qui voudrait bien que le Divin fasse tout pour vous, parce que c’est beaucoup plus confortable!
Qu’est-ce que c’est, « la recherche du cœur » ?
La recherche du cœur, c’est l’être émotif qui essaye...
(La classe est à nouveau interrompue par les exclamations des enfants du Dortoir, qui, de là où ils se trouvent, voient le feu d’artifice)
On ne voit rien... C’est de ce côté-là, hein? On n’entend que le bruit!
Recherche veut dire le centre affectif qui essaye de trouver un contact émotif avec le Divin. C’est vraiment ça. (Le bruit continue, et Mère dit au disciple) I think you had better stop!
(Un enfant) Non, Mère! Non, Mère!
Moi, je ne peux même pas parler! (À un autre enfant) Et alors?
Pourquoi on se donne toujours à des paroles inutiles? Pourquoi parle-t-on inutilement?
Pourquoi on parle inutilement? Oui, ça, c’est probablement parce que l’homme est instinctivement très fier de disposer de la parole! C’est le premier être sur terre qui peut parler, qui émet des sons articulés. Alors c’est une espèce... c’est comme un enfant qui a un nouveau jouet, qui aime beaucoup jouer avec. L’homme est le seul animal sur la terre qui ait à sa disposition les sons articulés, alors il joue avec cela, n’est-ce pas... Je crois que c’est ça...
Et alors il y a toute la stupidité... N’est-ce pas, j’ai dit aussi qu’il y avait des gens qui ne pouvaient commencer à penser que quand ils parlaient... Quand ils ne parlent pas, ils ne pensent même pas. Ils n’ont pas la capacité de penser dans le silence, alors ils prennent l’habitude de parler. Mais plus on est d’un développement avancé, plus on est intelligent, et moins on a besoin de s’exprimer. C’est toujours au stade inférieur que l’on a besoin de parler. Et vraiment, un être qui est très conscient, et très développé mentalement, intellectuellement, il ne parle que quand c’est nécessaire. Il ne prononce pas de paroles inutiles. Dans l’échelle sociale, c’est comme ça. Vous prenez les êtres tout en bas de l’échelle : ce sont les plus bavards, ils passent leur temps à parler, ils ne peuvent pas s’arrêter. Quoi qu’il leur arrive, ils l’expriment en mots immédiatement. Et à mesure que l’on se développe, que l’on est à un degré d’évolution supérieur, on sent moins le besoin de parler.
Cela vient de ces deux raisons : l’une, c’est parce que c’est une faculté nouvelle qui, naturellement, a instinctivement l’attrait des facultés nouvelles; l’autre, c’est parce que cela vous aide à prendre conscience de votre propre pensée. Autrement, on ne pense pas, on n’arrive pas à formuler sa pensée si on ne l’exprime pas avec des mots, à haute voix... Excepté les gens qui, par fonction, sont des bavards — c’est-à-dire ceux qui ont l’habitude de faire des conférences, ou des discours politiques, ou de donner des classes et des leçons —, excepté ces gens-là, qui évidemment peuvent être intellectuels et bavards en même temps, d’une façon générale, plus les gens sont bavards, moins ils sont développés intellectuellement.
Que faut-il faire pour s’empêcher de parler?
Penser! On n’a qu’à réfléchir un peu plus! Si l’on prend seulement l’habitude de réfléchir avant de parler, cela vous évite au moins la moitié de ce que vous dites. Réfléchir avant de parler, et ne dire que ce qui vous paraît tout à fait indispensable; alors on s’aperçoit très vite qu’il y a très peu de choses qui soient indispensables — excepté au point de vue matériel, dans le travail, quand on travaille avec quelqu’un et qu’on est obligé de se dire des mots : « Fais ceci... », « Donne-moi ça... », ou « Comme ça... », ou « Comme ça... » Et encore, cela peut être réduit au minimum. Autrement, n’est-ce pas... (À nouveau un grand bruit de feu d’artifice) Ce sont des soucoupes volantes! Ça va loin! Ça dure longtemps, cette affaire-là ?
Une demi-heure.
(Une autre enfant) Ça continue jusqu’à dix heures.
Jusqu’à dix heures?... Alors, je continue!
Qui a une question à poser? À qui est-ce le tour?
Douce Mère, quelquefois, on sait que c’est la vérité, mais on doute tout de même de cette vérité. Pourquoi doute-t-on? (Grand bruit)
Qu’est-ce que tu dis? Parle très clairement, ce sera un bon exercice. (rires)
On sait que quelque chose est vrai, mais on doute tout de même. Pourquoi doute-t-on de la vérité?
La réponse normale, c’est parce qu’on est stupide! (rires)
Mais la vérité, c’est que l’être mental physique est vraiment tout à fait stupide! On peut très facilement en faire la preuve. Il est probablement construit comme une espèce de contrôle, et pour être sûr que les choses sont faites comme elles doivent être faites. J’imagine que c’est cela, son emploi naturel... Mais il a pris l’habitude de douter de tout.
Je crois que je vous ai déjà raconté cette petite expérience que j’avais faite un jour. J’avais enlevé mon contrôle et laissé le contrôle au mental physique — c’est le mental physique qui doute. Alors j’ai fait cette expérience : je suis allée dans une chambre, puis je suis sortie de la chambre et j’ai fermé la porte. J’avais décidé de fermer la porte; et quand je suis arrivée dans une autre chambre, ce mental, mental matériel, mental physique, n’est-ce pas, a dit : « Tu es sûre d’avoir fermé ta porte? » Alors je n’ai pas contrôlé, n’est-ce pas, j’ai dit : « Bon, je lui obéis. » Je suis retournée voir. J’ai constaté que la porte était fermée. Je suis revenue. Dès que je n’ai plus vu la porte, il m’a dit : « Est-ce que tu as bien vérifié? » Alors, je suis retournée... Et cela a continué jusqu’à ce que j’aie pris la décision : « Allons, maintenant ça suffit, n’est-ce pas! fermée ou pas fermée, je ne vais plus voir! » Cela aurait pu continuer toute la journée... Il est bâti comme ça. Il cesse d’être comme ça seulement quand un mental supérieur, un mental raisonnable lui dit : « Tienstoi tranquille! » Autrement, il continue indéfiniment... Alors, si par malheur vous êtes centré là, dans ce mental-là, même les choses que vous savez, plus haut, comme étant tout à fait vraies, même les choses dont vous avez une preuve matérielle — comme celle de la porte qui était fermée —, il doute, il doutera, parce qu’il est bâti avec le doute. Il dira toujours : « Est-ce que tu es bien sûr que c’est vrai?... Est-ce que ce n’est pas une idée que tu as?... Tu n’imagines pas que c’est comme ça...? » Et il continuera, jusqu’à ce qu’on lui apprenne à se taire et à se tenir tranquille.
« Remarquez qu’une soumission tâmasique refusant de se soumettre aux conditions et demandant au Divin de tout faire... »
Oui, mais cela, nous venons d’en parler! J’ai répondu déjà à cette question. Quelqu’un me l’a posée, j’ai déjà répondu...
Comment est-ce que le Divin est la sâdhanâ 16 ?
Parce que c’est le Divin qui fait la sâdhanâ dans l’être. Sans Divin il n’y aurait pas de sâdhanâ. Seulement vous n’en savez rien... vous croyez — vous êtes dans cette illusion — que c’est vous. Et justement, tant que vous êtes dans cette illusion, il faut que vous fassiez des efforts; mais la vérité est que c’est le Divin qui fait la sâdhanâ en vous, et que sans le Divin, il n’y aurait pas de sâdhanâ.
Ici, il est écrit : « ... le Divin est le sâdhak et la sâdhanâ. »
Oui, il est tout, n’est-ce pas?
Oui.
(Un autre enfant) Alors, Mère, pourquoi l’effort personnel? Si c’est le Divin qui fait la sâdhanâ, laissons faire le Divin; et où est l’effort personnel?
Oui, c’est justement ça que les gens disent dans leur paresse! Mais si vous n’étiez pas paresseux, vous ne diriez pas ça ! (rires)
L’effort personnel veut dire quoi?
L’effort qui pense être personnel. Tu as le sens de ta personne séparée. Est-ce que tu as le sens que tu es le Divin, et seulement le Divin? Non! (rires) Eh bien, le Divin, c’est ça... Justement, tant que tu as le sens que tu es Manoj, eh bien, Manoj doit faire des efforts. Si tu abolis complètement la notion de Manoj, il n’y a plus que le Divin, et c’est le Divin qui fera des efforts, naturellement!... Mais tant qu’il y a un Manoj, c’est Manoj qui doit faire l’effort.
Mais quand Manoj fait l’effort, c’est le Divin en Manoj qui fait l’effort!
Peut-être, mais Manoj n’en sait rien! (rires) Je dis exactement que s’il n’y avait pas le Divin, Manoj ne pourrait pas faire l’effort. Mais Manoj n’est pas encore en état de savoir ça, alors il sait qu’il fait des efforts.
Mais maintenant, tu l’as dit! Aujourd’hui je sais, alors...
Ah! ho, ho, ho, ho !... (rires) La connaissance mentale ne suffit pas, il faut l’expérience pratique! Autrement, mes enfants, nous serions tous transformés depuis très longtemps, parce que nous avons depuis très longtemps la connaissance que la transformation doit prendre place. (rires)
C’est tout? Continuez!
Douce Mère, quelle est la différence entre le don, la consécration et la soumission?
Le don, la consécration et la soumission? Je crois que nous avons lu cela quelque part, non? Il y a déjà eu une explication comme ça, n’est-ce pas? On a déjà dit cela. C’était même dans Les Éléments du Yoga. Quelqu’un avait posé la question et la réponse était dans le livre lui-même. Sri Aurobindo a donné la réponse... Alors mes enfants, si vous...
C’était à propos de croyance.
Hein! Dans Les Éléments du Yoga, n’est-ce pas?
Dans Les Éléments du Yoga. C’était la différence entre confiance, foi, et croyance.
Oh, c’est entre ces trois choses... Ce n’est pas entre soumission, don et consécration? Mais j’ai lu cela quelque part...
Mère, Parul dit qu’elle avait posé cette question.
(Un autre enfant) C’était dans Prières et Méditations.
Oh, c’était dans Prières et Méditations?
Oui, Douce Mère. Et alors, qu’est-ce que je vous ai dit? Ah, ça va être intéressant! (rires) Qu’est-ce que je vous ai dit?
(long silence)
(Pavitra) On peut y ajouter « offrande » encore.
Je crois qu’ils sont très synonymes, que ce sont plutôt des nuances que des différences. Parce que l’on peut très bien, dans une phrase, remplacer l’un par l’autre. Cela dépend du son de la phrase et du mot qui fait le mieux là-dedans. C’est une question littéraire. Mais si l’on veut, on peut trouver une différence; mais tout cela dépend entièrement de ce que l’on veut mettre dans les mots.
J’avais dit, n’est-ce pas, que soumission n’est pas un bon mot. On se sert en français de soumission pour traduire « surrender », parce qu’il n’y a pas de mot qui traduise « surrender ». Soumission donne toujours l’impression de quelque chose qui accepte presque à contrecœur, qui n’adhère pas complètement, qui ne collabore pas entièrement. Et alors, c’est cela qui fait la différence avec le mot « surrender » où il y a le sens d’une adhésion parfaite. Ce qui fait qu’on emploie ce mot de soumission, mais il n’est pas bon.
On peut — si on veut couper les cheveux en quatre, comme on dit —, on peut faire une distinction entre le don de soi, la consécration et l’offrande. Ce sont trois... ils peuvent être trois phases différentes. Mais cela, c’est si vraiment on veut faire des complications; parce qu’en écrivant, comme j’ai dit, on peut très bien employer un mot à la place de l’autre, suivant le rythme de la phrase, et cela garde le sens intact. Parce que si vous voulez faire une distinction, vous êtes immédiatement obligé de mettre des adjectifs, n’est-ce pas... Prendre le mot en lui-même, « don, offrande, consécration »... Alors si vous voulez faire une distinction, vous dites « une consécration totale », « un don partiel »... n’est-ce pas, vous êtes obligé de mettre des adjectifs; ce sont des synonymes.
Qui est-ce qui a posé la question? C’est toi? Maintenant, cela dépend de la phrase que tu écriras — tu mettras l’un ou l’autre. Mais il faut savoir : le mot « soumission » n’a pas exactement le sens qu’il faut. Soumission, par rapport à « surrender », cela fait la même différence qu’il y a — peut-être en moins fort — mais une différence analogue à celle qu’il y a entre obéissance et collaboration. Dans un cas il y a adhésion parfaite, et dans l’autre cas il y a une acceptation qui peut-être se réserve; qui accepte parce qu’elle se rend compte qu’elle ne peut pas faire autrement, mais qui ne collabore pas entièrement. On n’adhère pas totalement.
Il y a d’autres questions?
Douce Mère, la dernière fois, tu avais dit que les pierres ont une sorte de réceptivité!
Quelle sorte de réceptivité?
Elles ont peut-être même quelque chose qui ressemble à une sensibilité. Mais, par exemple, si vous avez une pierre précieuse — les pierres précieuses sont évidemment d’une construction beaucoup plus parfaite que les pierres ordinaires, et avec la perfection la conscience augmente —, mais si vous prenez une pierre précieuse, vous pouvez la charger avec de la conscience et de la force; vous pouvez mettre dedans, accumuler dedans de la force. Par conséquent, elle est réceptive, autrement elle ne la recevrait pas, elle ne pourrait pas la garder. Vous pouvez la charger. Comme on charge une batterie d’électricité, vous pouvez charger une pierre de force, mettre de la force consciente dans une pierre, elle la garde et peut la transmettre à quelqu’un. Par conséquent cette pierre a une réceptivité. Autrement elle ne pourrait pas faire cela.
Les fleurs sont extrêmement réceptives. Toutes ces fleurs auxquelles j’ai donné une signification, elles reçoivent exactement la force que j’y mets, et elles la transmettent. Les gens ne la reçoivent pas toujours, parce que la plupart du temps ils sont moins réceptifs que la fleur, et ils gaspillent la force qui est mise dedans par leur inconscience et leur manque de réceptivité. Mais la force est là, et la fleur la reçoit merveilleusement.
J’ai su cela, il y a fort longtemps... il y a cinquante ans. Il y avait cet occultiste qui, après, m’a donné des leçons d’occultisme pendant deux années. Sa femme était une voyante merveilleuse et elle avait une capacité, justement, de transmettre les forces tout à fait remarquable. Ils habitaient à Tlemcen. Moi, j’étais à Paris. J’étais en correspondance. Je ne les avais jamais vus encore. Et alors, un jour, elle m’a envoyé dans une lettre des pétales de grenades, des fleurs de grenades, « Amour Divin ». À ce moment-là, je n’avais pas donné le sens à la fleur. Elle m’a envoyé des pétales de fleurs de grenadier en me disant que ces pétales apportaient sa protection et sa force.
Alors moi, à ce moment, je portais une chaîne avec ma montre. (On n’avait pas de montre-bracelet à ce momentlà, ou on en avait très peu.) Et il y avait une petite loupe du dix-huitième siècle... C’était tout petit, c’était grand comme ça (geste). Et alors, il y avait deux verres, n’est-ce pas, comme dans toutes les loupes; il y avait deux verres montés sur une petite monture d’or et c’était pendu à ma chaîne. Alors, entre les deux verres, j’ai mis ces pétales et je portais cela toujours sur moi, parce que je voulais le garder avec moi ; n’est-ce pas, j’avais confiance en cette femme et je savais qu’elle avait des forces. Je voulais garder cela avec moi, et je sentais toujours une sorte d’énergie, de chaleur, de confiance, de force qui venait de cette chose-là... Je n’y pensais pas, n’est-ce pas, mais je le sentais comme ça.
Et puis un jour, tout d’un coup, je me suis sentie très vidée, comme s’il y avait un soutien qui était parti. Quelque chose de tout à fait désagréable. J’ai dit : « C’est curieux, qu’est-ce qui est arrivé? Il ne m’est arrivé aucune chose vraiment désagréable. Pourquoi je me sens comme ça, si vidée, vidée d’énergie? » Et le soir, quand j’ai enlevé ma montre et la chaîne, je me suis aperçue qu’un des petits verres était tombé et tous les pétales étaient partis. Il n’y avait plus de pétales. Alors j’ai su vraiment qu’ils portaient une charge considérable de force, parce que j’avais senti la différence sans même savoir la raison. Je ne savais pas la raison et cela avait fait une différence considérable. Alors c’est après cela que j’ai vu comment on pouvait se servir des fleurs pour les charger avec des forces. Elles sont extrêmement réceptives. (Le bruit continue)
Je crois que ça suffit, non? Assez de bruit!
Une autre question? (Un grand bruit) Boum!
Est-ce que les fleurs gardent toujours la force, même quand elles pourrissent?
Pourrissent? Non, mon enfant; quand elles sèchent, oui. Les fleurs qui pourrissent, ce n’est rien. Il y a une décomposition qui se produit, alors ça disparaît. Peut-être que cela apporte de l’énergie à la terre, c’est bien possible; mais enfin, quand ça pourrit, c’est bon tout simplement à faire de l’engrais pour faire pousser d’autres fleurs. Mais si ça sèche, ça se conserve, ça peut rester assez longtemps.
Ces petits paquets que je donne à la Kâlî Pûjâ, ils sont faits pour être conservés un an. Pendant un an ils gardent leur force intacte et je les renouvelle tous les ans pour être sûre que... Je sais qu’il n’y en a pas un sur dix d’entre vous qui en fait l’usage qu’il faut, mais enfin, je le donne à tout hasard pour ceux qui savent s’en servir. C’est fait pour garder la force pendant un an. Et quand j’ai donné le nouveau, on peut disposer de l’autre. Généralement, c’est tombé en poussière. Pas toujours... Mais ces petits paquets, cela garde sa charge de force pendant un an exactement.
Douce Mère, qu’est-ce qu’on doit faire avec les fleurs que tu donnes tous les jours?
Les fleurs? On doit les garder tant qu’elles sont fraîches, et quand elles ne le sont plus, il faut les rassembler et les donner au jardinier pour qu’il les mette (n’importe quel jardinier que vous connaissez), pour qu’il les mette dans la terre pour produire d’autres fleurs. Ça ! il faut rendre à la terre ce qu’elle nous a donné, parce qu’autrement elle deviendra pauvre.
Mère, à certaines saisons certaines fleurs viennent; alors, est-ce que cela veut dire que pendant cette saison particulière une force plus grande agit?
Ça, c’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Mais j’ai fait comme cela une expérience assez intéressante.
Je ne sais pas si vous vous rappelez — si vous étiez là —, si vous vous rappelez le temps où l’on comptait les fleurs; n’est-ce pas, c’était une sorte de convention qu’il y avait entre moi et la Nature. Chacune de ces fleurs, je lui avais donné une valeur spéciale, non seulement sa signification mais sa valeur. Par exemple : c’était entendu, j’avais fait une convention avec la Nature... mettez par exemple les fleurs de « Transformation »; notez que si on fait bien attention, au cours des saisons, une fleur est remplacée par une autre fleur avec une signification analogue ou approchante, et l’on peut faire tout le tour de l’année comme cela — si on sait se servir des choses. Il y a aussi des choses qui sont permanentes, qui sont toujours là... Mais les fleurs, comme par exemple les fleurs de « Transformation », ont une saison, assez étendue, mais une saison. La fleur de « Réalisation » a une saison assez étendue, mais elle ne vient pas au même moment que la fleur de « Transformation ». Ça se... comment... « overlap » : l’une qui commence avant que l’autre ne soit finie. Mais la saison où cela vient en abondance n’est pas la même, et toutes les fleurs sont comme ça. Ça, c’est arrangé. Cela répond à ta question, n’est-ce pas? Ce sont des nuances dans le sens, et il est possible qu’il y ait des saisons qui soient plus favorables; il y a un mouvement sur lequel on peut insister davantage que sur un autre.
Mais chacune de ces fleurs avait une valeur numérique, et j’inscrivais; je les faisais compter, parce que j’inscrivais la valeur numérique. Je me suis arrêtée quand mes pages... J’avais des pages qui étaient longues comme ça, n’est-ce pas (Mère étend les deux bras), parce que je totalisais les valeurs numériques. J’avais ma raison, ce n’était pas simplement comme ça... J’ai fait un grand travail avec ça. J’ai dû m’arrêter parce que cela me prenait trop longtemps. N’est-ce pas, quand il fallait écrire des chiffres sur une feuille qui s’étendait sur une longueur au moins comme ça, et puis qu’après, tout d’un coup, il fallait que ce soit encore plus grand, c’était impossible! (Mère étend à nouveau les deux bras) Alors j’ai été obligée de m’arrêter. J’ai arrêté à cause de cela. Mais non seulement j’avais une valeur numérique et je faisais un travail là-dessus, mais il y avait le sens de la fleur.
Eh bien, c’était une convention comme ceci : la valeur numérique correspondait à quelque chose qu’il était entendu que la Nature me donnerait pour mon travail ; mais la signification de la fleur aussi, c’était quelque chose qui était entendu entre moi et la Nature. Par exemple, prenez la « Transformation ». Quand il y avait les calculs — c’était par milliers quelquefois, au moment de la saison, n’est-ce pas —, eh bien, cela représentait (c’était entendu avec la Nature) que ce nombre de gens seraient transformés... Et alors, c’était beaucoup mieux que ça. C’était que quand je donnais à quelqu’un une, deux, trois, quatre, cinq fleurs, je lui donnais en même temps le pouvoir de transformer autant d’éléments au-dedans de lui. Mais naturellement, pour que cela marche, en toute sincérité, il ne fallait pas que cela passe par le cerveau ; parce que les gens, lorsque leur tête marche (pas toujours de la vraie manière), ils abîment tout. C’est pour cela que je n’en disais jamais rien.
C’était la même chose pour toutes les fleurs, pour l’« Aspiration » par exemple : ces fleurs d’« Aspiration » qui venaient dans ces grands paniers pleins, n’est-ce pas, il y en avait des milliers et des milliers qui étaient comptées... Eh bien, chacune représentait une aspiration; et maintenant encore, quelquefois, quand j’ai des fleurs comme les « Prières »... Il m’est arrivé de vous dire, quand je vous distribue les « Prières » : « C’est une prière. Prenez garde, cette prière, elle est accordée. » Je l’ai fait, vous devez vous souvenir, n’est-ce pas? Et je vous ai dit : « Faites attention à votre prière, ne priez que pour ce que vous voulez qui soit! Faites bien attention! Parce que cette prière est accordée. Je donne la fleur, mais en même temps la possibilité de [...17 ] la prière que vous ferez. Eh bien, elle sera accordée! » C’était très intéressant, dans ce sens que je disais toujours à la Nature : « Tu sais, si tu ne veux pas que j’aie ces choses, il ne faut pas me les donner. » Il y avait des fluctuations, certaines fois cela venait en grande quantité, quand je mettais l’insistance; certaines fois cela s’arrêtait brusquement, on ne savait pourquoi, on ne comprenait pas... Elle n’était pas d’accord pour nous donner... Pour d’autres choses, au contraire, elle donnait avec une abondance formidable.
Mais tout cela, c’est ce qui se passe derrière la scène, derrière le décor...
Quand on a une bague ou quelque ornement avec ton image, est-ce que ça nous donne la protection?
Mon enfant, je n’entends que le feu d’artifice!
Quand on a une bague ou quelque ornement avec ton image, est-ce que ça nous donne de la protection?
Cela dépend surtout de ce que vous en pensez. Ce que je vous donne de la main à la main, j’y mets quelque chose; mais si c’est de votre propre choix que vous avez choisi une bague ou un portrait, une chose, et puis que vous la portez... si vous avez confiance, si vous avez la foi que cela vous protège, cela vous protège. Quand moi je le donne, je le donne avec tout à fait autre chose que la chose elle-même. Elle peut contenir cette chose si je la mets, mais si je ne la mets pas elle ne la contient pas.
Sri Aurobindo disait, n’est-ce pas, que de porter une bague avec son portrait en pensant que cela vous protège, c’est une superstition! Il vous dirait : c’est une superstition. C’est-à-dire que cela dépend de ce que vous en pensez... Cela dépend exclusivement de ce que vous en pensez. Si lui vous avait donné une bague en vous disant : « Porte ça, ma force sera avec toi », alors c’est tout à fait différent, il y a un monde de différence.
Je vous raconterai une autre petite histoire. Il y avait des gens qui croyaient qu’une pièce percée... C’était le temps où on ne perçait pas les pièces... Maintenant il y a des pièces qui sont percées, n’est-ce pas, il y a des pays qui ont des pièces percées; mais dans le temps on ne les perçait pas, et alors il y avait quelquefois des trous dans une pièce. Et il y avait justement une superstition comme cela que, quand on trouve une pièce percée, cela porte bonheur. Cela vous porte bonheur et cela fait réussir ce que vous voulez faire.
Il y avait un employé comme ça, dans un bureau, qui avait une vie assez « maigre » et qui ne réussissait pas trop bien, qui un jour a trouvé une pièce percée. Il l’a mise dans sa poche et il s’est dit : « Maintenant je vais réussir! » Et il était plein d’espoir, de courage, d’énergie, parce qu’il savait : « Maintenant que j’ai la pièce, je suis sûr de réussir! » Et en effet, il continuait à réussir, à réussir, de plus en plus. Il gagnait de plus en plus d’argent, il avait une position de plus en plus grande et on disait : « Quel homme merveilleux ! Comme il travaille bien! Comme il trouve toutes les solutions à tous les problèmes! » Enfin, c’était devenu un homme remarquable et tous les matins quand il mettait sa veste, il touchait — comme ça — pour être sûr que sa pièce était dans sa poche... Il touchait, il sentait que la pièce était là, et il avait confiance. Et puis, un jour, il a eu une sorte de curiosité, et il a dit : « Je vais voir ma pièce » — des années après —, il était en train de déjeuner avec sa femme et il a dit : « Je vais voir ma pièce! » Alors sa femme lui a dit : « Pourquoi veux-tu voir ta pièce? Ce n’est pas nécessaire. » — « Si, si, laisse-moi voir ma pièce. » Il sort le petit sac dans lequel était la pièce, et il trouve dedans une pièce qui n’était pas trouée!
« Ah! dit-il, ce n’est pas ma pièce! Qu’est-ce que c’est que ça ? Qui a changé ma pièce? » Alors sa femme lui dit : « Figure-toi qu’un jour, il y avait de la poussière sur ta veste... Je l’ai secouée par la fenêtre, la pièce est tombée. J’avais oublié qu’il y avait la pièce dedans. J’ai couru la chercher, mais je ne l’ai pas trouvée. Quelqu’un l’avait ramassée. Alors j’ai pensé que tu serais très malheureux et j’ai mis une autre pièce. » (rires) Seulement lui, n’est-ce pas, il avait confiance que sa pièce était là, cela suffisait.
C’est la foi, c’est la confiance qui fait, n’est-ce pas... La pièce trouée ne vous donne rien du tout. Vous pouvez toujours essayer. Si vous avez confiance, cela vous donne... Quand on a confiance...
Voilà !... et maintenant ça suffit.
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