CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


novembre




Le 17 novembre 1954

Cet Entretien est basé sur le chapitre II de Les Bases du Yoga, « Foi, Aspiration, Soumission ».

Douce Mère, ici il est écrit : « Pour vous la vérité est de sentir le Divin en vous-même, de travailler pour Lui et de vous ouvrir à la Mère jusqu’à ce que vous la perceviez dans toutes vos activités. » Pourquoi dit-il une fois le Divin, et une autre fois la Mère?

Probablement il considère que ce sont deux aspects du problème. La vérité est qu’il y a des gens qui peuvent se mettre plus facilement en relation avec un Divin impersonnel qu’avec un Divin personnel. Pour eux, pour certains esprits, pour certaines intelligences, c’est plus facile; ils comprennent mieux, ou ils croient comprendre mieux.

N’est-ce pas, il y a certains... ce que nous pourrions appeler certains attributs du Divin, qui leur paraissent impossibles à donner à un Être personnel, et alors ils aiment mieux avoir rapport avec une conception impersonnelle du Divin. Alors, pour eux, il dit comme ça.

Il y en a qui sont capables d’avoir les deux en même temps, se complétant l’un l’autre; mais il y en a pour qui c’est une antinomie, c’est une opposition. Alors, ils aiment mieux choisir l’un ou l’autre. Je pense que c’est pour cela qu’il a mis ça, pour que chacun puisse choisir l’approche qui lui est la plus facile, la plus expressive aussi. Essentiellement, c’est la même chose; dans l’esprit humain, cela devient différent. Et alors, l’esprit humain façonne la conscience humaine; et pour la conscience humaine, eh bien, cela dépend de son attitude intérieure et de ses goûts. Le mental a toujours besoin de faire des divisions, autrement il croit qu’il ne comprend pas. Probablement c’est pour l’aider dans son travail, pour qu’il n’y ait pas des gens qui disent : « Ah, non! Mais je n’en veux pas, d’un Dieu personnel! » Alors il dit : « C’est bon, tournez-vous vers un Dieu impersonnel. »

Mère, lorsqu’on fait un effort, il y a quelque chose en nous qui devient très satisfait et se glorifie, se contente de cet effort, et ça gâte tout. Alors comment est-ce qu’on peut se débarrasser de cela ?

Ah, c’est ce qui se regarde faire!

Il y a toujours quelqu’un qui observe, quand on fait quelque chose. Alors, quelquefois, il s’enorgueillit. Évidemment, cela enlève beaucoup de puissance à l’effort. Je crois que c’est ça : c’est l’habitude de se regarder faire, de se regarder vivre. Il est nécessaire de s’observer; mais je pense qu’il est encore plus nécessaire d’essayer d’être tout à fait sincère et spontané, très spontané dans ce que l’on fait : de ne pas être toujours à s’observer, à se regarder faire, à se juger — quelquefois sévèrement. Au fond, c’est presque aussi mauvais que de se caresser avec satisfaction; les deux sont également mauvais. Il faudrait être si sincère dans son aspiration, qu’on ne sache même pas qu’on est en train d’aspirer, qu’on devienne l’aspiration elle-même. Quand ça, ça peut être réalisé, alors vraiment on atteint à une puissance extraordinaire.

Une minute, une minute de ça, et vous pouvez préparer des années de réalisation. Quand on n’est plus un être, un ego qui se regarde faire, quand on est l’action elle-même, surtout dans l’aspiration, ça, c’est bien. Quand il n’y a plus de personne qui aspire, quand c’est une aspiration qui s’élance avec une impulsion toute concentrée, alors vraiment, ça va très loin. Autrement, il se mélange toujours un peu de vanité, un peu de suffisance, un peu aussi de pitié de soi, toutes sortes de petites choses qui viennent tout gâter. Mais c’est difficile.

Douce Mère, ici il est écrit : « Le principe même de notre yoga est de s’ouvrir à l’influence du Divin. » Que veut dire exactement « s’ouvrir à l’influence du Divin » ?

Combien de fois je vous ai expliqué ça ! Au moins une trentaine de fois. À quoi sert d’expliquer? Il faut essayer, il faut faire un effort soi-même. Expliquer, c’est simplement essayer de donner une formule dans l’esprit qui permette que la chose se fasse sans effort. On a une bonne explication dans sa tête, et on croit que c’est suffisant pour que la chose soit réalisée. Mais si on le fait un tout petit peu — même très maladroitement —, petit à petit on progresse, on le fait de mieux en mieux. Quand on le fait vraiment bien, alors on comprend ce qu’on fait, et on sait aussi comment on a appris, comment le faire, en le faisant pas à pas, en essayant.

Quelles sont les conditions dans lesquelles il y a une descente de la foi?

La condition la plus importante est une confiance presque enfantine, la confiance candide d’un enfant, qui est sûr que cela viendra, qui ne se le demande même pas; quand il a besoin de quelque chose, il est sûr que cela va venir. Eh bien ça, cette espèce de confiance-là, ça, c’est la condition la plus importante.

Aspirer, c’est indispensable. Mais il y a des gens qui aspirent avec un tel conflit au-dedans d’eux entre la foi et l’absence de foi, la confiance et la méfiance, et puis l’optimisme qui est sûr de la victoire et un pessimisme qui se demande quand viendra la catastrophe, comme ça... Alors si ça, c’est dans l’être, vous pouvez aspirer, mais vous n’obtenez rien. Et vous dites : « J’ai aspiré, mais je n’ai rien eu. » C’est parce que vous démolissez votre aspiration tout le temps par votre manque de confiance. Mais si vous avez vraiment confiance... Les enfants, quand ils sont laissés à eux-mêmes, et qu’ils ne sont pas déformés par les grandes personnes, ils ont une si grande confiance que tout ira bien! Par exemple, quand il leur arrive un petit accident, jamais ils ne pensent que ça va être quelque chose de grave : ils sont spontanément convaincus que ça va être bientôt fini, et ça aide si puissamment pour que ce soit fini!

Eh bien, quand on aspire à la Force, quand on demande l’aide au Divin, si on le demande avec la certitude inébranlable que cela viendra, qu’il est impossible que cela ne vienne pas, alors, c’est sûr de venir. C’est cette espèce... oui, ça, c’est vraiment une ouverture intérieure, cette confiance. Et il y a des gens qui sont dans cet état-là d’une façon constante. Quand il y a quelque chose à recevoir, ils sont toujours là pour le recevoir. Il y a d’autres gens, quand il y a quelque chose à avoir, une force qui descend, ils sont toujours absents, ils sont toujours fermés à ce moment. Tandis que ceux qui ont cette confiance enfantine, ils se trouvent toujours là au bon moment.

Et c’est curieux, n’est-ce pas, extérieurement il n’y a pas de différence. Ils peuvent avoir exactement la même bonne volonté, la même aspiration, le même désir de bien faire; mais ceux qui ont cette confiance souriante au-dedans d’eux, qui ne questionnent pas, qui ne se demandent pas s’ils l’auront ou s’ils ne l’auront pas, si le Divin répondra ou non : la question ne se pose pas, c’est une affaire entendue. « La chose dont j’ai besoin, on me la donnera ; si je fais une prière, sûrement on me répondra ; si je suis dans une difficulté et que je demande qu’on m’aide, l’aide viendra — et non seulement viendra, mais elle arrangera tout. » Si la confiance est là, spontanée, candide, sans discussion, cela travaille mieux que n’importe quoi, et les résultats sont merveilleux. C’est avec les contradictions et les doutes du mental qu’on abîme tout, avec cette espèce de notion qui vient quand on a des difficultés : « Oh, c’est impossible! Je n’en viendrai jamais à bout! Et si ça va s’aggraver? Si cette condition dans laquelle je me trouve, dont je ne veux pas, va être encore pire? Si je continue à dégringoler? Si, si, si, si... », comme ça, et on bâtit un mur entre soi et la Force qu’on veut recevoir. L’être psychique a cette confiance, il l’a d’une façon merveilleuse, sans une ombre, sans une discussion, sans une contradiction. Et quand c’est comme ça, il n’y a pas de prière à laquelle il ne soit répondu, pas d’aspiration qui n’aboutisse pas.

Comment se débarrasser de l’abhimâna 25 ?

Oh, mon Dieu! D’abord, voir à quel point c’est néfaste : c’est tout petit, c’est destructif; et puis faire un pas de plus, et puis se tourner soi-même en ridicule, voir à quel point on est grotesque. Alors, comme ça, on s’en débarrasse. Mais tant qu’on prend cela au sérieux, tant qu’on légitime le mouvement, tant qu’il y a quelque part dans la pensée l’idée : « Après tout, c’est tout à fait naturel, j’ai été maltraité et je souffre d’avoir été maltraité », alors, c’est fini, ça ne s’en ira jamais. Mais si on commence à comprendre que c’est le signe d’une faiblesse, d’une infériorité — naturellement d’un égoïsme très considérable, d’une étroitesse d’esprit, et surtout d’une petitesse du sentiment, d’une étroitesse du cœur —, si on comprend cela, alors on peut lutter. Mais il faut que la pensée soit d’accord. S’il y a cette attitude : « On m’a fait mal, je souffre, je ferai voir que je souffre », c’est comme ça. Je ne vais pas jusqu’aux gens qui ont un esprit de vengeance plus ou moins caché, et qui disent : « On m’a fait souffrir, je ferai souffrir. » Ça, ça devient assez vilain pour que les gens s’aperçoivent que cela ne doit pas être — quoiqu’il ne soit pas toujours facile d’y résister. C’est l’indication de quelque chose de tout petit dans la nature. Cela peut être très sensible, cela peut être très émotif, cela peut avoir une certaine intensité, mais c’est tout petit, c’est très replié sur soi, et c’est tout petit.

Naturellement, on peut se servir de la raison, si on en a une qui fonctionne. On peut se servir de la raison, et on peut se dire une chose qui est tout à fait vraie : c’est que dans l’être, ce n’est jamais que l’égoïsme qui souffre, et que s’il n’y avait pas d’égoïsme, il n’y aurait pas de souffrance, et que si l’on veut la vie spirituelle, il faut surmonter son égoïsme. Alors, la première chose à faire, c’est de regarder en face cette souffrance, de percevoir à quel point elle est l’expression d’un égoïsme très petit, et puis balayer la place, faire place nette et dire : « Je ne veux pas de cette poussière-là, je vais nettoyer ma chambre intérieure. »

Même les souffrances physiques sont dues à l’ego ?

Souffrances physiques? Non, elle [l’enfant qui a posé la question] ne parle pas de souffrances physiques. Souffrances physiques? Il y a une chose certaine, n’est-ce pas, je pense que ça a été dans le système, dans la nature, que ça a été inventé comme un indicateur; parce que, par exemple, si le corps se désorganisait d’une façon quelconque, et que cela ne causait aucune souffrance, on ne chercherait jamais à arrêter la désorganisation. On ne pense à guérir une maladie que parce qu’on souffre. Si cela ne vous causait aucun désagrément, on ne chercherait jamais à s’en guérir. Alors, dans l’économie de la nature, je pense que le premier but de la souffrance physique, c’était de vous mettre en garde.

Malheureusement, il y a le vital qui s’immisce dans l’affaire, qui prend un plaisir très pervers à augmenter, tourner, aiguiser la souffrance. Alors ça, ça déforme tout le système, parce qu’au lieu d’être un indicateur, quelquefois cela devient une occasion de jouir de sa maladie, de se rendre intéressant, et puis d’avoir l’occasion de se prendre en pitié, toutes sortes de choses qui proviennent toutes du vital et qui sont toutes plus détestables les unes que les autres. Mais originellement, je pense que c’était ça : « Attention! » N’est-ce pas, c’est comme un signal de danger : « Attention, il y a quelque chose qui ne va plus bien. »

Seulement, quand on n’est pas très douillet, qu’on a un petit peu d’endurance, et qu’on décide au-dedans de soi de ne pas faire trop attention, il est assez remarquable que la douleur diminue. Et il y a un nombre de maladies ou de déséquilibres physiques qui peuvent se rétablir simplement en supprimant l’effet, c’est-à-dire en arrêtant la souffrance. Généralement, elle revient parce que la cause est encore là. Si on trouve la cause de la maladie, et que, là, on agisse directement sur ses causes, alors on peut guérir radicalement. Mais si on n’est pas capable de faire ça, on peut se servir de cette influence, de ce contrôle sur la douleur pour — en supprimant ou éliminant la douleur, ou en la maîtrisant en soi — avoir un effet sur la maladie. Alors c’est un effet, pour ainsi dire, du dehors au dedans; tandis que l’autre, c’est un effet du dedans au dehors, qui est beaucoup plus durable et beaucoup plus complet. Mais l’autre aussi a de l’effet.

Par exemple, n’est-ce pas, il y a des gens qui souffrent de façon intolérable de maux de dents. Ça, ça dépend surtout... Il y a des gens qui sont plus ou moins ce que j’appelle « douillets », c’està-dire, incapables de résister à une douleur, de la supporter, qui immédiatement disent : « Je ne peux pas! C’est insupportable! Je ne peux pas supporter davantage! » Ah, ça, ça ne change rien à la situation; ça ne fait pas cesser leur souffrance, parce que ce n’est pas de lui dire qu’on n’en veut pas qui fait qu’elle s’en va ! Mais si on peut, n’est-ce pas, faire deux choses... ou amener en soi — pour toute souffrance nerveuse, par exemple —, amener en soi une sorte d’immobilité aussi totale que possible à l’endroit qui souffre; ça, ça fait l’effet d’un anesthésiant. Si on arrive à apporter une immobilité intérieure, immobilité de la vibration intérieure, à l’endroit où l’on souffre, cela fait exactement le même effet que l’anesthésiant. Cela coupe le contact entre l’endroit qui souffre et le cerveau, et une fois que vous avez coupé le contact, si vous pouvez garder ça suffisamment longtemps, la douleur disparaîtra. Il faut avoir l’habitude de cela.

Mais on a l’occasion, on a tout le temps l’occasion de ça : on se coupe, on se cogne, n’est-ce pas, on se fait toujours des petits bobos quelque part — surtout quand on fait de l’athlétisme, de la gymnastique ou tout ça —, eh bien ça, ce sont des occasions qui nous sont données. Au lieu d’être là, à observer la douleur, à tâcher de l’analyser, à se concentrer dessus — ce qui fait que ça augmente de plus en plus —, il y a des gens qui pensent à autre chose. Mais ce n’est pas durable; ils pensent à autre chose, et puis, tout d’un coup, ils sont tirés de nouveau vers l’endroit qui leur fait mal. Et si on peut faire ça... N’est-ce pas, puisque la douleur est là, cela prouve que vous êtes en contact avec le nerf qui transmet la douleur, autrement vous ne la sentiriez pas. Eh bien, une fois que vous savez que vous êtes en contact, vous accumulez là autant d’immobilité que vous pouvez en accumuler, pour arrêter la vibration de la douleur; vous vous apercevrez, n’est-ce pas, que ça fait l’effet d’un membre qui s’endort quand vous êtes dans une mauvaise position et que, tout d’un coup... vous savez cela, n’est-ce pas? Et puis, quand ça cesse, ça recommence à vibrer d’une façon terrible. Eh bien, vous faites volontairement cette espèce de concentration d’immobilité dans le nerf qui souffre; au point qui souffre vous amenez une immobilité aussi totale que vous pouvez. Eh bien, vous vous apercevrez que cela agit, je vous ai dit, comme un anesthésiant : cela endort. Et alors, si vous pouvez ajouter à cela une sorte de paix intérieure, et une confiance que la douleur va s’en aller, eh bien, je vous réponds qu’elle s’en ira.

De toutes les choses, celle qui est considérée comme la plus difficile au point de vue yoguique, c’est le mal de dents, parce que c’est très près du cerveau. Eh bien, je sais que cela peut être fait au point, vraiment, de ne pas sentir la douleur du tout; cela ne guérit pas la dent malade, mais il y a des cas où on peut arriver à tuer le nerf qui souffre. Généralement, dans une dent, c’est le nerf qui a été atteint par la carie, par la maladie, et qui commence à protester avec toute sa capacité de protester. Alors, Entretiens 1954 450 si vous arrivez à établir cette immobilité-là, vous l’empêchez de vibrer, vous l’empêchez de protester. Et ce qui est remarquable, c’est que si vous le faites d’une façon assez constante, avec assez de persévérance, le nerf malade mourra, et vous ne souffrirez plus du tout. Parce que c’est lui qui souffrait, et quand il est mort, il ne souffre plus. Essayez. J’espère que vous n’avez pas mal aux dents! (rires)









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