Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Pas de questions?... J’allais vous offrir une méditation.
Pour quelle raison est-on incapable de méditer?
Parce qu’on n’a pas appris à le faire.
N’est-ce pas, tout d’un coup il vous prend une fantaisie : aujourd’hui je vais méditer. On ne l’a jamais fait avant. On s’assoit et on s’imagine qu’on va se mettre à méditer. Mais c’est une chose à apprendre comme on apprend les mathématiques ou le piano ! On n’apprend pas ça comme ça ! Il ne suffit pas de s’asseoir avec les bras croisés ou les jambes croisées pour méditer. Il faut apprendre à méditer. Partout on a donné toutes sortes de règles sur ce qu’il fallait faire pour pouvoir méditer.
Si, quand on était tout petit et que... l’on vous apprend, par exemple, à vous asseoir accroupi; si l’on vous apprenait en même temps à ne pas penser, ou à rester bien tranquille, ou à vous concentrer, ou à rassembler vos pensées ou... toutes sortes de choses qu’il faut apprendre à faire, comme méditer; si, tout petit et en même temps que l’on vous apprend à vous tenir debout, par exemple, et à marcher ou à vous asseoir, ou même à manger (on vous apprend beaucoup de choses, mais vous ne vous en apercevez pas, parce qu’on vous les apprend quand vous êtes tout petit), si on vous apprenait à méditer aussi, alors spontanément, plus tard, vous pourriez, le jour où vous le décidez, vous asseoir et méditer. Mais on ne vous l’apprend pas. On ne vous apprend absolument rien de ce genre. D’ailleurs, généralement, on vous apprend très peu de choses — on ne vous apprend même pas à dormir. On s’imagine qu’il n’y a qu’à rester couché dans son lit et qu’ensuite on dort. Mais ce n’est pas vrai! Il faut apprendre à dormir comme il faut apprendre à manger, comme il faut apprendre à faire n’importe quoi. Et si on n’apprend pas, eh bien, on le fait mal ! Ou on prend des années et des années à apprendre à le faire, et pendant toutes ces années où on le fait mal, il vous arrive toutes sortes de choses désagréables. Et c’est seulement après avoir souffert beaucoup, vous être trompé beaucoup, avoir fait beaucoup de bêtises, que, petit à petit, quand vous êtes vieux et que vous avez des cheveux blancs, vous commencez à savoir faire quelque chose. Mais si, quand on était tout petit, les parents ou les gens qui s’occupent de vous prenaient la peine de vous apprendre à faire ce que vous faites, à le faire convenablement, comme il faut, d’une bonne manière, alors cela vous éviterait toutes... toutes ces fautes que vous faites pendant des années. Et non seulement vous faites des fautes, mais personne ne vous dit que ce sont des fautes! et alors vous vous étonnez quand vous tombez malade, quand vous êtes fatigué, quand vous ne savez pas faire ce que vous voulez faire et qu’on ne vous a jamais appris. Il y a des enfants à qui l’on n’apprend rien, et alors il leur faut des années, des années, des années pour apprendre la plus simple chose, même les choses les plus élémentaires : à être propres.
Il est vrai que, la plupart du temps, les parents ne l’enseignent pas, parce qu’ils ne le savent pas eux-mêmes! parce qu’ils n’ont pas eu, eux aussi, quelqu’un pour leur apprendre. Alors ils ne savent pas... ils ont tâtonné toute leur vie pour apprendre à vivre. Et alors naturellement ils ne sont pas en état de vous apprendre à vivre, parce qu’ils ne le savent pas eux-mêmes! Si on vous laisse, n’est-ce pas, à vous-même, il faut des années, des années d’expériences pour apprendre la chose la plus simple, et encore il faut que vous y songiez. Si vous n’y songez pas, vous n’apprendrez jamais.
Vivre de la bonne manière est un art très difficile, et à moins qu’on ne commence à l’étudier et à faire des efforts tout petit, on ne sait jamais très bien. Simplement l’art de garder son corps en bonne santé, son esprit tranquille et une bonne volonté dans son cœur — qui sont des choses indispensables pour vivre décemment (je ne dis pas bien, je ne dis pas remarquablement, je dis seulement décemment), eh bien, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de gens qui prennent le souci d’apprendre cela à leurs enfants!
C’est tout? Douce Mère, est-ce que nous devons faire quelque autre travail en dehors des études?
Quelque autre travail? Cela dépend de vous. Ça dépend de chacun et ça dépend de ce que l’on veut. Si vous voulez faire la sâdhanâ, il est évident qu’il faut avoir, au moins partiellement, une occupation qui ne soit pas égoïste, c’est-à-dire qui ne soit pas faite pour soi-même seul. L’étude, c’est très bien — c’est très nécessaire, c’est tout à fait indispensable même, justement cela fait partie des choses dont je parlais tout à l’heure, qu’il faut apprendre quand on est petit, parce que quand on est grand, cela devient beaucoup plus difficile; mais il y a un âge où on peut avoir la base d’étude indispensable et où, si l’on veut commencer à faire la sâdhanâ, il faut faire quelque chose qui n’ait pas un mobile exclusivement personnel. Il faut faire quelque chose qui soit un peu désintéressé, parce que si vous êtes exclusivement occupé de vous-même, alors vous êtes enfermé dans une sorte de carapace et vous n’êtes pas ouvert aux forces universelles. Un petit mouvement, une petite action désintéressée qui ne soit pas faite dans un but égoïste, ouvre une porte sur quelque chose d’autre que sa petite personne, toute petite.
On est généralement enfermé dans une coquille et on ne s’aperçoit des autres coquilles que quand il y a un choc ou une friction. Mais la conscience de la Force qui circule, de l’interdépendance des êtres, cela, c’est une chose très rare. C’est l’une des étapes indispensables de la sâdhanâ.
Mère, est-ce qu’on ne peut pas étudier pour le Divin?
Ça veut dire?
On peut étudier pour le Divin et pas pour soi-même, se préparer pour l’Œuvre divine?
Oui, si vous faites l’étude avec le sentiment de vous développer pour devenir des instruments. Mais vraiment, c’est fait dans un esprit très différent, n’est-ce pas, très différent. Pour commencer, il n’y a plus de sujets qui vous plaisent ou de sujets qui ne vous plaisent pas, il n’y a plus de choses qui vous ennuient et de classes qui ne vous ennuient pas, il n’y a plus de choses difficiles et de choses qui ne soient pas difficiles, il n’y a plus de professeurs qui soient agréables et plus de professeurs qui ne le soient pas — tout cela, ça disparaît immédiatement. On se met dans un état où, quoi que ce soit qui arrive, on le prend comme une occasion d’apprendre pour se préparer à l’Œuvre divine, et tout devient intéressant. Naturellement, si on fait cela, c’est tout à fait très bien.
Ce que vous avez dit dans le Bulletin, « éduquer le mental », cela veut dire qu’on s’éduque pour cela, on vit et on étudie pour le Divin. Alors est-ce que ce n’est pas un travail pour le Divin?
Oui, oui, oui. C’est très bien si c’est dans ce but-là. Mais il faut que ce soit dans ce but-là ! Par exemple, quand on veut comprendre les lois profondes de la vie, quand on veut être prêt à recevoir n’importe quel message que le Divin vous envoie, si l’on veut pouvoir pénétrer les secrets de la Manifestation, tout cela demande une mentalité développée, alors on étudie avec cette volonté-là. Mais on n’a plus besoin de faire un choix pour étudier, parce que tout et n’importe quoi, la moindre petite circonstance dans l’existence est le professeur qui peut vous apprendre quelque chose, qui peut vous apprendre à penser et à agir. Même (je l’ai dit, je crois, justement), même la réflexion d’un enfant ignorant peut vous aider à comprendre quelque chose que vous ne comprenez pas. Votre attitude est tellement différente! C’est toujours une attitude qui est dans l’attente d’une découverte, d’une occasion de progrès, d’une rectification d’un faux mouvement, d’un pas en avant, et alors c’est comme un aimant qui attire de partout l’occasion de faire ce progrès. Les moindres choses peuvent vous enseigner un progrès. Comme vous avez la conscience et la volonté de progrès, tout devient une occasion, et vous projetez cette conscience et cette volonté de progrès sur toutes choses.
Et non seulement c’est utile pour vous, mais c’est utile pour tous ceux qui vous entourent, avec qui vous avez un contact.
Prenons simplement une question de classe, n’est-ce pas, la classe à l’école. De même qu’un enfant indiscipliné, désobéissant et de mauvaise volonté peut désorganiser la classe (et c’est pour cela que, quelquefois, on est obligé de le mettre dehors, parce que simplement par sa présence il peut désorganiser complètement la classe), de même, s’il y a un élève qui a l’attitude absolument propre, la volonté d’apprendre en tout, qui fait que pas un mot n’est prononcé, pas un geste n’est fait qui ne soit pour lui l’occasion d’apprendre quelque chose, sa présence peut avoir l’effet opposé et aider la classe à s’élever dans l’éducation. Si, consciemment, il est dans cet état d’intensité d’aspiration pour apprendre et pour se corriger, il communique cela aux autres... Il est vrai que, dans l’état actuel des choses, le mauvais exemple est beaucoup plus contagieux que le bon! il est beaucoup plus facile de suivre le mauvais exemple que le bon, mais le bon aussi est utile, et une classe avec un vrai élève qui n’est là que parce qu’il veut apprendre et qu’il veut s’appliquer, qui est profondément intéressé par toute occasion d’apprendre, cela crée une atmosphère solide.
Vous pouvez aider!
Mère, pourquoi ici, dans le travail, certaines personnes se permettent-elles de satisfaire leurs fantaisies et ainsi beaucoup d’argent est gaspillé?
Il n’y a pas que l’argent qui soit gaspillé!
L’Énergie, la Conscience est infiniment, mille fois plus gaspillée que l’argent. S’il ne devait pas y avoir de gaspillage, ma foi, je crois qu’il ne pourrait pas y avoir l’Ashram. Il n’y a pas de seconde où il n’y ait un gaspillage — il y a quelquefois pire que ça. Il y a cette habitude (qui est très peu consciente, je l’espère) d’absorber autant d’Énergie et autant de Conscience que l’on peut, et de s’en servir pour ses satisfactions personnelles. Ça, c’est une chose qui se passe à chaque minute. Si toute l’Énergie, toute la Conscience qui est constamment répandue sur vous tous était utilisée pour les fins véritables, c’est-àdire pour l’Œuvre divine et pour la préparation à l’Œuvre divine, nous serions déjà très loin sur le chemin, beaucoup plus loin que nous le sommes. Mais chacun, plus ou moins consciemment, et en tout cas instinctivement, absorbe autant de Conscience et autant d’Énergie qu’il le peut, et dès qu’il sent cette Énergie en lui, il s’en sert pour des fins personnelles, sa satisfaction.
Qui pense que toute cette Force qui est là, qui est infiniment plus grande, infiniment plus précieuse que toutes les forces de l’argent, cette Force qui est là et qui est donnée consciemment, constamment, avec une persévérance et une patience sans fin, seulement dans un seul but, celui de réaliser l’Œuvre divine — qui est-ce qui pense à ne pas la gaspiller? Qui est-ce qui se rend compte que c’est un devoir sacré de faire des progrès, de se préparer à mieux comprendre et à mieux vivre? Parce qu’on vit par l’Énergie divine, on vit par la Conscience divine et qu’on s’en sert pour des fins personnelles, égoïstes.
On est choqué quand il y a quelques milliers de roupies qui sont gaspillées, mais on n’est pas choqué quand il y a des... des flots de Conscience et d’Énergie qui sont détournés de leurs fins véritables!
Si on veut faire une Œuvre divine sur la terre, il faut venir avec des tonnes de patience et d’endurance. Il faut savoir vivre dans l’éternité et attendre que la conscience s’éveille en chacun — la conscience de ce que c’est que la vraie honnêteté.
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