Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Mère commence la lecture de Les Éléments du Yoga de Sri Aurobindo, chapitres I et II, « L’Appel et l’Aptitude », et « La Base ».
Vous avez posé des questions. Maintenant vous allez poser des questions sur vos questions! Alors?
Douce Mère, ici il est écrit : « Dans notre yoga, le but est de s’unir au Divin dans la conscience physique également, autant que sur le plan supramental. » Alors quand la conscience physique est unie au Divin, est-ce que la transformation suit?
Oui, « suit », pas instantanément. Cela prend du temps. C’est justement si le Divin descend dans la conscience physique — ou plutôt, pour dire plus exactement, si la conscience physique est totalement réceptive au Divin —, il s’ensuit naturellement la transformation. Mais la transformation ne se fait pas par un coup de baguette magique. Cela prend du temps et cela se fait progressivement.
Mais c’est sûr d’arriver une fois que la conscience physique est unie, n’est-ce pas?
Je vous dirai cela dans quelque temps!
Parce que, alors, ce n’est pas le but final 9 , si la transformation ne suit pas!
Non. Ce n’est pas ce que nous appelons le but final. Mais la transformation doit suivre, elle doit suivre automatiquement. Mais ce que je veux dire, c’est le degré de totalité, pour ainsi dire, d’intégralité, qui n’est pas assuré, dans le sens qu’il y a probablement beaucoup d’étapes dans cette transformation. Nous disons comme ça, vaguement, « transformation »; cela nous donne l’impression de quelque chose qui va se passer et qui fera que tout sera bien — je pense que ça se réduit à peu près à cela. Si nous avons des difficultés, les difficultés disparaîtront; ceux qui ont des maladies, leur maladie disparaîtra ; et puis s’il y a des incapacités dans le corps, les incapacités disparaîtront, et ainsi de suite. Mais c’est très vague, c’est une impression.
Il y a une chose assez remarquable, c’est que la conscience physique, la conscience corporelle, ne peut savoir une chose avec précision, dans tous les détails, que quand elle est sur le point de se réaliser. Et ce sera une indication sûre, quand, par exemple, on pourra comprendre le processus : par quelle suite de mouvements et de transformations la transformation totale aura-t-elle lieu? dans quel ordre, par quel chemin, pour ainsi dire? quelles seront les choses qui arriveront d’abord? celles qui arriveront après? — tout cela, dans tous les détails. Chaque fois que vous percevez avec exactitude un détail, cela veut dire que c’est sur le point de se réaliser.
On peut avoir la vision d’ensemble. Il est, par exemple, tout à fait certain que la transformation de la conscience corporelle aura lieu d’abord, qu’un progrès dans la maîtrise et le contrôle de tous les mouvements du corps viendra ensuite, que cette maîtrise se changera petit à petit (là, ça devient plus vague), petit à petit en une espèce de transformation du mouvement lui-même : altération et transformation — tout ça, c’est certain. Mais ce qui doit arriver à la fin, ce dont Sri Aurobindo a parlé dans l’un de ses derniers articles 10 où il a dit que même les organes seront transformés, dans le sens qu’ils seront remplacés par des centres de concentration de forces (de concentration et d’action de forces) de qualité et de nature différentes, qui remplaceront tous les organes du corps, cela, mes enfants, c’est beaucoup plus loin, c’est-à-dire que c’est quelque chose qui... on n’arrive pas encore à attraper par quel moyen. Prenez, par exemple, le cœur. Par quel moyen ce fonctionnement du cœur qui fait courir le sang dans tout le corps va-t-il être remplacé par une concentration de forces? par quel moyen le sang sera-til remplacé par un certain genre de forces, et tout ça ? Par quel moyen les poumons seront-ils remplacés par une autre concentration de forces et quelles forces? et dans quelles vibrations? et de quelle manière?... Tout cela, c’est pour beaucoup plus tard. On ne peut pas le réaliser encore. On peut le pressentir, le prévoir, mais...
Savoir, pour le corps, c’est pouvoir faire. Je vous donne un exemple tout à fait immédiat. Vous ne savez un mouvement de gymnastique que quand vous le faites. N’est-ce pas, quand vous l’avez fait bien, alors vous le savez, vous le connaissez, mais pas avant. La connaissance physique, c’est le pouvoir de faire. Eh bien, cela s’applique pour tout, y compris la transformation.
Nous avons un certain nombre d’années devant nous avant de pouvoir parler avec connaissance de comment cela va se faire, mais tout ce que je peux vous dire, c’est que cela a commencé. Si vous lisez attentivement le prochain numéro du Bulletin que vous aurez le 24 avril, vous verrez que cela a commencé. Mais en fait, nous verrons plus tard si je peux vous expliquer ce que cela veut dire. Voilà !
Une autre question?
Douce Mère, plus tard veut dire quand ? Tu expliqueras quand ?
Expliquer quand? Je ne sais pas, mes enfants!
Je n’ai pas bien compris « le sens vrai de l’activité et de la passivité dans la sâdhanâ ».
Tu ne sais pas ce qu’est l’activité et la passivité? Sais-tu ce que veulent dire les deux mots?
Oui.
Oui! Alors, qu’est-ce que c’est quand tu es active?
Quand je travaille.
Travaille? Bon! Et quand tu es passive, c’est quand tu dors? (rires)
Quand je suis paresseuse je ne peux pas faire...
Non, mon petit, pas nécessairement. La passivité n’est pas une paresse. Active, c’est un mouvement où tu jettes ta force en dehors, c’est-à-dire que quelque chose émane de toi — dans un mouvement, dans une pensée, dans un sentiment —, quelque chose qui s’en va de toi vers les autres ou vers le monde. Passive, c’est quand tu restes toi-même comme cela, ouverte, et que tu reçois ce qui vient du dehors. Ce n’est pas du tout quand on bouge ou quand on reste tranquille. Ce n’est pas du tout ça. Actif, c’est projeter la conscience ou la force ou le mouvement du dedans au dehors. Passif, c’est rester immobile et recevoir ce qui vient du dehors. Alors il est dit là... je ne sais pas ce qui est écrit. (Mère feuillette le livre) C’est très clair! « ... l’activité dans l’aspiration »... n’est-ce pas, ton aspiration sort de toi et monte vers le Divin (dans la tapasyâ, dans la discipline que tu t’imposes), et quand il y a des forces qui sont opposées à ta sâdhanâ, tu les rejettes. C’est un mouvement d’activité.
Maintenant, si tu veux avoir l’inspiration vraie, la direction intérieure, le guide, et si tu veux avoir la force, si tu veux recevoir la force qui te guidera et qui te fera agir comme il faut, alors tu ne bouges plus, c’est-à-dire que plus rien de toi, je ne veux pas dire ne bouge pas physiquement, mais rien de toi ne se projette et, au contraire, tu fais comme si tu étais tout à fait immobile, mais ouverte, et tu attends que la Force entre, et alors tu t’ouvres autant que tu peux, n’est-ce pas, pour absorber tout ce qui va venir en toi. Et c’est ce mouvement : au lieu de vibrations qui sortent, c’est une sorte de calme tranquillité; mais complètement ouvert, comme si tu ouvrais toutes tes portes, comme ça, à la force qui doit descendre en toi et transformer ton action et ta conscience.
La réceptivité est le résultat d’une bonne passivité.
Mais Mère, pour pouvoir être passif, il faut faire un effort, n’est-ce pas?
Pas nécessairement, cela dépend des gens. Un effort? Il faut, oui, il faut le vouloir. Mais est-ce que la volonté est un effort?... Naturellement il faut y penser, il faut le vouloir. Mais les deux choses peuvent être ensemble, n’est-ce pas; il y a un moment où les deux — aspiration et passivité — peuvent être non seulement alternées mais simultanées. Vous pouvez en même temps être dans cet état d’aspiration, de volonté qui appelle quelque chose — justement cette volonté de s’ouvrir et de recevoir, et cette aspiration qui appelle la force que vous voulez recevoir — et en même temps avoir cet état de complète immobilité intérieure qui se laisse pénétrer complètement, parce que c’est dans cette immobilité qu’on peut être pénétré, que l’on devient perméable à la Force. Eh bien, les deux peuvent être simultanés sans que l’un dérange l’autre, ou d’une alternance si proche que l’on peut à peine les distinguer. Mais on peut être comme cela, comme une grande flamme qui monte dans l’aspiration, et en même temps comme si cette flamme formait un vase, un grand vase qui s’ouvre et qui reçoit tout ce qui descend.
Et les deux peuvent être ensemble. Et quand on est arrivé à avoir les deux ensemble, on peut les avoir constamment, quoi que ce soit que l’on fasse. Seulement il peut y avoir un tout, tout petit déplacement de la conscience, presque minuscule, qui s’aperçoit de la flamme et puis du vase de la réceptivité — de la chose qui cherche à être remplie et de la flamme qui monte pour appeler ce qui doit remplir le vase —, un tout petit mouvement de pendule et si proche qu’on a l’impression qu’on a les deux en même temps.
(silence)
C’est l’une des choses que l’on découvre à mesure que le corps est prêt pour la transformation. C’est un instrument assez remarquable dans le sens qu’il peut éprouver les contraires en même temps. Il y a un certain état de la conscience corporelle qui totalise les choses, qui dans les autres consciences alternent, ou même dans certaines se contredisent. Mais si on est arrivé là-haut, dans le vital ou dans le mental, à un développement suffisant pour arriver à harmoniser les contraires (ça, c’est tout à fait indispensable), quand on est arrivé à cela, il y a des moments où cela alterne, n’est-ce pas, une chose vient après l’autre, tandis que ce qui est remarquable dans la conscience du corps, c’est qu’il arrive à sentir (à « sentir », est-ce qu’on peut dire sentir... à éprouver, c’est le mot aware en anglais qui exprime le mieux) toutes les choses simultanément, comme si vous aviez chaud et froid en même temps, comme si vous étiez actif et passif en même temps, et tout devient comme cela. Alors vous commencez à saisir la totalité des mouvements dans les cellules. C’est une chose qui est beaucoup plus concrète (naturellement), mais beaucoup plus parfaite dans le corps que dans aucune autre partie de l’être. C’est-à-dire que si les choses continuent comme ça, il sera démontré que l’instrument physique, matériel, est de tous le plus parfait. C’est peut-être pour ça qu’il est le plus difficile à transformer, à perfectionner. Mais c’est de tous celui qui est le plus capable de perfection.
Ça suffit pour aujourd’hui, non!
Alors mes enfants, si nous allons de ce pas, nous allons en trois ou quatre leçons avoir fini le livre et il faut que nous pensions dès maintenant à ce que nous prendrons après...
La Mère, Douce Mère.
Ah! vous voulez qu’on prenne La Mère? Bien, on prendra La Mère. C’est entendu.
Bonne nuit!
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