Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Cet Entretien est basé sur le chapitre III de La Mère.
Quels sont ceux qui n’ont pas posé de questions la dernière fois? Premier!
Quelle est la différence entre « la vérité divine, spirituelle et supramentale? »
Si j’entendais seulement ce que tu dis, ce serait plus commode!
La vérité divine...?
« ... spirituelle et supramentale... »
Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de différence!
Douce Mère, que veut dire « une foi candide » ?
Candide? C’est simple, sincère et qui ne doute point. On parle surtout de la candeur d’un enfant, qui a une foi simple et sans doute.
Douce Mère, est-ce qu’on repousse la Grâce divine chaque fois qu’on fait une faute?
Hein? On repousse chaque fois que l’on fait une faute?
Eh bien, il y a deux genres différents de fautes. Il y a la faute que l’on fait par ignorance. Cela demeure une faute, et cela met un voile entre la Grâce et vous, mais c’est la faute que l’on fait sans savoir que l’on fait une faute. Mais dès que l’on sait que c’est une faute, alors il faut s’abstenir absolument de le faire, parce que chaque fois qu’on le fait, c’est vrai que l’on construit un mur entre soi et la Grâce divine.
Il y a une très grosse différence entre la faute que l’on fait par ignorance, et que l’on ne fera plus dès que l’on sait que c’est une faute, et la faute que l’on fait sachant que c’est une faute. Et ça, ça s’appelle obstination! Et ça, c’est plus sérieux, c’est même très sérieux. Cela voile la conscience beaucoup, cela voile la conscience tellement, qu’au bout d’un certain temps on ne sait plus du tout que l’on fait des fautes. On les fait en croyant qu’on ne les fait pas. On donne tant d’excuses et de légitimations à tout ce que l’on fait, que l’on finit par croire qu’on ne fait plus de fautes du tout. Alors là, cela devient très grave, parce qu’on est incorrigible!
Quelle est la différence entre la réceptivité et l’ouverture?
Nous avons déjà dit cela une fois. J’ai déjà répondu. Ça ! je vous ait dit que je ne répéterai pas deux fois la même chose, parce que je veux vous habituer à vous rappeler ce que j’ai dit.
Mère, que veut dire « une foi égoïste... colorée par l’ambition » ?
Oui. Par exemple, si l’on veut devenir quelqu’un de très important, avoir une situation considérable, ou attirer l’admiration des gens qui vous entourent, devenir un grand sâdhak, un grand sannyâsî, un grand yogi, etc., quelqu’un de tout à fait important, ça, ça s’appelle avoir une foi pleine d’ambition. Vous avez la foi que cela peut arriver, vous avez la foi dans le Divin, mais c’est pour votre petite gloriole personnelle; et ça, ce n’est plus quelque chose de pur, de sincère et de droit. C’est une chose qui est entièrement pour le profit personnel. Naturellement, il n’est pas question là-dedans d’aucun don de soi; c’est un accaparement de forces autant qu’il vous est possible de les accaparer, c’est-à-dire le mouvement opposé au mouvement véritable. Cela arrive beaucoup plus souvent qu’on ne croit. Ce mouvement d’ambition est souvent caché tout au fond de l’être et il vous pousse, comme ça, par derrière... Il vous donne des coups de fouet pour que vous avanciez. C’est une espèce d’orgueil voilé.
Mère, pourquoi est-ce que les gens reçoivent de la force, puisque le Divin sait qu’ils ne sont pas sincères?
Écoute, mon petit, jamais le Divin n’a des notions humaines dans ses façons d’agir. Il faut bien te mettre cela dans la tête une fois pour toutes. Il fait probablement les choses sans ce que nous appelons des raisons. Mais en tout cas, s’Il en a, ce ne sont pas les mêmes que les raisons humaines, et Il n’a surtout pas le sens de la justice tel que l’entendent les hommes.
Par exemple, vous concevez très bien qu’un homme qui est assoiffé de biens, et qui essaye de tromper les gens pour avoir de l’argent... dans votre idée de justice, cet homme devrait être privé de tous biens et réduit à la pauvreté. Il se trouve que, généralement, c’est le contraire qui se passe. Mais ça, ce sont seulement les apparences. Derrière les apparences, il y a autre chose... Il échange cela pour d’autres possibilités. Il peut avoir de l’argent, mais il n’a plus de conscience. Et au fond, ce qui arrive presque toujours, c’est que lorsqu’il a l’argent qu’il a désiré, il n’est pas heureux... Et plus il en a, généralement, moins il est heureux. Il est, n’est-ce pas, tourmenté par le bien qu’il a gagné.
Il ne faut pas juger les choses d’après un succès extérieur, ou un semblant de défaite. On peut — et en général c’est toujours ce qui se passe —, on pourrait dire que le Divin donne ce que l’on désire, et que de toutes les leçons, c’est la meilleure. Parce que si votre désir est inconscient, obscur, égoïste, vous augmentez en vous l’inconscience, l’obscurité et l’égoïsme, c’est-à-dire que cela vous éloigne de plus en plus de la vérité, de la conscience et du bonheur. Cela vous éloigne du Divin. Et pour le Divin, naturellement, il n’y a qu’une chose qui soit vraie, c’est la Conscience divine, l’Union divine. Et chaque fois que vous mettez en avant les choses matérielles, vous devenez de plus en plus matériel et vous vous éloignez de plus en plus du plein succès.
Mais ce succès, pour la Vérité, est une terrible défaite... Vous avez échangé la Vérité pour le Mensonge.
Juger selon les apparences et le succès apparent, c’est justement un acte de complète ignorance. Même chez celui qui est le plus endurci, même celui pour qui tout a apparemment réussi, il y a toujours une contrepartie. Et cette espèce de durcissement de l’être qui se produit, ce voile qui se construit, de plus en plus épais, entre la conscience extérieure et la vérité intérieure, devient, un jour ou l’autre, tout à fait intolérable. Cela se paye très cher, généralement, le succès extérieur.
Il faut être très grand, très pur, avoir une conscience spirituelle très haute et très désintéressée pour pouvoir réussir sans en être affecté. Rien n’est plus difficile que d’avoir du succès. Ça, c’est la vraie épreuve de la vie!
Quand vous ne réussissez pas, tout naturellement, vous vous retournez sur vous-même et au-dedans de vous, et vous cherchez au-dedans de vous la consolation de votre échec extérieur. Et ceux qui ont une flamme au-dedans d’eux, si le Divin veut vraiment les aider, s’ils sont mûrs pour être aidés, s’ils sont prêts pour suivre le chemin, les coups viendront l’un après l’autre, parce que cela aide. C’est l’aide la plus puissante, la plus directe, la plus efficace. Si vous réussissez, méfiez-vous, dites-vous : « À quel prix, de quel prix ai-je payé le succès? J’espère que ce n’est pas un pas vers... »
Il y a ceux qui ont dépassé cela, ceux qui sont conscients de leur âme, ceux qui se sont donnés entièrement, ceux qui, comme je l’ai dit, sont absolument purs, désintéressés, et qui peuvent réussir sans que ça les atteigne et sans que ça les touche, alors, là, c’est différent. Mais il faut être très haut pour pouvoir supporter le succès. Et après tout, c’est peut-être la dernière épreuve que le Divin donne à quelqu’un : « Maintenant tu es noble, tu es désintéressé, tu n’as plus d’égoïsme, tu n’appartiens plus qu’à moi, je vais te faire triompher. Nous allons voir si tu tiendras le coup. »
De quelle manière est-ce que la Shakti divine agit contre les asuras?
Je n’entends rien!... Agit contre les asuras? Pourquoi veux-tu savoir ça ?
C’est intéressant! (rires)
Peut-être qu’à eux aussi Elle donne ce qu’ils veulent avoir. (silence) Et généralement, cela hâte leur fin. Il y a asura et asura... c’est-à-dire que... non, les asuras sont des asuras, mais il y a tous ceux qui sont sortis d’eux, et qui sont des êtres de qualité inférieure.
Un asura est généralement un être conscient et il sait qu’il a une fin. Il sait que l’attitude qu’il a prise dans l’univers le détruira nécessairement après un certain temps. Naturellement, le temps d’un asura est extrêmement long si on le compare au temps d’un homme. Mais enfin, il sait qu’il y a une fin, parce qu’il s’est coupé lui-même de l’Éternité. Et alors, il essaye de réaliser son plan aussi totalement qu’il le peut, jusqu’au jour de sa défaite totale. Et il se peut que si on le laisse faire, la défaite arrive plus tôt. C’est peut-être pour cela qu’au moment où les grandes choses vont s’accomplir, c’est à ce moment-là que les forces adverses sont les plus actives, les plus violemment actives, et en apparence les plus pleines de succès. Elles semblent avoir le champ libre : c’est peut-être pour que ce soit plus vite fini.
(long silence)
C’est tout?
Douce Mère, que veut dire « arrogance mentale » ?
Mes enfants, par-lez dis-tinc-te-ment! Il n’y a pas besoin de crier fort... Il faut articuler clairement!
L’arrogance mentale? Cela veut dire... ce que vous avez tous! (rires)
Je ne connais pas d’être humain qui n’ait pas d’arrogance mentale. Il y en a qui en ont un peu, il y en a qui en ont beaucoup, il y en a qui sont entièrement faits de cela... Le mental est, par sa nature même, quelque chose d’essentiellement arrogant. Il s’imagine qu’il peut savoir, il s’imagine qu’il peut juger, et il passe son temps à juger de tout — au-dedans de vous, sur vous-même, sur les autres, sur toutes choses!
Dernièrement, il est arrivé une histoire très amusante. Quelqu’un a écrit, et s’est mis à exprimer un doute sur quelque chose que Sri Aurobindo avait dit. Mais alors, après, il a dit : « Mais il ne faut pas que nous oubliions que celui qui a écrit cela est au moins aussi intelligent que nous! » (Mère rit) Quand on passe son temps à juger les choses, si on se dit : « Mais peut-être que l’autre est au moins aussi intelligent que moi! », on serait moins...
Mais vous n’avez qu’à vous observer... vous pouvez vous toucher, vous attraper au moins cent fois par jour, avec un mental qui décide de tout, qui sait tout, qui juge de tout, qui sait très bien ce qui est bon, ce qui est mauvais, ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est juste... Et puis, comment l’on doit agir, ce qu’il faudrait que celui-là ait fait, comment résoudre ce problème... Tous les gens savent, n’est-ce pas... S’ils étaient, par exemple, à la tête des gouvernements, ils sauraient très bien comment tout arranger! Mais on ne les écoute pas... Voilà tout!
Vous n’avez qu’à vous regarder, vous verrez, vous vous attraperez tout le temps... Sans parler de ceux qui ont déjà décidé depuis longtemps de toutes les erreurs que Dieu a commises et comment le monde serait si c’était eux qui avaient été chargés de le faire! Voilà.
Comment, avec le contact de la Grâce divine, les difficultés deviennent-elles des occasions de progrès?
Des occasions de progrès? Oui. Eh bien, ça, c’est une chose tout à fait évidente. Vous avez fait une grosse faute, vous vous trouvez dans une grande difficulté : alors, si vous avez la foi, si vous avez confiance dans la Grâce divine, si vous vous en remettez à Elle vraiment, vous vous apercevrez tout d’un coup que c’est une leçon, que votre difficulté ou votre faute n’est rien autre qu’une leçon et que c’est pour vous apprendre à trouver en vous ce qui doit être changé; et avec cette aide de la Grâce divine, vous découvrirez en vous ce qui doit être changé. Et vous le changerez. Et alors, d’une difficulté, vous aurez fait un grand progrès, un saut en avant considérable. Ça, ça se passe tout le temps. Seulement, il faut être vraiment sincère, c’està-dire, s’en remettre à la Grâce et la laisser travailler en vous — pas comme cela : une partie de vous demande que vous soyez aidé, et l’autre résiste autant qu’elle peut, parce qu’elle ne veut pas changer... Cela, c’est la difficulté.
Tout ce qu’il dit, tout le temps, c’est : complètement, totalement, sincèrement, sans restriction. Parce qu’il y a une partie de l’être qui a une aspiration, il y a une partie de l’être qui se donne, et il y en a d’autres... quelquefois une petite partie, quelquefois une grosse partie, qui se cache bien, tout au fond, et se tient tout à fait tranquille pour qu’on ne la découvre pas, mais qui résiste avec toute sa force, de façon à ne pas changer. Et alors on s’étonne que... avec : « Oh, j’avais une si belle aspiration, j’avais tant de bonne volonté, j’avais un si grand désir de changer, et puis, voilà que je ne peux pas! Pourquoi? » Alors, naturellement, votre arrogance mentale vient et dit : « Je n’ai pas reçu la réponse que je méritais, la Grâce divine ne m’aide pas, et on me laisse me débrouiller tout seul », etc., etc.
Ce n’est pas ça. C’est qu’il y a, cachée quelque part, une petite chose qui est bien lovée, là, repliée, tournée sur elle-même, et bien cachée, bien au fond, comme dans le fond d’une boîte, et qui refuse de bouger. (Mère parle tout bas) Alors quand l’effort, l’aspiration s’atténue, se calme, ça jaillit comme cela, doucement, et puis ça veut imposer sa volonté et ça vous fait faire exactement ce que vous ne vouliez pas faire, ce que vous aviez décidé que vous ne feriez pas, et que vous faites, sans savoir ni comment ni pourquoi. Parce que c’était là, et cela a eu son tour — pour des petites choses, pour des grandes choses, pour des détails, même pour la direction de la vie.
Il y a des gens qui voient clair, qui savent si bien ce qu’ils devraient faire, et qui sentent qu’ils ne peuvent pas... Ils ne savent pas pourquoi. Ce n’est pas autre chose que cela. Il y a un petit coin qui ne veut pas et ce petit coin attend son heure. Et le jour où on lui permettra, par relâchement, par fatigue, par somnolence, par un peu d’inertie, on lui permettra de se montrer, lui, il se montrera avec toute une énergie concentrée, accumulée, et il vous fera faire, il vous fera dire, il vous fera sentir, il vous fera agir exactement à l’opposé de ce que vous aviez décidé de faire! Et vous serez là : « Ah! que c’est décourageant! » Alors il y a des gens qui disent : « Fatalité! » Ils pensent que c’est une fatalité. Ce n’est pas une fatalité, c’est eux-mêmes!... C’est qu’ils n’ont pas, ils ne se sont pas servis de la lumière du phare. Ils n’ont pas tourné la lumière du phare dans les petits coins cachés de leur être, ils n’ont pas découvert ce qui était bien caché. Ils l’ont laissé là, et puis ils ont fait comme ça (Mère détourne la tête) pour ne pas le voir. Que de fois on sent tout d’un coup qu’on est sur le point d’attraper quelque chose, heup! Ça fait un peu mal... C’est gênant... Alors on pense à autre chose, et c’est tout. L’occasion est passée. Il faudra attendre une autre fois, faire encore un certain nombre de bêtises, avant de pouvoir avoir l’occasion d’attraper la chose par la queue, comme ça, ou par l’oreille, ou par le nez, et puis de la tenir et de lui dire : « Non! tu ne te cacheras plus maintenant, je te vois telle que tu es, et tu dois ou t’en aller ou changer! »
Il faut avoir une poigne solide, et une résolution inébranlable. Comme notre histoire japonaise de l’autre jour, ce soldat qui avait un couteau dans son genou pour être sûr de ne pas dormir... Et quand il sentait qu’il avait bien sommeil, il tournait le couteau de façon à ce que cela fasse encore plus mal. Il faut avoir quelque chose comme ça. Ça, ça c’est de la détermination : savoir ce que l’on veut et le faire. Voilà.
Mère, est-ce que je peux demander quelque chose?
Demande!
Mère, la dernière fois je n’ai pas compris une chose... ce que tu as dit... Quand tu comptais les fleurs de « Transformation », le chiffre montrait le nombre des gens qui seraient transformés?
(Après un silence) Ça, ça dépendait de l’arrangement préalable que j’avais fait, n’est-ce pas... Un jour, cela pouvait être une chose; un jour, cela pouvait être une autre. Quelquefois, c’étaient seulement des mouvements, des éléments, des cellules... Quelquefois, c’étaient des gens. Cela dépendait de ce que je voyais comme étant possible, et de l’arrangement que j’avais fait avant de compter.
C’était comme quand je donnais aux gens un certain nombre de fleurs. Quelquefois, cela voulait dire : « Autant de mouvements en vous, autant d’éléments de votre être pourront être changés. » D’autres fois, je leur donnais un certain nombre de fleurs, eh bien : « Vous aurez le pouvoir de changer, d’apporter la transformation à autant de gens qu’il y a de fleurs » — et toutes sortes de choses comme cela. Ce n’était pas toujours la même chose. Mais c’était toujours un pouvoir de transformation de quelque chose... Cela peut être la transformation de la volonté, cela peut être la transformation de l’action, cela peut être la transformation matérielle de cellules, cela peut être une transformation de vous... la transformation d’étoiles dans l’univers... de beaucoup de choses... Cela dépendait des gens.
Quand c’était pour les gens, est-ce que c’était une transformation totale, Douce Mère?
Quelquefois. Généralement, aussi, il y avait des associations avec d’autres fleurs... Il y avait des moments où l’on pouvait organiser une chose plus qu’une autre... Il y avait des fois... il y a des fois où j’ai arrangé des fleurs comme cela... Pour certaines gens, c’était une transformation totale. Mais quand...
Le temps nous échappe quelquefois, c’est difficile... Dans ces organisations-là, la chose la plus difficile à maîtriser, c’est le temps. On ne sait pas si ce sera dans une année ou dans cent ans... C’est difficile à maîtriser. Je n’ai jamais eu l’occasion de donner le sens du temps à des fleurs, et probablement ce n’est pas possible. Peut-être cela viendra, mais pour le moment c’est un élément qui est difficile à mesurer.
Douce Mère, « transformation d’étoiles » veut dire?
Cela veut dire quoi? Quelle est ta question? J’ai parlé de transformation d’étoiles... Si tout l’univers doit se transformer, les étoiles se transformeront aussi! Pourquoi veux-tu que ce soit seulement sur la terre?
Il y avait des gens ici qui avaient une très grande aspiration, mais qui pour une raison quelconque se sont révoltés et sont partis. Et ceux-là sont spécialement contre l’Ashram. Mais alors, est-ce qu’on peut dire qu’un jour ils reviendront?
Reviendront? Ça, c’est... Je te dirai ça personnellement.
Cela dépend de quelque chose... On peut mettre cela comme ça : d’abord — il y a la question même dans la Gîtâ —, il y a deux genres d’êtres âsouriques. Il y a ceux qui pourront se convertir et qui se convertiront — après tout, peut-être qu’il suffit qu’à un moment donné, ne serait-ce que pour un éclair, ces êtres aient conçu la possibilité de la conversion pour que cela se passe un jour. Et il y a ceux qui, d’une façon tout à fait consciente et volontaire, ont décidé qu’ils aimaient mieux être dissous et disparaître. Alors ceux qui veulent être dissous seront dissous et ceux qui veulent être convertis seront convertis. C’est comme ça dans la vie!
Il y a ceux qui meurent, il y a ceux qui reviennent. C’est généralement une chose connue, presque une chose décidée. On peut dire avec certitude : ceux-là, ils mourront. Ils mourront — ils mourront, c’est-à-dire qu’ils se coupent complètement de leur âme. D’ailleurs ils peuvent avoir, comme je le disais tout à l’heure, une vie tout à fait... qui semble avoir tout à fait réussi. Ils ne sont pas nécessairement malheureux physiquement, il s’en faut de beaucoup ; quelquefois, au contraire, tout leur réussit. Et puis il y a ceux, au contraire, qui sont peut-être sous une grâce spéciale, qui, dans leur aventure, rencontrent les pires déboires; et au bout d’un certain temps, ils se rendent compte qu’ils ont été fous, idiots, stupides. Et alors... ils reviennent. Cela dépend des gens. Au fond, quand ils réussissent, cela veut dire qu’ils sont condamnés; quand ils ne réussissent pas, c’est que, ma foi, c’est la Grâce qui est restée avec eux.
Mais ce sera surtout après leur mort qu’il y aura une différence, parce que les êtres humains qui ont permis à des forces adverses de s’emparer d’eux et de gouverner leur vie, dès qu’ils quittent leur corps, ils sont simplement avalés, c’est tout! Ils ont déjà coupé la connexion avec leur être psychique, alors leur être psychique s’est souvent déjà éloigné dans d’autres mondes... Et alors, leur être vital, qui est le réceptacle de ces forces, dès qu’il quittera le corps, il sera tout simplement avalé, et c’est tout. Et alors, ils mourront pour de bon. Cela ne fera pas beaucoup de différence dans le monde. Cela ne changera pas grand-chose.
Douce Mère, par quoi est-ce qu’ils seront avalés?
Par un être vital encore plus grand! (rires) N’est-ce pas, ils ont en eux une émanation de forces adverses vitales, et l’être, ou la puissance qui a émané cette force, elle l’avait émanée pour se servir du corps, pour lui faire faire justement, dans la vie matérielle, les choses qu’elle voulait faire. Mais alors, quand il n’y a plus de corps, ce n’est plus intéressant... N’est-ce pas, c’était ce corps qui était destiné à faire un certain nombre de choses pour agir contre l’action divine. Une fois que le corps a disparu, on retire alors l’émanation et toute la force qui était avec, et on la réavale pour une autre occasion.
Ils passent leur temps à faire cela. Ils émanent, et puis ils réabsorbent, quand ça leur plaît, quelquefois avant la mort... c’est-à-dire que cela hâte un peu la mort. Ça laisse l’être comme une sorte de chique sans force, sans vie, sans rien... Cela arrive, cela les rend tout à fait fous. Ou alors, quand on meurt dans une catastrophe quelconque, comme c’est arrivé durant la guerre, tout de suite... heup! Cela fait comme une ventouse, cela absorbe tout, cela réavale pour une autre occasion. Ça cherche cela, ce qui est prêt pour recevoir cela, et ça le rend... Il y a toujours quelqu’un qui est ouvert pour le recevoir, et qui, immédiatement, se croit un être très supérieur; parce que ça donne cela, ça donne aux gens le sens qu’ils sont vraiment, exceptionnellement remarquables... Ils sont capables de voir les défauts des choses que les autres ne voient pas; leur jugement est plus sain que le jugement de centaines d’autres individus. Ils ont d’ailleurs décidé, ils sont de ceux qui ont décidé comment doit être la création, et qui essayent de le faire, de mettre les choses à leur place, comme elles doivent être.
J’ai eu cela : des gens qui, à un moment de lucidité ou de sincérité, une seconde de sincérité, avaient demandé à être libérés de l’émanation hostile qui les faisait agir. Et alors, dans ce moment de sincérité, cette émanation sortait d’eux, et sans faire de mal au corps, on pouvait l’attraper et la détruire. Ça, ça m’est arrivé plusieurs fois.
Alors pendant quelques jours, l’être est si heureux... et il se sent libre, il se sent bon, il se sent lumineux... Et puis tout d’un coup, il se dit : « Mais je n’ai plus de pouvoir! Je ne sais plus, je ne peux plus, je suis un être tout à fait ordinaire! » Et alors : « Mais ce n’est pas bien du tout, c’était beaucoup mieux avant! » Et alors, comme ces forces adverses sont innombrables — ces entités sont par milliers et milliers, n’est-ce pas, qui sont là, à grouiller autour des gens, attendant seulement l’occasion de pouvoir se précipiter dans quelqu’un —, immédiatement on réabsorbe sa dose, et on redevient ce qu’on était avant, quelquefois pire. Et alors, la comédie recommence.
Mais moi, je ne marche plus, une fois suffit! Vous y tenez trop, gardez votre petit être hostile avec vous! C’est inutile, dans ce cas-là. Mais c’est cela, c’est le sentiment, tout d’un coup, d’avoir perdu son pouvoir. Cela arrive d’ailleurs aux gens ambitieux, surtout aux gens ambitieux qui veulent avoir le pouvoir, qui veulent dominer les autres, qui veulent être de grands maîtres, de grands instructeurs, qui veulent faire des miracles, avoir des pouvoirs extraordinaires... c’est à ceux-là que ça arrive le plus souvent. Ceux qui ont une espèce d’ambition, là, qui tourne dans leur esprit. Ça, c’est dangereux.
Il est si bon d’être simple, simplement de bonne volonté, de faire ce que l’on peut faire de mieux, et de la meilleure manière possible; de ne rien bâtir de considérable, mais seulement d’aspirer au progrès, à la lumière, à une paix pleine de bonne volonté, et laisser Ce qui sait dans le monde décider pour vous de ce que vous deviendrez, et de ce que vous aurez à faire. On n’a plus de soucis, et on est parfaitement heureux !
Voilà.
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