CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


décembre




Le 22 décembre 1954

Cet Entretien est basé sur le chapitre III de Les Bases du Yoga, « En difficulté ».

Quand un être est possédé par la force hostile, que devient son psychique?

Cela dépend du degré de la possession. Généralement, c’est une chose progressive. Il y a d’abord une influence que l’on subit, et que l’on subit de façon fragmentaire, même pas totalement dans son être, dans certains morceaux, et pour un temps. Ça, c’est le premier stade. Le second, l’influence devient permanente et il y a une partie de l’être qui est détériorée, qui subit constamment cette influence et l’exprime. Après, l’être qui a mis cette influence essaye d’entrer dans cette partie. Alors, généralement, cela produit un conflit, une sorte de bataille intérieure. Les gens ont des crises, quelquefois même des crises nerveuses, maladives. Pour essayer de résister, les deux parties de l’être sont constamment en conflit, et cela produit de grands déséquilibres, même des déséquilibres physiques. Mais si on ne sait pas résister, et si on n’arrive pas à secouer cette emprise, alors, petit à petit, l’être qui s’est saisi d’une partie de vous-même agit comme une pieuvre, et répand ses tentacules, comme ça, lentement et partout; et à la fin, c’est une possession totale. Au moment de la possession totale, ou l’être qui est possédé devient tout à fait déséquilibré, ou bien il devient une espèce de monstre et son être psychique le quitte.

Ce sont des cas extrêmement rares, heureusement. Généralement, dans l’être humain, le psychique est assez fort pour pouvoir résister, et le cas le plus fréquent est un cas de constant conflit entre les deux parties, jusqu’à ce que — si l’être psychique est assez fort et s’il sait s’appuyer sur une force plus grande que la sienne — il soit capable de rejeter cette influence et de se libérer. Ce n’est que dans le cas extrême d’une possession totale que l’être psychique s’en va. Mais ça, ce sont des cas extrêmement rares, extrêmement rares.

Il arrive quelquefois qu’un enfant est mort-né, c’est-à-dire que, juste au moment de la naissance, il meurt, ou quelques minutes après, ou une ou deux heures après, n’est-ce pas, juste à ce moment-là. Ça, dans ces cas-là, il est arrivé que ce soit l’être psychique qui a décidé de ne pas se servir de ce corps. Mais si, par exemple, le docteur qui soigne est un homme habile, ou l’infirmière qui est là est une personne habile, et qu’ils peuvent ramener la vie dans le corps par des respirations artificielles ou n’importe quoi, le plus souvent, c’est un être hostile qui s’empare de ce corps-là. Il y a eu des cas comme ça, d’enfants qui paraissaient être morts, c’est-à-dire que l’être psychique avait quitté le corps, et avant qu’ils ne meurent tout à fait, un être vital était entré, et avait pris la place. Il y a eu des cas comme ça. Et ce sont des êtres qui sont des démons. Dans la vie, ils deviennent de véritables démons. Il n’y en a pas beaucoup.

Il y a des êtres du vital, mais alors d’un degré supérieur, des émanations d’asura par exemple, qui ont décidé, pour une raison ou une autre, qu’ils allaient essayer de se convertir, de ne plus être antidivins, et d’arriver à rentrer en relation avec le Divin. Ils savent que la meilleure façon est de s’identifier à un corps humain pour être sous le contrôle d’un être psychique. Et ils s’incarnent dans des corps humains, mais non pas avec l’intention de chasser l’être psychique, au contraire : pour essayer de se mettre sous l’influence de l’être psychique et d’être convertis par lui. Ce sont des cas qui ne sont pas fréquents non plus, mais enfin qui se sont vus; et dans ces cas-là, ces êtres humains sont doués de capacités très exceptionnelles; mais ils ont aussi généralement des difficultés très exceptionnelles, parce que la puissance qui est incarnée en eux est une puissance qui au moins a été, si elle n’est pas encore, une puissance hostile, et que tous ces mouvements de révolte, n’est-ce pas, c’est difficile de les guérir immédiatement et cela prend quelquefois toute une vie pour arriver à le faire.

Il y a de ces êtres âsouriques qui ont essayé de se convertir, et qui n’ont pas réussi. Ils ont dû quitter le corps qu’ils avaient choisi, parce qu’ils n’avaient pas pu se convertir. C’était une tâche trop difficile pour eux, qui demandait des efforts trop grands.

Mais tous ces cas-là, dont je viens de vous parler, sont des cas très rares, n’est-ce pas. Il ne faut pas dire que ce soit des choses qui se passent et que l’on rencontre à tout bout de champ : un monsieur qui est une incarnation d’une force adverse, ou un autre qui est possédé. Ce sont des cas très rares, très rares.

Tandis que le cas d’influence — d’être sous une influence, et d’exprimer cette influence —, ça, c’est malheureusement très fréquent. Surtout chez les gens qui entreprennent le yoga sans être suffisamment purifiés auparavant, ou, alors, avec des intentions égoïstes; les gens qui commencent à faire le yoga avec des raisons d’ambition ou de vanité, ça, ça leur arrive très souvent qu’ils se mettent sous l’influence de certaines forces adverses.

Et il y a beaucoup de gens aussi qui sont sous certaines influences d’une façon... comment dire... on ne peut appeler cela accidentel, mais... Par exemple, il y a des êtres psychiques qui choisissent un certain milieu pour s’incarner, parce qu’ils pensent qu’ils auront là les expériences qu’ils veulent avoir et que, par suite des circonstances dans ce milieu-là, il y a une influence hostile qui s’exerce; alors, le corps dont ils se revêtent est dans une certaine mesure sous cette influence hostile et ils ont à lutter contre cela d’une façon terrible pendant toute leur vie. Ils peuvent à un moment donné, comme j’ai dit — s’ils savent s’appuyer sur des forces plus grandes que les leurs —, ils peuvent vaincre et remporter une grande victoire. C’est une grande victoire de se débarrasser de l’influence d’une force adverse. C’est vraiment une victoire qui dépasse la personnalité de l’individu, qui a une répercussion sur l’état terrestre tout entier. Chaque victoire remportée comme cela par un individu sur une force hostile qui l’influence, est un grand pas de fait vers le moment où la terre sera débarrassée complètement de cette présence des forces hostiles. Cela représente un grand progrès terrestre.

Douce Mère, comment les forces hostiles peuvent-elles se convertir?

Mais si elles le veulent, pourquoi ne pourraient-elles pas? Il n’y a rien dans l’univers qui n’ait une origine unique, c’est-à-dire une origine suprême, les forces hostiles comme le reste; et si elles renoncent à leur révolte et à leur séparation, et qu’elles aspirent vers le retour à leur origine, elles peuvent se convertir très bien. Cela peut leur demander plus d’efforts qu’il n’est nécessaire à un être humain pour changer ses défauts, ça, c’est évident. C’est un effort beaucoup plus considérable et surtout beaucoup plus profond, parce que l’origine de leur révolte est très profonde, elle n’est pas superficielle. Mais enfin, ils peuvent y arriver. Ils ont le pouvoir aussi; ce sont des êtres très puissants qui... s’ils prennent la résolution de se convertir, ils peuvent le faire; et alors ils deviennent parmi les plus merveilleux instruments de l’Œuvre divine. Ceux-là mêmes qui étaient parmi les plus grands adversaires.

Je suis en train de chercher quelqu’un qui m’a dit qu’il me poserait une question. C’est Sujata. Où est-ce qu’elle perche? Au bout du monde! Je n’entendrai jamais. Qu’est-ce que tu voulais demander?

Est-ce qu’il y a une autre question que je peux vous poser? Est-ce que le déséquilibre mental est dû à la même cause, Douce Mère?

(Pavitra répète) Est-ce que le déséquilibre mental est dû à la même cause?

Très souvent, mais pas toujours. Le déséquilibre mental peut être dû à beaucoup de causes différentes. Il y en a une qui peut être simplement une fabrication physique qui est défectueuse, une insuffisance cérébrale. Maintenant, on peut dire que cette insuffisance cérébrale est probablement l’expression d’un déséquilibre vital intérieur. Mais dans le cas d’insuffisance cérébrale, c’est généralement une chose héréditaire ou organique, enfin... c’est-à-dire qui a été produite à la conception. Alors on ne peut pas dire que c’est dû à une influence qui s’ajoute : c’était une influence qui agissait avant la naissance, et celui qui souffre de ce déséquilibre mental n’est pas forcément sous une influence adverse directe. Cela peut être une conséquence de malformation.

Maintenant, quand il y a des gens qui sont divisés dans leur mental et qui, dans une partie de leur mental aspirent à la vérité et à la transformation, et dans une autre n’en veulent pas, et non seulement résistent mais se révoltent — ce qui arrive souvent —, ça, ça crée une terrible lutte cérébrale intérieure, mentale d’abord et cérébrale après, et cela peut produire un déséquilibre mental sérieux.

Maintenant, il y a des cas où c’est justement l’ouverture à une suggestion, à une influence adverse, une ouverture qui est le résultat d’un mouvement faux — un mouvement de révolte, ou un mouvement de haine, ou un mouvement de désir violent. On peut, dans un mauvais mouvement, s’ouvrir — dans une fureur par exemple —, on peut s’ouvrir à une force adverse et commencer une influence qui pourra se terminer par une possession. Au début, ces choses-là sont relativement faciles à guérir, s’il y a une partie consciente de l’être et une très forte volonté de se débarrasser de ce mauvais mouvement et de cette influence. On y réussit relativement assez facilement si l’aspiration est sincère; mais si on regarde cela avec complaisance, et puis qu’on se dise : « Ah, c’est comme ça, ça ne peut pas être autrement », alors, cela devient dangereux. Il ne faut pas tolérer l’ennemi dans la place. Dès que l’on s’aperçoit de sa présence, il faut le rejeter bien loin, aussi loin que l’on peut, sans pitié.

Douce Mère, « être pur » veut dire?

Être pur, qu’est-ce que ça veut dire? On n’est vraiment parfaitement pur que lorsque tout l’être, dans tous ses éléments et tous les mouvements, adhère pleinement, exclusivement, à la Volonté divine. Ça, c’est la pureté totale. Cela ne dépend d’aucune loi morale ou sociale, d’aucune convention mentale d’aucun genre. Cela dépend exclusivement de ça : quand tous les éléments et tous les mouvements de l’être adhèrent exclusivement et totalement à la Volonté divine.

Alors, il y a des étapes, il y a des degrés. Par exemple, l’insincérité, qui est une des plus grandes impuretés, provient toujours de ce qu’un mouvement ou un ensemble de mouvements, un élément de l’être ou un ensemble d’éléments de l’être, veulent suivre leur volonté propre et ne pas être l’expression de la Volonté divine. Alors, cela produit dans l’être ou une révolte ou un mensonge. Je ne veux pas dire que l’on dit des mensonges, mais je veux dire que l’on est dans un état de mensonge, d’insincérité. Et alors, les conséquences sont plus ou moins graves et plus ou moins étendues suivant la gravité du mouvement en lui-même, et de son importance. Mais ce sont, si l’on se place au point de vue de la pureté, ce sont ces choses-là qui sont des impuretés.

Par exemple, si vous vous placez à un point de vue moral, qui est lui-même tout à fait faux au point de vue spirituel, il y a des gens qui se conduisent moralement d’une façon tout à fait parfaite en apparence, qui se conforment à toutes les lois sociales, à tous les usages, à toutes les conventions morales, et qui sont des masses d’impureté; au point de vue spirituel, ce sont des êtres qui sont profondément impurs. Tandis qu’il y a de pauvres gens qui font des choses... qui sont nés, par exemple, avec un sens de liberté, et qui font des choses qui ne sont pas considérées comme très respectables au point de vue social ou moral, et qui peuvent être dans un état d’aspiration intérieure et de sincérité intérieure qui les rend infiniment plus purs que les autres. Ça, c’est une des grosses difficultés. Dès que l’on parle de ces choses-là, c’est la déformation produite dans la conscience par toutes les conventions sociales et morales. Dès que vous parlez de pureté, il y a un monument moral qui se présente devant vous et qui fausse complètement votre notion. Et notez qu’il est infiniment plus facile d’être moral au point de vue social que d’être moral au point de vue spirituel. Moral au point de vue social, il n’y a qu’à faire bien attention de ne faire rien de ce qui n’est pas approuvé par les autres; cela peut être plus ou moins difficile, mais enfin, cela n’est pas impossible; et on peut être, comme je dis, un monument d’insincérité et d’impureté en faisant cela. Tandis que d’être pur au point de vue spirituel, cela veut dire une vigilance, une conscience, une sincérité à toute épreuve.

Maintenant, je peux vous mettre en garde contre quelque chose — je crois que, justement, c’est dans ce livre-là que Sri Aurobindo en a parlé —, ce sont les gens qui vivent dans leur conscience vitale et qui disent : « Moi, je suis au-dessus des lois morales, je suis une loi supérieure, je suis libre de toute loi morale. » Et ça, c’est parce qu’ils veulent se livrer à tous les dérèglements. Ceux-là, alors, ils ont la double impureté : ils ont l’impureté spirituelle, et en plus ils ont l’impureté sociale. Et ceux-là, généralement, ils ont une très bonne opinion d’eux-mêmes, et ils affirment leur volonté de vivre leur vie avec une impudence sans égale. Mais ceux-là, nous n’en voulons pas.

Mais généralement, les gens avec qui j’ai rencontré le plus de difficultés pour qu’ils se convertissent, ce sont les gens très Entretiens 1954 486 respectables. Je regrette, mais j’ai eu beaucoup plus de difficultés avec les gens respectables qu’avec les gens qui ne l’étaient pas, parce qu’ils avaient tellement bonne opinion d’eux-mêmes qu’il était impossible de les ouvrir. Mais la vraie chose, elle est difficile. C’est-à-dire qu’il faut être très vigilant et très maître de soi, très patient, et avec une bonne volonté à toute épreuve. Il ne faut pas négliger d’avoir une petite dose d’humilité, suffisante, et il ne faut jamais être satisfait de la sincérité que l’on a. Il faut toujours en vouloir davantage.

(À un enfant) Qu’est-ce que tu as à dire, toi? Rien? Personne n’a rien à dire? Où est-ce qu’il est, l’autre? Il n’est pas à sa place... il n’est pas à sa place, il n’est pas là. Il a eu peur que je lui pose des questions! Alors, plus rien? Personne n’a rien à dire?

« La constante observation de nos fautes et de nos mauvais mouvements amène la dépression et décourage la foi. » Comment cela décourage-t-il la foi?

La foi dont il est question, c’est la foi dans la Grâce divine et le succès final de l’entreprise. Vous avez commencé le yoga et vous avez foi que vous irez jusqu’au bout de votre yoga. Mais si vous passez votre temps à regarder tout ce qui vous empêche d’avancer, alors, finalement, vous dites : « Ah, je n’arriverai jamais. Ce n’est pas possible. Si ça continue comme ça, je n’arriverai jamais. » Alors ça, c’est perdre sa foi. Il faut garder toujours la foi que l’on est sûr d’arriver.

Il y a beaucoup de gens qui commencent, et puis, au bout d’un certain temps, qui viennent vous dire : « Oh, jamais je ne pourrai aller jusqu’au bout. J’ai trop de difficultés. » Alors ça, ça veut dire ne pas avoir de foi. Si on a commencé, on commence avec la foi que l’on arrivera au bout. Eh bien, cette foi-là, il faut la garder jusqu’au bout. En gardant sa foi, on arrive au bout. Mais si, au milieu du chemin, vous tournez le dos en disant : « Non, je ne peux pas », alors, évidemment, vous n’arriverez pas au bout. Il y a des gens qui se mettent sur la route et puis, au bout d’un certain temps, ils trouvent que c’est lourd, que c’est fatigant, que c’est difficile, et puis qu’eux-mêmes, leurs jambes, ne marchent pas bien, leurs pieds leur font mal, etc. N’est-ce pas, ils disent : « Oh, c’est très dur d’avancer. » Alors au lieu de dire : « Je suis parti, j’irai jusqu’au bout », ce qui est la seule chose à faire, ils se mettent là, ils s’arrêtent, ils se lamentent, et disent : « Oh, jamais je ne pourrai arriver », et puis ils quittent le chemin. Alors évidemment, s’ils quittent le chemin, ils n’arriveront jamais. Ça, c’est perdre sa foi.

Garder sa foi, c’est dire : « Bon, j’ai des difficultés, mais je continue. » Le désespoir, c’est ça qui vous coupe les jambes, vous arrête, vous laisse comme ça : « C’est fini, je ne peux plus avancer. » C’est en effet fini, et c’est une chose qu’il ne faut pas permettre.

Quand vous êtes parti, il faut aller jusqu’au bout. Quelquefois, n’est-ce pas, les gens qui viennent à moi dans un enthousiasme, je leur dis : « Réfléchissez, ce n’est pas un chemin facile, il faudra du temps, il faudra de la patience, il faudra beaucoup d’endurance, beaucoup de persévérance et du courage, et une inlassable bonne volonté. Regardez si vous êtes capable d’avoir ça, et alors partez. Mais une fois que vous êtes parti, c’est fini, on ne recule plus; il faut aller jusqu’au bout. »

Quelquefois je leur dis, je leur dis... je leur donne quelques jours, ou quelques mois. Il y en a, à qui j’ai donné quelques années de réflexion. Je leur ai dit : « Regardez bien, soyez bien sûr. » Mais une fois qu’ils viennent et disent : « Maintenant j’ai décidé, je veux partir », c’est bon. Maintenant, il faut aller jusqu’au bout, coûte que coûte; même si c’est très difficile, il faut aller jusqu’au bout.

Quand on recule du chemin, on recule pour la vie présente ou...

C’est-à-dire que, n’est-ce pas, il y a beaucoup de cas différents, et cela dépend de la nature du recul. Si vous avez un petit recul, ou un petit arrêt, vous pouvez repartir. Mais c’est dix fois plus difficile qu’avant.

Pourquoi?

Pourquoi? Parce que c’est comme ça. Parce que vous avez accumulé en vous les obstacles par votre lâcheté et votre faiblesse. Toutes ces difficultés qu’il faut vaincre, ce sont comme des examens spirituels que vous devez passer. Et si vous manquez votre examen, eh bien, le suivant sera beaucoup plus difficile. Ça, c’est une loi occulte générale. On ne peut pas y échapper. Si vous êtes en présence d’un effort à faire et d’un progrès à faire, si vous manquez... Et notez que dans les conditions actuelles vous n’êtes pas prévenu, ce qui fait que l’examen est beaucoup plus difficile à passer. Dans le temps, dans l’ancien temps, les candidats, on leur disait : « Maintenant, préparez-vous. On va vous faire passer par des épreuves terribles : on vous enfermera dans un cercueil, on vous mettra en présence de dangers terribles. Mais ce sont des épreuves, pour voir si vous avez les qualités requises. » Un homme prévenu, n’est-ce pas, en vaut dix, comme on dit. Une fois que l’on était prévenu que c’était une épreuve, on ne prenait pas cela sérieusement et c’était beaucoup plus facile.

Mais ce n’est plus la méthode. On ne fait plus comme ça. C’est la vie elle-même, les circonstances de chaque jour qui sont les épreuves par lesquelles il faut que vous passiez. Il y a des gens qui sentent instinctivement qu’ils sont en présence d’une décision à prendre, d’un effort spécial à faire, et qui font cet effort au-dedans d’eux-mêmes et franchissent ce pas. Ceuxlà, ils ont une force beaucoup plus grande pour franchir le pas suivant. Quand on a remporté une petite victoire sur son être inférieur, la fois suivante on a une force beaucoup plus grande pour faire le pas suivant. Au contraire, si on est aveugle, ignorant ou stupide, ou de mauvaise volonté, et qu’au lieu de dire oui à l’épreuve qui se présente, on se révolte ou on la refuse, alors, n’est-ce pas, cela se traduit par « on n’a pas passé son examen, on a échoué à son examen ». Mais la fois suivante on est obligé, non pas seulement de faire un effort pour remporter cela, mais de faire encore un bien plus grand effort pour réparer le mal que l’on s’est fait à soi-même. Alors c’est beaucoup plus difficile.

Mais ça, ce sont des choses qui se passent pour tout le monde sur le chemin, tout le temps, peut-être même quotidiennement. Il y a des petites choses, il y a des choses un peu plus grosses. Les petites, on peut, n’est-ce pas, par chance tourner du bon côté. Les grosses, il faut d’abord avoir une sorte d’instinct. Il faut faire attention, et puis faire la vraie chose de la vraie manière. Mais il y a encore d’autres choses. Quand on est à un moment critique de son développement, et qu’alors il faut absolument franchir le pas pour pouvoir avancer, à ce momentlà, il y a toujours deux possibilités : celle de franchir le pas, et alors, immédiatement, on fait un progrès formidable; ou bien de se laisser aller, et alors ça, c’est plus qu’un arrêt, c’est même plus qu’un recul, cela peut être une chute très grave dans un précipice. Il y a des précipices dont on ne se relève pas; et alors, dans ce cas, c’est une vie perdue.

Mais si on a en soi, en plus de la partie qui a fléchi et qui est tombée, si on a quelque part une flamme très ardente, qu’on est prêt à tout, toutes les souffrances possibles, tous les efforts possibles, tous les sacrifices possibles pour réparer ce que l’on a fait, pour regrimper du fond du précipice, pour retrouver la route, on peut le faire. Cette flamme-là, elle a la capacité d’appeler la Grâce. Et avec la Grâce, il n’y a rien d’impossible. Mais il faut que ce soit vraiment une flamme, quelque chose de formidable, parce que quand on est au fond du trou, ce n’est pas facile d’en sortir. Entre le premier qui, simplement, est un petit arrêt sur la route et qui fait que ça sera un petit peu plus difficile la fois suivante, et le dernier dont je parle, il y a beaucoup d’échelons; et alors on ne peut pas dire que « si on quitte la route, c’est pour la vie ». Ça, c’est l’extrême.

Mais si on quitte la route, c’est même très difficile de la retrouver. Ce qui est étrange, c’est qu’en la quittant on la perd. Il y a des légendes, comme ça, dans tous les pays, de gens qui ont quitté la route, et puis après, qui ont été à sa recherche, et qui ne l’ont jamais retrouvée. C’était comme si elle s’était évanouie. Ils l’ont perdue, et ça, c’est vraiment une triste chose.

Mais quand on est sur la route, je l’ai dit — je viens de le dire —, quand on est sur la route, ne la quittez jamais. Hésitez, vous pouvez hésiter tant que vous voulez avant de la prendre; mais de la minute où vous avez mis le pas dessus, c’est fini, ne la quittez pas. Parce que cela a des conséquences qui peuvent même s’étendre sur plusieurs vies. C’est d’une grande gravité. C’est pour cela, d’ailleurs, que je ne pousse jamais personne à prendre le chemin. Vous êtes ici une quantité considérable d’enfants : je ne leur ai jamais demandé. Il n’y a que ceux qui sont venus à moi, et qui m’ont dit : « Je veux. » Et ceux-là, à moins que je ne sois absolument sûre d’eux parce qu’il est écrit dans leur destin qu’ils sont venus pour ça, je leur dis toujours : « Réfléchissez, réfléchissez, soyez bien sûr que c’est ça que vous voulez et pas autre chose. » Et quand ils ont réfléchi et qu’ils se sont décidés, c’est fini. On ne doit plus bouger, on doit aller jusqu’au bout. Je veux dire qu’on ne doit plus quitter le chemin. Il faut avancer coûte que coûte et essayer de ne pas s’arrêter trop souvent en route; parce que c’est plus facile de continuer même si c’est dur, que de recommencer quand on s’est arrêté. Il faut un effort beaucoup plus grand pour se relever que pour continuer le chemin. Et, n’est-ce pas, logiquement je ne devrais pas le dire, mais j’ai déjà prévenu tous les gens qui sont ici, je leur ai dit : « Ne prenez jamais à la légère toutes les circonstances de chaque jour, toutes les toutes petites choses de la vie, tous les petits événements, n’est-ce pas; ne prenez jamais ça légèrement. » Ne réagissez jamais avec votre être inférieur. Chaque fois qu’il vous est dit de faire quelque chose ou de ne pas faire quelque chose — on ne vous le dit pas très souvent, mais chaque fois qu’on vous le dit —, avant de réagir, réfléchissez, tâchez de trouver en vous-même quelle est la partie qui réagit. Ne réagissez pas comme cela avec ce qu’il y a de plus ordinaire en vous. Rentrez en vous-même, tâchez de trouver le meilleur de vous-même, et c’est avec cela qu’il faut réagir. C’est très important. C’est très important.

Il y a des gens qui piétinent pendant des années parce qu’ils n’ont pas fait ça. Il y en a d’autres, il semble qu’ils volent, tellement ils vont vite, parce qu’ils font attention à cela. Et ceux qui ne le font pas, ils jettent toujours le blâme sur le Divin. Ils accusent la Grâce. Ils lui disent : « C’est Toi qui m’as trompé, c’est Toi qui m’as mis en difficulté, c’est Toi qui m’as fait broncher, c’est Toi qui es un monstre. » Pas avec ces mots-là, mais leur pensée est comme ça. Et alors, naturellement, ils aggravent leur cas, parce qu’ils repoussent même l’aide qu’ils auraient pu avoir dans leur difficulté. Voilà.

Je pourrais vous dire beaucoup d’autres choses, mais cela viendra petit à petit. En tout cas, si vous pouvez garder en vous, justement, une confiance, une confiance candide qui ne discute pas, et le sens de... oui, c’est vraiment une sorte de confiance que ce qui est fait pour vous, malgré toutes les apparences, c’est toujours la meilleure chose pour vous conduire le plus vite possible hors de toutes vos difficultés et vers le but... si vous pouvez garder ça solide en vous, eh bien, vous faciliterez votre chemin d’une façon formidable.

Vous me direz que c’est très difficile à garder, mais les enfants le gardent bien. Il faut vraiment qu’ils soient tombés sur des parents particulièrement détestables pour le perdre; mais si leurs parents sont simplement convenables vis-à-vis d’eux, ils gardent cela très bien. Eh bien, c’est cette attitude-là ; si vous pouvez vous dire : « Bien, peut-être que la Grâce divine mérite qu’on lui fasse confiance », simplement ça, pas autre chose, vous vous éviterez beaucoup de difficultés, beaucoup. En fait, cela évite beaucoup de difficultés même dans la vie ordinaire, et beaucoup d’ennuis. Et particulièrement ici, si l’on peut faire cela, eh bien, vous verrez des choses qui paraissaient formidablement difficiles et qui se dissolvent tout d’un coup comme des nuages.

Voilà, c’est tout.

Au revoir, mes enfants.









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