CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


février




Le 24 février 1954

Douce Mère, ici, tu as dit : « De par-delà les frontières de la forme, une force nouvelle peut être évoquée, une puissance de conscience qui ne s’est pas encore exprimée et qui, par son apparition, pourra changer le cours des choses et faire naître un monde nouveau. »

(Éducation, « L’Éducation psychique et l’Éducation spirituelle »)

La force dont il s’agit, est-ce le Divin?

Qu’est-ce que tu appelles le Divin? Donne-moi ta définition du Divin. Nous avons traité de cela déjà une fois ici.

Tout ce qui est sur la terre est l’expression du Divin?

Non, je te demande ce que tu appelles le Divin. Tu as une conception du Divin, n’est-ce pas? Tu dis « le Divin », qu’est-ce que tu veux dire?

Le Créateur.

C’est un mot. Le Créateur! ! !

Où ai-je dit qu’il fallait s’identifier au Divin en nous? Dans le Bulletin, je crois. Tu ne te rappelles pas?

En tout cas, je vous ai dit bien des fois déjà que la manifestation était progressive et qu’elle sera toujours progressive, et ce qui se manifeste à une époque n’est que le début de quelque chose qui se manifestera à l’époque suivante. Par conséquent, si l’on arrive au sommet de la création, on doit rencontrer quelque chose qui n’est pas encore manifesté et qui se manifestera, puisque toujours il y a des éléments nouveaux qui se manifestent. Je n’ai rien dit d’autre. J’ai dit que si l’on arrivait au sommet de la conscience et que l’on passait par-delà les formes qui sont actuellement manifestées, on entrait en rapport avec une force, une réalité qui n’est pas encore manifestée et qui se manifestera. Et ce sommet de la conscience n’est jamais final, parce que ce que l’on a atteint un jour, qui semblait être la conscience finale, ne sera qu’un pas pour que le jour suivant, l’âge suivant, l’époque suivante, se manifeste quelque chose qui était par-delà et qui n’était pas prêt à se manifester, qui n’était pas sur le point de se manifester.

Comment peut-on maîtriser les dépressions?

Oh! le moyen est très simple. La dépression se produit généralement dans le vital, et l’on est dominé par la dépression seulement lorsqu’on laisse la conscience dans le vital, quand on reste là. Il n’y a qu’à sortir du vital et entrer dans une conscience plus profonde. Même le mental supérieur — le mental lumineux, supérieur —, les pensées les plus hautes ont le pouvoir de chasser la dépression. Même quand on arrive seulement dans les régions de pensée les plus hautes, la dépression s’en va généralement. Mais en tout cas, si l’on prend refuge dans le psychique, il n’y a plus aucune place pour la dépression.

La dépression peut venir de deux causes : ou d’un manque de satisfaction vitale, ou d’une fatigue nerveuse considérable du physique. La dépression qui vient de la fatigue physique est assez facile à réparer : il n’y a qu’à se reposer. On se met au lit et on dort jusqu’à ce que l’on soit bien, ou bien on se repose, on rêve, on reste étendu. Le manque de satisfaction vitale se produit assez facilement, et il faut y faire face avec sa raison, généralement : on va dénicher la cause de la dépression, ce qui a donné le manque de satisfaction au vital, et puis on le regarde bien en face et on se demande si, cela, ça a quelque chose à voir avec son aspiration intérieure, ou si c’est simplement un mouvement tout à fait ordinaire. Généralement, on découvre que ça n’a rien à voir avec l’aspiration intérieure et on peut assez facilement le surmonter et se remettre dans son mouvement normal. Si cela ne suffit pas, alors il faut aller profondément jusqu’à ce que l’on ait rencontré la réalité psychique. Puis il n’y a qu’à mettre cette réalité psychique en contact avec le mouvement de dépression, et il s’évaporera instantanément.

Quant à se battre dans le domaine vital lui-même... évidemment il y a des gens qui sont très guerriers et qui aiment à lutter avec leur vital, mais pour dire la vérité, c’est beaucoup plus difficile.

Une fois que le psychique vient en avant, est-ce qu’il peut se retirer?

Oui. Généralement on a une série d’expériences d’identification, d’abord très intenses, puis qui s’atténuent petit à petit, et puis un jour on s’aperçoit que cela a disparu. Alors il ne faut pas s’affecter, parce que c’est un phénomène assez courant. Mais la fois suivante — la seconde fois —, le contact est beaucoup plus facile à obtenir. Et alors il y a un moment, qui n’est pas très lointain, dès que l’on se concentre et que l’on aspire, on obtient un contact. On peut ne pas avoir le pouvoir de le garder toujours, mais on l’obtient à volonté. Alors, à ce moment-là, les choses deviennent très faciles. Quand on sent une difficulté, ou qu’il y a un problème à résoudre, que l’on veut faire un progrès, ou qu’il y a justement une dépression à vaincre ou un obstacle à surmonter, ou bien simplement la joie de l’identification (parce que c’est une expérience qui donne une joie très concrète; au moment de l’identification on sent vraiment une joie très, très grande), alors, à n’importe quel moment, on peut s’arrêter, un moment se concentrer et aspirer, et tout naturellement le contact s’établit et tous les problèmes à résoudre sont résolus. Simplement se concentrer — s’asseoir et se concentrer —,aspirer comme ça, et le contact s’établit, pour ainsi dire instantané.

Il y a un moment, comme je l’ai dit, où cela ne vous quitte pas, c’est-à-dire que c’est au fond de la conscience et que ça soutient tout ce que l’on fait, et on ne perd jamais le contact. Alors, beaucoup de choses disparaissent — par exemple, la dépression est l’une de ces choses, le mécontentement, la révolte, la fatigue, la dépression, toutes ces difficultés-là. Et si l’on prend l’habitude de faire, pour ainsi dire, un pas en arrière dans sa conscience et de voir sur l’écran de sa conscience psychique — voir toutes les circonstances, tous les événements, toutes les idées, toutes les connaissances, tout —, à ce moment-là on voit ça et on a un guide tout à fait certain pour tout ce que l’on peut faire. Mais cela, c’est forcément très long à venir.

Pour échapper à la vie et s’identifier au Non-Manifesté, il faut être non seulement libre de tout égoïsme, mais n’avoir plus d’ego, n’est-ce pas?

Naturellement.

Mais cette attitude même de s’identifier avec le NonManifesté et de laisser le monde souffrir, c’est de l’égoïsme?

Oui. Alors ce qui arrive, c’est très remarquable, le résultat est toujours le même : ceux qui l’ont fait, à la dernière seconde, ont reçu comme une intimation qu’ils avaient à retourner au monde et à faire leur travail. C’est comme s’ils arrivaient à la porte : « Ah! non, non, pas encore — allez travailler! Quand le monde sera prêt, alors ce sera bien. »

Justement cette attitude de fuite devant la difficulté est un égoïsme suprême. On vient vous dire : « Faites-le, et puis quand tous les autres l’auront fait, ce sera bien pour tout le monde », mais c’est seulement une toute petite élite d’êtres qui sont prêts à pouvoir le faire. Et ce sont justement les êtres qui peuvent être les plus utiles sur la terre, parce qu’ils en savent plus que les autres, ils ont maîtrisé beaucoup de difficultés et ils peuvent aider les autres là où d’autres ne peuvent pas. Mais toute la masse humaine, l’immense masse humaine... Parce que, quand quelques-uns ont réussi — même quelques centaines — n’est-ce pas, on considère que c’est « l’humanité »; mais à vrai dire, c’est seulement une sorte d’élite de l’humanité, c’est une sélection. L’immense masse, tous les gens qui vivent partout sur la terre, rien que dans l’Inde, l’immense population, formidable, qui vit dans les villages, dans les campagnes, il n’est pas question pour eux de faire un effort de libération et de sortir du monde pour vivre la vie spirituelle. Ils n’ont même pas le temps de prendre conscience d’eux-mêmes! Ils sont juste là, attachés à leur besogne comme un cheval à la charrue. Ils vont dans une ornière, dont ils ne peuvent généralement pas sortir. Alors on ne peut pas leur dire : « Faites comme moi et tout sera bien. » Parce que « faites comme moi », cela ne veut rien dire du tout. Il y en a peut-être quelques centaines qui peuvent faire la même chose, et c’est tout!

Pourquoi le corps se fatigue-t-il? Nous avons une activité plus ou moins réglée, mais un jour on est plein d’énergie, le jour d’après on est tout à fait fatigué.

Généralement, cela vient d’une espèce de déséquilibre intérieur. Il peut y avoir beaucoup de raisons, mais ça se résume à ceci : une sorte de déséquilibre entre les différentes parties de l’être. Maintenant, il se peut aussi que le jour où l’on avait de l’énergie, on en ait trop dépensé — quoique ce ne soit pas le cas avec les enfants : les enfants dépensent jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus. On voit l’enfant actif, jusqu’au moment où il tombe profondément endormi d’un seul coup. Il était là, à bouger, à courir; et puis, tout d’un coup, plouf! fini, il dort. Et c’est comme ça qu’il grandit, qu’il devient de plus en plus fort. Par conséquent, ce n’est pas la dépense qui fait du mal. La dépense se répare avec le repos nécessaire — ça se répare très bien. Non, c’est un déséquilibre : l’harmonie entre les différentes parties de l’être n’est plus suffisante.

Les gens croient qu’ils n’ont qu’à continuer tous les jours ce qu’ils faisaient, ou en tout cas avec l’état de conscience qu’ils avaient : jour après jour faire leur petit travail, et que tout va bien. Mais ce n’est pas comme ça. Tout d’un coup, pour une raison quelconque, une partie de l’être — ou vos sentiments, ou votre pensée, ou votre vital — fait un progrès, a découvert quelque chose, a reçu une lumière, a progressé. Il jaillit dans un progrès. Tout le reste est resté en arrière — cela fait un déséquilibre. Cela suffit pour vous rendre très fatigué. Et en fait, ce n’est pas une fatigue : c’est quelque chose qui fait que l’on a envie de se tenir tranquille, de se concentrer, de rester au-dedans de soi, comme ça, et de bâtir lentement la nouvelle harmonie entre les différentes parties de l’être. Et il est très nécessaire qu’il y ait, à un moment donné, une sorte de repos, d’assimilation de ce que l’on a appris et d’harmonisation des différentes parties de l’être.

Maintenant, n’est-ce pas, au point de vue physique, les êtres humains vivent dans une ignorance effroyable. Ils ne peuvent même pas dire exactement... Par exemple, saurais-tu dire exactement, à chaque repas, la quantité de nourriture et le genre de nourriture dont ton corps a besoin? Simplement cela, pas plus que cela : combien il faut prendre et quand il faut le prendre?... Tu n’en sais rien, une vague idée comme ça, une sorte d’imagination ou de devinette, ou de déduction ou de... toutes sortes de choses qui n’ont rien à voir avec la connaissance. Mais cette connaissance exacte : « C’est ça qu’il faut que je prenne, il faut que j’en prenne tant », et puis c’est fini. « C’est ça dont mon corps a besoin. » Eh bien, cela peut se faire. Il y a un moment où on le sait très bien. Mais ça demande des années de travail, et surtout des années de travail presque sans contrôle du mental, en ayant une conscience assez subtile pour entrer en rapport avec les éléments de transformation et de progrès. Et savoir aussi doser pour son corps, exactement, la somme d’efforts physiques, d’activité matérielle, la somme de dépense de l’énergie, la somme de récupération d’énergie, la proportion entre ce qui est reçu et ce qui est donné, l’utilisation des énergies pour rétablir un état d’équilibre qui a été rompu, pour faire faire un progrès à des cellules qui sont en retard, pour bâtir les conditions d’une possibilité de progrès plus haut, etc. C’est un travail formidable. Et pourtant, c’est cela qu’il faut faire si l’on espère transformer son corps. Il faut d’abord le rendre tout à fait en harmonie avec la conscience intérieure. Et pour cela, c’est un travail dans chaque cellule, pour ainsi dire, dans chaque petite activité, dans chaque mouvement des organes. Rien que par cela on pourrait être occupé jour et nuit sans avoir à faire autre chose... On ne soutient pas l’effort et surtout pas la concentration, et pas la vision intérieure.

Je vous ai posé là une question tout à fait superficielle : cela vous paraît étonnant que l’on puisse savoir la quantité exacte de ce que l’on doit manger, et ce que l’on doit manger à un moment donné, et à quel moment il faut prendre votre repas, et quand vous êtes prêt pour un autre repas! Mais c’est une partie tout à fait superficielle du problème, et si vous entrez dans la combinaison des cellules et l’organisation intérieure afin que tout cela soit prêt à répondre à la Force qui descend... D’abord, êtes-vous conscient de vos cellules physiques et de leurs attributions diverses, de leur activité, de leur degré de réceptivité, de ce qui est en bon état et de ce qui ne l’est pas? Est-ce que vous pouvez dire, avec certitude, quand vous êtes fatigué, pourquoi vous êtes fatigué? Est-ce que, quand vous avez mal ici ou là, vous pouvez dire : « C’est pour cela que j’ai mal »?... Pourquoi les gens se précipitent-ils chez le docteur? Parce qu’ils sont dans l’illusion que le docteur saura mieux qu’eux voir audedans de leur corps ce qui s’y passe — ce qui n’est pas très raisonnable, mais enfin c’est une habitude! Mais soi-même... qui peut regarder au-dedans de soi d’une façon assez positive et précise pour savoir exactement ce qui s’est dérangé, pourquoi ça s’est dérangé, comment ça s’est dérangé? Et tout ça, c’est simplement un travail de constatation; après, il faut savoir faire ce qu’il faut pour que ce soit de nouveau en ordre — ça, c’est encore plus difficile.

Eh bien, c’est l’A.B.C. de la transformation du corps.

Voilà.









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