CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


août




Le 25 août 1954

Mère distribue d’abord aux enfants Les Bases du Yoga de Sri Aurobindo, puis commence à lire les dernières pages de La Mère.

« Il y a d’autres grandes Personnalités de la Mère divine, mais elles étaient plus difficiles à faire descendre et elles ne se sont pas mises en avant d’une manière aussi prononcée dans l’évolution de l’esprit terrestre. Parmi elles sont des présences indispensables à la réalisation supramentale; la plus indispensable de toutes est la Personnalité de cette extase, cette béatitude mystérieuse et puissante qui s’écoule du suprême Amour divin, la Personnalité de l’Ânanda qui seul peut remédier au gouffre entre les hauteurs les plus sublimes de l’Esprit supramental et les abîmes les plus profonds de la matière, de l’Ânanda qui tient la clef de la vie merveilleuse la plus divine et qui, même maintenant, soutient depuis ses demeures cachées l’œuvre de tous les autres Pouvoirs de l’Univers. »

Douce Mère, quelle est cette personnalité et quand est-ce qu’elle se manifestera ?

J’ai préparé ma réponse. Je savais qu’on allait me demander cela, parce que de toutes les choses, c’est la plus intéressante dans ce passage, et j’ai préparé ma réponse. J’ai préparé ma réponse à cela, et ma réponse à une autre question aussi. Mais je vais d’abord lire celle-là.

Tu as demandé quelle est cette personnalité, et quand elle viendra ? (silence)

Et moi, je réponds ceci :

« Elle est venue, apportant avec elle une splendeur de puissance et d’amour, une intensité de joie divine inconnues à la terre jusqu’alors.

« L’atmosphère physique en était toute changée, imprégnée de possibilités nouvelles et merveilleuses.

« Mais pour qu’elle puisse se fixer et agir ici-bas, il fallait qu’elle rencontre un minimum de réceptivité, qu’elle trouve au moins un être humain ayant les qualités requises dans le vital et le physique, une sorte de super-Parsifal doué d’une pureté spontanée et intégrale, mais en même temps possédant un corps assez solide et équilibré pour pouvoir supporter sans fléchir l’intensité de l’Ânanda qu’elle apportait.

« Jusqu’à présent, elle n’a pas obtenu ce qui était nécessaire. Les hommes restent obstinément des hommes et ne veulent pas, ou ne peuvent pas devenir des surhommes. Ils ne peuvent recevoir et exprimer qu’un amour qui soit à leur taille — un amour humain! Et la joie merveilleuse de l’Ânanda divin échappe à leur perception.

« Alors, parfois, elle songe à se retirer, trouvant que le monde n’est pas prêt pour la recevoir. Et ce serait une perte cruelle. Il est vrai que pour le moment sa présence est plus nominale qu’active, puisqu’elle n’a pas l’occasion de se manifester. Mais même ainsi, elle est une aide puissante pour l’Œuvre. Car de tous les aspects de la Mère, c’est celui-là qui a le plus de pouvoir pour la transformation corporelle. En effet, les cellules qui peuvent vibrer au contact de la joie divine, la recevoir et la conserver, sont des cellules régénérées en voie de devenir immortelles. Mais les vibrations de la joie divine et celles du plaisir ne peuvent cohabiter dans le même système vital et physique. Il faut donc avoir totalement renoncé à éprouver tout plaisir pour être en état de recevoir l’Ânanda. Mais bien peu nombreux sont ceux qui peuvent renoncer au plaisir sans, par cela même, renoncer à toute participation à la vie active et sans se plonger dans un ascétisme rigoureux. Et parmi ceux qui savent que c’est dans la vie active que doit avoir lieu la transformation, certains essayent de prendre le plaisir pour une forme, plus ou moins dévoyée, de l’Ânanda, et légitiment ainsi en eux la recherche de la satisfaction personnelle, créant en eux-mêmes un obstacle presque infranchissable à leur propre transformation. »

Si on arrêtait là ? On finira la prochaine fois. Ça me donnera le temps de trouver.

Voilà, maintenant, si vous voulez demander quelque chose... (long silence) Dites!

La parole est à n’importe qui veut dire quelque chose... n’importe qui veut dire quelque chose peut le dire, pas seulement les élèves.

Si on n’a pas réussi, Mère, on peut essayer?

Quoi?

Si on n’a pas réussi avant, on peut essayer?

Oh, on peut toujours essayer... Le monde se recrée à chaque minute. Vous pouvez recréer un monde nouveau à cette minute même si vous savez le créer, c’est-à-dire si vous êtes capable de changer votre nature.

Je n’ai pas dit qu’elle était partie. J’ai dit qu’elle pense à partir, quelquefois, de temps en temps.

Mais, Mère, elle est descendue parce qu’elle a dû voir quelque possibilité?

Hein?...

Elle est descendue parce qu’il y avait une possibilité; parce que les choses étaient arrivées à un certain degré, et que le moment était venu où elle pouvait descendre.

En fait, elle était descendue parce que je pensais qu’il était possible que... qu’elle puisse réussir. (silence) Il y a toujours des possibilités. Seulement... il faut qu’elles se matérialisent.

N’est-ce pas, une preuve de ce que je vous ai dit, c’est que c’est arrivé à un moment donné, et pendant... entre deux et trois semaines, l’atmosphère, non seulement de l’Ashram mais de la terre, était surchargée d’une telle puissance, justement, de joie divine si intense, qui crée un pouvoir si merveilleux, que les choses qui auparavant étaient difficiles à faire pouvaient se faire presque instantanément! Il y a eu des répercussions dans le monde entier. Je ne crois pas qu’il y ait eu un seul d’entre vous qui s’en soit aperçu. Vous ne pourriez même pas me dire quand c’est arrivé, n’est-ce pas?

Quand c’est arrivé? (rires)

Je ne sais pas les dates. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas des dates. Je vous dirais à peu près, comme ça. (silence) Peut-être, si je consultais des papiers, je retrouverais les dates. Mais je ne sais pas les dates. Ce sont pour moi des choses qui... Tout ce que je sais, c’est que c’est arrivé avant que Sri Aurobindo n’ait quitté son corps, qu’il a été prévenu et qu’il a reconnu le fait.

(silence)

Il y a eu un formidable conflit avec l’inconscient; parce que, comme j’ai vu que la réceptivité n’était pas ce qu’elle devait être, j’en ai rendu l’inconscient responsable et c’est là que j’ai essayé de livrer la bataille. Je ne dis pas que cela n’a pas eu de résultat, mais entre le résultat obtenu et le résultat espéré, il y a eu beaucoup de différence.

Mais je vous dis cela, n’est-ce pas... vous êtes tous si proches, vous baignez dans l’atmosphère, mais... qui est-ce qui s’est aperçu de quelque chose? Vous avez continué votre petite vie comme à l’ordinaire, n’est-ce pas?

(silence)

Je crois que c’était en 1946, Mère, parce que vous nous aviez dit tant de choses à cette époque.

Correct!

(long silence)

Douce Mère, maintenant qu’elle est venue, que devonsnous faire?

Hein?

Que devons-nous faire?

Vous ne savez pas?

Vous... (silence) Tâchez de changer votre conscience.

(long silence)

Voilà. Maintenant posez-moi les questions que vous vouliez me poser... (Se tournant vers un enfant) Rien à dire?

Mère, il n’y a même pas un seul homme?

Hein?

Il n’y a même pas un seul homme?

Je ne sais pas.

Alors, tu perds ton temps avec tous ces gens de l’Ashram, maintenant?

Oh!... Mais vois-tu, au point de vue occulte, c’est une sélection. Au point de vue extérieur, vous pouvez me dire que dans le monde il y a des gens qui vous sont très supérieurs, je ne vous contredirai pas. Mais au point de vue occulte, c’est une sélection. Il y a là... on peut dire sans se tromper que la majorité parmi les jeunes qui sont ici sont venus parce qu’on leur avait promis qu’ils seraient là au moment de la Réalisation. Ils ne s’en souviennent pas. (Mère rit) J’ai dit déjà plusieurs fois que quand on descend sur la terre on tombe sur sa tête, et que ça vous abrutit. (rires) C’est dommage. Mais enfin, on peut sortir de cet abrutissement-là, n’est-ce pas. Ce qu’il faut, c’est entrer au-dedans de soi, trouver la conscience immortelle en soi, et alors on s’aperçoit très bien, on peut se souvenir très clairement des circonstances dans lesquelles on a... on a aspiré à être ici quand l’Œuvre s’accomplirait.

Mais au fond, pour dire la vérité, je crois que vous avez une vie si facile que vous ne vous donnez pas beaucoup de mal ! Est-ce qu’il y en a beaucoup entre vous qui ont vraiment un intense besoin de trouver leur être psychique? De savoir ce qu’ils sont vraiment? Ce qu’ils ont à faire? Pourquoi ils sont ici? On se laisse vivre, ou même on se plaint quand les choses ne sont pas trop faciles! Et puis, on prend comme ça les choses comme elles viennent, et quelquefois, si une aspiration se lève et qu’on rencontre une difficulté en soi, on se dit : « Oh, la Mère est là, elle arrangera ça pour moi », et puis on pense à autre chose...

Mais Mère, avant on était très strict dans l’Ashram; maintenant on ne l’est plus. Pourquoi?

Oui. J’ai toujours dit cela : c’est depuis qu’on a été obligé d’admettre les tout petits. Tu ne vois pas une vie ascétique avec des petits enfants grands comme ça ! Ce n’est pas possible. Ça, c’est le cadeau de la guerre. Quand il a été découvert que Pondichéry était l’endroit le plus sûr sur la terre, naturellement quand les gens arrivaient avec une troupe de bébés, là, et demandaient si on pouvait les mettre à l’abri, comme on ne pouvait pas les renvoyer, hein?... C’est comme ça que c’est arrivé, pas autrement.

Au début, d’abord, la première condition, c’était que l’on n’avait plus rien à faire avec sa famille. Si un homme était marié, il devait, de ce moment-là, ignorer totalement qu’il avait une femme et des enfants, couper toute relation; il n’avait rien à faire avec eux. Et si jamais une femme demandait à venir parce que son mari était là, on lui répondait : « Vous n’avez rien à faire ici. »

Au début, on était très, très, très strict. Pendant longtemps, la première condition était : « Vous n’avez plus rien à faire avec votre famille. » Eh bien, nous sommes loin de là, n’est-ce pas! Et je dis : ce n’est que comme cela que c’est arrivé. Ce n’est pas que l’on ne voyait pas que c’était nécessaire; c’est une condition très nécessaire. Tant que l’on conserve tous les liens qui vous lient à la vie, n’est-ce pas, qui vous rendent l’esclave de la vie ordinaire, comment pouvez-vous n’appartenir qu’au Divin? C’est un enfantillage, ce n’est pas possible. Mais si vous prenez la peine de lire les premières règles de l’Ashram, même les amitiés entre personnes étaient considérées comme dangereuses et peu désirables. On avait essayé de créer une atmosphère où il n’y avait qu’une chose qui comptait, c’était la vie divine.

Mais comme j’ai dit, n’est-ce pas, petit à petit... ça a changé. Cela a un avantage : on était trop en dehors de la vie. Il y avait beaucoup de problèmes qui ne se posaient pas, et qui, lorsqu’on aurait voulu se manifester pleinement, se seraient soudain posés. On a pris les problèmes un peu trop tôt. Mais il a fallu les résoudre. Il y a beaucoup de choses que l’on apprend comme cela, beaucoup de difficultés que l’on surmonte. Mais cela devient plus compliqué. Et peut-être que, dans les conditions actuelles, avec un si grand nombre d’éléments qui n’ont pas la moindre idée de la raison pour laquelle ils sont ici... cela demande beaucoup plus d’efforts des disciples qu’auparavant.

Auparavant, n’est-ce pas, on a commencé par trente-cinq, trente-six ; mais même jusqu’à cent cinquante, même jusqu’à cent cinquante c’était tellement comme... ils étaient comme contenus dans un œuf dans ma conscience, si proches, n’est-ce pas, que je pouvais diriger tous leurs mouvements intérieurs et extérieurs tout le temps; tout était sous un complet contrôle, à chaque moment, nuit et jour. Et naturellement, je crois qu’à ce moment-là ils faisaient des progrès. C’était tout à fait un fait que je faisais la sâdhanâ pour eux, tout le temps. Mais alors, n’est-ce pas, avec cette invasion!... On ne peut pas faire la sâdhanâ pour des bouts de trois ans, quatre ans, cinq ans, n’est-ce pas, c’est hors de question. Tout ce que je peux faire, c’est de mettre la conscience sur eux, et d’essayer qu’ils croissent dans les meilleures conditions possibles.

Alors, cela a un avantage. C’est que, au lieu d’être si totalement et si passivement dépendant, il faut que chacun fasse son petit effort, et à vrai dire, c’est excellent.

Je ne sais plus à qui je disais aujourd’hui, je crois que c’était un « Birthday »... Non, je ne sais pas. C’est quelqu’un qui m’a dit qu’il avait dix-huit ans.

C’est Jaya.

Oui, je sais que c’était sa fête aujourd’hui. Mais je ne sais pas si c’est à elle que je l’ai dit. Je l’ai dit à quelqu’un ce matin.

J’ai dit que, entre dix-huit et vingt ans, j’avais obtenu l’union consciente et constante avec la Présence divine, et que je l’avais fait toute seule, sans avoir absolument personne pour m’aider, même pas des livres, n’est-ce pas. Quand j’ai trouvé... j’ai eu entre les mains, un petit peu plus tard, le Râja Yoga de Vivékânanda, cela m’a paru être une chose tellement merveilleuse, n’est-ce pas, que quelqu’un pouvait m’expliquer quelque chose! Cela m’a fait gagner en quelques mois ce que j’aurais peut-être mis des années à faire.

J’ai rencontré un homme (j’avais peut-être vingt et un ans, je crois — vingt ans ou vingt et un ans), j’ai rencontré un homme qui était un Indien, qui venait d’ici et qui m’a parlé de la Gîtâ. Il y avait une traduction, qui était d’ailleurs assez mauvaise, et il m’a conseillé de la lire, et il m’a donné la clef — sa clef, c’était sa clef. Il m’a dit : « Lisez la Gîtâ, cette traduction de la Gîtâ, qui ne vaut pas grand-chose, mais enfin c’est la seule en français. » (En ce temps-là, je n’aurais rien pu comprendre en d’autres langues. D’ailleurs les traductions anglaises sont aussi mauvaises, et je n’avais pas... Sri Aurobindo n’avait pas encore écrit la sienne.) Il a dit : « Lisez la Gîtâ, et prenez Krishna pour le symbole du Dieu immanent, du Dieu intérieur. » C’était tout ce qu’il m’a dit. Il m’a dit : « Lisez-la avec cela, cette connaissance-là, que Krishna représente dans la Gîtâ le Dieu immanent, le Dieu qui est au-dedans de vous. » Mais en un mois tout le travail était fait!

Alors vous, n’est-ce pas, vous êtes ici, depuis tout petits quelquefois, on vous a tout expliqué, on vous a mâché toute la besogne, on vous a — non seulement avec des mots mais avec des aides psychiques, avec toutes sortes de... de toutes les façons possibles —, on vous a mis sur le chemin de cette découverte intérieure, et puis vous vous laissez vivre, comme ça : « Ça viendra quand ça viendra... » Si même vous y pensez!

Voilà.

Mais ça, ça ne me décourage pas du tout. Ça, je trouve ça... tout à fait amusant. Seulement, il y a d’autres choses que je trouve beaucoup plus sérieuses. C’est quand vous essayez de vous tromper vous-même. Ça, ce n’est pas joli. Il ne faut pas prendre une chose pour une autre. Comme on dit : il faut appeler un chat un chat, et un chien un chien, et l’instinct humain l’instinct humain, et ne pas me parler de choses divines quand elles sont purement humaines. Voilà. Il ne faut pas prétendre avoir des expériences supramentales quand on vit dans une conscience tout à fait ordinaire.

Voilà. Si vous vous voyez face à face et que vous savez comment vous êtes, et si par hasard vous prenez une résolution... Cela m’étonne même que vous n’en sentiez pas un besoin intense : « Comment est-ce qu’on peut savoir? » Parce que vous savez — on vous l’a dit, vous l’a répété, on vous l’a seriné —, vous savez que vous avez une conscience divine au-dedans de vous, et vous pouvez dormir nuit après nuit, et jouer jour après jour, et apprendre jour après jour, et ne pas être dans un état d’enthousiasme et de volonté aiguë d’entrer en contact avec vous, oui, avec vous-même, là-dedans! (Mère montre le centre de sa poitrine) Ça, ça, ça me dépasse!

La première fois que j’ai su — et personne ne me l’a dit, je l’ai su par une expérience —, la première fois que j’ai su qu’il y avait une découverte à faire au-dedans de moi, eh bien, c’était la chose qui était la plus importante. Il fallait que ça, ça passe avant tout. Et quand il s’est trouvé, comme j’ai dit, un livre, un homme, pour juste me donner une petite indication, me dire : « Voilà. Si vous faites comme ça, le chemin s’ouvrira devant vous », mais je me suis précipitée comme un... comme un cyclone, et rien n’aurait pu m’arrêter.

Et depuis combien d’années vous êtes ici, à moitié somnolents! Vous y pensez bien de temps en temps, surtout quand je vous en parle; quelquefois quand vous lisez. Mais ça, cette ardeur, cette volonté qui vainc tous les obstacles, cette concentration qui a raison de tout!

Qui est-ce qui m’a demandé maintenant ce qu’il faut faire?

Moi.

Eh bien, voilà ce qu’il faut faire, mon enfant. Je viens de te le dire.

Douce Mère, comment pouvons-nous être plastiques à ton toucher?

Je n’entends pas...

Comment pouvons-nous être plastiques à ton toucher?

Oh, plastiques? Quand vous êtes de très bonne volonté, que vous savez que vous ne savez rien, que vous avez tout à apprendre, que vous ne pouvez rien, que là aussi vous avez tout à apprendre, alors vous commencez à devenir un peu plastiques — quand il y a une force qui met une pression, alors vous répondez.

Mais, n’est-ce pas, sa description, là... Vous n’avez qu’à prendre le livre et puis relire la dernière description, c’est tout. C’est un tableau très exact de la condition dans laquelle sont les gens. Cela, c’est dans la dernière page : description du physique, description du mental, description du vital, tout cela, c’est ici; d’ailleurs il l’a fait très souvent, n’est-ce pas. (Mère prend le livre et cherche le paragraphe) C’est là, dans ce paragraphe-là : « Mais tenez-vous sur vos gardes et n’essayez pas de comprendre et de juger la Mère Divine avec votre petit mental terrestre qui aime à soumettre même les choses qui le dépassent à ses normes et à ses mesures, à ses raisonnements étroits et à ses impressions sujettes à erreur, à son ignorance agressive et creuse et à sa connaissance pleine de mesquinerie et de suffisance. » Cela, vous pouvez le relire de temps en temps, cela vous ramènera au bon sens.

Voilà. C’est tout? Plus rien à demander? Personne n’a rien à demander? Je donne la parole à n’importe qui veut la prendre ce soir. (À un enfant) Toi, tu n’as rien à dire? Toi non plus? Personne? Personne ne dit mot!

Est-ce que la discipline ascétique ne nous aide pas à surmonter l’attachement?

Non, elle gonfle et fortifie votre orgueil.

Mais vous avez dit : « Renoncez au plaisir. » Alors...

Renoncer au plaisir... mais ce n’est pas par une discipline ascétique qu’on renonce au plaisir! C’est par une illumination intérieure et par une sorte de sublimation de l’être qui vous fait sentir tout ce que le plaisir a de grossier et d’obscur et de peu agréable.

Si nous vivons dans les plaisirs grossiers, comment les surmonter?

Mais vous ne vivez pas exclusivement dans le plaisir grossier, autrement je suppose que vous ne seriez pas ici.

Mais tout est plaisir, n’est-ce pas? Plaisir, cela veut dire plaisir... Nous vivons confortablement, nous mangeons, etc. Tout cela, ce n’est pas plaisir?

(Étonnée) Vous faites tout ça pour le plaisir? (rires) C’est peutêtre votre conception. Moi, je n’ai rien à vous dire. Si vous ne pouvez pas sentir la différence qu’il y a entre quelque chose qui aspire à une vie supérieure et quelque chose qui se trouve tout à fait confortable dans la vie ordinaire, moi, je ne peux pas vous aider. Il faut que vous ayez trouvé cela d’abord en vous-même.

Mais une discipline extérieure n’aide pas?

Si vous vous donnez une discipline à vous-même et qu’elle ne soit pas trop stupide, elle peut vous aider. Une discipline, je vous dis, les disciplines, les tapasyâs, et toutes les disciplines ascétiques, elles sont, comme on les pratique ordinairement — c’est le meilleur moyen de vous faire un orgueil, de vous construire un orgueil si formidable que jamais, jamais vous ne pourrez être converti. Il faudrait vous casser ça à coups de marteau.

La première condition, c’est une saine humilité qui vous fait voir que, à moins que vous ne soyez soutenu, nourri, aidé, éclairé, guidé par le Divin, vous n’êtes rien du tout! Voilà. Quand vous aurez senti cela, pas seulement compris avec la tête, mais senti jusque dans votre corps, alors vous commencerez à être sage, mais pas avant.

Quelle est cette autre chose, Mère, que tu as écrite?

Je pensais que quelqu’un allait me dire : « Pourquoi ne restet-elle pas à cause de toi? Puisqu’elle est venue à ton appel, pourquoi ne reste-t-elle pas à cause de toi? » Mais on ne me l’a pas demandé.

Dis-le, Mère.

Pour elle, ce corps n’est qu’un instrument parmi tant d’autres dans l’éternité des temps à venir, n’ayant, pour elle, d’importance que celle que la terre et les hommes lui donnent et la mesure dans laquelle il peut servir d’intermédiaire pour aider à sa manifestation et à sa diffusion. Si je suis entourée de gens qui ne peuvent pas la recevoir, je ne sers à rien — pour elle. C’est très clair.

Alors ce n’est pas cela qui la ferait rester; et ce n’est certainement pas pour une raison égoïste que je peux lui demander de rester. Et puis, tous ces aspects, toutes ces personnalités, elles se manifestent constamment, elles ne se manifestent jamais pour des raisons personnelles. Il n’y en a pas une qui ait jamais pensé à aider mon corps, et je ne leur demande pas, parce qu’elles ne viennent pas pour cela. Mais il est de toute évidence que si j’avais autour de moi des réceptivités, et qu’elles puissent constamment se manifester parce qu’il y a des gens qui sont capables de recevoir, cela aiderait mon corps énormément, parce que toutes les vibrations traverseraient mon corps et cela l’aiderait. Mais elle n’a aucune occasion de se manifester, elle n’a aucune occasion. Elle ne rencontre que des gens qui ne sentent même pas quand elle est là ! Ils ne s’en aperçoivent même pas, cela ne fait pour eux aucune différence. Alors, comment se manifesterait-elle? Et je ne vais pas lui demander : « S’il te plaît, viens changer mon corps », nous ne sommes pas dans ce genre de relation...

Et le corps lui-même ne voudrait pas. Il n’a jamais pensé à lui-même, il ne s’est jamais occupé de lui-même. Et ce n’est que par le travail qu’il peut se transformer. Oui, certainement, quand elle est venue, s’il y avait eu une réceptivité et si elle avait pu se manifester avec la puissance avec laquelle elle est arrivée... Même avant son arrivée... je peux vous dire une chose, c’est que quand j’ai commencé avec Sri Aurobindo à descendre pour le yoga, à descendre du mental dans le vital, quand nous avons descendu notre yoga du mental dans le vital, en l’espace d’un mois — j’avais à ce moment-là quarante ans, je n’avais pas l’air vieille, j’avais l’air d’avoir moins de quarante ans, mais enfin j’avais quarante ans, et au bout d’un mois de yoga j’avais exactement une apparence de dix-huit ans! Et quelqu’un qui m’avait vue, qui avait vécu avec moi au Japon et qui est arrivé là, il avait de la difficulté à me reconnaître. Il m’a demandé : « Mais enfin, c’est bien vous? » J’ai dit : « Évidemment! »

Seulement, quand on est descendu du vital dans le physique, alors ça, c’est parti, parce que dans le physique le travail est beaucoup plus dur. C’est qu’il y avait beaucoup plus de choses à changer. Mais si une force comme ça pouvait être manifestée et reçue, cela aurait une action formidable! Mais enfin, n’est-ce pas, ça c’est... j’en parle parce que j’ai pensé que vous poseriez la question, autrement ce n’est pas... je ne suis pas dans ce genre de relation. N’est-ce pas, je veux dire, vous prenez mon corps, ce pauvre corps; il est très innocent, il n’essaye pas du tout d’attirer ni l’attention, ni les forces, ni même de faire autre chose que son travail aussi bien qu’il peut. Et c’est comme ça, n’est-ce pas : son importance, pour le travail, est en proportion de son utilité et de l’importance que lui donne le monde, puisque l’action est pour ce monde. En lui-même il est un corps parmi d’innombrables autres.

Si vous aviez pu prendre une petite décision de sentir votre psychique, je n’aurais pas perdu mon temps.

C’est tout. Voilà. Maintenant c’est fini.









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