Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Douce Mère, je n’ai pas compris la fin, le dernier paragraphe : « Il y a bien un autre moyen de vaincre la peur de la mort, mais il est à la portée d’un si petit nombre qu’il n’est mentionné ici qu’à titre de renseignement. C’est d’entrer dans le domaine de la mort volontairement et consciemment, tandis qu’on est en vie; puis de retourner de cette région vers le corps physique pour rentrer en lui et reprendre le cours de l’existence matérielle, en toute connaissance de cause. Mais pour cela il faut être un initié. » (La Mère, La Peur de la Mort et les Quatre Méthodes pour la Conquérir)
Douce Mère, je n’ai pas compris la fin, le dernier paragraphe : « Il y a bien un autre moyen de vaincre la peur de la mort, mais il est à la portée d’un si petit nombre qu’il n’est mentionné ici qu’à titre de renseignement. C’est d’entrer dans le domaine de la mort volontairement et consciemment, tandis qu’on est en vie; puis de retourner de cette région vers le corps physique pour rentrer en lui et reprendre le cours de l’existence matérielle, en toute connaissance de cause. Mais pour cela il faut être un initié. »
(La Mère, La Peur de la Mort et les Quatre Méthodes pour la Conquérir)
Qu’est-ce que tu veux dire? Tu n’as pas compris ce que je voulais dire?... Cela ne m’étonne pas! Quelqu’un a compris?...
C’est un domaine dont, jusqu’à présent, je me suis abstenue de vous parler parce qu’il faut déjà être très conscient de soi, très maître de ses réflexes et au-dessus, justement, de toute peur — de toute possibilité de peur — pour pouvoir l’aborder. C’est une connaissance qui, dans le monde moderne, est à peine reconnue comme scientifique, mais qui est scientifique dans le sens qu’elle a des procédés précis et que, si l’on reproduit exactement les circonstances, on obtient les mêmes effets. C’est une science progressive et on peut s’y consacrer, on peut faire des progrès tout à fait réguliers et aussi logiques que dans toutes les sciences telles qu’on les admet à l’époque moderne. Mais cela concerne une ou des réalités qui ne sont pas du domaine le plus matériel. Il faut des capacités et un développement spécial pour être conscient dans ce domaine-là, parce qu’il échappe à nos sens ordinaires.
Nous avons des sens subtils; de même que nous avons un corps physique, nous avons d’autres corps plus subtils qui ont aussi des sens, et des sens beaucoup plus raffinés, beaucoup plus précis et beaucoup plus puissants que nos sens physiques. Mais naturellement, comme il n’est pas dans l’habitude de l’éducation moderne de travailler dans ces domaines-là, ce sont des choses qui échappent généralement à la connaissance ordinaire. Pourtant les enfants, spontanément, vivent beaucoup dans ce domaine-là. Ils voient des choses qui sont pour eux aussi réelles que les choses physiques, ils en parlent — et généralement on leur dit qu’ils sont stupides parce qu’ils parlent de choses que les autres ne voient pas, mais qui pour eux sont aussi vraies, aussi tangibles, aussi réelles que ce que tout le monde peut voir. Leurs rêves ont des intensités et une importance capitale dans leur vie, et c’est seulement avec le développement mental intensif que ces capacités-là s’atténuent. Maintenant, il y a des gens qui ont la bonne fortune d’être nés avec un développement spontané des sens intérieurs, et rien ne peut empêcher qu’ils restent éveillés. Si ces gens-là rencontrent à temps quelqu’un qui peut les aider dans un développement méthodique, alors ils deviendront des instruments très intéressants pour les études et la découverte de ce monde occulte. De tout temps, il y a eu des écoles initiatiques qui prenaient ces éléments particulièrement doués et qui les développaient dans ce genre de science. Ces écoles étaient toujours plus ou moins secrètes ou cachées, parce que les hommes ordinaires sont très intolérants pour ces capacités qui les dépassent — et qui les dérangent —, mais il y avait de belles époques de l’histoire humaine où c’étaient des écoles reconnues et très appréciées et respectées, comme dans l’ancienne Égypte, l’ancienne Chaldée, l’ancienne Inde, et même partiellement en Grèce et à Rome. Il y a toujours eu des collèges initiatiques, même en Europe au Moyen Âge, mais là ils devaient se cacher très soigneusement parce qu’ils étaient poursuivis et persécutés par la religion chrétienne officielle, et si, par hasard, on découvrait que celui-ci ou celle-là pratiquait ces sciences occultes, on les mettait sur un bûcher et on les brûlait vivants comme des sorciers!... De nos jours, cette connaissance est presque perdue; il n’y a que très peu de gens qui l’ont; mais avec le développement mental, l’intolérance aussi est partie. Les gens n’aiment pas beaucoup ces choses — ça les dérange, ça les ennuie —, mais enfin ils sont obligés d’admettre que ce ne sont pas des crimes (!) et on ne met plus ni sur le bûcher, ni en prison les gens qui pratiquent l’occultisme. Seulement, il y a beaucoup de personnes qui prétendent savoir, mais il y en a très peu qui savent. Et en tout cas, avant d’aborder cette étude, il faut, comme je vous le disais au début, avoir une très grande maîtrise de soi, avoir atteint à une sorte d’abnégation, d’oubli de soi, de non-égoïsme, de désintéressement et de sens du sacrifice qui fait que vous pouvez pratiquer sans danger. Parce que, si vous gardez tous les mouvements égoïstes ou passionnels, ou pleins de désir, vous êtes sûr, si vous pratiquez cette science, de rencontrer des accidents qui peuvent avoir des conséquences fatales. Comme je le disais au commencement, la condition tout à fait indispensable est d’être d’une intrépidité qui ne permet à aucune peur d’entrer en vous. Parce que... cela a été dit très souvent, mais il est tout à fait vrai que, lorsque vous entrez dans le domaine invisible, les premières choses que vous rencontrez sont littéralement terrifiantes. Si vous n’avez pas peur, il n’y a pas de danger, mais la moindre peur vous met en danger. Par conséquent, avant de permettre à qui que ce soit de pratiquer cette science, pendant fort longtemps, quelquefois des années, on soumettait l’adepte à une discipline qui l’assurait qu’il pouvait la pratiquer sans éprouver la moindre peur et sans danger. C’est pour cela, mes enfants, que je ne vous en ai jamais parlé. Cet article n’était pas spécialement pour vous — le Bulletin va dans le monde entier et il peut rencontrer de-ci de-là des gens qui sont préparés. Mais enfin, puisque c’est écrit, je vous le dis ce soir, et je vous dis que si l’un d’entre vous se sent des dispositions spéciales, possède des facultés spéciales et est prêt à surmonter toute faiblesse, tout égoïsme et toute peur, je suis prête à l’aider sur le chemin et à lui révéler ces secrets. Voilà !
Maintenant, il faudra que vous soyez un petit peu plus mûrs pour que je me charge de cette tâche.
Quand serons-nous prêts, Douce Mère?
Cela dépend de vous, mes enfants! J’ai fait de l’occultisme à l’âge de douze ans. Mais je dois dire que je n’avais pas peur — je n’avais peur de rien. On sort de son corps, on est relié par quelque chose qui ressemble à un fil presque imperceptible (si le fil est coupé, c’est fini, la vie est finie aussi), on sort, et alors on peut commencer à voir le monde dans lequel on sort. Et généralement, les premières choses que l’on voit, comme je l’ai dit, sont terrifiantes. Parce que, pour vous, l’air est vide, il n’y a rien là-dedans — vous voyez du bleu, du blanc, il y a des nuages, des rayons de soleil, et tout cela est fort joli —, mais quand vous avez l’autre vision, vous voyez que c’est rempli d’une multitude de petites formations qui sont toutes les résidus des désirs ou des déformations mentales et qui grouillent là-dedans, vous savez, en masse, et ce n’est pas toujours très joli. C’est quelquefois extrêmement laid. Ça vous assaille — ça vient, ça vous presse, ça vous attaque —, et si vous avez peur, alors ça prend des formes absolument terrifiantes. Naturellement, si vous ne bronchez pas, si vous pouvez regarder ça avec une saine curiosité, vous vous apercevez que ce n’est pas du tout si terrifiant. Ça peut ne pas être joli, mais ce n’est pas terrifiant.
Je peux vous raconter une petite histoire.
Je connaissais un peintre danois, qui était peintre de talent et qui était candidat à l’occultisme (il était d’ailleurs venu ici; il avait rencontré Sri Aurobindo ; il avait même fait son portrait, c’était pendant la guerre), et quand il est rentré en France, il a voulu que je lui enseigne un peu de cette science occulte. Je lui ai appris comment sortir de son corps, etc., et les contrôles, tout cela. Et je lui ai dit surtout que la première chose était de ne pas avoir peur. Alors, un jour, il est venu me raconter que, dans la nuit, il avait eu un rêve. Mais ce n’était pas un rêve, parce que, comme je vous l’ai dit, il savait un petit peu sortir de son corps, et il était sorti consciemment. Et une fois qu’il était sorti, il était en train de regarder ce qu’il y avait à voir lorsque, tout d’un coup, il a vu arriver un formidable tigre qui s’avançait vers lui avec les intentions les plus terribles... Il s’est souvenu de ce que je lui avais dit, qu’il ne fallait pas avoir peur. Alors il a commencé à se dire : « Il n’y a pas de danger, je suis protégé, rien ne peut m’arriver, je suis enveloppé de la puissance de protection », et il a commencé à regarder le tigre, comme ça, sans peur. Et à mesure qu’il regardait le tigre, voilà que ce tigre commençait à diminuer, diminuer, diminuer —, et il est devenu un tout petit chat! (rires)
Que représente le tigre?
C’était probablement... Dans la journée, il s’était mis en colère contre quelqu’un, il s’était fâché et il avait eu des pensées mauvaises : il avait espéré qu’il arriverait quelque chose de très désagréable à cette personne. Or, en occultisme, il y a le « mouvement en retour ». Vous envoyez une mauvaise pensée, elle revient contre vous, comme une attaque. C’est justement l’une des raisons pour lesquelles il faut avoir le contrôle complet de ses sentiments, de ses sensations, de ses pensées, parce que, si vous vous mettez en colère contre quelqu’un ou si vous pensez du mal de lui, ou si, encore plus, vous lui voulez du mal, eh bien, dans votre rêve même, vous voyez arriver cette personne avec une extrême violence, qui vient pour vous attaquer. Alors, si vous êtes ignorant, vous dites : « Eh bien, j’avais raison d’avoir de mauvaises pensées contre lui! » Mais en fait, ce n’est pas du tout cela. C’est votre propre pensée qui vous revient. Et la personne peut être absolument ignorante de tout ce qui s’est passé; parce que (et c’est l’une des lois les plus communes en occultisme), si vous faites une formation, par exemple une formation mentale qu’il doit arriver un accident ou quelque chose de désagréable à une personne et que vous envoyez cette formation, s’il se trouve que cette personne est elle-même dans un état de conscience très supérieur, qu’elle ne veut pas de mal du tout, qu’elle est tout à fait indifférente et désintéressée dans l’affaire, la formation viendra contre son atmosphère, et au lieu d’entrer, elle rebondira sur celui qui l’a faite. Il est arrivé comme cela des accidents graves. Il y avait certaines gens qui faisaient de cette déformation vulgaire de l’occultisme qu’on appelle la magie et qui avaient fait des formations de magie contre quelqu’un. Mais il se trouvait que cette personne était très au-dessus et ne pouvait pas être touchée par ces formations-là. Alors elles reviennent sur eux, mortelles. S’ils avaient formé la mort, c’est eux qui meurent.
Je ne sais pas si vous vous rappelez l’histoire des pierres qui sont tombées dans la maison de Sri Aurobindo ? Tout le monde la connaît, alors je ne la raconte pas.
Qu’arrive-t-il à cette formation une fois qu’elle a fait du mal? Elle continue?
Non. Quand une formation comme cela agit, elle va dans un but défini, elle a été faite dans un but défini. Elle agit. Une fois que son action est faite, elle disparaît, elle n’a plus de raison d’être. C’était une formation pour une action définie. Quand l’action est accomplie, la formation se dissout. Il y a beaucoup d’autres genres de formations qui ont des vies plus ou moins durables. Je vous dis, c’est une science — vous ne pouvez pas apprendre la chimie en une heure! Mais enfin, dans un cas comme celui-là, quand la formation revient et frappe celui qui l’a faite, c’est fini. Son action est accomplie, et c’est fini.
Tout le monde ne connaît pas l’histoire des pierres... Tu l’as racontée seulement pour les petits, Douce Mère.
Je l’ai racontée pour les petits?...
Oui, mais les grands n’étaient pas là ! (rires)
Il est neuf heures. Vous n’avez plus de questions? Si je vous raconte l’histoire...
Douce Mère, ce matin, tu nous avais dit que tu nous raconterais...
Voyez, j’en avais une autre. Combien d’histoires à raconter!
Eh bien, l’autre est très courte. Elle est intéressante aussi. C’est pour la guérison de la peur... Peut-être Pavitra connaît-il le nom!... Il y avait un savant français qui avait écrit un livre où il racontait une expérience qui lui était arrivée au Jardin des Plantes. Il voulait savoir dans quelle mesure la raison a un effet sur les réflexes. Je ne me souviens plus... Pendant des années j’ai su son nom; je l’ai oublié, mais enfin l’histoire reste. C’était un savant très connu, et il a écrit son expérience dans un livre; on la mentionne très souvent comme exemple. Il était très intéressé de savoir dans quelle mesure la raison, l’intelligence avec la connaissance claire, pouvait avoir de l’effet sur les réflexes, c’est-à-dire sur les mouvements qui sortent du subconscient spontanément, les mouvements spontanés, et il a fait cette expérience : il est allé au Jardin des Plantes à Paris où l’on garde non seulement des plantes mais aussi des animaux. Et parmi les animaux, il y a de grands serpents. Il y avait un serpent, là (je l’ai connu, ce serpent), qui avait la réputation d’avoir un très mauvais caractère. C’est-à-dire que l’on pouvait très facilement le mettre en colère. C’était un très grand serpent, il était très beau — il était noir. Et ce savant avait été informé par le gardien que ce serpent était agressif. Ces serpents sont enfermés dans d’immenses boîtes de verre, un verre suffisamment épais pour qu’il n’arrive aucun accident, comme vous pouvez le penser. Donc, il est allé devant la cage de ce serpent au moment où il avait faim (il n’avait pas mangé; quand ils ont mangé, ils dorment; il n’avait pas mangé, alors il était actif). Et il s’est placé devant la cage, tout près du verre et il a commencé à exciter le serpent (je ne sais plus ce qu’il faisait), jusqu’à ce que le serpent se mette en colère. Alors le serpent s’est lové, puis il a jailli comme un ressort contre le verre, contre la face du monsieur qui était de l’autre côté, et le monsieur — qui savait très bien qu’il y avait un verre et qu’il ne pouvait rien lui arriver — a sauté en arrière! Et il a répété l’expérience plusieurs fois, et jamais il n’a pu maîtriser son mouvement de recul. Il a reculé — chaque fois que le serpent sautait, il reculait! (rires)
Alors il a parlé de son expérience. Mais il lui manquait un élément de connaissance, parce qu’il ne savait pas que le mouvement physique était accompagné d’une projection vitale considérable de force nerveuse du serpent, et que c’était cela qui l’affectait. C’est pour ça. Il avait beau se raidir, se dire : « Mais enfin il n’y a pas de danger, il ne peut rien m’arriver. Il y a du verre, pourquoi reculé-je! » (rires) C’était cela qui venait lui donner un choc et il sautait en arrière.
Voilà, maintenant au revoir, mes enfants. L’histoire des pierres, pour un autre jour. Il est trop tard.
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