CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


juin




Le 30 juin 1954

En raison de la pluie, la classe a lieu dans la salle de gymnastique. Mère lit Les Éléments du Yoga, le dernier chapitre, « Quelques explications ».

« Q : Quelle est la place du pouvoir occulte dans le yoga ?

R : Connaître et utiliser les forces subtiles des plans supraphysiques est une partie du yoga.

Q : Que veut dire “effort occulte” et “pouvoir occulte”?

R : Cela dépend du contexte. Généralement, cela voudrait dire le pouvoir d’utiliser les forces secrètes de la Nature et un effort fait au moyen de ces forces. Mais “occulte” peut avoir un autre sens dans un contexte différent.

Q : Est-ce que tout yogi doit passer par l’effort occulte?

R : Non, tout le monde n’en a pas la capacité. Ceux qui ne l’ont pas doivent attendre jusqu’à ce qu’elle leur soit donnée. »

Le livre est fini!

Douce Mère, Sri Aurobindo parle ici d’effort occulte et il dit que ceux qui n’ont pas ce pouvoir doivent attendre jusqu’à ce que ça leur soit donné. Est-ce qu’ils ne peuvent pas l’avoir par la pratique?

Non. C’est-à-dire que si on l’a d’une façon latente, on peut le développer par la pratique. Mais si on n’a pas de pouvoir occulte, on peut essayer pendant cinquante ans, on n’arrivera à rien du tout. Tout le monde ne peut pas avoir le pouvoir occulte. C’est comme si tu me demandais si tout le monde peut être musicien, si tout le monde peut être peintre, si tout le monde... Il y a des gens qui peuvent, et des gens qui ne peuvent pas. C’est une question de tempérament.

Quelle est la différence entre occultisme et mysticisme?

Ce n’est pas du tout la même chose.

Mysticisme, c’est une relation plus ou moins émotive avec ce que l’on sent être une Puissance divine; cette espèce de relation très émotive, très affective, très intense avec quelque chose d’invisible qui est, ou que l’on prend pour le Divin. Cela, c’est le mysticisme.

L’occultisme, c’est exactement ce qu’il a décrit : c’est la connaissance des forces invisibles et le pouvoir de les manier. C’est une science. C’est tout à fait une science. Je compare toujours l’occultisme à une chimie; parce que c’est la même connaissance que la connaissance chimique pour les choses matérielles. C’est une connaissance des forces invisibles, de leurs différentes vibrations, de leur relation entre elles, des combinaisons que l’on peut faire en les associant, et de l’action que l’on peut avoir sur elles. C’est tout à fait scientifique; et cela doit s’apprendre comme une science, c’est-à-dire que ce n’est ni dans une émotion, ni dans une chose vague et imprécise que l’on peut faire de l’occultisme. Il faut le travailler comme on travaille la chimie, et apprendre toutes les règles, ou les trouver si on n’a personne pour vous les enseigner. Mais on peut les trouver avec quelque danger. Il y a des associations qui sont aussi explosives que certaines associations chimiques.

Est-ce que dans cette vie l’occultisme est nécessaire?

Dans cette vie? Cela dépend de ce que l’on veut faire. Tu veux dire dans la vie du yoga ? Pas nécessaire. Et par-dessus le marché, comme il dit, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas doués, qui n’ont pas la faculté. Il y a des quantités de gens qui, dès qu’ils ont la moindre expérience, la moindre expérience, par exemple, ceux qui commencent à sortir un peu de leur corps, ils sont pris d’une panique, et ça, c’est très difficile à guérir. Cela peut se guérir si on a beaucoup de volonté et qu’on est très maître de soi. Mais il y a des gens qui ne peuvent pas dissocier leurs états d’être. S’ils les dissocient, il y a quelque chose qui va mal, leur corps en souffre. Tandis qu’il y en a d’autres qui sortent, qui se promènent, qui reviennent. C’est pour eux tout à fait naturel. Généralement, ceux que cela intéresse — à moins que ce ne soit simplement une sorte de curiosité mentale —, mais ceux que cela intéresse, généralement ils sont doués. Ils peuvent ne pas le savoir, mais alors on peut le leur apprendre. Mais ce sont des choses qui doivent être faites avec précaution. Par exemple... je vais te donner un exemple : dès que l’on sort de son corps, si peu que ce soit, et même purement mentalement, eh bien, il y a la partie du mental qui a le contrôle sur le fonctionnement qui s’en va ; et la partie du mental automatique qui fait, qui produit certains mouvements, ou certaines sécrétions glandulaires, n’est-ce pas, toute cette partie automatique reste sans la protection et sans le contrôle de la partie consciente, pensante. Eh bien, il y a toujours dans l’atmosphère des quantités de petites entités, toutes petites, qui proviennent généralement des désintégrations humaines et qui sont comme des microbes physiques, qui sont une sorte de microbe du vital. Ils sont plus visibles et ils ont une volonté propre. On ne peut pas dire qu’ils soient méchants, ils sont pleins de malice. Ils aiment s’amuser, et ils s’amusent aux dépens des gens. Alors, dès qu’ils voient ça, si l’on n’est pas suffisamment protégé, ils s’emparent de cette mentalité automatique, et ils vous font arriver toutes sortes de choses tout à fait désagréables — comme, par exemple, certaines personnes qui avalent leur langue quand ils sont en transe; ça les étouffe, s’ils ne font pas attention. D’autres, se mordent la langue; quelquefois ça fait très mal. Toutes sortes de choses comme ça, qui peuvent vous arriver. Ce qui fait que, normalement, on ne devrait jamais entrer en transe sans avoir quelqu’un là pour veiller sur vous, et non pas veiller purement physiquement, mais veiller avec le pouvoir conscient d’empêcher ces petites entités de s’emparer de vos centres nerveux qui ne sont pas protégés par la Présence consciente.

Ça, c’est une règle, généralement. Il y a des dangers plus grands que cela. Quand on sort de son corps d’une façon très matérielle et qu’il ne reste plus que le contact d’un lien — n’est-ce pas, c’est une sorte de lien comme un fil de lumière, qui joint l’être qui est parti à l’être qui reste —, ce joint, s’il est protégé, il n’arrive rien. Mais s’il n’est pas protégé, il peut alors y avoir des forces adverses plus pleines pas seulement de malice mais aussi de mauvaise volonté, qui peuvent venir le couper. Et alors, une fois que c’est coupé, on essaye tout ce que l’on peut, mais on ne peut plus rentrer dans son corps.

On est mort?

Oui, après quelque temps. Ce qui fait que tout cela, n’est-ce pas, ce ne sont pas du tout des plaisanteries, ni des amusements, ni des choses que l’on puisse faire simplement pour se distraire. Il faut les faire comme il faut, et dans les conditions voulues, et avec grand soin. Et alors, une chose est ab-so-lument essentielle, absolument : il ne faut pas toucher à cette science occulte si l’on a la moindre frayeur en soi. Par exemple, si dans vos rêves vous rencontrez des choses terribles et que cela vous effraye, il ne faut pas que vous fassiez de l’occultisme. Si, au contraire, vous pouvez avoir les rêves les plus effroyables et que ça vous laisse absolument tranquille, et même quelquefois amusé et très intéressé, si vous pouvez manier tout cela et si vous savez vous tirer d’affaire en toute circonstance, alors cela veut dire que vous avez des capacités, et vous pouvez le faire. Il y a des gens qui sont de très vaillants guerriers dans leurs rêves. Quand ils rencontrent des ennemis, ils savent se battre; ils savent non seulement se défendre, mais vaincre; ils sont pleins d’ardeur, d’énergie, de courage; ceux-là, ce sont de vrais candidats pour l’occultisme. Mais ceux qui rentrent dans leur corps aussi vite qu’un rat entre dans son trou, ceux-là, il ne faut pas qu’ils y touchent.

Et puis, il faut aussi avoir une patience infinie; parce que de même qu’il faut des années pour savoir manier les différents corps chimiques, de même que, si vous voulez découvrir la moindre chose nouvelle, il faut travailler sans avoir de résultats visibles pendant très longtemps, de même, en occultisme, vous pouvez essayer pendant des années et ne pas avoir la moindre expérience. Et cela devient très monotone et très peu amusant; et l’on a toujours cette espèce de mental physique, pratique et positif, qui passe son temps à vous dire : « Pourquoi essayes-tu? Tu vois bien, il n’y a rien du tout, c’est tout des histoires qu’on t’a racontées; pourquoi travailles-tu pour rien? Tu perds ton temps. Il n’y a rien du tout, ce sont des imaginations. » Il est très difficile de garder la conviction et la foi quand il n’y a rien sur quoi les baser.

Douce Mère, est-ce que les exercices religieux sont très importants pour la conscience ordinaire?

Des exercices religieux ? Je ne sais pas! Qu’est-ce que tu entends par des exercices religieux ?

Le japa 13, etc.

Oh, ces choses-là ! Si cela vous aide, c’est bien. Si cela ne vous aide pas, c’est simplement... C’est une de ces choses tout à fait relatives. C’est une chose tout à fait relative. Cela ne vaut que par l’effet que cela a pour vous, et la mesure dans laquelle vous y croyez. Si cela vous aide à vous concentrer, c’est bien. La conscience ordinaire le fait toujours simplement par superstition, avec l’idée que « si je fais ça, si je vais au temple, ou à l’église une fois par semaine, si je fais des prières, il m’arrivera quelque chose de très bien ». Cela, c’est la superstition, répandue partout dans le monde, mais cela n’a aucune valeur au point de vue spirituel.

Mère, par exemple, certains jours de l’année on fait la Lakshmî-pûjâ, la Mahâkâlî-pûjâ, et tout cela...

C’est parce que ça vous amuse, mes enfants!

Mais ces jours-là tu nous donnes aussi la bénédiction!

Oui, parce que ça vous amuse! (rires) Hein?

Tu nous donnes la bénédiction seulement pour nous amuser?

Ça vous fait plaisir, allez! J’ai dit « amuser », c’est... j’ai manqué de respect; mais c’est parce que ça vous fait plaisir.

Le jour de Mahâkâlî, par exemple...

Oui, oui, quelquefois Kâlî vient trois jours avant, quatre jours après, ou à un autre moment de l’année. Elle n’est pas forcément là ce jour-là ; quelquefois, pour vous faire bien plaisir, je l’appelle un peu... (rires) En tout cas, ce n’est pas moi qui crois à ces choses-là !

Dans tous les monuments religieux, dans les monuments les plus... enfin, considérés comme de la plus haute religion, que ce soit en France, que ce soit dans d’autres pays, que ce soit au Japon — ce n’étaient jamais les mêmes temples, ni les mêmes églises, ni les mêmes dieux, et mon expérience a été partout à peu près la même, avec de très petites différences —, j’ai vu que ce qu’il y avait de force concentrée dans l’église dépendait exclusivement des fidèles, de la foi des fidèles. Et il y avait encore une différence entre la force telle qu’elle était réellement et la force telle qu’ils la sentaient. Par exemple, j’ai vu dans une des plus belles cathédrales de France, qui est vraiment au point de vue artistique un des monuments les plus magnifiques que l’on puisse imaginer, dans l’endroit le plus sacré, j’ai vu une énorme araignée noire vitale, qui avait fait sa toile et l’avait répandue sur tout l’endroit, et qui attrapait là-dedans et puis absorbait toutes les forces qui avaient émané avec la dévotion des gens, et leurs prières, et tout cela. C’était un spectacle qui n’était pas très réjouissant; et les gens qui étaient là et qui priaient, ils sentaient un contact divin, ils recevaient toutes sortes de bienfaits de leurs prières, et pourtant c’était cela qui était là, la chose qui était là. Mais ils avaient leur foi, qui pouvait changer cette chose mauvaise en quelque chose de bon en eux, parce qu’ils avaient la foi. Alors vraiment, si moi j’étais venue et que je leur avais dit : « Vous croyez que c’est Dieu que vous priez? C’est une énorme araignée vitale qui se nourrit de toutes vos forces! », cela n’aurait vraiment pas été très charitable. Et c’est comme ça la plupart du temps, presque partout; c’est une force vitale qui est là, parce que ces entités vitales se nourrissent de la vibration des émotions humaines, et qu’il y a très peu de gens, très peu, une quantité infime de gens, qui vont dans les églises ou dans les temples avec un vrai sentiment religieux, c’est-àdire, non pas pour prier, mendier quelque chose de Dieu, mais pour s’offrir, pour rendre grâce, pour aspirer, pour se donner. Il n’y en a pas un sur un million. Alors ils n’ont pas le pouvoir de changer cette atmosphère. Peut-être qu’au moment où ils sont là, ils arrivent à traverser, à percer, à aller quelque part, et à toucher quelque chose de divin. Mais l’énorme masse des gens qui ne vont que par superstition, par égoïsme et par intérêt, ils vous font une atmosphère comme ça, et c’est cela que vous respirez quand vous allez dans une église ou dans un temple. Seulement, comme vous y allez avec un très bon sentiment, vous vous dites : « Oh! quel endroit recueilli... »

Je regrette, mais c’est comme ça. Je vous dis, j’ai volontairement fait cette expérience un peu partout. Peut-être ai-je trouvé de tout petits coins, comme une toute petite église de village, quelquefois, où il y avait un petit coin très recueilli, très tranquille, très silencieux, où il y avait une aspiration, mais c’est tellement rare! J’ai vu les belles églises de l’Italie, des endroits magnifiques; c’est plein de ces êtres du vital, et plein de terreur. Je me souviens d’avoir fait une peinture dans une basilique de Venise, et pendant que je travaillais, il y avait dans le confessionnal un prêtre qui recevait la confession d’une pauvre femme. Mais c’était vraiment un spectacle effrayant! Je ne sais pas comment était ce prêtre, quel était son caractère, on ne le voyait pas (n’est-ce pas, on ne les voit pas, ils sont enfermés dans une boîte et, à travers un grillage, ils reçoivent la confession). Il y avait sur lui une telle puissance obscure et absorbante, et cette pauvre femme était dans un tel état de terreur effroyable, que c’était vraiment pénible à voir. Et tous ces gens croient que ce sont des choses saintes! Mais c’est une trame de forces adverses vitales, qui se servent de tout cela pour se nourrir. D’ailleurs, dans le monde invisible, il n’y a guère que les êtres du vital qui aiment à être adorés. Eux, comme je l’ai dit, ça leur plaît. Et puis alors, ça leur donne de l’importance. Ils se gonflent d’orgueil et ils sont très heureux ; et quand ils peuvent avoir une troupe de gens qui les adorent, ils sont tout à fait contents. Mais si vous prenez un vrai être divin, ce n’est pas du tout une chose qu’il apprécie. Ils n’aiment pas être adorés. Non, cela ne leur fait pas du tout un plaisir spécial. Il ne faut pas croire qu’ils soient contents; parce qu’ils n’ont pas d’orgueil. C’est l’orgueil qui fait que l’on aime à être adoré; si l’on n’a pas d’orgueil, on n’aime pas être adoré; et s’ils voient, par exemple, une bonne intention ou un bon sentiment, ou un mouvement de désintéressement, ou un enthousiasme, une joie, une joie spirituelle, pour eux, cela a une valeur infiniment plus grande que des prières et des actes d’adoration et des pûjâs...

Je vous assure, c’est très sérieux ce que je vous dis : si vous mettez un vrai dieu sur une chaise, et que vous l’obligiez à rester là pendant tout le temps que vous faites une pûjâ, il peut peut-être s’amuser à vous regarder faire, mais cela ne lui donne certainement aucune satisfaction. Aucune. Il ne se sent ni flatté ni content ni glorifié par votre pûjâ. Il faut s’enlever cela de la tête. Il y a tout un domaine entre le monde spirituel et le monde matériel qui appartient aux êtres du vital, et c’est ce domainelà qui est plein de toutes ces choses, parce que ces êtres-là, ils en vivent, ils en sont heureux et cela leur donne tout de suite de l’importance; et c’est celui qui a le plus de croyants, le plus de dévots et le plus d’adorateurs qui est le plus content et qui se gonfle le plus. Mais comment est-ce que l’on peut imaginer que les dieux peuvent apprécier... Les dieux — je parle des vrais dieux, même de ceux de l’Overmind, quoiqu’ils soient encore un peu... comme ci comme ça... ils semblent avoir pris beaucoup des défauts humains, mais enfin, malgré cela, ils ont vraiment une conscience supérieure —, cela ne leur fait pas du tout plaisir. Un acte de vraie bonté, d’intelligence, de désintéressement, ou une compréhension subtile, ou une aspiration tout à fait sincère, pour eux ce sont des choses infiniment supérieures à une petite cérémonie religieuse. Infiniment. Il n’y a aucune comparaison. Cérémonies religieuses!

Par exemple, il y a tant de ces entités que l’on appelle Kâlî — et à qui l’on donne d’ailleurs des apparences plus ou moins terribles —, il y en a tant qui sont même installées dans des maisons, qui sont la déesse de la famille : c’est plein d’une force vitale terrible! J’ai connu des gens qui avaient tellement peur de la Kâlî qui était chez eux qu’ils tremblaient vraiment de faire la moindre faute, parce qu’il leur arrivait des catastrophes, et ils s’imaginaient que c’était Kâlî ! C’est une chose effrayante, la pensée. Je les connais, ces entités-là. Je les connais bien, mais ce sont des êtres du vital, des formes vitales qui sont pour ainsi dire mises en forme par la pensée humaine, et quelles formes! Et penser que les hommes adorent des choses si terribles et si monstrueuses; et puis encore, que ces pauvres dieux, ils leur donnent, ils leur font le compliment de croire que c’est...

À ce point de vue-là, c’est très bon que, pour un certain temps, l’humanité sorte de cette atmosphère religieuse pleine de frayeur, et de cette espèce de soumission superstitieuse aveugle dont les forces adverses ont profité d’une façon monstrueuse. La période de négation, de positivisme, est à ce point de vue-là tout à fait indispensable pour libérer les hommes de la superstition. C’est seulement si l’on sort de cela et de cette abjecte soumission à des forces monstrueuses du vital, que l’on peut s’élever à des hauteurs vraiment spirituelles, et là, devenir des collaborateurs et des vrais instruments pour les forces de Vérité, la Conscience réelle, les Puissances vraies.

Il faut laisser très loin tout cela avant de pouvoir monter plus haut.

Mère, l’autre jour tu as dit que pendant la nuit tu te promènes partout, n’est-ce pas. Alors tu sais tout ce qui se passe à l’Ashram...

Je fais le gendarme!

Et alors, Mère, quelle est la différence entre ce que tu sais ainsi et ce que tu sais physiquement? C’est-à-dire, pourquoi est-il nécessaire que tous les...

Tu crois que je peux me promener partout et voir tout? Je n’ai malheureusement qu’une tête, deux bras et deux jambes, et ça prendrait beaucoup de temps; je passerais mon temps à courir partout.

Non! C’est-à-dire, puisque tu sais déjà ce qui se passe à l’Ashram, pourquoi est-il nécessaire que les chefs de départements viennent te donner des renseignements?

Non, non, ils ne viennent pas me donner des renseignements : ils viennent me demander des ordres. Ce n’est pas la même chose. Et si je leur donnais mes ordres dans la nuit, ils ne m’entendraient pas; ou si par hasard ils entendaient quelque chose, ce serait probablement le contraire. Ils feraient n’importe quoi, selon leur imagination propre. Non, non! Renseignements! C’est parce que ça leur fait plaisir de dire ce qu’ils ont à dire. Si je leur disais tout de suite : « C’est bon, je sais, je sais! »... Quelquefois je le fais, quand je suis très pressée; mais ils sont très choqués, et ils pensent : « Comment est-ce qu’elle peut savoir? Elle ne m’a pas demandé! » Il n’y a qu’eux qui peuvent me donner le renseignement exact, selon eux. S’ils ne m’expliquent pas les choses, je ne les sais pas. C’est cela qu’ils pensent, alors il faut les laisser expliquer. Quelquefois, si ça prend trop longtemps, que je n’ai pas beaucoup de temps, je leur dis : « C’est bon, c’est bon, je le sais; allez, venez au vif, qu’est-ce que vous voulez savoir? » Eh bien, cela les trouble beaucoup.

Par exemple, Mère, si on a fait quelque chose...

De mal.

Oui.

Quelquefois de bien, hein!

Non, surtout de mal ; alors on se dit : Mère le sait. Au lieu de cela, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux que l’on vienne et qu’on te le dise?

Si ! Parce qu’ici il y a... Remarque que si on a fait quelque chose de mal, si on a fait quelque chose qu’on sait très bien que l’on ne devait pas faire, par exemple, si on se dit : « Mère le sait, ce n’est pas la peine que je le lui dise », alors on met cela dedans. On ferme soigneusement une porte dessus, et puis on le conserve dans son cœur, ou ailleurs. Tandis que si on ne pense pas à tout cela... on se sent mal à l’aise, il y a quelque chose qui tourne là, ce n’est pas agréable... eh bien, je vais aller le dire à Mère. Au moment de partir, il faut faire un grand effort, hein ! La gorge se serre, la langue est sèche et puis c’est si difficile de trouver ses mots — vraiment on ne sait pas comment faire — hein ! Mais alors on a résolu, on fait un gros effort : on tire les mots l’un après l’autre, comme ça, avec beaucoup d’effort et finalement on dit, et on essaye de dire aussi exactement que l’on peut. Mon petit, cela ouvre une porte grande comme ça, et je peux entrer tout droit dans l’être psychique, rien que par cet effort de sincérité que l’on a fait. Et alors, quand j’entre, je verse dedans toute la lumière, toute la force, toute la volonté, toute la conscience, toute la résolution pour qu’on ne puisse pas refaire ce que l’on a fait; beaucoup — comme quand on verse trop dans une coupe, ça déborde —, il y a beaucoup qui déborde, mais il y a tout de même un peu qui reste, et ce petit peu travaille. Et si l’on répète cet effort une autre fois, jusqu’à ce qu’on sente, eh bien, qu’on n’a plus rien à dire, parce qu’il n’y a plus rien à cacher, alors ça va très bien, on a fait un grand progrès.

Douce Mère, en classe, quand nous te posons des questions, quelquefois cela vient très facilement, automatiquement, et quelquefois nous avons une hésitation...

Vous savez, la plupart des questions sont mal posées, parce que vous ne savez pas vraiment ce que vous voulez savoir. Je veux dire, vous ne vous rendez pas compte exactement de la chose que vous voulez savoir. C’est une association de mots dans votre tête, ce n’est pas la conscience d’une idée qui essaye de se clarifier; ce sont seulement des mots qui se sont choqués dans votre cerveau et que vous n’arrivez pas à adapter de façon à pouvoir comprendre ce que cela veut dire. Alors vous ne pouvez énoncer facilement, parce que vous ne pensez pas. Cela ne provient pas de la pensée. C’est une espèce de chose automatique qui vient du cerveau; si vous avez une conscience claire d’une expérience que vous voulez préciser ou d’une connaissance que vous voulez classer dans votre tête, alors vous pouvez l’énoncer très clairement et en même temps votre cerveau est prêt à recevoir la réponse. Mais si, simplement, avec le choc des mots — les mots viennent comme ça, n’est-ce pas, vous associez trois ou quatre mots et puis vous lancez une idée... Je réponds, parce que je pense qu’il y aura toujours des gens... que cela pourra tomber dans un cerveau, quelque part; mais autrement, la plupart du temps, la tête n’est pas prête pour comprendre même ce que je dis. Il faut bien réfléchir et bien se concentrer et voir très clairement ce que l’on veut demander avant de demander. Autrement, ce n’est pas la partie du mental qui peut comprendre qui demande. C’est juste une surface qui est dans un mouvement perpétuel de mots qui s’associent plus ou moins bien, qui vont, qui viennent, qui passent, et c’est ça qui parle, c’est ça qui demande; et ça, ça ne peut pas comprendre.

Combien de fois je vous ai dit des choses, la même chose, et si je vous la demande quelquefois même seulement une semaine après, vous ne vous en souvenez pas! Combien de fois vous me posez la même question! parce que vous avez posé la question, mais vous n’étiez pas du tout en état de comprendre la réponse. Rien ne reste dedans, ce sont seulement des mots qui passent, comme ça. C’est comme quand vous apprenez une leçon par cœur : ce sont seulement des mots qui passent, comme ça. Il n’y a rien, il n’y a rien qui entre dedans, qui s’établisse quelque part dans la pensée vraie, et alors cela ne fait pas d’effet et cela ne vous fait rien comprendre du tout. La preuve, que de fois je vous ai demandé, je vous ai dit : « Mais enfin, je vous ai dit ça ! » — vous ne vous en souvenez même pas!

Il m’est arrivé, n’est-ce pas (mais cela, avec des tout petits enfants et même, mon Dieu, parmi vous, c’est arrivé aussi), une personne m’a posé une question, j’ai répondu. Une autre personne me pose la même question avec d’autres mots. Si vous aviez écouté ce que je viens de vous dire, j’ai déjà répondu à ce que vous me demandez! Tout cela, ça se passe comme ça, vous savez, tout à fait comme ça, tout à fait dans une pensée superficielle, rien qui entre dedans et qui s’établisse dans une compréhension intérieure. C’est pour cela qu’on ne peut pas poser de questions : c’est parce qu’on ne pense pas... Seulement des mots qui jouent.

Mère, une dernière question : demain c’est le sport. Alors...

Maintenant, si nous faisions une petite prière bien superstitieuse pour demander qu’il ne pleuve pas! (rires) Mais vous savez, dans les nuages, dans le vent, il y a des petites entités. Ces entités sont du domaine vital ; elles ne sont pas toutes méchantes, elles sont souvent très malicieuses. La plupart du temps, elles obéissent à des lois de la Nature d’un ordre beaucoup plus vaste et plus général, mais il y a de ces entités qui ont une semi-indépendance et qui produisent des pluies locales, etc. Peut-être (nous avons dit qu’elles aiment les prières, ces petites entités-là), peut-être que si on leur dit : « Je vous en prie, soyez bien gentilles, demain nous avons notre ouverture, ne faites pas de méchancetés, attendez jusqu’au soir pour pleuvoir si vous avez envie de pleuvoir, ne venez pas troubler notre petite séance », cela aura peut-être de l’effet!

Vous vous rappelez quand il ne pleuvait pas, et que des gens nous ont dit que si nous priions, on ferait venir la pluie? Et que nous nous sommes bien amusés un jour à ça — à appeler la pluie — et qu’il a plu? Il a vraiment plu après. Eh bien, c’est comme ça. Ce domaine-là, c’est le domaine vital.

Maintenant, dis ce que tu voulais dire!

Mère, surtout le jour où nous avons une épreuve, on t’appelle beaucoup. Mère, alors, n’est-ce pas...

Oui, oui, mes enfants.

Mère, alors, ce n’est pas mauvais de t’appeler pour satisfaire ses propres fins?

Propres fins? Vous êtes là pour faire ça. Si vous appelez pour faire aussi bien que vous pouvez, il n’y a pas de mal. Mais c’est vrai, vous savez, que quand je m’en vais de là, à la fin de la séance, eh bien, je suis vidée. Il faut que je me repose... Ça tire, ça tire quelquefois terriblement... Les séances que nous avons ici le 1er décembre 14 et le 2 décembre, ou des choses comme cela, ça tire, ça tire, ça tire... Après, en quelques minutes, ça se répare. Ce n’est pas grave, mais c’est vrai que ça tire.

Mais je n’ai aucune objection; au contraire, c’est moi qui vous dirai : « Mes enfants, si vous faites quelque chose de difficile, appelez-moi, appelez-moi. » Non pas pour être le premier ou pour avoir une victoire, mais pour qu’il ne vous arrive rien de désagréable. Appelez-moi pour que ce soit aussi bien que cela peut être, non pas pour la gloriole, mais pour le plaisir de bien faire. Et puis, vous pouvez appeler aussi pour faire la chose comme une offrande, et alors cela devient très bien.

Douce Mère, est-ce qu’il n’y a pas une autre façon d’appeler, plutôt que de tirer?

Oui, mon petit, mais c’est beaucoup plus difficile. Oui, il y a une autre façon. Il y a une vraie manière... C’est plus difficile.

Mais celle-là, ça va, je n’ai rien à dire contre, ça va. J’aime mieux cela que d’avoir l’expérience, quand je regarde les gens, de voir un petit nuage noir qui tourne autour de leur tête, de sentir qu’il va y avoir un accident, quelque chose qui va se passer, et d’essayer de percer cela pour donner une protection, et de me trouver en face de quelqu’un qui est absolument fermé, inconscient et persuadé qu’il est seul capable de pouvoir se protéger lui-même et... de ne pas pouvoir éviter l’accident. C’est arrivé! Ça, c’est beaucoup plus désagréable pour moi.

J’aime mieux qu’on m’appelle...

Alors pas de pluie demain, n’est-ce pas!

Au revoir!









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