Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.
Douce Mère, ici je n’ai pas compris. Tu as dit : « ... une grande aspiration de progrès, lui vient d’en haut par l’infusion et l’absorption des forces et de l’inspiration spirituelles. » (Les Quatre Austérités et les Quatre Libérations)
Douce Mère, ici je n’ai pas compris. Tu as dit : « ... une grande aspiration de progrès, lui vient d’en haut par l’infusion et l’absorption des forces et de l’inspiration spirituelles. »
(Les Quatre Austérités et les Quatre Libérations)
Qu’est-ce que tu n’as pas compris?
Le sens, Douce Mère.
Tu coupes mal ta phrase 6 . (Mère regarde le texte)
Il y a trois sources, n’est-ce pas. La troisième source est généralement fermée aux gens; elle ne leur vient qu’au moment des grandes aspirations. Quand ils ont une très grande aspiration, et qu’ils s’élèvent vers les forces supérieures, à ce moment-là, le vital peut recevoir ces forces supérieures en lui; et alors, c’est pour lui une source d’énergie considérable. Mais dans sa vie ordinaire, habituelle, il n’est pas en rapport avec ces forces-là — excepté, naturellement, s’il est transformé; mais je parle du vital ordinaire, dans la vie ordinaire. Il n’est pas ouvert à cette source de forces supérieures, et c’est pour lui, même, tout à fait inexistant. Dans l’immense majorité des gens, toute leur force vitale leur vient d’en bas, de la terre, de la nourriture, de toutes les sensations. De la nourriture... Ils tirent l’énergie vitale hors de la nourriture, et ils... C’est en voyant, en entendant, en touchant, en sentant qu’ils ont un contact avec les énergies qui sont contenues dans la Matière. Ils les tirent comme ça. Ça, c’est leur nourriture habituelle.
Maintenant, il y a des gens qui ont un vital très développé — et qui l’ont soumis à une discipline, et qui ont le sens de l’immensité —, qui sont en rapport avec le monde et les mouvements des forces du monde. Et alors, ils peuvent recevoir si dans un mouvement d’appel... ils peuvent recevoir les forces vitales universelles qui entrent en eux et qui leur redonnent la dose d’énergie dont ils ont besoin.
Il y en a d’autres, qui sont très rares — ou bien dans des moments très rares de la vie individuelle —, qui ont une aspiration vers la conscience supérieure, vers la force supérieure, la connaissance supérieure, et qui, dans cet appel, tirent vers eux des forces des domaines supérieurs. Et alors ça, ça leur redonne aussi des énergies tout à fait spéciales, d’une valeur spéciale.
Mais à moins que l’on ne fasse un yoga, une discipline régulière, généralement, cette source-là, on n’est pas souvent en contact avec elle; on attrape ça du même niveau, ou d’en bas.
Tu as dit : « La sensation est un excellent moyen de connaissance et d’éducation. » Comment?
Comment? Mais c’est par la sensation que vous apprenez : en voyant, en observant, en entendant. Les classes servent vos sensations, les études servent vos sensations, le mental reçoit les choses à travers les sensations. Par l’éducation des sensations, on favorise son éducation générale; si l’on apprend à bien voir d’une façon exacte, précise, si l’on apprend à bien entendre, si l’on apprend avec le contact à connaître la nature des choses, si l’on apprend avec l’odorat à distinguer entre les différentes odeurs, c’est un puissant moyen d’éducation. En fait, on devrait les utiliser pour cela, comme des moyens d’observation, de contrôle et de connaissance. Si on est suffisamment développé, on peut, par la vue, connaître la nature des choses; par l’odorat, connaître aussi la valeur, la nature différente des choses; au toucher, on peut reconnaître les choses. C’est une question d’éducation; c’est-à-dire qu’il faut travailler pour cela.
Par exemple, il y a une différence considérable entre la vision des gens ordinaires et la vision des artistes. Leur façon de voir les choses est beaucoup plus complète et consciente que la façon des gens ordinaires. Quand on n’a pas éduqué sa vision, on voit d’une façon vague, imprécise, et on a plutôt des impressions qu’une vision exacte. Un artiste, quand il voit quelque chose et qu’il a appris à se servir de ses yeux, il voit — par exemple, quand il voit une figure, au lieu de voir simplement une forme, comme ça, n’est-ce pas, une forme, l’ensemble d’une forme, et que, vaguement, il peut dire que cette personne ressemble ou ne ressemble pas tellement à la chose qu’il voit —, il voit l’exacte construction de la figure, la proportion des différentes parties, comment la figure est harmonieuse ou ne l’est pas, et pour quelle raison; et puis, de quel genre de type, de forme c’est; toutes sortes de choses, d’un seul coup, n’est-ce pas, avec une seule vision, comme on voit les relations entre les différentes formes.
Quand on a éduqué ses yeux à voir les choses exactement, on peut, c’est un exercice que l’on peut faire assez facilement. Par exemple, vous avez à mettre quelque chose, un objet, ou un nombre de choses, dans une boîte : la personne ordinaire aura besoin de prendre une mesure, et de mesurer la boîte et de trouver exactement ce qu’il faut. Celui qui a éduqué ses yeux, il verra les choses qui sont à mettre, et d’un seul coup il verra que c’est cette boîte-là qu’il faut; ou bien, si vous avez un liquide à verser, il saura exactement la dimension de la bouteille, parce que son œil a l’habitude de mesurer et il peut, en voyant la chose, savoir exactement quelle est sa dimension. Par exemple, n’est-ce pas, un autre exemple : vous avez à mettre une bague à un doigt de quelqu’un. Les gens ordinaires sont obligés de prendre les bagues et de les essayer l’une après l’autre, jusqu’à ce qu’ils trouvent celle qui est à la vraie mesure. Celui qui aura éduqué ses yeux, il regarde le doigt et il regarde les bagues; il ne se trompera pas et prendra tout de suite la bague qui va exactement, sans faire de faute. Eh bien, ça, cette sorte d’éducation pour les yeux, on peut la faire pour l’ouïe, pour distinguer les sons et toutes les qualités de son. On peut la faire avec l’odorat, distinguer les odeurs et les différentes qualités des odeurs; le goût, la même chose.
Et si l’on aborde les choses avec cette idée-là — d’étudier, d’arriver à développer l’exactitude de la perception et la relation des choses entre elles —, alors, au lieu de vivre dans la sensation pour la sensation (c’est-à-dire : oh! c’est agréable ou c’est désagréable, j’aime ça ou je ne l’aime pas, et tout ce genre de sottises), on connaît la qualité des choses, leur emploi et leurs relations entre elles par cette étude des sens. Cela vous met en rapport avec le monde d’une façon tout à fait consciente. Pour tout, le moindre détail...
Par exemple, vous êtes obligé de faire la cuisine et vous voulez faire un plat qui soit bon. Eh bien, si vous n’avez pas éduqué vos sens, il faudra que vous essayiez un petit peu de ceci, ou un petit peu de cela, et puis que vous goûtiez, et puis que vous corrigiez, vous arrangiez. Si vous avez votre éducation du goût, vous savez très bien — le goût et l’odorat en même temps, ce sont deux choses qui sont très proches et qui doivent se compléter l’une l’autre —, vous savez quel genre de nourriture vous êtes en train de cuire, vous avez l’odeur de la chose que vous êtes en train de cuire, et alors, à cause de cette odeur et de la nature de la chose, vous saurez exactement quelle autre chose vous pouvez mettre avec pour compléter le goût, ce qu’il faut ajouter de ceci, ajouter de cela, toutes sortes d’ingrédients, n’est-ce pas, combiner les choses; combiner, par exemple, les différents légumes ou les différents goûts des choses, de façon à ce que cela fasse un tout homogène. Et alors, vous aurez un plat sans avoir besoin toutes les trois minutes de goûter pour savoir si vous avez mis assez de sel ou assez de poivre, assez de beurre, ou... vous saurez exactement ce qu’il faut faire et vous le ferez sans une erreur.
C’est la même chose pour l’odorat. Si vous avez cultivé votre odorat, par exemple, vous pouvez mélanger des choses avec une proportion exacte, savoir la nature... la nature d’un parfum par exemple, savoir avec quel autre parfum... Mettez des fleurs, on sent : eh bien, il y a des odeurs qui sont en désharmonie. Si vous les mettez ensemble, cela fait quelque chose qui grince, qui n’a pas de... d’harmonie, d’unité. Mais si vous avez cultivé votre odorat, quand vous aurez cette odeur, vous saurez exactement quels sont les genres d’odeurs qui peuvent harmonieusement aller avec celle-là. Et vous pourrez rapprocher les choses qui sont faites pour aller ensemble.
Les couleurs, c’est la même chose. L’éducation des couleurs, c’est formidable dans le détail et la complexité. Si vous apprenez à distinguer toutes les couleurs, à savoir à quelle famille de couleurs cela appartient, quel genre d’harmonie cela peut faire : vous savez, c’est la même chose. Vous pouvez avoir la mémoire de la couleur comme vous avez la mémoire de la forme. Vous voulez assortir toutes les choses... Par exemple, vous voulez assortir deux choses : vous voulez assortir un manteau avec une jupe, ou une... n’est-ce pas, n’importe quoi... ou bien un genre d’étoffe avec un autre. Généralement, vous êtes obligé d’en prendre un, et puis d’aller, et puis de comparer avec les autres; et finalement, après beaucoup d’efforts, si vous n’êtes pas trop maladroit, vous finissez par trouver. Mais si vous avez l’éducation de la couleur, vous regardez la couleur une fois, et vous allez tout droit à ce qui va avec, sans hésitation, parce que vous vous souvenez exactement quelle est la nature de cette couleur, et vous allez à une nature de couleur qui peut s’accorder avec cela.
Mais, n’est-ce pas, pour s’éduquer, on peut faire des tas, des tas de... presque des jeux, n’est-ce pas. Vous avez toute une série de choses, prenez n’importe quoi : des bouts d’étoffe, de n’importe quoi, des bouts de ruban, des bouts de papier, beaucoup de couleurs différentes. Et puis alors, vous les arrangez pour avoir une « gamme », et vous voyez dans quel ordre il faut les mettre : à côté de ça, qu’est-ce qui doit aller? À côté de ça, qu’est-ce qui doit aller? Et ainsi de suite. Et vous faites une gamme ininterrompue, de façon que rien ne crie et que vous puissiez aller d’un extrême des couleurs à l’autre.
Il y a des occasions innombrables de faire des choses comme ça. On ne les utilise pas. Mais si l’on regarde le problème du point de vue de l’éducation, vous avez constamment l’occasion d’éduquer, constamment. Il paraît que les gens font des fautes de goût terribles; si vous saviez, au point de vue harmonie artistique, on vit dans un chaos, simplement! Prenez seulement les relations des couleurs entre elles — il y a bien d’autres choses, il y a la relation des formes qui est encore bien plus compliquée, mais la relation des couleurs : on prend une couleur, puis on la met avec une autre; et puis il se trouve que ce sont des familles de couleurs qui ne vont pas ensemble. Alors, quand on n’a pas d’éducation, quelquefois on ne s’en aperçoit même pas. Quelquefois, on se dit : « Tiens, ce n’est pas très joli... » Mais on ne sait pas pourquoi, on ne se rend pas compte du tout du pourquoi. Mais quand on est éduqué, quand on a éduqué son œil, d’abord on ne fait jamais une faute comme ça, on ne met jamais ensemble deux choses qui ne vont jamais ensemble; mais si, par hasard, sur quelqu’un d’autre on voit des choses qui ne sont pas du tout faites pour aller ensemble, on n’a pas cette espèce d’impression vague de dire : « Oh! ce n’est pas joli, oh! ce n’est pas bien », une sorte de chose vague... On ne sait pas pourquoi ce n’est pas joli, ce n’est pas agréable. Et c’est exactement parce que cette couleur-là est de cette famille de couleurs, et cette couleur-là est de cette famille de couleurs, et que, si vous mettez ces deux familles différentes ensemble, sans avoir des choses intermédiaires pour les harmoniser, ça hurle. Vous pouvez porter remède immédiatement, parce que vous savez où est la faute.
Eh bien, au point de vue des formes, c’est la même chose, n’est-ce pas. Vous arrangez une chambre. Vous mettez n’importe quoi, à n’importe quel endroit, et alors, quand vous entrez... quelqu’un qui a un sens d’harmonie éprouve un malaise. On a l’impression qu’on entre dans un chaos. Mais si vous avez le sens des formes et des couleurs... il faut ajouter à cela le sens de l’ordre et de l’organisation... mais enfin, même sans avoir ce sens utilitaire de l’ordre et de l’organisation, si vous avez un vrai sens de la forme — des formes qui doivent se compléter et s’harmoniser, et des couleurs qui doivent se compléter et s’harmoniser —, quand vous avez une chambre à arranger, même si vous avez trois meubles, vous les mettez à la bonne place. Mais la plupart des gens ne savent pas, cela ne fait pour eux aucune différence. Ils ne pensent qu’à une chose : « Oh, ce sera plus commode d’avoir ça ici, et plus commode d’avoir ça là »; et puis quelquefois, ils ne pensent même pas à ça, ils mettent les choses n’importe où.
Mais alors, quand ils entrent dans leur chambre, là où ils doivent vivre pendant plusieurs heures de leur vie, ils entrent dans une confusion et un désordre; et s’ils ne sont pas sensitifs, ils ne s’en aperçoivent pas, ils n’ont pas de malaise. Mais cela ne contribue pas à les harmoniser intérieurement. Tandis que si l’on a... Vous avez une chambre qui est comme ça ; dans cette chambre qui a cette proportion-là, il faut que vous mettiez un certain nombre donné de meubles, pas plus, pas moins; et il faut qu’ils soient arrangés dans cet ordre-là. Par exemple, il y a une harmonie des lignes, n’est-ce pas; et si vous mettez les choses sans considérer cette harmonie des lignes, alors immédiatement vous avez l’impression de quelque chose qui crie. Tandis que si vous savez là où il faut une courbe, là où il faut un angle, là où il faut quelque chose de petit, là où il faut quelque chose de grand, et que vous le mettiez dans un ordre... Même, mettez, quatre meubles : vous pouvez les mettre à la bonne place ou à la mauvaise place; et il se trouve que si vous avez vraiment du goût et que vous êtes bien éduqué, votre organisation harmonieuse sera aussi la plus pratique. Il y a des gens, n’est-ce pas, qui entassent dans une petite place un nombre considérable de choses, et les mettent d’une façon si maladroite qu’ils ne peuvent même pas bouger sans se cogner quelque part.
J’en connais, des gens comme ça. Ils entrent dans leur chambre, et ils passent leur temps à se cogner ici, à se cogner là ; et alors, il faut qu’ils fassent des détours et toutes sortes de gestes extraordinaires pour pouvoir se servir des choses dont ils ont besoin. Et ils n’y pensent pas, ils n’y pensent pas, c’est arrivé comme ça... La plupart des gens sont tellement inconscients que, quand on leur demande : « Pourquoi c’est comme ça ? » — « C’est arrivé comme ça, ça se trouve comme ça... » Ça s’est trouvé comme ça, voilà, par hasard! Et ils vivent toute leur vie « par hasard », des choses arrivent comme ça... Eh bien ça, c’est un manque d’éducation des sens. Si vous les éduquez vraiment dans le sens véritable, d’abord vous échappez immédiatement à cette chose insupportable, n’est-ce pas : « C’est agréable, c’est désagréable, ça fait plaisir, c’est un déplaisir... Oh! quelle sensation désagréable! » On ne sait pas pourquoi, d’ailleurs, c’est seulement ça. Et puis, tout d’un coup : « Ah! comme c’est agréable! »
Et puis alors, on mange de quelque chose... beaucoup trop, parce qu’on l’a trouvé bon, et puis on se rend malade. Ou bien, on ne peut pas prendre un remède parce qu’il n’est pas agréable et alors... on n’a pas même un remède — je dis quelque chose qui fait du bien! Il m’arrive bien des fois de dire aux gens : « Mais pourquoi est-ce que vous ne prenez pas cela ? » — « Oh, c’est si mauvais! » Mais si cela fait du bien, cela ne doit pas vous paraître mauvais. Si vous êtes conscient vous devez sentir le bien que ça fait, et ça empêche de sentir le mauvais.
C’est l’ignorance des sens qui vous livre à cette impression. N’est-ce pas, on peut commencer tout petit, tout petit, l’éducation, et on peut faire cela jusqu’à plus de cent ans. Et alors, vraiment, au-dedans de soi, d’abord, on ne devient jamais vieux, parce que c’est toujours intéressant et toujours l’on fait un progrès; et finalement, au bout d’un certain temps, pas très longtemps, quelque chose comme une vingtaine d’années — ce n’est pas beaucoup —, vous arrivez à vous servir de vos sens d’une façon logique, rationnelle, utile, et cela vous aide à entrer en rapport avec le monde d’une façon consciente. Autrement, vous allez comme des demi-aveugles, à tâtons dans l’obscurité, là, comme ça... (geste) à tâcher de trouver votre chemin, et à chaque pas on se cogne quelque part. Ou bien alors, on se trompe de route, et alors il faut recommencer! On fait une faute, il faut la reprendre. Et je vous dis, c’est comme un petit exercice que vous pouvez faire, que l’on peut faire pendant n’importe quel... « Pourquoi c’est comme ça ? Pourquoi avezvous fait ça ? » — « Je ne sais pas! » — « Pourquoi avez-vous arrangé cela comme ça ? » — « Je ne sais pas! » Si vous êtes honnête vis-à-vis de vous-même, vous serez obligez de vous dire cent fois par jour : « Je ne sais pas! »
Je ne crois pas qu’il y en ait un sur cent qui fasse les choses consciemment et volontairement, et qui soit en accord avec un principe intérieur du goût ou un sens d’harmonie. Il y en a, mais ils ne sont pas nombreux. Et même ceux-là, qui ont un goût inné (il y a des gens qui ont un goût inné, qui ont des sens raffinés à leur naissance — ils doivent faire une petite action de grâce à leurs parents tous les jours, parce que c’est une chose très rare, et qu’ils doivent être nés sous une bonne étoile), et même ceux-là, ils peuvent arriver alors, par l’éducation, à une perfection extraordinaire. Pour développer le sens de l’observation, on fait maintenant — c’est à la mode —, on fait des exercices pour cela. Je crois que... je ne sais pas, peut-être qu’on vous le fait faire à vous aussi : toutes sortes d’exercices de tous genres, comme par exemple, de mettre sur une table un certain nombre d’objets, comme ça. Et puis alors, on fait entrer les élèves dans la classe — certains objets mis à certains endroits : on les fait entrer, on les garde quelques secondes, et on les fait ressortir. Et puis alors, on demande ce qu’il y avait sur la table. Alors c’est intéressant de voir qui a vu. Ils savent naturellement qu’ils ont à voir quelque chose; on les prévient, on ne les prend même pas par surprise. On les prévient, on leur dit : « Vous regardez. »
Et alors, ceux qui peuvent dire exactement combien il y avait d’objets, et à quelles places ils étaient, ceux-là ce sont des éléments de première classe. Mais vous pouvez le faire pour vous-même comme exercice, c’est très intéressant. Vous entrez quelque part... Vous entrez chez un ami, et puis vous sortez au bout d’un petit moment et vous vous dites : « À quel endroit étaient les meubles? Comment étaient-ils arrangés? Quels objets y avait-il sur la table? » Vous verrez si vous vous souvenez et si vous avez observé exactement. De quelle couleur étaient les rideaux ? De quelle couleur étaient les coussins? Toutes sortes de choses; c’est un domaine interminable.
Quand l’un des organes fait défaut?
Eh bien! il faut l’éduquer.
Je veux dire quand il n’est pas très bon.
Eh bien! on le développe, on peut le développer. On peut développer tout, méthodiquement. Ça, c’est encore une autre chose, cette espèce de soumission à une fatalité. « Oh! j’ai de mauvais yeux ! Oh! j’ai un nez qui ne marche pas! Oh! j’ai des oreilles qui ne valent rien! » Et puis alors, on passe son temps à se répéter : « J’ai de mauvais yeux... » Alors, cela devient de pire en pire, à moins qu’il n’y ait, n’est-ce pas — oui, évidemment, il peut y avoir à la naissance des gens qui n’ont pas d’yeux du tout. Mais alors ça, c’est sans espoir, on ne peut pas les réparer. Mais ceux qui ont simplement... La plupart des gens ont un organe qui est mauvais parce qu’ils n’ont pas su s’en servir; parce que, depuis tout petits, ils ne s’en sont pas bien servis; et en tout cas on peut améliorer au point que — par l’éducation —, au point qu’ils deviennent tout à fait suffisants.
Naturellement, vous me direz : il y a des gens qui n’ont pas de jambes, et puis il y a des gens qui n’ont pas de doigts, ou qui... Cela peut arriver; alors à ceux-là, je ne leur dirai pas : « Servez-vous de vos jambes ou de vos doigts! » On est raisonnable. Mais je crois que, si on prend les enfants tout petits, il y en a très peu qu’on ne puisse pas rectifier au point qu’ils deviennent normaux, sinon exceptionnels, au moins normaux. Naturellement, il peut y avoir des accidents, ça, c’est autre chose. Mais même l’accident, on peut diminuer son importance et ses conséquences avec une éducation appropriée au moment voulu. N’est-ce pas, c’est tout à fait la même chose que la brousse ou la forêt vierge, et le jardin cultivé. Évidemment, la brousse et la forêt vierge peuvent avoir leur beauté, mais en tout cas c’est un chaos : c’est la beauté du chaos. Tandis que, vous avez un jardin cultivé : vous pouvez, en un espace donné, avoir toutes les espèces de fleurs, par exemple, et faire produire un maximum de choses. Eh bien, un corps humain, c’est comme ça. Si ça pousse comme ça, comme ça veut, c’est une brousse ou une forêt vierge, une jungle. Mais si vous le prenez tout petit, et que vous en prenez grand soin, eh bien, cela pourra devenir un très beau jardin; et les éléments sont les mêmes. On ne vous dit pas de changer la nature du sol, on vous dit de cultiver, au lieu de laisser aller à sa propre manière, en désordre.
Naturellement, il y a des gens qui vous disent : « Oh! la brousse, c’est beau, c’est plus beau que le jardin! » Cela dépend du point de vue; mais alors, nous ne parlerons plus d’éducation, ce n’est pas la peine. On ne parlera plus de contrôle de soi, ce n’est pas la peine. On ne parlera plus de discipline, on ne parlera plus de yoga, on laissera la nature aller à sa propre manière, comme elle veut. Ça l’amuse, mais il y a des gens que ça n’amuse pas. Alors ceux-là, ils aiment mieux faire autrement. Ceux que ça amuse peuvent continuer si ça leur plaît, mais ceux que ça n’amuse pas, il faut qu’ils aient le pouvoir de faire autrement. Il y en a qui trouvent que tout est très bien. Ils le trouvent jusqu’à ce qu’il leur arrive quelque chose de suffisamment désagréable; alors, à ce moment-là, le petit ego dit : « Oh, oui! ce n’est plus si bien que je croyais! » Mais enfin, pendant une certaine période, il y a des gens qui disent : « Comment! Mais je n’ai rien à reprocher au monde. C’est tout à fait charmant. » Laissez-les jouir de leur monde. Mais autrement, si nous voulons en faire quelque chose, eh bien, il faut cultiver le jardin. Voilà !
Douce Mère, il y a beaucoup de gens qui nous disent de poser des questions pour la classe. Douce Mère, si ce n’est pas nos questions, qu’est-ce qu’il faut faire?
Eh bien! tu peux m’en donner une... Si je la trouve intéressante, je répondrai, si je ne la trouve pas intéressante, on la laissera... Quelle... Donne-moi un exemple.
Pas aujourd’hui, Douce Mère.
(Un autre enfant) Ça arrive très souvent.
(Un autre enfant) Au nord de l’Inde, un enfant a été élevé par un loup.
Quoi, quoi?
Élevé par un loup.
Ah, oui. J’ai vu les photographies, oui!
Comment c’est arrivé?
Comment c’est arrivé? Ah! mais je n’en sais rien. Je ne suis pas au courant de cette aventure. J’ai vu une photographie, c’est tout; et j’ai trouvé que ce n’était pas intéressant du tout, et qu’on faisait beaucoup de bruit autour de quelque chose qui n’avait aucun intérêt. Cet enfant est une chose hideuse. Une petite monstruosité. C’est tout.
L’être psychique qui était incarné en lui avant de naître voulait avoir une sorte d’expérience, n’est-ce pas? Mais cet accident qui arrive dès la naissance... qu’est-ce qui arrivera ?
Peut-être qu’il voulait l’accident, qu’est-ce que tu sais, toi? Il pouvait avoir justement le désir d’avoir une expérience de ce genre. Je ne sais pas. J’ai vu la photographie... il n’y avait pas l’air d’y avoir beaucoup d’être psychique là-dedans! (rires) C’était plutôt un rudiment de quelque chose, une possibilité qui se réalisera dans des siècles et des siècles. Mais enfin, même si c’était un être psychique conscient qui voulait une expérience, peut-être qu’il voulait celle-là, peut-être qu’il s’était dit : « Quelles sortes de sensations peut-on avoir si on est nourri par une louve au lieu d’être nourri par une femme? » Ça ne doit pas être très palpitant, mais enfin, peut-être que c’était quelqu’un qui avait été frappé par l’histoire des débuts de Rome et qui voulait voir comment c’était, si c’était vrai; mais en tout cas ce n’était pas réussi. L’histoire de Kipling est plus jolie que cette histoire réelle. Le petit, là, il avait été nourri par une louve... il s’appelait... Mowgli, n’est-ce pas? Mais au moins il était bien, il était joli; tandis que cet enfant, c’est une horreur! C’est quelque chose de... ce n’est pas intéressant. C’est ce genre de questionslà qu’on vous donne?
Pas toujours.
Quelque chose de mieux que ça ?
Oui.
Et alors, vous n’en avez pas comme ça pour aujourd’hui? Non? Alors on va terminer. Au revoir.
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