CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


mai




Le 5 mai 1954

Cet Entretien est basé sur Les Éléments du Yoga, chapitres IV et V, « La Sincérité » et « La Foi ».

« Q : Quelle est la bonne attitude pour adhérer à ce sentier tant que la Vérité supramentale n’est pas réalisée? R : Il y a l’état psychique, la sincérité et la dévotion à la Mère. »

Qu’est-ce que « l’état psychique » ?

L’état psychique? Cela veut dire être en relation avec son psychique, je suppose, être gouverné par son être psychique.

Douce Mère, je ne comprends pas très bien la différence entre la foi, la croyance et la confiance.

Mais Sri Aurobindo a donné toute l’explication là. Si tu ne comprends pas, alors...

Il a écrit : « La foi est un sentiment dans l’être tout entier. »

Entier, oui. La foi, c’est l’être tout entier à la fois. Il dit que la croyance, c’est quelque chose qui se passe dans la tête, qui est purement mental ; et la confiance, c’est autre chose. La confiance, on peut avoir confiance dans la vie, confiance en le Divin, confiance dans les autres, confiance en son destin, c’està-dire qu’on a l’impression que tout va contribuer à nous aider, à faire ce que l’on veut faire.

La foi, n’est-ce pas, la foi c’est une certitude sans preuve.

Mère, de quoi dépend la foi?

Probablement de la Grâce divine. Il y a des gens qui l’ont spontanément. Il y a des gens qui doivent faire de grands efforts pour l’avoir.

Comment peut-on augmenter la foi?

Aspiration, je suppose. Certains ont cela spontanément... N’est-ce pas, c’est difficile de prier si l’on n’a pas la foi, mais si l’on peut se servir de la prière pour augmenter sa foi, ou aspirer, avoir une aspiration, avoir une aspiration pour avoir la foi... la plupart de ces qualités demandent un effort. Si l’on n’a pas quelque chose et si on veut l’avoir, eh bien, il faut de grands, grands, grands efforts soutenus, une aspiration constante, une volonté qui ne fléchit pas, une sincérité de chaque minute; alors on est sûr, ça viendra un jour — ça peut venir en une seconde. Il y a des gens qui l’ont, et puis ils ont des mouvements contraires qui viennent et qui attaquent. Ceux-là, si leur volonté est sincère, ils peuvent mettre leur foi à l’abri, repousser les attaques. Il y en a d’autres qui cultivent le doute, parce que c’est une espèce de dilettantisme; ça, il n’y a rien de plus dangereux. C’est comme si l’on admettait le ver dans le fruit; il finit par le manger tout entier. C’est-à-dire que quand un mouvement comme cela vient (il vient généralement d’abord dans le mental), la première chose à faire, c’est d’être très énergique et de le refuser. Il ne faut certes pas s’amuser à regarder pour voir ce qui va se passer; ça, cette curiosité-là est terriblement dangereuse.

Il est peut-être plus difficile pour les gens intellectuels d’avoir la foi que pour les gens qui ont un cœur simple, sincère et droit et pas de complications intellectuelles. Mais je crois que si un être intellectuel a la foi, alors cela devient très puissant, une chose très puissante qui peut vraiment produire des miracles.

Douce Mère, d’où vient la détermination?

Ce sont généralement ceux qui ont une volonté et qui appliquent leur volonté à leurs actions.

Si on a la foi en le Divin et si on a la confiance aussi, quelle est la différence entre la foi et la confiance?

La foi est une chose beaucoup plus intégrale (c’est ce que Sri Aurobindo a écrit), beaucoup plus intégrale que la confiance. N’est-ce pas, vous avez confiance en le Divin, dans le sens que vous êtes convaincu que tout ce qui viendra de Lui sera toujours le meilleur pour vous : quelle que soit sa décision et quelle que soit l’expérience qu’Il vous envoie ou les circonstances dans lesquelles Il vous met, ce sera toujours ce qu’il y a de meilleur pour vous. Ça, c’est la confiance. Mais la foi — cette espèce de certitude inébranlable en l’existence même de Dieu —, la foi est une chose qui prend l’être tout entier. Ce n’est pas seulement mental, psychique ou vital : c’est tout l’être, tout entier, qui a la foi. La foi mène à l’expérience tout droit.

La confiance ne peut-elle pas être tout entière?

Pas nécessairement. Mais il y a une nuance — enfin, je ne sais pas, ce n’est pas la même chose.

On s’est donné totalement à l’Œuvre divine, on a la foi en elle, non seulement dans sa possibilité, mais on a la foi que c’est la chose qui est vraie et qui doit être, et on se donne tout entier à ça, sans se demander ce qui arrivera. Et alors, là-dedans, ou là-dessus, peut se greffer une certitude, une confiance qu’on est capable d’accomplir, c’est-à-dire d’y participer et d’accomplir puisqu’on s’est donné à elle. Une confiance que ce qu’on va faire, ce que l’on veut faire, on pourra le faire; que cette réalisation que l’on veut atteindre, on l’atteindra. Le premier ne pose pas de questions, il ne songe pas aux résultats : il se donne tout entier — il se donne et puis c’est fini. C’est une chose qui vous absorbe tout entier. L’autre peut se greffer dessus. La confiance dit : « Oui, je participerai, je réaliserai ce que je veux réaliser, je ferai partie effectivement de cette Œuvre. » Pour l’autre, on a foi en le Divin, que c’est le Divin qui est tout, et peut tout, et fait tout... et qui est la seule existence réelle — et on se donne entièrement à cette foi, au Divin, c’est tout. On a la foi en l’existence du Divin, et on se donne; et il peut aussi se greffer là-dessus une confiance que cette relation qu’on a avec le Divin, que cette foi qu’on a en le Divin, fera que tout ce qui vous arrive, quoi que ce soit, tout ce qui vous arrive sera non seulement l’expression de la Volonté divine (ça, c’est entendu), mais aussi le meilleur qui pourrait vous arriver, que rien de meilleur ne pourrait vous arriver puisque c’est le Divin qui le fait pour vous. Cette attitude-là ne fait pas partie nécessairement de la foi, parce que la foi ne se demande rien, elle ne demande pas quelle sera la conséquence de son don de soi — elle se donne, et puis c’est tout. Tandis que la confiance peut venir vous dire : voilà quel sera le résultat. Et c’est un fait absolu, c’est-à-dire que de la minute où l’on se donne entièrement au Divin, sans calcul, dans une foi totale, sans aucun marchandage d’aucun genre — on se donne, et puis arrivera ce qui arrivera : « ça ne me concerne pas, je me donne » — automatiquement ce sera pour vous, toujours, en toutes circonstances, à chaque minute, le meilleur qui arrivera... pas tel que vous le concevez (naturellement la pensée ne sait rien), mais en fait. Eh bien, il y a une partie de l’être qui peut se rendre compte de cela et avoir cette confiance. C’est quelque chose qui s’ajoute et qui donne une force de plus à la foi, une force... comment dire... d’acceptation totale et d’utilisation la meilleure de ce qui peut arriver.

Il y a un état où l’on s’aperçoit que l’effet des choses, des circonstances, de tous les mouvements et de toutes les actions de la vie sur la conscience dépend presque exclusivement de votre attitude vis-à-vis de ces choses. Il y a un moment où l’on devient assez conscient pour s’apercevoir que les choses en elles-mêmes ne sont vraiment ni bonnes ni mauvaises : elles ne le sont que vis-à-vis de nous; leur effet sur nous dépend absolument de l’attitude que nous avons à leur égard. La même chose, identiquement, si nous la prenons comme un don de Dieu, comme une grâce divine, comme l’effet de l’Harmonie totale, nous aide à devenir plus conscients, plus forts, plus vrais, tandis que si nous la prenons (exactement la même circonstance) comme un coup donné par le sort, comme une force mauvaise qui veut nous affecter, cela nous diminue, cela nous alourdit, et cela nous enlève et la conscience et la force et l’harmonie. Et la circonstance en elle-même est identiquement la même — cela, je voudrais que vous ayez tous cette expérience-là, parce que quand vous l’avez, vous devenez maître de vous-même. Non seulement maître de vous-même mais, en ce qui vous concerne, maître des circonstances de votre vie. Et cela dépend exclusivement de l’attitude que vous prenez, et ce n’est pas une expérience qui se passe dans la tête — ça commence là, mais c’est une expérience qui peut se passer dans le corps lui-même. Au point que... cela, c’est une réalisation qui naturellement demande beaucoup de travail, de concentration, de maîtrise de soi, de conscience poussée dans la matière, mais l’aboutissement peut être que, suivant la manière dont le corps reçoit les chocs du dehors, l’effet peut être différent. Et si vous arrivez à une perfection dans ce domaine-là, alors vous devenez le maître des accidents. J’espère que cela va arriver. C’est possible. C’est non seulement possible, c’est certain. Seulement c’est un pas en avant. C’est-à-dire que ce pouvoir que vous avez — qui est déjà pleinement, formidablement réalisé dans le mental — d’agir sur les circonstances au point qu’elles changent totalement dans leur action sur vous, ce pouvoir-là peut descendre dans la Matière, dans la substance elle-même, dans les cellules du corps, et donner ce même pouvoir au corps vis-à-vis des choses qui sont autour de lui.

Ça, ce n’est pas une foi, c’est une certitude provenant d’une expérience.

L’expérience n’est pas totale, mais elle est là.

Ça vous ouvre des horizons, c’est le chemin, c’est un pas sur le chemin qui mène à la transformation.

Et la conclusion logique, c’est qu’il n’y a rien d’impossible. C’est nous qui mettons des limitations. Tout le temps nous disons : « Ça, c’est possible; ça, c’est impossible; ça, ça peut se faire; ça, ça ne peut pas se faire; oh, oui! ça, c’est vrai, c’est faisable, c’est même fait, mais ça, c’est impossible. » C’est nous qui nous mettons comme des esclaves, tout le temps, dans la prison de nos limites, d’un bon sens stupide, borné, ignorant, qui ne sait rien des lois de la vie. Les lois de la vie ne sont pas du tout ce que vous pensez, ni ce que les gens les plus intelligents pensent. C’est tout autre chose. Mettre le pas, surtout le premier pas, sur le chemin, alors on commence à s’apercevoir.

Douce Mère, ici il est écrit :

« Q : Est-ce un signe de sincérité que d’avouer ses faiblesses et ses défauts au Divin et aux autres?

R : Pourquoi aux autres? On doit les avouer au Divin.

Q : Mais si l’on fait du mal à quelqu’un, n’est-il pas nécessaire de le lui avouer? Suffit-il de l’avouer au Divin?

R : Si cela concerne les autres personnes on peut le faire. »

C’est inoffensif. Vous pouvez aller le faire si cela vous fait plaisir... au fond, si cela vous donne du repos et si cela vous permet de faire un progrès, si vous sentez que vous avez besoin de faire cela pour faire un progrès, c’est très bien.

Douce Mère, est-ce qu’il peut arriver qu’une personne soit très insincère mais qu’elle soit inconsciente de son insincérité?

Je crois que dans un cas comme cela, elle n’est plus insincère : elle est mauvaise; parce que si l’on sait qu’on est insincère et qu’on persiste en son insincérité, c’est de la méchanceté, n’est-ce pas. C’est que l’on a des intentions mauvaises, autrement pourquoi persisterait-on dans son insincérité?

J’ai dit « si on est inconscient » ?

Alors comment peut-on être conscient et inconscient en même temps? C’est justement cela qui est impossible. Si l’on est conscient de son insincérité, on ne peut pas être inconscient de son insincérité. C’est impossible. Les deux ne peuvent pas exister en même temps!

Mais si l’on est insincère et que l’on ne sait pas où réside cette insincérité?

Oh! on ne sait pas?... C’est parce qu’on n’est pas suffisamment sincère et qu’on ne se regarde pas. Parce que ça, je vous garantis que si vous êtes conscient que vous êtes insincère, vous savez où c’est. Autrement, vous ne pourriez pas être conscient de votre insincérité. Par exemple, dans une circonstance, on sait; on sait qu’on devrait faire ceci : « je devrais faire ça », et en même temps on n’a pas envie de le faire, hein! et alors, au-dedans de soi, on trouve un moyen, une espèce de moyen de se tromper soi-même et de ne pas le faire, parce qu’on n’a pas envie de le faire — hein, ça arrive, très souvent! (rires) Et alors si, à ce moment-là, au moment où vous êtes en train de faire ce petit travail intérieur pour trouver une excuse pour ne pas faire ce que vous ne voulez pas faire, si à ce moment-là vous vous rendez compte que vous êtes insincère et que vous continuez à le faire, cela veut dire que vous êtes perverti. Moi, c’est ce que j’appelle être méchant, mauvais. Mais si vous vous rendez compte que vous êtes insincère, cela veut dire que vous êtes conscient que vous êtes insincère, et comment pouvez-vous dire « je ne suis pas conscient de mon insincérité »?... Quatre-vingt-dix fois sur cent, on le fait sans le savoir. C’est cela, la misère. C’est qu’on se trompe soi-même avec tant de facilité que l’on trouve de bons trucs pour ne pas faire ce que l’on ne veut pas faire, ou l’opposé : pour faire ce que l’on a envie de faire quand on sait très bien qu’on ne devrait pas le faire — c’est la même chose. Alors on se donne de bonnes raisons, et, malheureusement, comme je l’ai dit, la majorité des gens sont tellement inconscients qu’ils le font sans même s’en apercevoir. Ils croient qu’ils sont très sincères : « Non, sincèrement, je croyais que je devais le faire », comme ça, innocemment. Mais ça, ce n’est pas qu’ils ne sont pas sincères, du tout, c’est qu’ils sont tout à fait inconscients. Mais si l’on est un tout petit peu conscient de ce qui se passe au-dedans de soi, on s’aperçoit très bien du petit truc que l’on a fait et comment on a trouvé, on a été dénicher quelque part, d’une si jolie manière, une excellente excuse pour faire ce que l’on voulait faire. Alors qu’on sait très bien qu’on ne doit pas le faire. Ce sont les deux, n’est-ce pas : un jeu entre l’inconscience et l’insincérité, l’insincérité et l’inconscience, comme ça. Mais si vous me dites : « Je suis conscient de mon insincérité », alors naturellement, à ce moment-là, il y a le fait — est-ce que vous avez décidé que vous resterez dans l’obscurité, ou est-ce que vous voulez progresser? Là, le problème se pose. Si vous êtes conscient de votre insincérité, vous n’avez qu’une chose à faire, c’est de mettre le fer rouge et de vous rendre sincère. Ça fait cet effet-là. Il faut prendre un fer rouge : ça brûle bien, et puis... ouille!... comme ça.

Sur le moment, ça fait un petit peu mal, après on est très tranquille.

Douce Mère, tu as écrit : « La sincérité est la clef de la porte divine. »

Que veut dire cela ?

C’est une image littéraire, mon enfant, c’est une façon imagée, figurée, littéraire, d’exprimer le fait que, avec la sincérité, on peut arriver partout, même jusqu’au Divin. Si on veut ouvrir une porte, il faut une clef, n’est-ce pas? Eh bien, pour la porte qui vous sépare du Divin, la sincérité fait l’effet de clef, et ouvre la porte et vous fait entrer, c’est tout.

Bonne nuit.









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