CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1954 Vol. 6 of CWM (Fre) 533 pages 2009 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur son livre Éducation, et sur trois œuvres courtes de Sri Aurobindo : Les Éléments du Yoga, La Mère et Les Bases du Yoga.

Entretiens - 1954


décembre




Le 8 décembre 1954

Cet Entretien est basé sur le chapitre II de Les Bases du Yoga, « Foi, Aspiration, Soumission ».

Douce Mère, qu’est-ce que cela veut dire, « la soumission psychique dans le physique » ?

Mais nous avons dit cela la dernière fois, non? Je crois que oui. C’est la soumission psychique s’exprimant dans la conscience physique, c’est-à-dire que la conscience physique prend une attitude de soumission psychique. La conscience physique reçoit l’influence du psychique et prend cette attitude que donne la soumission psychique. Nous avons dit cela ; je suis sûre que j’ai dit quelque chose de tout à fait analogue.

(À une enfant) Et toi, tu as dit que tu avais quelque chose?

Ici, on dit : « Développez la conscience cosmique. » Comment faut-il faire?

Cosmique? Tiens! On m’a demandé cela, déjà. Quelqu’un m’a demandé : « Comment apprendre aux enfants à développer la conscience cosmique? » Et alors j’ai répondu : « Développez-la en vous-même d’abord. »

Comment le faire? Tu sais ce que c’est, la conscience cosmique? Il faut d’abord commencer par savoir cela. La conscience cosmique, c’est : au lieu de sentir, se sentir comme un être tout à fait séparé, isolé, différent de tout le reste, on se sent seulement comme une partie d’un immense ensemble, et qui est en relation avec tout l’ensemble, qui reçoit les mouvements et les vibrations de tous les autres, et qui transmet à tous les autres ses vibrations; que les mouvements de conscience, toutes les vibrations psychologiques ne s’arrêtent pas dans un petit individu enfermé en lui-même et qui est comme dans une carapace, sans contact avec le reste; les forces passent à travers, allant de l’un à l’autre, touchant l’un, touchant l’autre, et ces forces sont tellement complexes et multiples que l’on ne sait plus où cela commence et où cela finit. On a tout à fait l’impression d’un immense ensemble qui se meut au-dedans de lui-même. C’est quelque chose comme cela, la conscience cosmique.

Alors, d’abord, il faut penser cela ; il faut d’abord se rendre compte qu’on est un point dans l’immensité universelle, et pas isolé, tout joint. Et puis alors, il faut s’étudier, s’observer. On a tout de suite l’occasion de voir les vibrations qui viennent du dehors, qui passent à travers vous, qui ne sont pas « générées » en vous-même, que vous recevez, que vous exprimez. Alors, petit à petit, en étudiant, en regardant, en observant, on s’aperçoit de ce qui n’est pas purement limité. C’est comme cela qu’on arrive à acquérir la conscience universelle ou cosmique. Cosmique et universelle, c’est la même chose.

Ici il est écrit : « ... il ne faut ni arracher, ni agripper la réalisation. » Qu’est-ce que c’est, arracher et agripper la réalisation, Douce Mère?

Ni arracher ni...?

« ... agripper »

Tu sais ce que c’est qu’agripper? (geste de l’enfant, Mère rit) Eh bien, cela veut dire... Il dit qu’il ne faut pas ou qu’on ne peut pas?

« Il ne faut pas », Douce Mère.

C’est-à-dire, il ne faut pas essayer de le faire, parce que cela n’obéit pas à ce genre de mouvement. Ce sont les gens qui essayent de progresser par la violence. Ils n’ont pas de patience, ils n’ont pas de continuité; et quand un désir se lève en eux, il faut qu’il soit réalisé immédiatement. Alors, ils veulent obtenir quelque chose — mettons un changement dans leur caractère, ou un changement dans les circonstances, ou, n’est-ce pas, un ensemble de choses —, et alors, ils le veulent tout de suite; et comme cela ne se fait pas généralement tout de suite, ils tirent dessus. Ça, c’est ce que Sri Aurobindo appelle agripper. Ils se saisissent de cela, ils le tirent sur eux-mêmes. Mais alors, on n’a ni la vraie chose ni le vrai mouvement ; on mélange une violence à son aspiration et cela produit toujours une confusion quelque part, et par-dessus le marché, on ne peut pas avoir la vraie chose, on ne peut avoir qu’une imitation de la vraie chose; parce que ce n’est pas comme ça qu’elle vient, ce n’est pas en la tirant comme si on la tirait par la queue; elle ne viendrait pas. Agripper! On agrippe la corde quand on veut monter à la corde. C’est comme ça quand on tire! C’est justement le mouvement que l’on ne doit pas avoir une fois qu’on tient la corde.

C’est tout. Mère, de quoi dépend la volonté centrale de l’être?

Hein? De quoi elle dépend? Cela veut dire? Qu’est-ce que tu veux dire exactement? De quoi dépend sa manifestation, ou bien de quoi dépend-elle elle-même pour son existence?

Elle-même.

La volonté centrale? Elle dépend de la Volonté divine. C’est l’expression individualisée de la Volonté divine; et la Volonté divine est l’expression de la Conscience divine cherchant à se manifester, à se réaliser.

Comment se rendre compte de sa volonté centrale?

Ah, ça, c’est un autre côté du problème. Il faut d’abord se rendre compte de ce qu’il y a de plus élevé, de plus vrai, justement de plus universel et de plus éternel dans sa conscience.

Cela s’apprend petit à petit. On apprend à discerner entre ses mouvements ordinaires, extérieurs, et les différentes gradations de ses mouvements de conscience intérieurs. Et si on continue avec une certaine obstination, on s’aperçoit de ce qui met en mouvement cette partie la plus haute de son être, qui représente l’idéal de l’être. Il n’y a pas d’autre moyen. Quelquefois, cela s’éveille par une lecture, quelquefois par une conversation, quelquefois par un événement plus ou moins dramatique, c’està-dire inattendu, et qui vous donne un choc, qui vous secoue, qui vous sort de votre petite ornière habituelle. Quelquefois, quand on est dans un très grand danger, tout à coup, on se sent comme au-dessus de soi-même, et au-delà de sa petite infirmité habituelle, contenant quelque chose de supérieur qui peut tenir tête aux circonstances.

Ce sont des occasions qui vous font d’abord entrer en contact avec cela. Après, par une discipline méthodique, on peut rendre le contact continu; mais cela prend du temps généralement. Mais d’abord, on l’a comme ça, tout d’un coup, pour une raison ou une autre.

(long silence)

Cela peut venir avec une très forte émotion, avec un très grand chagrin, avec un très grand enthousiasme. Quand on est appelé à faire une action un peu exceptionnelle, dans des circonstances un peu exceptionnelles, tout d’un coup, on sent quelque chose comme se briser ou s’ouvrir au-dedans de soi, et on sent comme si l’on se dominait soi-même, comme si l’on était monté sur un échelon supérieur et que, de là, on se regardait être avec le sens habituel. Une fois qu’on a eu cela, on n’oublie pas; même si on l’a eu une fois seulement, on ne l’oublie pas. Et on peut, par une concentration, reproduire l’état à volonté, plus tard. Ça, c’est le premier pas pour le cultiver.

Après, on peut très bien appeler cet état-là chaque fois que l’on a une décision à prendre, et alors, on la prend en toute connaissance de cause et en prévoyant tout ce qui va se passer. Je ne crois pas qu’il y ait un individu au monde qui n’ait pas eu — en tout cas d’individu cultivé —, qui n’ait pas eu, au moins une fois dans sa vie, quelque chose qui se brise et qui s’ouvre... et on comprend. Ça a l’air de vous étonner beaucoup!... (À un enfant) Tu n’as jamais senti ça, toi? Si?

Je ne sais pas.

Tu n’es pas sûr!

(Après un long silence) Quand on l’a eu, on a l’impression qu’on a commencé à vivre, qu’avant on ne savait pas ce que c’était que la vie. Tout d’un coup, on est entré de plain-pied dans la vie. Cela ne s’oublie pas. (À une enfant) Alors?

Douce Mère, à quel plan appartient l’intuition?

C’est un de ces plans, une de ces régions dont nous parlions la dernière fois, qui est intermédiaire entre le mental supérieur et l’Overmind, le Surmental.

Comment est-ce que cela se manifeste, Douce Mère, l’intuition?

Hum! Comment cela se manifeste? C’est quelque chose qui se produit sans raisonnement, sans analyse, sans déduction. Tout d’un coup, on sait une chose, sans avoir raisonné, sans avoir analysé, sans avoir déduit, sans avoir réfléchi, sans s’être servi de son cerveau, sans avoir rassemblé les éléments du problème et tâché de les résoudre — ce n’est pas comme cela. Tout d’un coup, c’est comme une lumière dans sa conscience; cela peut être dans la tête, cela peut être en dessous, ailleurs; c’est une lumière dans la conscience qui apporte une connaissance précise sur un point précis, et qui n’est pas du tout un résultat, justement, d’analyses et de déductions. Au fond, c’est la première manifestation de la connaissance par identité. La connaissance par identité, tu comprends bien ce que cela veut dire?

Si l’on arrive à s’identifier avec une chose, eh bien, on devient cette chose pour un temps, et devenant cette chose, on sait tout ce qui est en elle, sans avoir besoin ni de deviner ni de construire.

(long silence)

C’est tout.

Naturellement, il y a aussi une forme de la prévision et cela n’a pas tout à fait le même caractère. La prévision, généralement, cela provient de la faculté de connaître par identité. Si on peut projeter sa conscience dans quelque chose — dans une circonstance, ou dans un événement, ou dans une personne —, si on peut projeter sa conscience, eh bien, on reçoit, après, l’indication précise de la chose avec laquelle la conscience a été mélangée. Et ça, ça mène petit à petit à une connaissance totale et absolue. En fait, c’est la seule manière de savoir, et si on pousse cela assez loin et qu’on arrive à s’identifier avec le Divin, on a la connaissance divine, et ce n’est pas impossible. C’est quelque chose de possible, parce que l’univers est construit comme ça, pour ça. C’est seulement qu’il est sorti du bon chemin; pour quelles raisons, on ne sait pas. Ah! on voit de ces curiosités!... Être sûr qu’on sait, et puis, et en même temps, se demander comment cela se fait.

Vous n’avez jamais essayé d’entrer dans la conscience d’un autre, pour savoir exactement ce qui s’y passe? Pas de projeter votre conscience dans un autre, parce qu’alors vous vous retrouvez au-dedans de lui, ce n’est pas intéressant, mais d’entrer en relation avec la conscience qui est dans l’autre, par exemple quand, pour une raison quelconque, vous ne voyez pas les choses de la même manière; l’un les voit d’une façon, l’autre les voit de l’autre. S’ils sont raisonnables, ils ne se querellent pas. Mais s’ils ne sont pas raisonnables, ils commencent à se quereller. Alors, au lieu de se quereller, la meilleure chose à faire c’est d’entrer dans la conscience de l’autre, et se demander pourquoi il dit les choses comme ça, qu’est-ce qui le pousse à faire ça, ou à dire ça. Quelle est la raison intérieure, quelle est sa vision des choses qui fait qu’il a pris cette attitude? C’est extrêmement intéressant. Si on fait cela, immédiatement on cesse d’être fâché. Première chose : on ne peut plus être fâché. Alors ça, c’est déjà un grand gain. Même si l’autre continue à être fâché, ça n’a pas d’effet sur vous.

Et puis après, alors, on peut essayer de s’identifier plus parfaitement et d’empêcher les mouvements de division et de déformation, et cesser les querelles. Très utile.

(À un enfant qui est assis devant Mère) Je t’ai déjà recommandé ce procédé plusieurs fois, je crois. Je me souviens. Tu as essayé? Toi, qui es là, c’est à toi que je parle! Tu as essayé? Non? Ah! Tu es obstiné! Non? (L’enfant ne dit rien) Ça ne sortira pas... Bon, n’en parlons plus!

Alors, c’est tout, mes enfants? Quelque chose d’autre? Plus de questions? Rien par là, non?

Mère, est-ce que l’être central, c’est l’être psychique?

Pour l’immense majorité des gens, l’être psychique c’est l’être central. Mais l’être central peut être identifié à une autre conscience, et à un autre état qui est plus central, et qui n’est plus purement humain. Et ça, c’est... je ne peux pas dire que c’est extrêmement rare, mais enfin, ce n’est pas fréquent.

C’est tout?

Il est neuf heures. C’est tout?

Bon, fini!









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