Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde.
Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde. Ce livre comporte en outre une sélection de ses messages, de sa correspondance avec les disciples et de ses notes personnelles.
Entre mars et août 1970, Mère a reçu chaque semaine un petit nombre d’Auroviliens, dont la plupart venaient de la communauté d’Aspiration — d’où le nom « Entretiens avec Aspiration ». L’offrande de fleurs et la présentation des nouveaux venus à Mère étaient généralement suivies d’une conversation, bien que parfois seul avait lieu ce que Mère appelait « un bain de silence ». Les entretiens suivants représentent des extraits des vingt-six entretiens enregistrés au magnétophone.
Le 10 mars 1970
A. : On voudrait te parler du travail à Aspiration. Ce qu’on voudrait savoir, ce qu’on recherche, c’est d’avoir l’attitude...
Qu’est-ce qui ne va pas?
A. : Ce qui ne va pas c’est...
Chacun tire de son côté.
A. : Chacun tire de son côté... Personne n’a vraiment le contact avec ce qui est vrai...
Il faut bien penser qu’on part de l’état de l’humanité actuelle. Alors vous avez à faire face à toutes les difficultés; il faut trouver la solution.
(Montrant le magnétophone) Qu’est-ce qu’il y a là ?
B. : J’enregistre pour les personnes d’Auromodèle, Douce Mère.
(En riant) Il ne fallait pas me le dire.
A. : Mais, Douce Mère, tu sais, il y a plusieurs solutions qui se présentent à nous. Par exemple, d’un côté on...
Chaque homme a sa solution et c’est cela la grande difficulté. Pour être dans la vérité, chacun a sa solution. Et pourtant, il faut trouver un moyen pour que toutes ces solutions collaborent.
(Silence)
Alors le cadre doit être vaste, très souple et les bonnes volontés doivent être très grandes : ça, c’est la première condition — condition individuelle —, une bonne volonté. N’est-ce pas, être assez souple pour faire à chaque moment la meilleure chose à faire.
A. : Mais par exemple on nous dit : il faut des usines, il faut qu’il y ait de la production ; il y en a parmi nous qui ne ressentent pas de faire un travail dans ce sens-là. Ils préféreraient faire une recherche plus...
Plus intérieure.
A. : Plus intérieure plutôt que de se lancer dans des usines, un travail, produire pour avoir de l’argent, etc. On ne ressent... on ne voudrait pas faire ça à Aspiration en ce moment. On voudrait savoir ce que tu en penses.
(Mère se concentre — long silence)
N’est-ce pas, pour être pratique, il faut d’abord avoir la vision très claire du but vers lequel on va. À ce point de vue-là, par exemple, prenons l’argent. Un idéal qui est peut-être de quelques siècles en avance, on ne sait pas : l’argent doit être une force qui n’appartient à personne et qui doit être régie par la sagesse la plus universelle de l’endroit. Mettez sur la Terre celui qui a une vision assez vaste pour pouvoir connaître les besoins terrestres et assez précise pour pouvoir dire où l’argent doit aller. Vous comprenez que nous sommes très loin de cela, n’est-ce pas? Pour le moment encore, Monsieur dit : « C’est à moi » et, quand il est généreux, il dit : « Je vous le donne. » C’est pas ça.
Mais il y a un chemin à parcourir entre ce que nous sommes et ce qui doit être. Et alors, pour ça, il faut être très souple, ne jamais perdre de vue le but, mais savoir qu’on ne peut pas sauter là d’un seul coup mais qu’il faut trouver le moyen. Alors c’est beaucoup plus difficile, encore beaucoup plus difficile que de faire la découverte intérieure. À dire vrai, la découverte intérieure, il faudrait l’avoir faite avant de venir. Parce qu’il y a un point de départ : quand vous avez trouvé au-dedans de vous la lumière qui ne vacille pas, la présence qui peut vous conduire avec certitude, alors vous vous apercevez que constamment, à chaque occasion, il y a quelque chose à apprendre. Et que, dans l’état où est la matière, il y a toujours un progrès à faire. Il faudrait arriver comme ça, anxieux de savoir à chaque minute quel est le progrès à faire. N’est-ce pas, avoir une vie qui veut croître et se perfectionner, c’est cela qui doit être l’idéal collectif d’Auroville : « La vie qui veut croître et se perfectionner », et que chacun... pas tous de la même manière, surtout pas... chacun à sa manière.
Alors quand vous êtes une trentaine, c’est difficile, n’est-ce pas. Quand vous serez trente mille, ce sera plus facile, parce que naturellement, il y a beaucoup plus de possibilités. Vous êtes les pionniers, vous avez la tâche la plus difficile; mais selon moi, c’est la plus intéressante. Parce qu’il faut que vous établissiez d’une façon concrète, durable et croissante l’attitude nécessaire pour être vraiment un Aurovilien. Apprendre quotidiennement la leçon du jour... Chaque soleil qui se lève est l’occasion d’une découverte. Alors, dans cet état d’esprit, on trouve. Chacun trouve.
Et le corps a besoin d’activité : si vous le gardez inactif, il commence à se révolter, il tombe malade, etc. Il lui faut une activité et, vraiment, n’est-ce pas, une activité comme de planter des fleurs, de construire une maison, une chose vraiment matérielle. Il faudrait sentir... et alors il y a ceux qui font des exercices, ceux qui montent à bicyclette, il y a d’innombrables activités; mais dans votre petit groupe, il faudrait que vous vous entendiez tous entre vous pour que chacun puisse trouver l’activité qui est conforme à son tempérament, à sa nature, à son besoin. Mais pas avec des idées. Les idées, c’est pas très bon. (Rires) Les idées vous donnent des préjugés, n’est-ce pas : « Ça, c’est un bon travail, ça ce n’est pas un travail digne de moi » et toutes sortes de sottises. Il n’y a pas de mauvais travail — il y a de mauvais travailleurs, mais il n’y a pas de mauvais travail. Tout travail est bon quand on sait le faire de la bonne manière. Tout. Et c’est une sorte de communion. Et alors, si pour votre bonheur, vous êtes conscients d’une lumière intérieure, alors, vous voyez que dans votre travail manuel, c’est comme si vous appeliez le Divin dans les choses; alors, la communion devient très concrète...
Il y a un monde à découvrir, et c’est merveilleux, vous êtes jeunes, vous avez tout le temps devant vous. Et pour être jeune, pour être vraiment jeune il faut toujours, toujours croître, toujours se développer, toujours progresser; c’est la croissance qui est le signe de la jeunesse et croître dans sa conscience, n’est-ce pas, c’est illimité. Je connais des vieillards de vingt ans, et des gens jeunes de cinquante, soixante, soixante-dix ans. Et, si on fait du travail manuel, on se garde en bonne santé. Voilà. Alors maintenant, il faut que vous voyiez, que vous trouviez et puis que vous veniez me le dire...
A. : D’accord.
Il faudra voir tout ce que vous pouvez faire... Il y a toutes sortes de choses. Toutes sortes de choses. Et puis, que vous voyiez entre vous comment cela peut s’arranger. Vous viendrez me le dire. Ça va ?
A. : Très bien.
Voilà. Au revoir.
A. : Au revoir.
(À C.) Ça va ?
C. : Oui, ça va.
Oui? De tout cœur?
C. : Oui. (Il rit)
Aaaah... Qu’est-ce qui ne va pas? (Rires) Il comprend? Il comprend bien le français?
C. : (En riant) Oui, oui, je comprends, Mère.
Alors, qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas?
C. : (Riant) Je ne sais pas.
Comprends pas? Hein? Oh, il y a des idées... il y a des idées qui sont là, des idées qui tiennent comme ça, et qui veulent faire bien attention qu’on ne les chasse pas... Elles tiennent à rester là. C’est ça ? Eh oui... ça va aller. Voilà. Au revoir.
Tous : Au revoir.
A. : Merci.
Au revoir, mon petit.
A. : Merci beaucoup.
Voilà. Alors vous venez... Dans une semaine vous aurez fait du travail?
A. : Oui.
Bon, alors, dans une semaine vous venez.
Nous sommes aujourd’hui quel jour?
D. : Mardi, Douce Mère.
Mardi? Alors, mardi prochain. Voilà. Au revoir.
Le 24 mars 1970
Entrez. (Mère rit)
(Ceux qui entrent offrent des fleurs à Mère. Elle désigne les fleurs nommées « Service » et dit en riant :)
Service à Auroville.
(Mère dispose les fleurs et les distribue. En donnant « Service » et « Transformation », elle fait la remarque suivante :)
C’est le service qui conduit à la transformation. C’est sérieux.
A. : Douce Mère, est-ce qu’on peut te poser une question?
Oui.
A. : C’est de la part d’Aspiration en général.
Oh!
A. : Là-haut, certains voudraient, aimeraient savoir si ce serait possible que ce ne soit pas toujours les trois mêmes qui viennent te voir le mardi. Qu’est-ce que tu en penses?
Moi, tu comprends, je veux bien, mais c’est votre affaire à vous. (Mère rit) Bon! je veux bien vous voir quatre.
(S’adressant à E.) Lui, je l’ai appelé aujourd’hui pour la première fois... mais à sa place, il y en a un qui peut venir en roulement. En tout cas, n’est-ce pas, lui je le verrai autrement. Mais, avec vous trois, un quatrième peut venir, alors, en roulement chaque fois un autre. Tu comprends?
A. : C’est bien.
Je demande seulement qu’ils soient sincères, qu’ils ne viennent pas par simple curiosité; s’ils sont sincères, si vraiment ils ont envie de progresser, ils peuvent venir, l’un après l’autre, moi je veux bien. Je n’ai même pas besoin de savoir leur nom. Tu comprends, pour moi cela n’a pas d’importance. C’est seulement la qualité de la réceptivité qui importe. Si on est ouvert et qu’on sent que ça fait du bien, c’est bon, c’est très bon...
(À C.) Toi, tu viendras une fois par semaine me donner des nouvelles du jardin... Vous, vous venez d’Auroville, lui, il travaille ici... Ça va comme ça ?
A. : Très bien, Douce Mère.
(Long silence)
Combien êtes-vous là-bas?
A. : Une quarantaine.
(Mère rit) Je vais vous poser une question indiscrète. Combien sont sincères?... Vous ne pouvez pas savoir... comme ça à les voir... vous voir... Ils ne vont pas venir quarante! Combien t’ont demandé à venir?
B. : Cinq, six.
Ça c’est raisonnable.
B. : Il y avait F., G... et beaucoup là-haut, Douce Mère, ont beaucoup d’amour pour toi, tu sais.
Je vais poser deux conditions. Vouloir faire des progrès — ça, c’est une condition vraiment modeste. Vouloir faire des progrès, savoir qu’il y a tout, tout à conquérir. Première condition.
Deuxième condition : faire tous les jours quelque chose, une activité, un travail, n’importe quoi, quelque chose qui ne soit pas pour soi-même, et surtout, qui soit l’expression de la bonne volonté pour tous — et vous, vous êtes un groupe, n’est-ce pas... Voilà. Simplement pour montrer que vous ne vivez pas seulement pour vous, comme ça... vous vous mettez au centre du monde et il faut que tout l’univers se tourne vers vous; c’est comme ça pour l’immense majorité des gens. Ils ne le savent pas d’ailleurs. Il vaudrait mieux que chacun devienne conscient... Spontanément, on se met au centre de l’univers et on veut que tout vienne vers soi, comme ça, d’une façon quelconque. Mais on fait un effort pour... reconnaître l’existence du tout, c’est tout. C’est pour élargir sa conscience, c’est simplement pour devenir un petit peu moins tout petit. Alors ceux qui adhèrent à mon programme viendront une fois par semaine, à tour de rôle. Ça va ?
(À E.) Et toi, je vais te donner une fleur pour ta maman, parce qu’elle les aime beaucoup. Alors tu lui donneras ça. Et tu viendras... Il ne faut pas venir le même jour, parce que cela prend trop de temps. Quel jour?
D. : Lundi c’est bien, vendredi aussi.
(À E.) Lequel des deux est plus commode pour toi?
E. : Lundi.
Lundi, alors tu viendras m’apporter des nouvelles de votre jardinage.
D. : Ils étaient très contents, Douce Mère.
C’est bien. Il faudra avoir un beau jardin.
Voilà. Alors ça va ? À mardi prochain, avec quelqu’un, ça m’est égal, n’importe qui, tu me diras simplement quand vous venez. Ceux qui veulent faire des progrès et qui pensent que le monde est plus vaste qu’eux, que leur conscience.
D. : Ils ont fait un tapis de judo, là-bas, Douce Mère.
B. enseigne le judo. Il est ceinture marron et il peut enseigner.
Oh! Tu as rencontré Monsieur H.?
B. : Oui, j’avais fait du judo avec lui.
(À D.) Comment est-ce qu’il le trouve?
B. : On n’a pas appris de la même façon, il m’est difficile de te dire comment je le trouve, parce qu’on n’a pas la même technique.
D. : Ils n’ont pas la même technique, Douce Mère, ils n’ont pas été enseignés de la même façon. Il avait travaillé avec lui quand il était à l’Ashram. B. est resté à l’Ashram au début, pendant trois mois, et ensuite il est allé à Auroville.
Ils n’ont pas la même technique?
D. : Non, ils ne travaillent pas de la même façon.
(À B.) Tu as appris où, toi?
B. : En France.
D. : H. avait appris en Algérie, je crois.
Et puis alors, il y a ceux qui ont appris au Japon et ceux-là ils savent. (Rires)
B. : On est une dizaine à peu près, Douce Mère, à faire du judo.
Il y a autant de judos qu’il y a de gens qui le pratiquent. Une dizaine c’est bien. La première chose c’est d’apprendre à tomber. (Rires) Bon. Voilà.
Alors à mardi prochain. Au revoir.
Le 31 mars 1970
Avez-vous des nouvelles?
Quelles nouvelles?
A. : Nous aurions deux questions à te poser si tu veux bien. La première concerne un petit garçon du village tamoul à côté d’Aspiration. Depuis quelque temps, il vient travailler pour le jardin à Aspiration, et nous lui donnons à manger, et petit à petit, il commence à participer, à vivre un petit peu avec le camp, et I., J. et K. ont décidé de prendre la responsabilité de cet enfant, avec tout le groupe, bien sûr, mais plus particulièrement tous les trois, et de s’occuper de lui, et petit à petit de l’intégrer à la vie du camp. Penses-tu que c’est bien ?
C’est bien, à condition que les parents soient d’accord. Il faudrait que vous ayez quelqu’un pour parler aux parents, et leur dire, s’ils sont d’accord, leur demander, leur expliquer. On ne peut pas prendre comme ça un enfant sans l’accord des parents. On connaît son père et sa mère?
A. : L. s’occupe des relations avec le village. Il va essayer de voir la famille et il va essayer d’entrer en contact avec le père et la mère, de voir si c’est possible.
Et il va y aller?
A. : Oui, oui.
C’est ça que je dis. C’est ça, la condition. Il faut qu’il y aille, qu’il parle au père et à la mère, qu’il leur explique les choses, qu’il leur demande s’ils sont d’accord. S’ils sont d’accord, c’est très bien, tout à fait bien.
A. : Parce qu’il ne s’agit pas de le couper de son village...
Non, non.
A. : Mais d’essayer petit à petit...
Au contraire...
A. : Il ne faut pas...
Au contraire, il faut qu’il garde le lien. Comme ça, c’est très bien.
Maintenant, seconde question?
A. : La seconde question concerne les visiteurs, les gens qui viennent à Aspiration. Alors, il y a deux catégories : il y a ceux qui viennent passer la journée et qui prennent leurs repas ici et il y a ceux qui veulent passer la nuit et qui veulent rester. Alors on ne sait pas quelle attitude avoir vis-à-vis d’eux, en général.
La nuit, ce n’est pas possible, n’est-ce pas, vous n’avez pas de place.
A. : Non, on n’a pas de place.
Mais les visiteurs viennent d’où? Ils sont envoyés par la Société 21 ou ils viennent comme ça ?
A. : Certains sont envoyés par la Société mais pas tous. On ne sait pas toujours d’où ils viennent.
Il faudrait une surveillance.
A. : Parce que, quelquefois, cela crée des malentendus, des choses pas...
Il faudrait que vous ayez un « office » [bureau], c’est-à-dire qu’il y ait une personne en permanence, une personne qui puisse recevoir ceux du dehors, les questionner et savoir qui les envoie, d’où ils viennent, pourquoi ils viennent. Il faudrait un Indien. Ça, c’est tout à fait indispensable et quelqu’un qui parle...
A. : Il y a des Indiens, mais il y a aussi beaucoup d’Européens. Des Allemands entre autres, des Anglais, des Américains et des Français aussi et qui sont de passage simplement comme ça et...
On pourrait avoir seulement un bureau pour les recevoir. Il faut un Indien et un Européen qui sachent au moins le français et l’anglais. S’il savait l’allemand ce serait mieux. Mais maintenant... Passer la nuit, je ne suis pas d’accord parce qu’on ne sait pas du tout ce qu’ils sont ni ce qu’ils veulent, pourquoi ils sont venus. Ceux qui viennent avec une recommandation, on les connaît, on les a envoyés, alors c’est différent, mais ceux qui viennent comme ça... Il faut quelqu’un pour leur dire ce que c’est, que ce n’est pas un objet de curiosité.
A. : Mais, Douce Mère, par exemple, si on prend un exemple : pour quelqu’un qui serait déjà venu à Aspiration et qui serait parti pour aller travailler ailleurs, et qui revient de temps en temps à Aspiration. Quelle attitude est-ce que... dans ce cas-là, est-ce qu’il pourrait passer la nuit?
Ça dépend. Il est gentil?
A. : Oui, il est gentil.
Alors ça va bien. C’est tout à fait différent. C’est différent, je parle d’étrangers, des gens qu’on ne connaît pas et qui viennent comme ça. Qui est-ce qui pourrait les recevoir?
A. : Eh bien, à vrai dire je ne vois pas très bien. Il faudrait qu’on voie entre nous, je ne sais pas.
Oui, ce n’est pas très amusant, n’est-ce pas.
A. : Pas toujours.
Mais c’est assez utile; c’est très utile. Il suffit d’avoir une table et une chaise et qu’on les fasse entrer et qu’on les questionne. Au besoin on aurait un tabouret pour eux !
A. : On pourrait leur donner à boire aussi...
(Riant) Oh! ça c’est beaucoup! « Qu’est-ce que vous voulez de nous, qui vous a parlé de nous », etc... Et alors il faut que ce soit quelqu’un qui ait un peu de sens psychologique, s’il voit que les gens sont sincères et intéressants, alors c’est très bien... mais passer la nuit... vaut mieux pas.
A. : D’autre part, ceux qui prennent leur repas, nous avons décidé de leur demander de l’argent.
Oui, les faire payer.
A. : Les faire payer c’est bien?
Oui, oui, ça va bien. Vous n’avez qu’à fixer un prix. Qui est-ce qui fait la cuisine?
A. : Nous avons depuis un mois à peu près un cuisinier. Un Tamoul qui a appris la cuisine pendant 15 ans en France, et il y a des gens qui l’aident à la cuisine, mais lui il est toujours là.
(Plaisantant) Vous pouvez ouvrir un petit restaurant!
Vous connaissez M.?
Il a une sorte de boutique pour vendre des choses.
A. : Oui, un magasin.
Oui, c’est ça, n’est-ce pas, il n’y a personne pour garder la nuit, alors il y a des vols. Et il paraît que vous avez trop de monde et pas assez de logements. Moi, je proposais que quelqu’un chaque mois aille coucher là-bas la nuit et le matin il reviendrait si ce n’est pas trop loin.
A. : C’est à trois kilomètres.
D. : Trois ou quatre kilomètres, Douce Mère.
Oh, ça ce n’est rien.
A. : À bicyclette, ce n’est rien.
À bicyclette... vous avez des bicyclettes?
A. : Oui, on n’en a pas assez justement; il faudrait qu’on puisse en avoir. On n’en a pas assez, mais on pourra en trouver.
Et ce ne serait qu’y aller le soir, la nuit enfin, et revenir le matin; la nuit, on ne se sert pas de bicyclette.
Mais si vous connaissez M., il pourrait emmener l’un d’entre vous, lui montrer et lui expliquer. Tu comprends?
A. : Bon.
Je crois que ce sera bien... Je ne sais pas comment c’est, je ne peux pas dire, mais j’ai l’espoir que ce sera confortable.
A. : Et qu’est-ce que tu penses de l’idée de faire une grande hutte et d’y loger vingt ou vingt-cinq personnes, c’était une idée de R.A.
Je crois qu’en attendant qu’il y ait des logements pour tout le monde, c’est assez indispensable. Je ne dis pas que ce soit le super-confort, mais c’est assez indispensable. Il y a de la place... Ce sont les logements qu’il faut faire.
Le petit garçon qui vient, le petit garçon tamoul, vous lui enseignez quoi, l’anglais ou le français?
A. : Oh, pour le moment, on ne lui enseigne rien vraiment.
Pauvre gosse! (Rires) Tout simplement on le fait travailler.
A. : Oh non, pas simplement.
D. : Ils lui donnent à manger aussi, Douce Mère.
A. : Petit à petit, quand il viendra plus souvent, alors on pourra organiser quelque chose et lui apprendre le français.
Il faut le mêler à la vie, alors ce sera intéressant. Les enfants, quand ils vous entendent parler, ils veulent savoir ce que vous dites et ils apprennent la langue eux-mêmes. Les Indiens sont merveilleux pour apprendre les langues, ils peuvent en apprendre quatre ou cinq et ils ne mélangent rien. Ce petit-là apprendrait très bien et ce serait une très bonne chose.
Bon... Ça va... Voilà... Au revoir.
Le 7 avril 1970
Rien à rapporter?
Vous avez changé quelque chose à l’organisation? On m’a dit ça.
A. : Ça va changer.
Oh! Ce n’est pas changé...
A. : Pas encore. Ça va changer.
S’il y en a qui veulent un bain de silence, ils peuvent venir, cela ne fait rien. S’il y en a qui veulent un bain de silence plus souvent qu’une fois de temps en temps, ils peuvent venir, ça ne fait rien, vous vous assoirez là derrière.
Je te laisse arranger ça.
Au revoir.
Le 14 avril 1970
D. : (Parlant de N.) Il est Allemand, Douce Mère. C’est lui qui fait des bandes dessinées, comme fait Claude de Ribaud-Pierre, c’est lui qui fait ça, Douce Mère.
(Parlant de O.) Lui, il vient d’arriver, Douce Mère. Il est maçon.
Ah!
D. : Il vient de France, il est maçon. Il va repartir quelque temps chercher sa femme et revenir.
Il y a du travail ici.
Je vais vous donner un paquet à chacun pour garder le contact. Tu les connais, toi, ces paquets. Voilà. Il faut garder le paquet... Ils comprennent tous le français?
D. : Pas N.
Je peux parler anglais si vous voulez.
D. : N. ne comprend pas, Douce Mère, il est Allemand, il comprend l’anglais.
(En anglais) Il y a des pétales, des pétales de fleur dedans, mais ils sont chargés de force, et si vous les gardez sur vous, vous gardez le contact avec moi. Alors, si vous vous tournez au-dedans, vous saurez; quand vous vous tournez au-dedans, vous pouvez rétablir le contact et même obtenir la réponse à une question.
Tenez. Tiens.
Personne n’a de questions? No questions?
Le 21 avril 1970
D. : (Parlant de L. qui a écrit à Mère pour lui demander quelles relations les Auroviliens devaient établir avec les villageois.) C’est lui, L., celui qui a posé les questions...
(En anglais) Pour vos questions, le meilleur moyen, n’est-ce pas, c’est l’éducation. Les éduquer non par des mots et des discours mais par l’exemple. Si vous pouvez les mêler à votre vie et à votre travail, s’ils peuvent recevoir l’influence de votre manière d’être, de votre manière de comprendre, alors, petit à petit, ils changeront; et quand ils deviendront curieux et poseront des questions, alors ce sera le moment de répondre et de leur dire ce que vous devez savoir.
D. : Ça, ce sont des offrandes des villageois.
D. : C’est lui qui les a apportées, Douce Mère... de la part des villageois.
D. : Deux villageois.
(La conversation qui suit a lieu en anglais.) Ils connaissent mon existence?
L. : Oui, Mère! (Rires)
Deux ?
L. : Deux.
Alors, vous leur donnerez ça. (Prenant deux paquets de bénédictions) Vous leur direz : la Mère vous envoie ça. Et vous leur direz : gardez-le sur vous, cela vous aidera.
Il y en a encore un?
D. : Oui, P., une Allemande. Elle travaille aussi au dispensaire, Douce Mère.
Tu parles l’anglais? C’est avec Satyabhrata que tu travailles?
D. : Avec le Dr Sen, oui, Douce Mère.
C’est intéressant. (À A.) Tu comprends l’anglais?
Alors, je vais le dire en anglais. Parce qu’on m’a dit qu’à Aspiration il y a beaucoup de chats et de chiens, est-ce vrai? Tu sais, je n’ai rien contre les chats et les chiens. J’en ai eu moimême à un certain moment. Mais le climat ici n’est pas bon ; il est presque impossible d’éviter la rage. Et alors cela devient dangereux et il faut les abattre, ce qui n’est pas agréable. Il vaudrait mieux diminuer le plus possible le nombre d’animaux. J’ai eu ce problème ici [à l’Ashram], beaucoup de gens avaient des chiens. J’ai été obligée de demander qu’on n’en ait pas... il y en a qui en ont quand même... Mais on ne peut pas avoir un contact agréable avec eux. Ils portent des maladies, parfois assez sérieuses. Je ne veux pas faire de descriptions dégoûtantes... mais ce n’est pas sûr et cela nuit à la paix. Savezvous quelles maladies ils transmettent? Il y en a deux : l’une c’est la peste et l’autre la lèpre.
(Mère reprend en français) Est-ce que ce sont des animaux qui appartiennent à des individus en particulier ou à la communauté?
A. : Il y en a qui appartiennent à la communauté mais il y en a qui sont personnels...
Ils vivent dans leurs huttes?
A. : Certains... (Murmures désapprobateurs) Non, ils ne vivent plus dans les huttes.
On ne leur permet pas de venir?
A. : Non, pas dans les huttes, mais ils sont tout de même dans le camp... Ils sont dans la cafétéria souvent, là où nous prenons nos repas.
Et puis alors, il y a la reproduction... (Rires) ça n’en finit pas. Et la reproduction : quoi faire? Mettre tout ça dans l’eau ? Ce n’est pas agréable. Naturellement, on pourrait facilement me dire : si nous les renvoyons d’ici, ils iront ailleurs. Mais enfin, ce que je voudrais, c’est que cela ne soit pas encouragé. Vous savez, vous serez plus nombreux en chats et en chiens qu’en êtres humains! C’est comme ça. Alors... Il y aurait une chose amusante à faire. Loin, loin, dans un endroit désert où il n’y a personne, les mettre tous ensemble, dans un endroit protégé, qu’ils ne puissent pas sortir. Alors, ils trouveraient de quoi manger. N’est-ce pas, un morceau de forêt vierge. Il y en a encore dans l’Inde.
Les chats, c’est très facile. Quand la chatte a ses petits, si on transporte les petits quelque part, on les met là, et elle ne revient plus, elle reste avec les petits. Il faudrait trouver quelque chose, un endroit solitaire. Il y en a encore dans l’Inde. Mais pas sur le territoire d’Auroville. En fait, tout ce que je vous demande, c’est de ne pas augmenter le nombre en tout cas. Vous viendriez un jour tout larmoyants me dire : la vie est devenue impossible! (Rires) Alors, je vous préviens.
(À L., en anglais) Ont-ils des chiens et des chats dans le village?
L. : Oui, des chiens — beaucoup de chiens, mais pas beaucoup de chats.
(En français) Un petit moment de silence?
Alors, au revoir.
Le 28 avril 1970
Quels sont les nouveaux ?
D. : Les nouveaux... F., tu l’as vue déjà une fois pour sa fête, Q., tu la connais, tu l’as vue plusieurs fois; R. t’a écrit souvent, il a écrit plusieurs lettres et il est venu pour sa fête aussi. S., tu ne connais pas S. ; il est mécanicien, il travaille avec T. pour les voitures; U., le papa de Filaure, C., B. qui vient chaque semaine et A... (Mère rit)
Alors, on va rester tranquille. Je vous parlerai un autre jour. Il va y avoir... vous connaissez les petites broches de l’Ashram? Eh bien, il va y en avoir une pour Auroville. Parce qu’il y a des gens qui viennent s’installer sur les terrains d’Auroville et refusent d’aller voir le Comité et ils disent : « Auroville est libre! » Et, alors, ils s’installent là. Il faut pour nous, tout de même, que nous puissions distinguer entre ceux qui sont reconnus Auroviliens, et puis ceux qui sont plus fantaisistes. Alors il se prépare un... évidemment ce n’est pas encore prêt, je voulais seulement vous montrer. (Mère prend une feuille de papier sur sa table)
Ce sera une petite broche à peu près de cette taille-là... Elle est comme cela. Le cercle sera en argent; et il y aura les quatre aspects, et puis le carré de Sri Aurobindo, avec le Lotus. Et Auroville qui sera écrit autour. Alors, vous mettrez ça à la boutonnière — « les reconnus Auroviliens »! (Mère sourit)
Voilà. Alors, une bonne semaine.
Le 19 mai 1970
J’ai quelque chose pour eux. J’ai quelque chose pour vous. Vous me direz la semaine prochaine les réactions. (Mère distribue à chacun une petite brochure intitulée : « Auroville et les religions ».)
Tiens, il y en a une pour chacun. Il y en a en français et en anglais. Voilà.
Il y a autre chose... (Mère cherche un papier sur sa table) Mais il n’y en a qu’un.
(À A.) Toi, tu as une bonne voix, tu peux leur lire. C’est en français et en anglais. Je ne peux pas le donner, je n’ai que cet exemplaire. Tu peux leur lire à haute voix maintenant, je t’entendrai.
(A. lit) « Nous appelons “religion” toute conception du monde ou de l’univers qui se présente comme la Vérité exclusive en laquelle on doit avoir une foi absolue, généralement parce que cette Vérité est censée être le résultat d’une révélation.
« La plupart des religions affirment l’existence d’un Dieu et les règles à suivre pour Lui obéir, mais il y a aussi des religions sans Dieu, telles les organisations socio-politiques qui, au nom d’un idéal ou de l’État, réclament le même droit à l’obéissance.
« Le droit de l’homme est de poursuivre librement la Vérité et de s’en approcher librement par ses propres voies. Mais chacun doit savoir que sa découverte est bonne pour lui seulement et qu’elle ne doit pas être imposée aux autres. »
(13 mai 1970)
Alors, la brochure vient après ça. Je ne peux pas le donner. Je n’en ai pas. Mais on vous fera des copies, je crois.
Dans la brochure, il y a ce que les Auroviliens feront.
Le 26 mai 1970
Il y a des questions?
A. : Oui. Il y a eu des réactions à la petite brochure que tu nous as donnée sur les religions. C’est à propos de la phrase qui dit : « Notre recherche ne sera pas une recherche par des moyens mystiques. » 22
Ils ne savent pas ce que c’est que les moyens mystiques?
A. : Ils ne savent peut-être pas, mais ce qu’on ne sait
pas aussi, peut-être, c’est : pourquoi pas par des moyens mystiques? La question m’a été posée.
C’est-à-dire, j’entends par moyens mystiques les gens qui se retirent de la vie, comme les moines, les gens qui se retirent dans des..., ou comme les sannyâsîs ici, ceux qui abandonnent la vie pour trouver la vie spirituelle, qui font une coupure entre les deux et qui disent : « C’est ou l’un ou l’autre. » Nous disons : « Ce n’est pas vrai. » C’est dans la vie et en vivant la vie entièrement que l’on peut vivre la vie spirituelle, que l’on doit vivre la vie spirituelle. On doit amener la Conscience suprême ici. Au point de vue purement matériel et physique, l’homme n’est pas la dernière race. Comme l’homme est venu après l’animal, il y a un être qui doit venir après l’homme; et comme il n’y a qu’une conscience, c’est la même conscience qui, après avoir fait l’expérience de l’homme, fera l’expérience de l’être surhumain. Et alors, si on s’en va, si on quitte la vie, qu’on rejette la vie, alors on ne sera jamais prêt pour faire ça.
Mais si vous aviez lu Sri Aurobindo, vous auriez compris, vous n’auriez pas posé cette question-là. C’est parce qu’il y a un manque de préparation au point de vue intellectuel. Vous voulez tout savoir sans avoir étudié.
(À A.) Alors, qu’est-ce que tu as à dire maintenant?
A. : C’est tout. Si, j’ai une chose, si tu veux bien : c’est une lettre de V... c’est une lettre de V. qui est ici et qui m’a demandé de te la lire.
Bon.
A. : (Lisant) « À propos de ce que Tu as écrit au sujet des religions, une prière monte vers Toi. Nous demandons la Vérité du Divin, accomplie par la Vérité de nos êtres. Nous demandons que nos actions manifestent sa Vérité, que nos esprits et nos cœurs soient exclusivement animés par sa Vérité. Nous supplions [que] la pleine lumière de sa Vérité [vienne] sur tout ce qui est encore inconscient. Avec sa Vérité nous voulons savoir, par sa Vérité nous voulons agir, et dans sa Vérité nous voulons être. Telle est la prière d’Auroville au Suprême. Sois la Triomphatrice des consciences. »
On pourrait l’afficher. C’est bien. C’est bien.
(W. s’approche de Mère pour lui poser une question.)
Qu’est-ce que tu as à dire, toi?
W. : J’ai une question, Mère, j’ai une question pratique.
Pratique?
W. : Il semble très difficile d’arriver à vouloir quelque but particulier que ce soit, et en même temps d’aimer tout le monde. Quand on commence à vouloir quelque chose, à essayer d’agir en fonction d’un résultat donné, immédiatement on se sépare de tous ceux qui ne sont pas de cet avis-là. Comment en pratique arriver à faire les deux à la fois?
Tu en es encore là ? Tu te sépares des gens qui ne pensent pas comme toi?
W. : Vraiment... constamment.
Mais il n’y a pas un seul être qui pense comme toi!
W. : Bien sûr.
Eh bien alors, comment... alors tu ne peux aimer personne.
W. : À condition de ne plus rien vouloir, ça va très bien.
W. : (Riant) : Oui!
(Mère se concentre pendant deux ou trois minutes avant de répondre.)
C’est parce que, quand tu veux quelque chose, c’est l’ego qui veut. Alors, l’ego... il faut l’ignorer. La première chose à faire, c’est d’agir non pas pour soi, mais d’agir en obéissance au Divin, d’exprimer la Volonté divine. Soi, on n’a pas... Tant que c’est une volonté personnelle, un désir personnel, ce n’est pas la vraie chose et on ne peut pas... Non seulement ce n’est pas la vraie chose, mais on ne peut pas connaître la vraie chose!
Il faut que ça, ce soit mis... (Mère fait le geste de rejeter quelque chose avec force, irrévocablement)... que ce soit expulsé!
C’est pour cela que seuls, [nous ne sommes] rien du tout. C’est ça, la vie. Nous n’agissons pas pour nous! Nous n’agissons pas par une volonté personnelle et pour un résultat personnel. Nous n’agissons que par la Volonté divine et pour la Volonté divine. Et c’est au point que sans effort et spontanément on peut avoir la plus grande tendresse pour son ennemi matériel. Quand tu auras senti ça, tu comprendras. C’est ça, toute la limitation, toute la limitation.
X. : Lorsqu’il y a le conflit qui se produit, et c’est tout le temps, pour nous tous, immédiatement c’est comme si on rentrait dans sa peau, chacun. Parce que c’est ça qui se passe : on rentre chacun chez soi! Mais la difficulté c’est que même lorsque l’on a relativement pas de volonté personnelle, s’il y a une volonté personnelle qui s’exprime à côté, c’est exactement... d’abord ça crée la réaction et puis aussi, si on est à peu près d’accord, on la prend cette volonté, tu comprends, et on se met à la refléter aux alentours. Tu vois bien ce qui se passe, et c’est ça qui se passe constamment. La volonté c’est un qui l’a, et après c’est l’autre.
C’est ça sans arrêt. Ça, c’est ce qui se passe partout, c’est la volonté la plus forte qui [l’emporte]. Ça ne vaut rien, ça ne vaut rien...
Quand nous disons : nous sommes au service du Divin, ce n’est pas une phrase. C’est Lui qui doit agir à travers nous, ce n’est pas nous. N’est-ce pas, la plus grande objection c’est : comment connaître la Volonté divine? Mais il se trouve que moi, je vous dis : si vous renoncez sincèrement à votre volonté personnelle, vous saurez.
X. : Oui, c’est clair!
Oui, c’est ça.
(Mère demeure silencieuse, se concentrant sur chacun, pendant presque un quart d’heure. Puis, s’adressant à A. :)
Alors, tu leur expliqueras ça : que nous voulons changer la vie, que nous ne voulons pas la fuir. Tu comprends, jusqu’à présent, tous ceux qui ont essayé de connaître ce qu’ils appelaient Dieu, d’entrer en relation avec Dieu, ils ont abandonné la vie. Ils ont dit : « La vie est un obstacle — nous abandonnons la vie, pour ça. » Alors, dans l’Inde, c’étaient les sannyâsîs, qui renonçaient à tout; en Europe, c’étaient les moines, les ascètes. Alors, eux, ils peuvent s’échapper. Encore que, quand ils renaîtront, ils seront obligés de recommencer! Mais la vie reste ce qu’elle est.
Le 2 juin 1970
On m’a demandé de formuler l’aspiration d’Auroville. Parce qu’il y a beaucoup de bonnes volontés, mais... elles semblent ne pas être organisées. Alors, j’ai dit : le mieux c’est de formuler ce que Auroville veut être. Ça donnera une coordination. Mais c’est un gros travail.
Nous pourrons, chaque fois, exprimer une des aspirations, ou bien... vous pourriez m’apporter chaque fois une question — et il y en aura beaucoup, n’est-ce pas —, une question et alors, ou je répondrai tout de suite, ou je vous donnerai la fois suivante la réponse. Ou bien, nous pourrons essayer d’exprimer ensemble l’aspiration d’Auroville. Voilà.
A. : Est-ce que tu as déjà une vision de ce qu’est cette aspiration?
Naturellement! Naturellement! Je sais ce que je veux ; je sais ce que je veux que soit Auroville. Mais il y a un écart considérable. C’est l’Auroville dans quelques années, beaucoup d’années.
A. : Mais tu penses que cet Auroville futur, on y arrivera ?
Ça, ce serait le procédé : chaque fois, quand vous venez, je donnerai une des aspirations d’Auroville et puis on les mettra bout à bout et vous pourriez, la fois suivante, me poser une question sur ce que j’ai dit la fois précédente.
Il y a un inconvénient : c’est que ce ne sont pas toujours les mêmes qui viennent. Vous êtes trois à venir toujours, n’est-ce pas? Vous pourriez garder la continuité.
Qu’est-ce qu’il faut être pour être un vrai Aurovilien. Vous posez la question comme ça : « Que doit-on être pour être un vrai Aurovilien? » (À A.) Tu as une idée, toi?
A. : Pour moi, la première chose, pour être vraiment un Aurovilien, c’est la volonté de se consacrer entièrement au Divin.
Ça, c’est bien, ça c’est bien, mais il n’y en a pas beaucoup comme ça. (Mère rit)
(À D.) Tiens, donne-moi un papier. Je vais leur mettre ça comme numéro un. On met (Mère écrit) « Pour être un vrai Aurovilien ». C’est exprès que je l’écris avec un seul « l ».
Alors, on verra le numéro deux.
B. : Pour moi, ça rejoint ce qu’a dit A., Douce Mère...
... Au point de vue des conditions, des choses plus terre à terre, comme par exemple : nous voulons être libres de toutes les conventions morales et sociales... Mais c’est là où il faut faire bien attention! Il ne faut pas s’en libérer en descendant en dessous, dans la licence et la satisfaction aveugle des désirs; il faut s’en libérer en montant au-dessus et par la suppression des désirs, et remplacer la règle morale par l’obéissance au Divin.
(D. présente le cahier à Mère pour qu’elle écrive ce qu’elle vient d’exprimer; mais Mère dit :)
Ce n’est pas sous une forme qui puisse être écrite.
D. : Oui, Douce Mère.
Maintenant nous allons nous taire.
D. : Il y a une question, Douce Mère, qui a été posée.
Une question? Quelle question? Qui a une question?
D. : C’est B., B. qui est professeur de judo à Aspiration. Il dit : « Douce Mère, pourquoi est-il si difficile d’avoir une activité physique, sportive ou autre, à Auroville en général et à Aspiration en particulier? »
Difficile? Pourquoi est-ce difficile?
B. : Il est difficile, Douce Mère, d’avoir de la constance, de durer dans une activité sportive ou autre qu’on a entreprise; alors je Te demande pourquoi.
Tu n’as pas d’élèves?
B. : On a commencé, on était huit, il y a deux mois de ça et maintenant, on est deux ou trois. Et pour beaucoup d’activités c’est comme ça, alors je Te demande pourquoi.
Quelle raison donnent-ils? Est-ce par paresse, par indolence ou parce qu’ils se croient supérieurs?
B. : Je ne sais pas, Douce Mère.
Si c’est par paresse, il faut commencer un petit peu, et aller en augmentant à mesure que le corps s’habitue. Si c’est par un sens de supériorité, ça c’est une maladie sérieuse! (En riant) Il faut la guérir!
On nous a donné un corps non pas pour le rejeter mais pour en faire quelque chose de supérieur. Et justement, ça, c’est un des buts d’Auroville. Le corps humain doit être amélioré, perfectionné et devenir un corps surhumain qui soit capable d’exprimer un être supérieur à l’homme et, certes, ce n’est pas en le négligeant que cela peut arriver.
C’est par une culture physique éclairée, et par un emploi des activités physiques — des activités du corps — pour... non pas pour des petits besoins personnels et des petites satisfactions personnelles, mais pour rendre le corps plus capable d’exprimer une beauté et une conscience supérieures; et pour ça, la culture physique a une place importante qui doit lui être donnée.
La question : « Pourquoi ils sont comme ça ? » Tout le monde me dit : « Pourquoi ils sont comme ça, pourquoi ils sont comme ça ? » Et dans tous les domaines. Et c’est justement pour une raison analogue que j’ai pensé à faire ce que je disais : formuler quelle est l’aspiration véritable d’Auroville.
Et cette culture du corps, avec un sens éclairé, non pas pour faire des choses excentriques, ou merveilleuses, mais pour donner au corps la possibilité d’être assez souple et assez fort pour exprimer une conscience supérieure.
Ça, ça fera partie de la longue liste.
Ils ont besoin qu’on leur dise un peu... Chacun est venu avec une aspiration, une idée qu’il trouverait quelque chose de nouveau, mais ce n’est pas très clair. Et alors il faut maintenant leur donner un tableau assez clair et assez complet pour que toutes les aspirations puissent trouver leur place et leur expression. On va faire ça. On se voit une fois par semaine. On le fera petit à petit.
(À B.) Il faudra leur dire, mais je viens de le dire... On peut leur dire : la culture physique a une place importante pour préparer le corps à ses nouvelles fonctions. Voilà ! (Mère rit)
(Suit un quart d’heure de méditation. Puis Mère reprend le cahier sur lequel elle avait écrit : « Pour être un vrai Aurovilien », et le point numéro un de la longue liste et dit :)
Voilà. J’ai écrit : (2) « L’Aurovilien ne veut pas être l’esclave de ses désirs. » C’est une grande résolution.
(À A.) Alors, tu prépareras pour la semaine prochaine, pour continuer. Je verrai aussi ce qui vient. Voilà. (À C.) Toi aussi, si tu as des idées, tu les donneras.
Le 9 juin 1970
(À A.) J’ai du travail pour toi! (Mère demande à A. de lire un texte ayant pour titre : « Pour être un vrai Aurovilien ».)
Alors qu’est-ce que vous préférez : le silence d’abord et ça après, ou ça d’abord et le silence après? C’est écrit : c’est ce que doit être un Aurovilien. Pas facile.
A. : Le silence après...
(Donnant le texte à A.) Regarde-le. Tu vois assez clair?
A. : Oui. (A. lit)23
Ça continuera. Si vous voulez en faire une copie, autant de copies que vous voulez, mais à condition que ce soit exact, qu’il n’y ait pas de déformations.
A. : À propos de copies, X. m’a dit que tu avais lu le premier entretien que nous avons eu ensemble et que tu ne voulais pas qu’il soit publié dans sa forme présente.
Il faut que ce soit écrit. Tel que, c’est du bavardage. Quand on parle comme cela, ce n’est pas une forme qui puisse être conservée. N’est-ce pas, il y a la façon de parler, il y a le ton de la voix, la forme qu’on y met et il y a l’expression qui complète ce qui n’est pas explicite. Alors, quand on imprime, tout cela n’est pas là et cela devient du bavardage. Il manque la chose essentielle : la conscience que l’on met dans ce que l’on dit. Les mots ne sont pas suffisants. Si j’avais le temps, je vous le corrigerais, et alors vous pourriez le publier. Mais tel que c’est, ce n’est pas possible.
Quand on lit, on est seul avec les mots; il y a très peu de personnes qui soient capables de tirer la force en lisant. Il faut que les mots soient aussi exacts que possible, c’est pour cette raison que j’ai écrit ce texte. Quand il sera terminé, je le mettrai en anglais, comme cela ceux qui ne connaissent pas le français pourront comprendre.
Le 23 juin 1970
Y. : Il y a beaucoup de maladies en ce moment à Aspiration.
Y. : Ce sont des maladies de l’estomac, du genre diarrhées, dysenteries, gastro-entérites.
Oh! C’est à cause de la nourriture?
Y. : Le docteur dit que c’est l’eau. Mais nous avons désinfecté le réservoir.
C’est de l’eau de surface?
Y. : C’est de l’eau qui vient d’un puits assez profond quand même.
Il vaudrait mieux la faire analyser. Vous n’avez pas de filtre?
Y. : Non.
Il en faudrait un. Seulement pour boire. Ou alors, la faire bouillir et refroidir, parce que, autrement, c’est ennuyeux. Ce qui est bien, c’est de la faire bouillir et puis de la filtrer.
(Y. dit à Mère qu’il a lui-même été malade) Si l’eau est mauvaise, alors ça recommence. Il faut la faire analyser. (Mère conseille de faire analyser l’eau par A.B.) Vous lui donnez de l’eau, vous lui demandez de voir. Et on fera ce qu’il faut. Le mieux, le plus sûr est de la faire bouillir et puis de la filtrer. Alors, n’est-ce pas, il faut faire attention aux récipients, qu’ils soient propres. Si on est désordonné... Bouillir, c’est facile. Filtrer... quelqu’un pourrait fabriquer un filtre. Tu peux t’en occuper?
Y. : On pourrait peut-être en acheter un à Madras?
D. : À Harpagon, Douce Mère, il y a quelqu’un qui sait faire les filtres. S’il va voir, il lui expliquera. Il faut seulement acheter les bougies à Madras.
Et puis, ne pas boire n’importe où!
C’est la seule chose, la seule précaution qu’il faille prendre dans ce pays : c’est l’eau. On a toutes les maladies avec l’eau. Je croyais qu’on vous avait dit cela déjà. Vous pourriez construire un filtre — qu’il soit grand!
Le 7 juillet 1970
A. : Ça, c’est une lettre de V. Il voudrait que je te la lise, c’est possible?
A. : (Lisant) « Mère Divine, il y a une grande confusion en ce qui concerne l’organisation d’Auroville, tant intérieure qu’extérieure. Comment pouvons-nous travailler ensemble à la réalisation d’une conscience supérieure? Il semble qu’Auroville devrait devenir une communauté plus homogène, ayant un sens plus grand de l’unité. Pour réaliser cela, serait-il possible que tous les habitants de Promesse, Hope, Aspiration, Peace, etc., se réunissent pour travailler ensemble, un jour par semaine, à un jardin commun, peut-être le jardin de Vérité, ou que chacun consacre un jour par semaine à une ferme commune et à la production de la nourriture pour Auroville. Cela nous aiderait à mieux nous connaître les uns les autres et nous rendrait plus capables de nous organiser dans un esprit juste. Et peut-être aussi, ceux qui sont engagés dans des projets individuels pour Auroville pourraient-ils travailler ensemble d’une manière plus étroite, formant ainsi une sorte d’équipe dirigeante à Auroville, afin que le travail de chacun progresse d’une manière plus efficace. Un tel effort concerté à Auroville en ce moment nous aiderait-il à faire Ton Travail?
« Avec une prière pour la Perfection. »
L’aspiration est bonne, mais... je ne sais pas si le temps est venu.
A. : Il n’est pas le seul, il y a plusieurs personnes, travaillant dans des endroits différents à Auroville, qui ressentent ce besoin de s’unir et de faire un travail ensemble.
Oui, l’idée est bonne, mais voilà ce que je pense : on veut construire le Matrimandir et alors, c’était cela l’idée, quand on commence à construire le Matrimandir, tout le monde qui voudra y travailler pourra y travailler. Et alors là, ce sera vraiment travailler à l’idée centrale.
Et ce devrait être bientôt. Ça aurait dû être déjà. Alors là, il y a du travail pour tout le monde. Il y a longtemps qu’on y pensait : commencer le Matrimandir. En fait, tous devraient venir travailler là, excepté ceux, naturellement, qui ont un travail ailleurs. Il y aura du travail pour tout le monde. C’est mieux... C’est le centre de la ville, n’est-ce pas.
Tu pourrais lui dire ça : le principe de l’idée est bon, mais pour l’application, cela fait longtemps déjà, plus d’un an, qu’on voulait commencer le Matrimandir pour que tout le monde y travaille. Il faudrait que quelqu’un dise : « Non, je ne veux pas! » et qu’il ait ses raisons.
C’est comme la force, la force centrale d’Auroville, la force de cohésion d’Auroville.
Il y aura des jardins. Il y a de tout, toutes les possibilités : ingénieurs, architectes, tous les travaux manuels. Alors, tu pourras lui dire de ma part qu’il a ramassé l’idée qui était dans l’air, mais que, pour son application, nous voulons que ce soit vraiment symbolique. Et quand on commencera à construire le Matrimandir, on mettra tout le monde là à travailler. Pas tous les jours et tout le temps, mais... ce sera organisé. Voilà.
C’est tout ce que tu avais à dire?
Ce que j’ai écrit, qu’est-ce qu’on en a fait?
A. : On l’a affiché, cela a été lu...
Cela n’a pas l’air d’avoir eu beaucoup d’effet!
A. : Ça a sûrement eu de l’effet mais on ne m’en a pas parlé, on ne m’a rien dit...
Bon. Alors maintenant, vous voulez une méditation? Méditation, non : le silence. Si possible, le silence mental. Pour avoir la vraie connaissance, il faut faire le silence mental. Ça, vous êtes encore... qui est-ce qui peut faire le silence mental?
Tous comprennent le français?
A. : Non, pas tous.
(En anglais) Je demandais : qui est-ce qui peut faire le silence mental parfait? Non? Personne? (Rires) C’est ce que nous essayons de faire ici.
(À A.) Tu veux qu’on essaye?
A. : Oui. (Rires)
Qui est-ce qui a réussi? Pas encore... Alors, silence.
Un silence bruyant!
Le 28 juillet 1970
Pas de questions? Si? Qu’est-ce que tu as à dire?
A. : La première chose c’est que Z. va acheter des vaches pour Aspiration. Il va demain à Madras et il aimerait bien avoir tes bénédictions. Il aimerait en avoir trois : une pour chaque vache et une pour lui.
(Mère rit) Qu’est-ce qu’elles feront des bénédictions? Où va-t-il les acheter?
A. : À Madras.
À Madras. Madras est une ville. Les vaches ne naissent pas dans les villes.
A. : Mais il va avec un spécialiste.
Oh! Je veux bien donner une bénédiction pour lui mais pas pour les vaches!
C’est tout?
A. : Il y avait autre chose. Nous aurions voulu savoir la raison profonde pour laquelle à présent nous ne pouvons plus aller au Playground, les habitants d’Aspiration. Mercredi dernier il y avait une conférence de U. P. sur la Sri Aurobindo’s Action et on ne nous a pas permis d’entrer.
C’est de ma faute, parce que je n’avais pas prévu cela. Autrement j’aurais dit : « Vous pouvez les laisser entrer pour cela. » Je n’avais pas prévu. Je pourrais peut-être demander à U.P. s’il veut vous faire une conférence.
A. : Il l’a déjà fait.
Ah! eh bien, alors...
A. : Non, ça c’est très bien arrangé, mais c’était pour savoir la raison.
La raison, c’est tout à fait autre chose. Ce n’était pas en relation avec cela du tout. La raison, c’est tout simplement qu’il est difficile de faire un règlement qui marche pour celui-ci, qui ne marche pas pour celui-là — très compliqué. Et malheureusement, il y a parmi les habitants d’Auroville, des gens qui boivent. Et il y a autre chose aussi... Mais enfin, il y en a un qui s’est trouvé au Playground, il était presque ivre mort. Alors, naturellement, chez nous, à l’Ashram, c’est défendu de boire de l’alcool. Ça a fait un scandale épouvantable. C’est cela, la raison. Ce n’est pas une raison profonde, c’est une raison très pratique. Il est impossible de dire : « Celui-là peut aller, celui-là ne peut pas aller. » À la porte, que peuvent-ils faire? Et ça, c’était presque une révolution. Moi, s’ils me demandent conseil, je leur dis : « Je vous conseille de ne pas boire, parce que cela diminue la conscience et ça abîme la santé. » Mais il y en a qui ne me demandent pas de conseil. Et je ne veux pas faire des règles pour Auroville comme j’en ai fait pour l’Ashram, ce n’est pas la même chose.
Les gens qui vivent à Auroville et qui s’obstinent à suivre toutes les vieilles habitudes — les vieilles et les nouvelles aussi — qui abîment la conscience, qui font descendre la conscience, et il y a des choses comme : fumer, boire et puis les drogues naturellement... Tout cela, c’est comme si vous étiez en train de vous couper des morceaux de votre être. À l’Ashram, naturellement, j’ai dit non. Nous voulons croître en conscience, nous ne voulons pas descendre dans le trou des désirs. Ceux qui se refusent à comprendre, je leur dis : « Auroville, c’est pour trouver une vie nouvelle, plus profonde, plus complète, plus parfaite, et montrer au monde que demain sera mieux qu’aujourd’hui. »
Et il y a ceux qui croient que de fumer, boire etc., fera partie de la vie de demain. C’est leur affaire. S’ils veulent faire l’expérience, qu’ils la fassent. Ils s’apercevront qu’ils s’emprisonnent dans leurs désirs. Mais enfin, je ne suis pas moraliste du tout, du tout, du tout. C’est leur affaire. Seulement, l’Ashram n’est pas un endroit pour ça. Dieu merci, à l’Ashram, nous avons appris que la vie c’est autre chose. La vraie vie, ce n’est pas la satisfaction des désirs. Je peux affirmer, par expérience, que tout ce que les drogues apportent comme expérience, tout ce contact avec le monde invisible, on peut l’avoir d’une façon bien meilleure, beaucoup plus consciente et contrôlée, sans drogues. Seulement, il faut se contrôler soi-même. C’est plus difficile que d’avaler du poison. Mais enfin, je ne prêche pas.
Quand, et si jamais Auroville est un exemple d’une vie supérieure, après avoir conquis tous les désirs et s’être ouvert à des forces supérieures, alors nous pourrons aller partout. Quand les Auroviliens seront des lumières qui se promènent dans le monde, ils seront les bienvenus. Voilà.
Mais je crois que j’ai écrit quelque chose comme cela, non? Ce que je t’ai donné. Ce n’étaient pas des mots : ce sont des choses très concrètes. C’est tout? Ou tu avais encore autre chose?
A. : Non.
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