CWM (Fre) Set of 18 volumes
Paroles de la Mère - I Vol. 14 of CWM (Fre) 422 pages 2009 Edition
French

ABOUT

Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde.

Paroles de la Mère - I


Quatrième partie

Auroville




Entretiens du Matrimandir

Le 31 décembre 1969

C’était la première idée : il y avait le centre, et la ville s’organisait autour. Maintenant ils font le contraire! Ils veulent construire la ville et mettre le centre après. Et la « chose » est prête à venir! moi, je la connais depuis longtemps; elle est là (geste au-dessus), elle attend.

(Silence)

L’idée de A. c’est une île au centre avec de l’eau autour, et c’est de l’eau courante qui servira à toute l’alimentation en eau de la ville; et quand elle aura passé à travers la ville, elle sera envoyée à une usine et elle s’en ira pour l’irrigation de toute la culture autour. Alors ce centre est comme un îlot, et dans ce centre, il y a ce que l’on avait appelé d’abord le « Matri Mandir » — que moi, je vois toujours comme une très grande salle et absolument nue, n’est-ce pas, et qui reçoit une lumière qui vient d’en haut; et que ce soit arrangé de telle façon que la lumière qui vient d’en haut soit concentrée sur un endroit où il y aurait... ce que l’on veut mettre comme le centre de la ville. D’abord, on a pensé au symbole de Sri Aurobindo, mais on peut mettre tout ce que l’on veut. Comme cela, avec un rayon de lumière qui frappe dessus toujours — qui tourne, tourne, tourne... tu comprends, avec le soleil. Ça, si c’est bien fait, ce sera très bien. Et alors, en bas, que les gens puissent s’asseoir et méditer, ou simplement se reposer, mais rien — rien — que quelque chose de confortable en bas pour qu’ils puissent s’asseoir sans se fatiguer, avec probablement des piliers qui serviraient de dossiers en même temps. Quelque chose comme cela.

Et ça, c’est ce que je vois toujours. Et une salle haute de façon que le soleil puisse entrer comme un rayon, suivant les heures, et frapper ce centre qui sera là. Si ça, c’est fait, ce sera très bien.

Et alors, pour le reste, cela m’est égal, ils feront ce qu’ils voudront. On avait d’abord pensé à faire un logis pour moi, mais je n’irai jamais, alors ce n’est pas la peine, c’est tout à fait inutile. Et pour garder cet îlot, il était entendu qu’il y aurait une petite maison pour B. qui voudrait être là simplement comme la gardienne. Et alors, A. avait arrangé tout un système de ponts pour relier ça à l’autre rive. Et l’autre rive serait entièrement faite de jardins tout autour. Ces jardins... nous avons pensé à douze jardins — diviser la distance en douze, faire douze jardins, chacun concentré sur quelque chose, un état de conscience, et les fleurs qui le représentent. Et alors le douzième jardin serait dans l’eau, autour — pas autour, mais à côté — du mandir, et avec l’arbre, le banian qui est là. C’est cela qui est au centre de la ville. Et là, il y aurait une répétition des douze jardins qui sont autour, et les fleurs pareillement arrangées...

(Silence)

Pour l’extérieur de cette espèce de temple, A. avait pensé à faire un grand lotus. Mais alors, cet intérieur, ce jeu de lumière, je ne sais pas si avec une forme de lotus ce sera possible?

S’ils pouvaient collaborer tous les deux [architectes]... S’ils se mettaient tous les deux ensemble et que l’un soit ici toujours — l’un des deux, tantôt l’un tantôt l’autre, qu’il y en ait toujours un des deux ici, avec un plan unique qu’ils feraient — cela irait beaucoup plus vite, cent fois plus vite.

Cette idée de rayon de soleil, ça... Quand je regarde, tout de suite c’est cela que je vois, et un rayon de soleil qui pourrait venir à toutes les heures — ce serait arrangé de telle façon que ça vienne tout le temps (geste suivant le mouvement du soleil). Et alors, il y aurait là quelque chose, un symbole, qui serait à la fois debout pour qu’il puisse se voir tout autour, et à plat pour recevoir en plein la lumière — Quoi?... Et que cela ne devienne pas une religion, pour l’amour du ciel !

(Silence)

Qui est-ce qui serait capable de trouver le moyen de réaliser cela ?... Parce que le soleil ici ne manque pas — évidemment il y a des jours où il n’y en a pas, mais enfin, il y a beaucoup de jours où il y en a... que de tous les côtés, de n’importe quel angle, le rayon tombe... que ce soit arrangé comme cela. C’est une question de géométrie.

Tu peux en parler à C., parce que s’il avait une idée... C’est cela qu’il faut, quelque chose, un symbole — on trouvera ce qu’il faut, on verra —, évidemment comme un autel, mais... quoi? qui à la fois reçoive directement la lumière d’en haut et latéralement.

Et alors, pas d’autres fenêtres, tu comprends? Tout le reste dans une sorte de pénombre, et ça comme une lumière... Ce serait bien, ça peut être très bien. Je voudrais quelqu’un qui puisse sentir cela. Et si c’était bien réalisé, ce serait déjà très intéressant pour les gens. Ce serait une concrétisation de quelque chose... Ils se mettront à dire que c’est une religion du soleil ! (rires) Oh! tu sais, je suis habituée à toutes les bêtises!

(Silence)

Évidemment, logiquement, ou plutôt psychologiquement, c’est une erreur de faire autour et le centre après.

L’idée de A., de son entourage, c’est d’avoir des industries qui soient capables de ramasser de l’argent pour Auroville, alors... C’est-à-dire qu’au lieu que cela puisse se faire vite, ça prendra des siècles.

Je vais en parler à A. demain, c’est-à-dire que je vais lui dire qu’il voie C., qui a des idées excellentes, enfin qu’il s’entende avec lui. N’est-ce pas, c’est très simple; on va essayer de faire comprendre à A. et de créer la collaboration.

Maintenant, les choses pour moi ne sont plus exclusives, du tout. Je vois très bien la possibilité d’utiliser les tendances les plus opposées en même temps... Ce n’est pas exclusif, je ne dis pas : «   Ah! non, pas ça ! » Non, non, non — tout, tout ensemble. C’est cela que je veux : arriver à créer l’endroit où les contraires puissent s’unir. À moins que l’on ne puisse faire cela... (geste de tourner en rond), ça continue, on continue.


3 janvier 1970

Douce Mère, j’ai dit à C. de venir, il attend dehors.

Oui... il y a une chose intéressante. Il y avait longtemps que je sentais quelque chose, puis nous en avons parlé l’autre jour et j’ai vu... J’en ai parlé à A., je lui ai dit de voir C., je lui ai dit aussi que j’avais vu ce qu’il fallait faire. Naturellement, il n’a pas dit non, il m’a dit oui à tout, mais j’ai senti qu’il n’avait pas beaucoup l’intention... Mais voilà ce qui s’est passé. J’ai vu clairement — très, très, distinctement... C’est-à-dire que c’était comme cela et c’est encore comme cela, c’est là (geste désignant un plan éternel). L’intérieur de cet endroit...

Ce sera une espèce de hall qui sera comme l’intérieur d’une colonne. Pas de fenêtres. L’aération sera artificielle, avec ces machines-là (Mère désigne un climatiseur), et seulement un toit. Et le soleil qui frappe le centre (ou quand il n’y a pas de soleil — la nuit et les jours sombres — une lumière électrique de projecteur). Et l’idée, c’est de faire tout de suite comme un exemple ou un « modèle » contenant environ une centaine de personnes. Quand la ville sera construite et qu’on aura fait l’expérience, on en fera une grande chose, mais alors ce sera très grand, contenant de mille à deux mille personnes. Et on fera le second autour du premier, c’est-à-dire que le premier ne partira que quand le second sera fini.

Voilà l’idée.

Seulement, pour en parler à C. (et si possible, si je vois que c’est possible d’en parler à A.), je voulais avoir un plan. Je vais le faire faire — pas moi-même parce que je ne peux plus; j’aurais pu le faire dans le temps, mais maintenant je ne vois plus assez clair. Je vais le faire faire cet après-midi, devant moi, un plan, et avec ce plan je pourrai vraiment bien expliquer. Mais à toi, je voulais simplement dire ce que j’ai vu...

Ce sera une tour à douze facettes — chaque facette représente un mois de l’année — et là-haut, le toit de la tour sera comme cela (Mère fait un geste représentant un toit dont les côtés s’élèvent et se rejoignent en un point central).

Et alors, à l’intérieur, il y aura douze colonnes — les murs et puis douze colonnes et tout au centre, il y a par terre mon symbole et dessus quatre symboles de Sri Aurobindo qui se joignent, qui font un carré, et au-dessus... un globe. Un globe si possible d’une matière transparente et avec (ou sans) lumière dedans, mais le soleil devra taper sur ce globe; alors suivant les mois, le moment, ce sera d’ici, de là, de là... (geste indiquant la marche du soleil), tu comprends? Il y aura toujours une ouverture avec un rayon. Pas une lumière diffusée : un rayon qui frappe, qui devra frapper. Ça demande des connaissances techniques pour pouvoir être exécuté, et c’est pour cela que je veux faire un dessin avec un ingénieur.

Et alors, il n’y aura dedans ni fenêtres ni lumières, ce sera toujours dans une sorte de pénombre claire, nuit et jour — le jour avec le soleil, la nuit avec la lumière artificielle. Et parterre, rien, excepté un sol comme celui-ci (la chambre de Mère), c’est-à-dire d’abord du bois (du bois ou autre chose), puis une sorte de mousse de caoutchouc, épaisse, très douce, et puis un tapis. Un tapis partout — partout, excepté au centre. Et les gens pourront s’asseoir partout. Et les douze colonnes, c’est pour les gens qui ont besoin de s’appuyer le dos!

Et alors, on ne viendra pas pour une méditation régulière ou quoi que ce soit de ce genre (mais l’organisation intérieure, on la fera après) : ce sera un lieu de concentration. Tout le monde ne pourra pas venir; il y aura un moment de la semaine ou un moment de la journée (je ne sais pas) où on laissera venir les visiteurs, mais enfin pas de mélange. C’est une heure fixe ou un jour fixe pour montrer, et le reste du temps seulement pour ceux qui sont... sérieux, sincères, qui veulent apprendre à se concentrer.

Alors je crois que ça, c’est bien.

C’était là (geste de vision au-dessus), je la vois encore quand j’en parle — je vois. Tel que je le vois, c’est très beau, c’est vraiment très beau... une sorte de pénombre : on voit, mais c’est très tranquille. Et puis des rayons de lumière très clairs et très forts (la lumière projetée, la lumière artificielle, il faudra qu’elle soit un peu dorée, il ne faut pas que ce soit froid — ça dépendra du projecteur) sur ce symbole. Un globe que l’on fera en matière plastique ou... je ne sais pas.

Cristal?

Si c’est possible, oui. Pour le petit temple, le globe n’aura pas besoin d’être très gros : s’il était grand comme cela (environ 30 cm) ce serait bien. Mais pour le grand temple, il faut que ce soit grand.

Mais le grand temple sera construit comment? Audessus du petit?

Entretiens du Matrimandir 307 Non, non, le petit s’en ira. Mais le grand sera construit après, alors dans des dimensions formidables... Le petit partira seulement quand le grand sera fait. Mais, n’est-ce pas, pour que la ville soit finie, il faut compter une vingtaine d’années (vraiment pour que tout soit en ordre, à sa place). C’est comme les jardins : tous les jardins que l’on fait, c’est pour maintenant, mais dans vingt ans il faudra que tout cela ait d’autres dimensions; là, il faudra que ce soit quelque chose de vraiment... vraiment beau. Et je me demande dans quelle matière faire ce globe, le grand ?... Le petit, en cristal peut-être; un globe comme cela (30 cm) je crois que ce serait suffisant. Il faut que l’on puisse voir le globe de tous les coins de la salle.

Il ne faut pas qu’il soit trop élevé au-dessus du sol non plus?

Non, le symbole de Sri Aurobindo n’a pas besoin d’être grand, il a besoin d’être grand comme cela...

Vingt-cinq centimètres, trente centimètres?

Au plus, tout au plus.

C’est-à-dire que ce serait à hauteur des yeux à peu près.

Des yeux, oui, c’est cela. Et une atmosphère très tranquille. Et rien, n’est-ce pas, de grandes colonnes... À savoir si les colonnes seront d’un style... si elles seront rondes, ou aussi elles-mêmes à douze facettes...? Et douze colonnes.

Et un toit à deux pans?

Oui, un toit à deux pans pour pouvoir avoir le soleil.

Il faudra que ce soit arrangé de telle façon que la pluie ne puisse pas entrer. On ne peut pas penser à avoir quelque chose à ouvrir et à fermer quand il y a la pluie, ce n’est pas possible, il faut que ce soit arrangé de telle façon que la pluie ne puisse pas entrer. Mais le soleil doit entrer par rayons, pas diffusé. Par conséquent il faut que l’ouverture soit limitée... Cela demande un ingénieur calé qui sache vraiment son métier.

Et quand commenceraient-ils?

Moi, je voudrais que l’on commence tout de suite, dès que l’on aurait les plans. Seulement il y a deux questions : d’abord les plans (les travailleurs, on peut en avoir) et puis l’argent... Je crois que c’est possible avec cette idée de faire comme un petit échantillon (enfin « petit » c’est une façon de parler, parce que pour que cela contienne facilement une centaine de personnes, il faut encore que ce soit suffisamment grand), un petit échantillon pour commencer, et alors en faisant un petit échantillon on apprendra, et on fera le grand juste quand la ville sera finie — ce n’est pas tout de suite.

J’en ai parlé à A., qui m’a dit le lendemain : «   Oui, mais ça va demander du temps à préparer ». (Je n’ai rien dit de tout ce que je viens de te dire, j’ai seulement parlé de faire quelque chose.) Et après, j’ai eu la vision de cette salle, alors je n’ai plus besoin de personne pour voir ce que ça doit être : je sais. Et il faut plus un ingénieur qu’un architecte, parce qu’un architecte... il faut que ce soit aussi simple que possible.

J’ai raconté à C. ce que tu avais vu, cette grande salle vide : ça le touchait beaucoup, il voyait justement cette grande salle vide. Il comprend bien. Alors vide, cela veut dire une forme simplement.

Mais une forme... comme une tour, mais... (c’est pour cela que je voulais avoir un croquis, pour montrer) douze facettes régulières, et puis il faut un mur qui ne soit pas droit, un mur un petit peu comme cela (geste légèrement incliné), je ne sais pas si c’est possible. Et à l’intérieur douze colonnes. Et alors il faut trouver un arrangement pour capter le soleil. Douze facettes de façon qu’à tout moment de l’année, il puisse venir... Il faut quelqu’un qui sache bien le métier.

Le dehors... Je n’ai pas vu dehors, pas vu du tout, je n’ai vu que le dedans.

Je voulais expliquer à C. quand j’aurais les papiers, ce serait plus facile, mais puisque tu l’as appelé...

D. va chercher C., qui arrive avec une guirlande d’« Harmonie » rose. Mère lui donne un hibiscus orange (la fleur d’Auroville), le regarde, puis se met à parler :

Depuis que l’on a décidé de faire ce temple, j’ai vu, je l’ai vu à l’intérieur. Je viens d’essayer de le décrire à E. Mais d’ici quelques jours, j’aurai des plans et des dessins, alors je pourrai expliquer plus clairement. Parce que le dehors, je ne sais pas du tout comment c’est, mais dedans je sais.

C. : Le dehors sort du dedans.

C’est une espèce de tour à douze facettes régulières, qui représentent les douze mois de l’année, et absolument vide... Et il faut qu’elle puisse contenir de cent à deux cents personnes. Et alors, pour soutenir le toit, il y aurait à l’intérieur (pas audehors : à l’intérieur) douze colonnes, et tout à fait au centre, alors l’objet de la concentration... Et avec la collaboration du soleil, toute l’année le soleil devra entrer par rayons (pas une diffusion, il faudra faire un arrangement pour qu’il puisse entrer comme des rayons), alors suivant les heures de la journée et les mois de l’année le rayon tournera (il y aura un arrangement en haut) et le rayon sera dirigé sur le centre. Au centre, il y aura le symbole de Sri Aurobindo soutenant un globe. Un globe que l’on va essayer de faire en quelque chose de transparent comme du cristal ou... un grand globe. Et alors les gens seront admis là pour se concentrer — (riant), pour apprendre à se concentrer! Pas de méditations fixes, rien de tout cela, mais il faudra qu’ils restent là dans le silence — dans le silence et la concentration.

C. : C’est très beau.

Mais l’endroit, absolument... aussi simple que possible. Et le sol, de façon que les gens soient confortables, qu’ils n’aient pas à penser qu’ils ont mal ici ou qu’ils ont mal là !

C. : C’est très beau.

Et au milieu, sur le sol, mon symbole. Au centre de mon symbole on mettra en quatre parties (comme un carré) quatre symboles de Sri Aurobindo, debout, soutenant un globe transparent. Ça, ça a été vu. Alors, je vais faire préparer par un ingénieur des petits plans, simples, pour montrer, et puis je te montrerai quand ce sera prêt. Voilà. Et puis on verra. Pour les murs, probablement il faudra que ce soit en « concrete » [béton armé].

C. : Toute la structure peut être en béton armé.

Le toit devra probablement être incliné, et alors au centre il faudra un arrangement spécial pour le soleil.

D. : Tu disais que les murs seraient un peu inclinés.

Ce seront ou les murs inclinés ou le toit qui devra être incliné — ce qui sera plus facile à faire. Les murs, on peut les faire droits et le toit incliné. Et la partie supérieure du toit appuyée sur les douze colonnes. Et là-haut, l’arrangement pour le soleil.

Et dedans, rien. Rien que les colonnes. Les colonnes, je ne sais pas, il faudra voir si on les fera à facettes (comme le toit, à douze facettes) ou bien simplement rondes.

C. : Rondes.

Ou simplement carrées — c’est à voir.

Et alors, par terre, on mettra quelque chose d’épais et de mou. Ici vous êtes confortables quand vous êtes assis? Oui, il y a d’abord du bois et puis cette espèce de caoutchouc, et par-dessus un tapis de laine.

D. : Avec ton symbole?

Pas le tapis. Le symbole, j’avais pensé qu’il vaudrait mieux le faire en quelque chose de solide.

C. : Il faut de la pierre.

Le symbole... tout sera autour, n’est-ce pas. Le symbole ne couvrira pas le tout, ce sera seulement au milieu de l’espace — (riant) il ne faut pas que l’on s’assoie sur le symbole! Ça, au milieu. La proportion du symbole pour le tout est à voir soigneusement, en comparaison avec la hauteur.

C. : Et la salle assez vaste?

Ah! oui, il faut bien. Il faut que ce soit comme une sorte de pénombre avec ces rayons de soleil — que le rayon de soleil se voie. Un rayon de soleil. Alors suivant les heures de la journée, le soleil tournera (les heures de la journée et les mois de l’année). Et puis la nuit, dès que le soleil disparaît, on allume des réflecteurs qui auront le même effet et la même couleur. Et nuit et jour, la lumière reste là. Mais pas de fenêtres ni de lampes ni de choses comme cela — rien. La ventilation avec des machines « air-conditioner » [climatiseurs] (on fait cela dans les murs, c’est très facile).

Et silence. Dedans on ne parle pas! (Mère rit)

Ça sera bien.

Alors, dès que mes papiers seront prêts, je t’appellerai pour te les montrer.

C. : Très bien.

C. se retire. Mère continue à parler avec D.

Je n’ai pas demandé à C. s’il a vu A. parce que... A. est tout à fait dans l’atmosphère « pratique » maintenant. C’est bien, il faut que ça démarre!

N’est-ce pas, c’est ce que j’ai appris : la faillite des religions, c’est parce qu’elles étaient divisées; elles voulaient que l’on soit religieux à l’exclusion des autres religions; et toutes les connaissances ont fait faillite parce qu’elles étaient exclusives; et l’homme a fait faillite parce qu’il était exclusif. Et ce que la nouvelle conscience veut (c’est là-dessus qu’elle insiste)... plus de divisions. Être capable de comprendre l’extrême spirituel, l’extrême matériel, et de trouver... trouver le point de jonction, là où... ça devient une force véritable.

Au point de vue pratique, je vais essayer de faire comprendre à A.; mais j’ai vu, il me semblait que ce qu’il faudrait... A., quand il est ici, s’occupe d’Auromodèle, du côté pratique, de tout cela, c’est très nécessaire, c’est très bien; et pour cette construction du centre, je voudrais que ce soit C. qui le fasse, et alors je voudrais que C. reste quand A. est parti, que C. soit ici quand A. est parti, et avec C. on ferait cela. Seulement je ne veux pas qu’ils sentent l’un et l’autre que c’est l’un contre l’autre. Il faut qu’ils comprennent que c’est pour se compléter.

Je crois que C. comprendra.

Mais A. va prendre cela comme un empiètement sur ses attributions?

Peut-être pas, je vais essayer. Je vais essayer.

Non, quand je lui ai dit qu’il était nécessaire de faire le centre, que je l’avais vu et que ça devait être fait, il n’a pas objecté, seulement il m’a dit : « Mais ça prendra du temps », je lui ai dit : « Non, il faut que ce soit fait tout de suite. Et c’est pour cela que je fais faire ces espèces de croquis par un ingénieur pour lui montrer, parce que ce n’est pas un travail d’architecte, c’est un travail d’ingénieur avec des calculs très précis pour la lumière du soleil, très précis. Il faut que ce soit quelqu’un qui sache vraiment. L’architecte, il faudra qu’il voie que les colonnes soient belles, que les murs soient beaux, que les proportions soient exactes — tout cela est très bien — et puis ce symbole au centre. Le côté beauté naturellement, c’est l’architecte qui doit le voir, mais tout le côté calcul... Et l’important c’est cela, c’est le jeu du soleil sur le centre. Parce que cela devient le symbole — le symbole de la Réalisation future. »


Le 10 janvier 1970

J’ai une lettre de C...

Je vais le voir cet après-midi.

Je t’ai dit que j’avais vu la construction centrale d’Auroville... J’ai un plan, cela t’amuserait de le voir?... Il y a des rouleaux là (Mère déroule le plan tout en expliquant) :

Il y aura douze facettes. Et à égale distance du centre, douze colonnes. Au centre, sur le sol, mon symbole, et au centre de mon symbole, il y a quatre symboles de Sri Aurobindo, debout, formant un carré, et sur le carré, un globe translucide (on ne sait pas encore dans quelle matière). Et alors, du haut du toit, quand il y a du soleil, le soleil tombera en rayon là-dessus (nulle part ailleurs, seulement là); quand il n’y a pas de soleil, il y aura des réflecteurs électriques qui enverront un rayon (aussi un rayon, pas une lumière diffusée) juste là-dessus, sur ce globe.

Et puis, il n’y a pas de portes, mais... en descendant profondément, on remonte dans le temple. On passe sous le mur et on remonte dedans — c’est encore un symbole. Tout est symbolique.

Et puis il n’y a pas de meubles, mais il y a, sur le sol, comme ici, d’abord du bois probablement, puis sur le bois un « dunlop » [balatum] épais et là-dessus un tapis (comme ici). La couleur est à choisir. Le tout sera blanc. Je ne suis pas sûre que les symboles de Sri Aurobindo seront blancs... je ne crois pas. Je ne les voyais pas blancs, je les voyais d’une couleur indéfinissable qui était entre l’or et l’orange, une sorte de couleur comme cela. Ils seront debout, ils seront creusés dans la pierre. Et un globe qui n’est pas transparent mais translucide. Et alors, tout au fond (sous le globe) il y aura une lumière qui sera projetée en l’air et qui rentrera diffusée dans ce globe. Et puis, du dehors, il y aura des rayons de lumière qui tomberont sur le centre. Et pas d’autres lumières, pas de fenêtres, une ventilation électrique. Et pas un meuble, rien. Un endroit... pour tâcher de trouver sa conscience.

Dehors, ce sera à peu près comme cela (Mère déroule un autre plan)... On ne sait pas si le toit sera tout à fait pointu ou... tout simple, tout simple. Ça pourra contenir à peu près deux cents personnes.

Alors, la lettre de C.?

« Très Douce Mère,

« J’ai vu A. dimanche, il est venu dans ma chambre, on a déjeuné ensemble. Avec amour j’ai arrangé pour Toi et pour A. de très belles fleurs. Toi Tu étais avec nous. On a beaucoup parlé. J’ai senti A. comme un frère.

« Je lui ai dit qu’Auroville ne peut pas naître comme n’importe quelle ville (problèmes d’urbanisme, social, économique, tout cela après). Le commencement doit être “autre chose”. C’est pour cela qu’on doit commencer par le Centre. Ce Centre doit être notre levier, notre point fixe, la chose dans laquelle on peut se soutenir pour essayer de sauter de l’autre côté — parce que c’est seulement de l’autre côté qu’on peut commencer à comprendre ce que doit être Auroville. Et ce Centre doit être la forme qui manifeste dans la matière le contenu que Toi Tu peux nous transmettre sur tous les plans (aussi occultes). Nous, on doit être seulement le moyen ouvert et sincère à travers lequel Tu peux concrétiser cela.

« Et je lui ai dit comme j’ai senti la nécessité de s’approcher de tout cela en vivant l’expérience intérieurement et tous unis — gens d’Orient et d’Occident — dans un vaste mouvement d’amour, car c’est le seul béton possible pour bâtir “autre chose”... »

C’est bien, ce qu’il dit.

« Et le Centre peut nous donner cet amour tout de suite parce que c’est l’amour pour Toi!

« Je lui ai dit que pratiquement on pourrait commencer avec un moment de silence, tous rassemblés et essayer de faire un blanc total, et sur ce blanc, avec l’aspiration de tout le monde, faire descendre les signes pour le commencement. Mais tous unis et tous ensemble, surtout ceux qui sont spirituellement les plus avancés (les Indiens).

« A. a été parfaitement d’accord. Il a dit que vraiment il faut faire ça. »

(Mère approuve de la tête)

Je vois C. cet après-midi pour lui donner ce plan. Parce que c’est cela que j’ai vu, n’est-ce pas. On va le faire en marbre blanc. F. a dit qu’il irait chercher le marbre, il connaît l’endroit.

Toute la structure en marbre blanc?

Oui, oui.

Mais C. m’a dit une chose que je sens juste. Il m’a dit : on va construire ce Centre, on va mettre tout notre cœur et notre aspiration là-dedans, dans ce Centre...

Oui, oui.

Et à travers les années, ça va se « charger » de plus en plus...

Oui.

Alors il faut que ce Centre soit définitif : il ne faudrait pas qu’on enlève ce temple-là pour en construire un autre plus grand après.

J’ai dit cela pour calmer les gens qui pensent qu’il faut quelque chose de formidable. J’ai dit : on commence par ça, et puis on verra... Tu comprends? J’ai dit : ce Centre doit être là jusqu’à ce que la ville soit entièrement construite, et après on verra — après, on n’aura pas envie de l’enlever!

Mais il dit qu’au point de vue architectural, il est très possible d’étendre la chose de l’extérieur, sans toucher à ce qui est déjà bâti.

Oui, oh! c’est très possible.

N’est-ce pas, A. m’a dit : «   Et alors, qu’est-ce que l’on fera après? » J’ai dit : «   Eh bien, on y pensera plus tard ! »... C’est cela, ils ne savent pas... ils ne savent pas qu’il ne faut pas penser. Moi je n’y pensais pas du tout, du tout, du tout — un jour, je l’ai vu, comme cela, comme je te vois. Et encore maintenant, c’est tellement vivant qu’il suffit que je regarde pour que je le voie. Et ce que je voyais c’était le centre et la lumière qui tombe dessus, et puis tout naturellement en observant, j’ai remarqué, j’ai dit : « Voilà, c’est comme cela. » Mais ce n’était pas pensé, je n’ai pas pensé « douze colonnes et puis douze facettes et puis... » Je n’ai pas pensé tout cela. J’ai vu.

C’est comme ces symboles de Sri Aurobindo... quand je parle du centre, je vois encore ces quatre symboles de Sri Aurobindo, qui se tiennent par leurs angles, comme cela et cette couleur... couleur étrange... je ne sais pas encore où l’on pourra trouver cela. C’est un or orangé, très chaud. Et c’est la seule couleur de l’endroit : tout le reste est blanc. Et le globe translucide.

C. a dit qu’il allait tout de suite se renseigner en Italie, à Murano, l’endroit où on fait les grands cristaux, pour savoir dans quelle mesure on peut faire un globe, par exemple de 30 cm en cristal.

Il y a la dimension exacte sur le plan, ça doit être marqué.

Il y a une grande cristallerie là-bas.

Oh! Ils font des choses merveilleuses là-bas. Ce n’est pas marqué, la dimension du globe?

Soixante-dix centimètres.

Ça peut être creux. Ça peut ne pas être plein, pour que ce ne soit pas trop lourd.

(Silence)

Ce souterrain pour entrer... On entrera à une dizaine de mètres de distance du mur et au pied de l’urne. Ce sera l’urne qui marquera la place de la descente. Il faut que je choisisse exactement de quel côté... Et alors, il se peut très bien que plus tard, l’urne, au lieu d’être dehors, soit au-dedans de l’enceinte. Alors on pourrait mettre, peut-être, simplement un grand mur tout autour, et puis des jardins. Entre le mur d’enceinte et le bâtiment que l’on va faire maintenant, avoir des jardins et l’urne. Et ce mur-là aura une entrée : une ou plusieurs portes ordinaires. On pourra circuler dans le jardin. Et puis il faudra remplir certaines conditions pour avoir le droit de descendre dans le souterrain et d’émerger dans le temple... il faut que ce soit initiatique un peu — pas tout à fait « comme cela », n’importe comment.

(Silence)

À A., j’ai dit : on verra cela dans vingt ans! Alors ça l’a tenu tranquille.

Mais la première idée était d’entourer ça avec de l’eau, de faire un îlot pour que l’on ait à traverser l’eau pour pouvoir arriver au temple — c’est très possible de faire un îlot...


Le 17 janvier 1970

Qu’est-ce que tu voulais me dire?

J’ai reçu la visite de C. et de G. Il y a deux choses. Mais d’abord, il y a le plan de ce Centre, plus exactement de l’extérieur de ce Centre.

L’extérieur, je n’ai rien vu. Il y a un croquis, c’est un croquis de F... Je n’ai rien vu du tout et je suis ouverte à toutes les propositions. Et alors?

Il m’a expliqué quelque chose que j’ai trouvé très beau, que je voudrais te soumettre... Quand tu avais parlé de ce Centre, en effet, pour l’extérieur, tu disais : « Je ne sais pas si les murs seront inclinés ou si c’est le toit qui sera incliné », tu semblais avoir une hésitation. Alors C. dit qu’il a reçu comme une inspiration et qu’il a vu quelque chose de très simple, comme une grande coquille, dont une partie émergerait à la surface, et une autre partie serait enfouie dans la terre. Et il a dessiné une sorte de schéma que je voudrais te montrer.

Est-ce qu’ils ont vu A. aussi? Parce que A. avait deux idées, il est venu me voir avec deux idées, et je lui ai dit ce que je préférais des deux, mais rien n’est décidé encore. Et A. doit faire le croquis de ses idées. Alors je vais voir ce que dit C. et puis je te dirai les idées de A.

(E. déroule le plan) Alors tu vois, voilà l’extérieur, qui serait simplement comme une coquille. L’intérieur est exactement comme tu l’as vu : ce grand tapis tout nu et puis la boule au centre. Et ce qui a déterminé l’inspiration de C. c’est que tu as dit qu’il fallait rentrer sous terre pour réémerger. Alors il a eu l’idée de descendre profondément, de faire un escalier en hélice, ici, qui remonterait, et arrivé là, il y aurait comme une série d’escaliers qui s’embrancheraient dans toutes les directions (dans la partie intérieure de la coquille) et qui aboutiraient dans le temple lui-même. Alors, toute la partie inférieure serait en marbre noir, et toute la partie supérieure en marbre blanc tout simple. Et l’ensemble est comme un grand bouton, tu vois, comme si ça poussait de terre.

Tu es sûr qu’il n’a pas vu A.? Parce que A. m’a dit : je veux faire un grand cercle; l’intérieur sera exactement un demi-cercle, et l’autre demi-cercle sera sous terre. Il m’a dit presque les mêmes mots.

Parce que C. lui a dit son idée.

Ah! C. lui avait dit! Ah! c’est ça...

C’est comme un bouton qui sort de terre.

Oui, oui, c’était la première idée que A. m’avait dite, presque identiquement les mêmes mots. Et alors, sa seconde idée était une pyramide, laisser le temple comme on l’avait dit, et puis faire une pyramide. Mais j’avais pensé aussi à une pyramide, et je lui ai dit : j’ai pensé à une pyramide... Mais il a dit qu’il ferait les deux plans et puis que l’on verrait. Mais si cela s’accorde avec l’idée de C., c’est très bien.

Mais l’idée de A., en fait, c’est l’idée de C.

Oui, c’est cela.

Alors, quand on arrive en haut de la « tige », il y a toute une série d’escaliers dans toutes les directions, si bien que l’on peut émerger dans le temple par n’importe quel côté... Et alors, le centre est absolument nu, et tout autour il y a comme une passerelle par laquelle on émerge du fond, c’est par là qu’il y aura tous ces escaliers. Et tout sera nu. Il y aura simplement cet immense tapis qui sera tenu de coin en coin par ces passerelles. Ça aura l’air comme suspendu. Tout blanc, tout uni. Et il y avait la question des douze colonnes... C. disait qu’il sentait que les colonnes étaient encore un symbole ancien qui ne s’allierait pas bien avec la coquille, et il disait : au lieu de douze colonnes, on pourrait symboliquement mettre douze appuis, douze bases de colonnes qui serviraient de dossiers.

Oh! mais les colonnes ont un usage, parce que c’est en haut des colonnes que l’on mettra les projecteurs qui enverront la lumière sur le centre. Il y aura de la lumière nuit et jour; le jour on arrangera des ouvertures, mais dès que le soleil sera parti, on allumera les projecteurs, et les projecteurs sont fixés sur les douze colonnes et convergent sur le centre.

Mais, Douce Mère, si les colonnes ont une utilité uniquement pour les projecteurs, on peut les fixer aussi sur les murs?

Les colonnes ne sont pas près du mur, les colonnes sont ici, juste à moitié de distance entre le centre et le mur.

Parce qu’il voyait cet espace au centre tout nu, avec juste le symbole au centre et ce grand tapis tout uni, sans coupure de colonnes. Mais à la place, mettre comme des gros blocs, douze gros blocs qui signaleraient la place des colonnes et qui serviraient en même temps d’appui.

Ça n’a pas de sens.

Un sens symbolique? Parce que tu parlais beaucoup de ces piliers comme d’appui aussi pour les gens qui voudraient s’asseoir.

Oh! pour leur dos.

Alors il disait que ces douze blocs pourraient, par exemple, être chacun dans une matière différente, comme un symbole : douze matériaux différents.

Moi, j’ai vu des colonnes.

Sur les murs extérieurs, on organisera la ventilation générale, qui sera électrique (pas de fenêtres) et alors sur les colonnes il y avait la lumière... J’ai vu des colonnes, je ne peux pas dire. J’ai vu clairement les colonnes.

Eh bien, je le lui dirai.

Quant à la galerie tout autour, je ne sais pas si j’aime beaucoup cela... Je ne l’ai pas vue, j’ai vu les murs tout nus, sans fenêtres, et puis les colonnes, et puis le centre. Ça, je suis sûre parce que je l’ai vu, et je l’ai vu longtemps.

La forme d’une coquille te convient?

C’est-à-dire que cela fait un cercle parfait : moitié en haut, moitié en bas... Ça peut aller. Seulement il faudra faire un arrangement pour le soleil.

Oui. G. connaît très bien le problème d’éclairage par prismes, parce que si l’on veut attraper un rayon de soleil, il faut mettre des prismes. Il dit qu’il résoudra le problème très facilement, qu’il s’en occupe. Simplement, on met des prismes à un certain nombre d’endroits, qui capteront juste un rayon de soleil.

Il faut un rayon. Ce que j’ai vu, on voyait le rayon.

C’est cela, avec un prisme on voit le rayon. Alors, il y aura un certain nombre d’ouvertures géométriques suivant le mouvement du soleil... Mais à l’intérieur, sur les parois, les douze facettes seront reproduites.

Oui, oui.

Et ça, en principe (il montre la galerie circulaire) c’était les entrées par lesquelles on émergeait du souterrain.

Je ne sais pas si c’est bon de multiplier les entrées comme cela... Il y aura un problème pratique à résoudre : s’il y avait une seule entrée et qu’il y a une surveillance très sévère à cette entrée, ça va bien, mais s’il y a plusieurs entrées et qu’il n’y ait pas suffisamment d’éclairage, il y aura des catastrophes.

Non, non, Douce Mère, il n’y a qu’une entrée à l’extérieur, mais quand on débouche à la base de la coquille, il y aurait cette multiplicité d’entrées. Non, à l’extérieur il n’y a qu’une descente; une descente qui aboutit ici, au pied de cet escalier en hélice.

(Silence)

Il avait pensé à cette passerelle tout autour parce qu’il disait que cela détacherait davantage tout ce tapis central tout blanc, qui aura l’air comme de flotter, détaché, au lieu d’être collé au mur.

Je ne pensais pas « collé au mur », il y avait toujours une circulation autour du mur.

Alors c’est cette circulation, avec un certain nombre de passerelles. Et c’était aussi cette idée de nudité qui lui avait fait enlever les colonnes.

Ce que je n’aime pas, c’est l’idée des passerelles, parce que les murs étaient tout droits, du haut en bas, en marbre blanc.

Ah ! Mais les passerelles ne sont pas hautes, c’est à peu près 30cm au-dessus du sol.

Oui, ça, ça va.

Et d’ailleurs, il disait que sur ces passerelles, ou plutôt ce rebord qui limite la circulation autour, le tapis pourrait venir juste en angle, couvrir en angle.

Ça, ça va bien.

(Silence)

Bon, ça va. Alors il faut qu’ils s’entendent. Mais ce doit être à moitié fait puisque A. m’a parlé de l’idée. Si j’avais su que c’était l’idée de C., j’aurais dit oui tout de suite. Mais ça s’arrangera. Ça va bien.

Alors je lui dis de travailler sur cette base... La seule question en suspens, c’est l’extérieur : est-ce que l’on doit laisser un vide autour de la coquille pour que l’on voie bien la descente de la coquille? Autrement, si l’on bouche tout, ça aura l’air simplement d’un hémisphère posé sur la terre. Pour que l’on comprenne bien la descente de cette coquille sous terre, il pensait faire une ouverture tout autour.

Je ne sais pas. Je te dis, je n’ai rien vu pour l’extérieur, alors je ne sais pas. Mais ce sera dangereux. On pourrait tomber.

Ou bien on peut faire une sorte de douve avec de l’eau tout autour, une eau transparente qui montrerait cette descente de la coquille, par exemple?

Oui, cela pourrait être bien.

Il y a aussi une question de mesures. D’après le plan, tu as donné 24m — 12m de chaque côté du globe. Mais est-ce que l’on peut garder un peu de distance supplémentaire de chaque côté pour la circulation ? Le plan indique 24m en diamètre, et 15m20 en hauteur.

Ah?

Il demande si ces proportions peuvent varier? Garder 24m pour la base du tapis, mais avec la possibilité, par exemple, de garder 2m ou 3m de chaque côté, pour les dégagements?

Alors le mur serait où?

Le mur serait là (il indique l’extérieur du passage circulaire).

C’est le mur qui doit être à 24m.

Il dit que s’il doit y avoir ces passages, 24m serait un peu court.

(Silence)

Et la hauteur aussi est en question.

La question justement était que cela devait faire un cercle parfait.

Si cela fait un cercle parfait, alors la hauteur fera le rayon de la distance entre les deux murs.

Oui.

(Long silence)

La chose qui me ferait vraiment plaisir, c’est s’ils se mettaient d’accord tous les deux et qu’ils me présentaient un projet de tous les deux en même temps. Comme cela, ça serait facile pour l’exécution... N’est-ce pas, si A. a adopté l’idée de C., pourquoi ne verraient-ils pas ensemble, tous les deux, comment l’exécuter?

Oui, ça simplifierait beaucoup les choses.

Oui! beaucoup, beaucoup.

(Silence)

Qu’est-ce qui se passera là-dessous?... (Mère désigne la partie souterraine de la coquille). Tout cela est mental, mais quand vous allez avoir un grand sous-sol tout noir, qu’est-ce qui va se passer là-dedans? Qu’est-ce qui va se passer? — Des tas de choses innommables. L’humanité n’est pas transformée, il ne faut pas l’oublier. Et il y aura toutes sortes de gens qui viendront... Même s’il y a un contrôle à l’entrée, on ne peut pas empêcher les gens d’aller voir, alors qu’est-ce qui se passera là-dessous?... C’était ma première objection quand A. m’a dit : «   On pourrait faire des souterrains magnifiques! » Je lui ai dit : « C’est très bien, et qui contrôlera ce qui se passe là-dessous? »

J’avais pensé que c’était ton idée, la descente?

Mon idée était une descente assez courte et qui émergerait là. (Mère désigne l’unique ouverture du plan primitif) Une descente assez courte, pas un grand souterrain comme cela... Mais c’est possible, c’est une question de contrôle, c’est tout. Seulement, un souterrain où il y a place pour deux rangées de personnes (une qui monte et une qui descend) et qui émerge là, ou un énorme souterrain comme celui-là, il y a une grande différence! Et maintenant il ajoute à cela que ce sera tout noir!

En marbre noir, oui.

Oui, alors? C’est-à-dire que l’on n’y verra pas très clair. Alors, qu’est-ce qui va se passer là-dedans?

Les souterrains ne sont pas en forme de boyaux : c’est un escalier central en hélice, et quand on arrive au sommet de l’hélice, elle s’embranche en une série d’escaliers à découvert, suspendus comme des passerelles. Ce n’est pas enfermé, c’est tout volant.

Il n’y aura pas d’accidents?... Ah! il y a tout prêts des gens hallucinés qui se casseraient la tête par terre... N’est-ce pas, c’est un peu trop mental pour mon goût, c’est-à-dire qu’au point de vue mental c’est très attractif, mais en vision...

L’idée, c’est surtout la construction collective de ce souterrain comme un symbole...

(Long silence)

On verra ! (Mère rit)

(Silence)

En tout cas, il faudrait qu’ils se mettent ensemble. Et puis je verrai. J’aimerais pouvoir les avoir tous les deux ensemble avec leur papier. Alors ce serait très bien.

(Mère entre dans une longue concentration.)

On va laisser décanter.

Et pour le dessus, est-ce qu’on laisse cette idée de coquille, ou bien est-ce à étudier?

Coquille... L’idée c’était une sphère. Pourquoi une coquille?

« Coquille », enfin une forme ronde, une forme sphérique.

Une coquille d’œuf est allongée, elle n’est pas sphérique. L’œuf comme il est vraiment est un peu comme une toupie, alors le haut serait plus large et le bas plus étroit, avec seulement les escaliers... Ça, c’est très possible.

Donne-moi un papier... (Mère dessine un œuf, tout en expliquant). Et alors là, tout en bas, il n’y aurait que les escaliers. Comme cela, oui.

Son idée, c’était de reproduire l’œuf de Brahman, tu sais, l’œuf primitif. Que le temple reproduise l’œuf primitif.

Mais alors comment est-il, l’œuf de Brahman!?...

Je ne sais pas... Comme un œuf, je pense!

Un œuf a une base toujours plus étroite que le sommet. Alors si l’on conçoit un œuf comme cela (Mère dessine) et qu’à la base ce soit l’escalier, et que l’escalier en spirale arrive jusqu’au temple... Par exemple sept embouchures d’escalier.

Sept au lieu de douze.

Et ici (Mère désigne la moitié médiane de l’« œuf ») c’est 24m, et seulement 15m 50 de hauteur. Alors comme cela, c’est correct.

24m pour la largeur totale ou pour le tapis?

Non, il faut avoir des murs droits, les murs ne peuvent pas être courbes. Je les ai vus droits.

Droits, et qui remontent arrondis.

D’après ce que j’avais vu, les colonnes étaient plus hautes que les murs, et c’est pour cela que le toit s’inclinait. Et alors, c’était sur les colonnes que se trouvait la lumière électrique. Et le point le plus large de l’œuf serait ici (Mère tire un trait à hauteur du tapis).

À la limite du sol.

Oui.

Et tu disais sept ouvertures?

Sept escaliers.

Et alors un souterrain qui conduit à la base de l’œuf, d’où partent ces sept escaliers.

Ça, c’est possible.

En somme, les murs intérieurs du temple doivent être droits.

C’est-à-dire que l’on peut, pour le dehors, pour la vision, arrondir, mais à l’intérieur il faut que le mur soit droit.

Le mur droit, et une coupole sur le mur droit.

Oui, une coupole sur le mur droit. Mais la coupole peut être la coupole de l’œuf, et j’avais pensé que l’endroit où la coupole se raccorderait avec les murs, serait sur les colonnes. Douze colonnes. Et ici, pour le dehors, ils peuvent continuer leur mur en forme arrondie comme cela (Mère dessine).

Image 20

Il y aurait même une possibilité, c’est d’avoir un espace entre le mur le plus extérieur et le mur intérieur. Faire un espace. C’est à voir.

Cela veut dire en supplément des 24m?

Oui, c’est entendu. Les 24m se terminent aux murs.

Et les ouvertures pour les sept escaliers?

J’aimerais mieux qu’elles soient en dehors du mur.

Oui, ce serait mieux, parce que cela donnerait plus d’espace au Centre.

Oh! oui, et l’intérieur serait beaucoup plus net. Voir tous ces escaliers ne me plaisait pas. Même un escalier, je n’aimais pas, mais en voir sept... Tandis que dehors, c’est bien.

Donc, un passage au-dehors.

Le passage au-dehors.

Oui, comme dans l’Inde, quand on fait le tour des temples.

Oui. Ça, ça va bien.

Et les sept escaliers partent directement de la base de la coquille, sans cette « tige » qui monte du fond ?

Ça, c’est comme ils veulent. En dessous, ça m’est égal. S’ils veulent que ce soit un escalier comme cela ou un escalier... Pourvu que cela ne soit pas trop raide.

(Silence)

Qu’est-ce que tu as encore?

Il y a la deuxième partie du problème.

Ah! qu’est-ce que c’est?

G. et C. se sont rendu compte que si on laisse Auroville ou la construction de ce Centre aux gens d’Auroville, comme séparés de l’Ashram, cela ne marchera jamais, il n’y aura jamais la vraie force, les gens qui sont là ne sont pas assez réceptifs pour faire le travail. S’il y a cette coupure entre l’Ashram et Auroville, on n’arrivera jamais, on fera encore une « fabrication » mais pas quelque chose de vrai. Selon eux, le seul espoir est que réellement ce Centre soit construit non pas par des Auroviliens, mais par tous les gens de l’Ashram, sans distinction entre les Auroviliens et non-Auroviliens ; que la force s’unisse dans la construction de ce Centre, ne pas abandonner les Auroviliens à une coupure extérieure... De même que tous les disciples ont construit « Golconde » 20 , il faudrait que de la même manière tous les disciples construisent le Centre d’Auroville, sans main-d’œuvre extérieure.

À Golconde, il y a eu une main-d’œuvre extérieure.

Enfin, en limitant autant que possible l’élément extérieur, pour que ce soit une œuvre de consécration. Autrement, dit G., les gens d’Auroville sont tous pleins d’arrogance, d’incompréhension, ils voient l’extérieur des choses. Il faut que se mêle à cela la force des gens d’ici. Et si les gens de l’Ashram ne viennent pas insuffler la force, on n’arrivera à rien... À l’heure actuelle, me disait C., Auroville tel que ça a l’air de l’extérieur, ressemble à une nécropole (Mère rit). C’est le fruit « vivant » de l’égoïsme. La seule chose qui puisse sauver, c’est que les gens de l’Ashram entrent là-dedans et fassent le travail et que les autres soient absorbés là-dedans, — sinon...

(Long silence)

Mais à l’Ashram, nous avons trois centres qui font de la construction : il y a H., qui s’occupe de l’entretien des maisons, I. et F...

Mais ce n’est pas cela que G. voulait dire. Il ne parlait pas du tout d’un problème de construction, il parlait du problème que les disciples travaillent avec les Auroviliens...

G., en tant qu’ingénieur et avec l’argent ramassé, fera la construction, mais il faut que toute la main-d’œuvre soit fournie par l’ensemble des gens de l’Ashram, qui se mêlent aux Auroviliens. C’est cela l’idée.

Ce n’est pas possible. Tous les gens de l’Ashram qui sont en âge de travailler, travaillent tous. Ils ont tous leur occupation.

Il voyait une sorte de roulement, chacun donnant, par exemple, une heure par jour, ou une journée par semaine. Parce que, autrement...

Ils ne demanderaient pas mieux. Ils prendraient cela comme un extraordinaire amusement. J’ai plus de peine à les empêcher de se disperser que je n’aurais de peine à leur faire faire quelque chose. Ce serait pour eux un amusement.

Parce qu’il dit que s’il n’y a pas la force intérieure des gens de l’Ashram qui se mêle à ceux d’Auroville, ceux d’Auroville resteront ce qu’ils sont... Il dit : autrement, il n’y a pas d’espoir.

Oh! non, il ne sait pas. C’est tout dans la mentalité, c’est tout mental. Ils ne savent pas. Qui est-ce qui sait? C’est seulement quand on voit. Il n’y en a pas un qui voie. Tout, des pensées, des pensées, des pensées... Ce ne sont pas des pensées qui construisent.

Les éléments d’Auroville peuvent faire le travail?

Je suis en train de travailler, travailler (geste de malaxage) pour rassembler les énergies qui peuvent faire. Et il faut un décantage là-bas.

(Silence)

Mais tu comprends, ils parlent de travail physique, et pour le travail physique il n’y a que les jeunes qui sont à l’école — tous les Ashramites sont devenus vieux, mon petit, ils sont tous vieux. Il n’y a que les jeunes à l’école. Et les jeunes qui sont à l’école, ne sont pas ici pour être des Ashramites, ils sont ici pour être éduqués — c’est à eux de choisir... Il y en a beaucoup, beaucoup qui veulent aller à Auroville. Alors ce serait le côté éducation de l’Ashram qui irait à Auroville — il y en a beaucoup. Mais donne-moi les noms, qui est-ce qui peut aller travailler avec ses mains?

Mais, Douce Mère, la seule possibilité, c’est que tu DISES, alors moi, demain, je vais passer deux heures à Auroville et ramasser des « baskets » [paniers]!

(Mère rit) Mon petit, toi tu es l’un des plus jeunes... Tu me vois disant à J. : «   Allez travailler »!

Ah ! mais ça tirerait tous les autres.

(Mère rit) Pauvre J. !

(Silence)

Si tu savais combien de lettres je reçois de prétendus Auroviliens qui disent : «   Oh! je veux enfin être tranquille, je veux venir à l’Ashram, je ne veux plus être Aurovilien. » Voilà. C’est juste le contraire. « Je veux être tranquille. » Voilà.

(Silence)

Moi, tu sais, je ne crois pas aux décisions extérieures. Simplement je ne crois qu’à une chose : la force de la Conscience qui fait une PRESSION comme ça (geste écrasant), et la Pression va en augmentant... Ce qui fait qu’elle va décanter les gens. Je ne crois qu’à ça, la pression de la Conscience. Tout le reste, ce sont les choses que les hommes font. Ils les font plus ou moins bien, et puis ça vit, et puis ça meurt, et puis ça change, et puis ça se déforme et... — tout ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas la peine. Il faut que la puissance d’exécution soit d’en haut, comme cela, impérative (geste de descente). Et alors pour cela, il faut que ça (Mère désigne le front) ça reste tranquille. Pas dire : «   Oh! il ne faut pas cela, oh! il faut ceci, oh! nous devons faire... » Paix, paix, paix. Il sait mieux que vous ce qu’il faut. Voilà.

Alors, comme il n’y en a pas beaucoup qui peuvent comprendre, je ne dis rien, je regarde et j’attends.

(Silence)

S’ils peuvent se mettre d’accord, le travail ira plus vite. Voilà. Les objections de détails n’ont pas d’importance, parce que l’on part avec une idée et on arrive avec une autre — on fait beaucoup de progrès entre les deux. Alors cela n’a pas besoin d’être discuté, c’est seulement... Seulement, tâchez de mettre vos énergies ensemble pour démarrer plus vite, c’est tout!

(Mère rit)









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