Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde.
Les textes publiés dans ce volume sont, pour l’essentiel, des écrits de la Mère sur Sri Aurobindo et sur elle-même, sur l’Ashram, Auroville, l’Inde et le monde. Ce livre comporte en outre une sélection de ses messages, de sa correspondance avec les disciples et de ses notes personnelles.
Vous devez être très polis avec ceux qui dépendent de vous pour vivre. Si vous les maltraitez, ils y sont très sensibles mais ne peuvent vous répondre d’homme à homme, de peur de perdre leur travail.
Il peut y avoir une certaine dignité à être brusque avec ses supérieurs, mais avec ceux qui dépendent de soi, la véritable dignité consiste à être très courtois.
23 juin 1932
Le garçon cordonnier désire avoir une augmentation. Il me prie de vous demander 10 roupies au lieu de 8, ayant à soutenir une famille composée de trois personnes.
Les considérations de famille ne m’intéressent pas du tout. La paye doit dépendre du travail de l’ouvrier, de son habileté, de sa régularité, et non du nombre de personnes qu’il doit nourrir. Parce que si on prenait ces circonstances en considération, ce ne serait plus du travail rémunéré mais une charité, et ainsi que je l’ai dit bien souvent, nous ne sommes pas un bureau de bienfaisance. D’une façon générale je n’ai pas augmenté la paye des ouvriers et des domestiques cette année mais si ce garçon travaille très bien et que vous soyez satisfait de sa conduite je pourrai lui donner 9 roupies au lieu de 8, pour commencer.
30 août 1932
Quand les ouvriers viennent chercher leurs billas 9 ne les retenez pas plus qu’il n’est nécessaire.
Après une journée de travail, ils ont besoin de rentrer chez eux pour se reposer.
4 février 1933
Un domestique n’est pas un forçat et on doit lui accorder une certaine liberté, une certaine latitude de movement.
Je suis sûre que les domestiques se conduisent de la manière dont ils sont traités.
10 mars 1935
C’est très mauvais de réprimander constamment les domestiques — moins vous les grondez, mieux c’est. Si X. vous demande de les gronder, vous devez refuser et lui dire que je vous ai interdit de le faire.
Quant à vos collègues, chacun doit être libre d’agir comme il le sent.
Avec mon amour et mes bénédictions.
16 mai 1940
Si vous êtes sûr que les domestiques volent, cela prouve qu’ils ne sont pas surveillés comme il faut et vous devrez vous en occuper plus soigneusement.
19 juillet 1940
Je vous ai déjà dit ce que je pensais du nombre des ouvriers. Plus ils sont nombreux et moins ils en font, je n’approuve pas qu’il y ait 14 hommes pour les légumes. Le travail peut être fait aussi bien avec beaucoup moins de monde.
1er novembre 1943
Mon cher enfant,
X. a dû vous faire part de ma décision au sujet de Y. J’ai dû la prendre malgré vos « objections » car cet homme demandait seulement qu’on lui donne un autre travail à l’Ashram; il n’a proféré aucune menace ni demandé une augmentation de salaire. C’est un bon ouvrier et ce serait dommage de le perdre. Vous comprendrez cela facilement si vous surmontez votre première réaction égoïste à cette affaire; et sûrement vous ne pouvez pas accepter ce sentiment d’avoir été « insulté », ce qui serait bien peu yoguique.
J’espère qu’après avoir lu ceci, vous vous remettrez et vous en viendrez à considérer cet événement, bien petit et sans importance, d’une manière plus juste.
13 octobre 1944
Vous pouvez l’embaucher comme journalier, à 10 annas de l’heure, mais je refuse de payer des heures supplémentaires; vous devrez veiller à ce qu’il finisse son travail à l’heure. C’est notre constante expérience que, lorsqu’on leur paie des heures supplémentaires, les ouvriers ne font pratiquement rien pendant les heures de travail et s’arrangent ainsi pour se faire payer régulièrement les heures supplémentaires à un tarif très élevé.
1er février 1945
Après de nombreuses années d’interruption due aux événements tragiques qui ont bouleversé la terre, nous reprenons aujourd’hui notre vieille habitude de distribution d’étoffes à l’occasion de la nouvelle année.
Malheureusement les circonstances qui sont encore bien difficiles, presque pires que pendant la guerre, ne me permettent pas de faire ce que j’aurais voulu. Les vêtements que je vais vous distribuer aujourd’hui sont les seuls que j’ai pu obtenir et cela même avec grande difficulté. Je n’ajouterai qu’une chose : j’espère que l’année prochaine ce sera mieux.
1er janvier 1946
Déclaration De La Mère Aux Ouvriers De L’ashram De Sri Aurobindo
C’est mon désir d’expliquer aux ouvriers la nature spéciale des relations qui existent entre eux et moi, comparativement aux relations ordinaires entre employeurs et employés. Je désire aussi, qu’ayant compris ce caractère spécial, les ouvriers gardent toujours cette compréhension présente à l’esprit pendant leurs délibérations et dans les demandes collectives qu’ils me feront.
Ces relations spéciales peuvent se définir ainsi :
(a) Comme on le sait, le travail à l’Ashram n’est pas fait en vue d’un bénéfice. C’est pourquoi pendant la guerre, quand la vie devint chère et difficile pour tous, elle devint aussi chère et difficile pour moi, sans que par le fait des mêmes circonstances les revenus de l’Ashram augmentent d’aucune façon. Les entreprises industrielles et commerciales réalisèrent des bénéfices accrus et, en conséquence, purent augmenter aisément les salaires; mais pour l’Ashram, seules les dépenses augmentèrent. En dépit de cela, je pris en considération les difficultés des ouvriers et leur accordai régulièrement des augmentations de salaires et des indemnités de vie chère.
(b) Bien qu’il y ait eu des périodes où le travail ait fait défaut pour certains ouvriers, je n’en ai licencié aucun pour cette raison, contrairement à ce que font en pareil cas les entreprises ordinaires. Je me suis efforcée de trouver quelque autre travail à leur donner à faire. Ce fut toujours ma ligne de conduite de ne pas congédier par manque de travail les ouvriers qui ont travaillé fidèlement. J’aurais pu facilement le faire; j’aurais même pu fermer les chantiers sans inconvénient sérieux pour l’Ashram. Mais en le faisant j’aurais augmenté la misère générale déjà si grande, et cela je n’ai pas voulu le faire.
(c) Il y a un bon nombre d’ouvriers qui travaillent pour moi depuis de longues années et m’ont servie avec fidélité et dévouement; ceux-là, tout en me considérant comme leur employeur, me regardent aussi comme leur protectrice, la leur et celle de leur famille.
(d) Dans l’ensemble, les ouvriers de l’Ashram ont jusqu’à présent travaillé plus ou moins comme les membres d’une même famille m’ayant à leur tête, et cette relation spéciale a sans aucun doute été à l’avantage de beaucoup d’entre eux. J’aimerais conserver cette relation et en faire le fondement de tous mes rapports avec les ouvriers.
Les points ci-dessus étant entendus, il est suggéré aux ouvriers de l’Ashram de former un syndicat indépendant parce qu’ils sont vis-à-vis de leur employeur dans une situation différente de celle des autres ouvriers, comme il vient d’être expliqué. Ce syndicat pourra être affilié à l’organisation ouvrière générale, mais en gardant sa ligne d’action et de conduite propre.
Il est en outre suggéré que ce syndicat des ouvriers de l’ashram de sri aurobindo élise un Comité qui représente les différentes nuances d’opinion parmi les ouvriers. Ce Comité aurait à recevoir et à étudier les demandes émises par les ouvriers et, après en avoir délibéré et être arrivé à une décision qu’il considère juste et raisonnable, il me les présenterait par l’intermédiaire de son Président, en sollicitant mon action.
Je recevrai avec bienveillance et sympathie toute requête de ce genre et j’agirai pour le mieux en conformité avec le caractère raisonnable de cette demande.
En ces temps de luttes, de conflits, de misère et de souffrance, j’offre à tous ceux qui veulent travailler sous moi, avec moi, la possibilité d’une compréhension réciproque et d’une collaboration fertile et bienfaisante.
5 mars 1946
Ce que j’ai dit aux ouvriers le 21 avril 1952 :
Il n’était pas nécessaire de vous assembler ici et de prendre toute cette peine inutilement. Mais puisque vous êtes là, je vais vous dire certaines choses.
D’abord, vous réclamez vos vêtements. Je ne vous ai jamais dit que vous ne les auriez pas. Mais il est difficile de se les procurer et cela prend du temps. Ils sont maintenant en route et dès qu’ils arriveront, vous serez prévenus.
Quant à l’augmentation de vos salaires, je vous ai déjà répondu et je répète que j’ai dépassé les limites de mes possibilités présentes et je ne puis d’aucune façon accroître les dépenses. Si donc j’augmente le salaire des uns, je serai obligée d’en renvoyer d’autres en compensation. Reste à savoir quel est le plus fort de votre égoïsme individuel et de votre égoïsme collectif. Voulez-vous augmenter votre gain aux dépens du gagne-pain de certains de vos camarades?
Vous vous plaignez d’être misérables; et moi je vous dis que vous êtes misérables parce que vous gaspillez votre argent à boire et à fumer, et que vous gaspillez votre énergie dans des excès sexuels; tout cela, l’alcool, le tabac et les excès ruinent votre santé.
L’argent ne donne pas le bonheur. Ainsi, le Sannyasi qui ne possède rien et qui, le plus souvent, ne mange qu’un repas par jour, est parfaitement heureux s’il est sincère. Tandis que l’homme riche peut être tout à fait malheureux s’il s’est abîmé la santé par des excès et des abus de toute sorte.
Je le répète, ce n’est pas l’argent qui rend heureux, c’est un équilibre intérieur fait d’énergie, de bonne santé et de bons sentiments. Cessez de boire, de fumer et de faire des excès; cessez de haïr et d’envier, et vous ne vous plaindrez plus de votre sort, vous ne trouverez plus que le monde est misérable.
Avril 1952
Aux Employés De L’ashram De Sri Aurobindo
Ce que je voudrais faire pour vous Je vais vous
dire comment je vois la solution de vos problèmes individuels et collectifs, et aussi quelle est la vérité de nos relations.
Mais pour que le programme que je vais vous décrire puisse se réaliser, deux conditions essentielles sont requises. La première est que je possède les moyens financiers de mettre mon plan à exécution. La seconde est que vous fassiez preuve d’un minimum de sincérité, d’honnêteté et de bonne volonté dans votre attitude à mon égard et à l’égard de votre travail. Vous avez la très fâcheuse habitude d’essayer de me tromper; de mauvais conseillers vous ont appris que c’est la meilleure chose à faire dans vos relations avec votre patron; il est possible que lorsque le patron lui-même essaye de vous tromper et de vous exploiter, cette attitude de votre part soit légitime. Mais en ce qui me concerne, c’est une sottise et une maladresse; d’abord parce qu’il n’est pas possible de me tromper et que votre mauvaise foi devient immédiatement évidente et m’enlève tout désir de vous venir en aide, ensuite parce que je ne suis pas « un patron » et que je n’essaye pas de vous exploiter.
Tout mon effort tend à réaliser dans le monde autant de vérité que les circonstances actuelles le permettent; et avec l’accroissement de la vérité, le bien-être et le bonheur de tous doivent nécessairement augmenter.
Pour moi, les différences de castes et de classes n’ont pas de vérité; seule la valeur individuelle compte. Mon but est de créer une grande famille dans laquelle chacun aurait la possibilité de développer pleinement ses capacités et de les exprimer. Chacun aurait sa place et son occupation en conformité avec ses capacités, dans une relation de bonne volonté et de fraternité.
Comme conséquence de cette organisation familiale, il n’y a besoin ni de rémunération, ni de salaire. Le travail ne doit pas être un moyen de gagner sa vie; il doit avoir deux buts : celui de développer la nature et la capacité d’action de chacun, et celui de rendre service dans la mesure de ses moyens physiques et de ses aptitudes morales et intellectuelles, à la grande famille dont on fait partie, et au bien-être de laquelle il est juste qu’on contribue, comme il est juste qu’elle pourvoie à la satisfaction des besoins véritables de chacun de ses membres.
Pour donner une forme concrète à cet idéal dans les conditions actuelles de la vie, je conçois la création d’une sorte de cité pouvant accommoder deux mille personnes environ. Cette cité serait bâtie suivant les plans les plus modernes, conformes aux exigences les plus récentes de l’hygiène et de la santé publiques. Elle comporterait non seulement des maisons d’habitation, mais aussi des jardins et des terrains de sports pour la culture physique. Chaque famille serait logée dans une petite maison séparée, les célibataires seraient groupés selon leurs occupations et leurs affinités.
Aucun des besoins de la vie ne serait oublié. Les cuisines, équipées de la façon moderne la plus hygiénique, distribueraient à tous également une nourriture saine et simple, assurant l’énergie nécessaire pour le bon entretien du corps. Elles fonctionneraient sur une base coopérative de travail en commun et de collaboration.
En ce qui concerne l’éducation, le nécessaire serait pourvu pour l’instruction et le développement intellectuel et moral de tous, enfants et adultes : écoles diverses, enseignement technique des différents métiers, classes de musique et de danse, salle de cinéma où seraient montrés des films instructifs, et salle de conférences, bibliothèque et salle de lecture, éducation physique variée et terrain de sports.
Chacun pourrait choisir le genre d’activité le plus conforme à sa nature et recevrait l’enseignement approprié. Il serait même prévu des jardinets où ceux qui aiment la culture, pourraient faire pousser fleurs, fruits et légumes.
Au point de vue de la santé, il y aurait une visite médicale régulière, un hôpital, un dispensaire, une infirmerie pour l’isolement des cas contagieux. Un service d’hygiène aurait pour occupation exclusive l’inspection de tous les bâtiments publics et privés, pour vérifier que les conditions de propreté les plus rigoureuses sont respectées partout et par tous. Bains publics et blanchisseries communes seront les compléments naturels de ce service, mis à la disposition de tous.
Enfin, de grands magasins seraient constitués, où se trouveraient tous ces petits « extras » qui donnent à la vie de la variété et de l’agrément, et que l’on pourrait se procurer contre des « bons d’achat » distribués en récompense pour tout accomplissement particulièrement remarquable dans le travail ou dans la conduite.
Je ne ferai pas une longue description de l’organisation et du fonctionnement de cette institution quoique tout soit déjà prévu jusque dans les moindres détails.
Il va de soi que pour être admis à vivre dans ce lieu idéal, il faudra satisfaire aux conditions essentielles de bonnes mœurs, de bonne conduite, de travail honnête, régulier et efficace et d’une bonne volonté générale.
Pour le moment, jusqu’à ce que mes moyens financiers me mettent à même de réaliser ce plan, je tiens à vous redire une fois de plus que je fais pour vous toujours tout ce qu’il m’est possible de faire; comme, par exemple, l’arrangement que je viens de faire avec « Honesty Society » pour qu’il vous soit fourni, au prix coûtant, les denrées alimentaires et autres qui vous sont indispensables; et je compte développer ce service peu à peu suivant vos besoins. Ainsi vous voyez que vous n’avez pas besoin de recourir à des réclamations rendues aussi inutiles qu’injustifiées par ma bonne volonté à votre égard.
10 juillet 1954
Connaissez-vous l’histoire de la poule aux œufs d’or? Il y avait un paysan qui, pour toute fortune, possédait une poule; mais cette poule était merveilleuse; tous les deux jours elle lui donnait un œuf d’or. Or, ce paysan, dans son ignorance stupide et cupide, s’imagina que le corps de la poule devait être plein d’or et que s’il l’ouvrait il aurait un grand trésor. Il lui fendit donc le ventre et n’y trouva rien; ainsi il perdit à la fois la poule et les œufs.
Cette histoire nous démontre qu’une cupidité ignorante et stupide est sûre de nous mener à la ruine. Faites-en donc votre profit et comprenez que si vous exigez de moi ce qui est au-delà de mes moyens, et si j’avais la folie de vous céder, j’irais tout droit à la ruine et cela aurait pour résultat que tous les travaux seraient arrêtés et que vous seriez sans travail et par conséquent sans salaire du tout, et sans gagne-pain.
18 mars 1955
Augmenter le salaire de quelques-uns priverait d’autres de leur gagne-pain.
Méfie-toi des différents rapports des ouvriers — ils sont toujours tendancieux.10 Chacun parle toujours selon ses préférences (ses goûts et dégoûts) et déforme les choses.
Comment faire disparaître le manque de confiance chez nos ouvriers?
Peux-tu donner la vue aux aveugles?
L’humanité dans son ensemble — il y a très peu d’exceptions — ne fait pas confiance au Divin, et pourtant sa Grâce est des plus actives.
L’employeur à l’employé
Rien de durable ne peut être établi sans une base de confiance. Et la confiance doit être réciproque.
Vous devez être convaincu que ce n’est pas seulement mon bien que je veux, mais aussi le vôtre. Et je dois savoir et sentir que ce n’est pas seulement pour exploiter que vous travaillez ici, mais aussi pour servir.
Le bien-être du tout dépend du bien-être de chaque partie, et la croissance harmonieuse du tout dépend du progrès de chacune des parties.
Si vous vous sentez exploité, moi aussi j’ai le sentiment que vous cherchez à m’exploiter. Et si vous craignez d’être trompé, moi aussi je sens que vous cherchez à me tromper.
C’est seulement dans l’honnêteté, la sincérité et la confiance que la société humaine peut progresser.
(À propos de la manière de traiter les domestiques.)
Ne pas être indulgent, ne pas être sévère.
Ils doivent savoir que l’on voit tout, mais on ne doit pas les gronder. 2 juillet 1968
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